21 janvier 2015
Cour d'appel de Paris
RG n° 12/07869

Pôle 6 - Chambre 9

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 21 Janvier 2015



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07869



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 juin 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 11/01188









APPELANTE

La Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Michel BERTIN, avocat au barreau de PARIS, R077 substitué par Me Stéphane DUPLAN, avocat au barreau de PARIS,







INTIME

Monsieur [N] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS,G0242







PARTIE INTERVENANTE :

Syndicat SUD RAIL

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS,G0242







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 29 Octobre 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente de la chambre

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée

qui en ont délibéré





Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats













ARRET :



- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du

code de procédure civile

- signé par Madame Christine ROSTAND, président et par Mme Marion AUGER, greffier présent lors du prononcé.





M. [N] [J] a été engagé par la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) le 1er décembre 1982 par contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent de conduite et affecté à l'établissement Traction Pays de la Loire, unité de production de Nantes. Délégué du personnel de 2002 à 2011 et conseiller du salarié depuis 2008, il est aujourd'hui également membre du Comité d'établissement régional (CER) de Nantes et membre du CHSCT Traction de Nantes. Il a accédé à la conduite TGV à compter du 22 novembre 2011 et en dernier état, sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élève à 4 109,09 €.



Avec huit autres salariés élus ou mandatés, M. [J] et le syndicat Sud Rail ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de faire constater que la SNCF aurait contrevenu à ses dispositions statutaires et aux règles fixées par le code du travail en refusant de leur verser l'intégralité de la rémunération qui leur serait due.



Par jugement du 15 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la SNCF à verser à M. [N] [J] les sommes suivantes':

- 11 864,27 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pécuniaire direct

- 3 954,76 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à sa perte de pension

sommes augmentées des intérêts au taux légal calculés à compter du jour du prononcé du jugement avec anatocisme en application des dispositions de l'article 1154 du code civil

- 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

débouté M. [J] du surplus de ses demandes et le Syndicat Sud Rail des siennes et condamné la SNCF aux dépens.



La SNCF a régulièrement interjeté appel du jugement.



A l'audience du 29 octobre 2014, la SNCF, développant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes qui tendent à remettre en cause les dispositions statutaires ayant valeur réglementaire auxquelles est soumis l'agent et renvoyer M. [J] et le Syndicat Sud Rail à se pourvoir devant la juridiction administrative, subsidiairement, les débouter de leurs demandes, en tout état de cause, de constater que les demandes relatives à la période antérieure au 17 janvier 2006 sont prescrites et condamner M. [J] et le Syndicat Sud Rail à lui verser la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



M. [J] et le Syndicat Sud Rail, développant oralement les conclusions visées par le greffier, demandent à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner la SNCF à verser à M. [J]':

- 13 987,22 € au titre de la réparation de son préjudice pécuniaire pour la période courant de l'année 2005 au 30 avril 2014, outre l'ensemble des sommes dues à ce dernier jusqu'à la date du 29 octobre 2014

- 4 662,40 € au titre du préjudice lié à sa perte de pension à parfaire

- 5 000 € au titre de la réparation de son préjudice moral





ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la SNCF de la convocation devant le conseil de prud'hommes en ordonnant capitalisation de ces intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,



- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

à verser au Syndicat Sud Rail de Nantes la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la profession outre 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux dépens.



Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.




MOTIFS



Sur la compétence



L'action de M. [J] et du Syndicat Sud Rail n'ayant pas pour objet de remettre en cause le statut du personnel en vigueur à la SNCF dont ils ne contestent pas la nature réglementaire mais de faire constater que les règles statutaires ne sont pas appliquées au salarié comme elles le sont aux agents non détenteurs de mandat, elle relève de la compétence du juge judiciaire.



Au fond



M. [J] soutient avoir subi une perte de rémunération du fait de l'exercice de ses missions, la SNCF ne l'ayant pas fait bénéficier des mêmes rémunérations et éléments complémentaires de rémunération que ceux attribués aux agents qui ne sont pas détenteurs de mandats syndicaux ou de représentation. Il expose que les conducteurs de trains perçoivent une rémunération composée du salaire de base auquel s'ajoutent des primes, indemnités et allocations, constituant des éléments variables de solde (EVS), visés par le règlement du personnel RH 0131 en ses articles 3 et suivants, et que s'agissant de ces éléments, la SNCF applique aux agents détenteurs de mandats un traitement différent de celui qu'elle réserve aux agents qu'elle considère «' à la production'». Il prétend que la SNCF crée ainsi une distorsion constitutive d'une discrimination dans la rémunération des salariés mandatés et /ou élus par opposition à ceux qui n'exercent aucune activité syndicale et leur fait supporter une discrimination illicite, contraire aux dispositions du code du travail et aux dispositions réglementaires applicables au sein de la SNCF.



La SNCF soutient qu'elle fait une exacte application des dispositions réglementaires applicables en l'espèce et qu'il n'existe aucune discrimination dans la rémunération versée aux représentants du personnel.



Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article'L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.



Par ailleurs, l'article L.2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.





Selon l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



M. [J] exerce son activité dans le cadre du roulement de service sur lequel il est inscrit conformément aux dispositions de la directive RH 0077 prise en application du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, étant précisé qu'au sein de chaque unité de production, il existe plusieurs roulements et que la place des agents dans le roulement dépend de leur place dans le carnet d'affectation de l'établissement où ils sont classés par ordre d'ancienneté par rapport à la date de leur examen de conduite.



Il soutient que les salariés affectés au même roulement effectuent au cours de la même période le même service et que les agents composant ce roulement doivent donc percevoir une rémunération comparable; que cependant, la comparaison de sa rémunération avec celle des agents affectés au même roulement que le sien mais qui ne sont pas détenteurs de mandats syndicaux ou de représentation, montre que ces derniers ont une rémunération plus élevée que la sienne.



Pour étayer ses affirmations, M. [J] produit notamment':



- les comptes rendus des réunions des délégués du personnel tenues au cours de l'année 2007 qui font apparaître que la question de la discrimination constatée à propos de la rémunération des agents disposant de mandats syndicaux a été évoquée à plusieurs reprises et qu'un audit sur cette question a été réclamé à la direction



- un courrier daté du 11 mai 2007 adressé par les délégués du personnel et membres du CHSCT au directeur de l'établissement Sud Rail pour réclamer la régularisation de leurs primes de traction, le paiement des allocations de déplacement et leur complément ainsi que des indemnités de travail des dimanches et fêtes, de travail de nuit et milieu de nuit



- un courrier daté du 28 juin 2007 des mêmes auteurs au directeur de l'établissement sollicitant une concertation immédiate sur ces questions et le relevé de conclusions qui a suivi daté du 3 juillet 2007 constatant l'accord sur le paiement des indemnités mais un désaccord sur les primes de traction et les allocations de déplacement



- un courrier daté du 12 novembre 2010 adressé par MM. [J], [C] et [Z] à l'inspecteur du travail qui fait état des difficultés rencontrées avec la direction à propos de la rémunération des délégués syndicaux dont l'employeur exclut les éléments variables lorsque les agents sont «'dégagés'» pour l'exercice de leurs mandats



- le relevé de conclusions du 10 décembre 2010 qui fait suite à la demande de concertation immédiate sur la rémunération des agents élus ou mandatés



- le courrier de l'inspecteur du travail daté du 3 mai 2011 dans lequel celui-ci informe les délégués syndicaux de la réponse que lui a faite le directeur régional des pays de Loire et relève que le désaccord persiste sur les allocations de déplacement que l'employeur refuse de verser au motif que les agents n'ont pas engagé de frais de déplacement



- un courrier de l'inspecteur du travail de l'Unité territoriale de la Loire Atlantique daté du 12 juillet 2012 adressé à la SNCF exposant qu'après avoir procédé pour l'année 2011 au sein de l'unité de Nantes, d'une part, à la comparaison dans le même roulement de la rémunération de chaque représentant du personnel avec le salarié situé avant lui et avec celui situé après lui et, d'autre part, à la comparaison de la rémunération des représentants du personnel avec celle des autres salariés, il a constaté que si l'égalité de traitement est assurée s'agissant du salaire net, il n'en va pas de même du salaire brut mensuel qui fait apparaître une différence de 560 € entre les représentants du personnel et les autres salariés, la différence au détriment des représentants du personnel venant des allocations de déplacement et du complément d'allocation de déplacement ainsi que des indemnités de travail pour les dimanches et jours fériés et de travail de nuit,'pour conclure que les représentants du personnel de l'établissement font l'objet d'une discrimination



- des tableaux comparatifs des rémunérations sur la période de 2006 à 2014



- ses bulletins de paie sur la période de 2006 à septembre 2014



- sur la même période, les bulletins de paie de trois autres salariés à qui il se compare



M. [J] établit ainsi l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.



La SNCF qui soutient que M. [J] a perçu les indemnités et gratifications auxquelles il avait droit, rappelle que l'article 1er du chapitre 2 du statut des relations collectives entre la SNCF et le personnel dispose que la rémunération se compose d'éléments fixes, soit un traitement et une indemnité de résidence ainsi qu'une prime de fin d'année versée en une seule fois en décembre, et d'éventuels éléments variables de rémunération qui «'peuvent s'y ajouter'», à savoir des primes de travail, des indemnités tenant compte de sujétions particulières, des gratifications, et des allocations attribuées à titre de remboursement de frais'; qu'un agent de conduite perçoit ainsi un traitement de base lié à sa qualification et à son ancienneté mais aussi des primes de traction liées au type de train conduit par l'agent, au type de ligne assuré, au nombre de kilomètres parcourus et aux horaires effectués, outre des indemnités tenant compte de sujétions particulières (horaires de nuit, travail du dimanche etc...), ainsi que des allocations de déplacement.



La SNCF souligne que des dispositions réglementaires prévoient au profit des agents investis de mandats le maintien des indemnités et gratifications, qui assurent à ceux-ci une égalité de traitement en termes de rémunération et d'éléments variables de soldes par rapport aux agents n'exerçant pas de telles missions'; qu'en particulier, selon le RH 0612, les délégués du personnel, membres des comités d'établissement régionaux, du CHSCT ou des comités régionaux ou du comité central d'entreprise dont le roulement de service est connu perçoivent sous la forme d'une indemnité compensatrice de représentation (ICR) le montant des indemnités et gratifications qu'ils auraient perçu s'ils avaient assuré le service normalement prévu'; qu'en outre, il est versé aux agents concernés une indemnité de représentation journalière sur les journées encadrant l'absence'motivée par l'exercice de leur mandat.



Elle soutient qu'en l'espèce, le salarié, intégré dans un roulement où le service est connu par avance, a toujours perçu pour les absences motivées par l'exercice de ses missions syndicales le montant des indemnités et gratifications qu'il aurait perçu s'il avait assuré le service normalement prévu ainsi que la différence entre le montant de l'indemnité compensatrice de représentation journalière et le montant des indemnités perçues lorsque les journées «'encadrantes'» modifiées ont généré moins d'indemnités et gratifications que le montant de l'ICR.



Pour répondre aux éléments fournis par le salarié, la SNCF fait valoir que la seule indication d'une différence de montant mensuel ou annuel d'indemnités entre agents ne suffit pas à rapporter la preuve d'une discrimination, les agents d'un même roulement qui ne sont pas mandatés ayant aussi des rémunérations qui ne sont pas identiques. Pour illustrer ces éventuelles différences, elle cite l'exemple de l'agent de conduite qui pose l'ensemble de ses repos les dimanches et jours fériés et perçoit ainsi moins d'indemnités qu'un agent qui travaille ou qui est en absence syndicale tous les dimanches et jours fériés et justifie par un tableau comparatif que le nombre de dimanches travaillés, que ce soit en service de route ou en absence syndicale, varie selon les salariés affectés au même roulement et que les indemnités de dimanche sont ainsi très variables d'un agent à un autre, qu'il soit ou non représentant du personnel.



Au regard de ces éléments, les comparaisons résultant des tableaux produits par M. [J] à son dossier ne font pas ressortir des différences notables quant aux indemnités de dimanches et fêtes et indemnités de nuit perçues par les agents qu'il soient ou non titulaires de mandats de représentation du personnel ou syndicaux et sur ce point la discrimination syndicale alléguée n'est pas caractérisée.



S'agissant des primes attribuées en fonction du service de route effectué, la SNCF invoque l'article 23.1 de la directive RH 131 sur les primes de travail qui dispose que «'les agents reçoivent', selon l'activité exercée, des primes de travail qui tiennent compte des particularités des différents travaux et de la qualité du travail des intéressés'» et précise que les primes attribuées au personnel de conduite des locomotives, dénommées primes de traction, sont calculées selon les fonctions remplies dans les conditions prévues par la procédure TT 009, soit en fonction du service de route effectué.



Toutefois, il ressort d'un courriel de la directrice des ressources humaines en date du 6 décembre 2010 que l'employeur a lui-même constaté à la suite d'une étude comparative de l'ensemble des primes de traction perçues par chaque agent élu ou mandaté de l'établissement avec celles perçues par les agents étant juste avant ou juste après dans le roulement, que l'écart annuel pour les années 2007, 2008 et 2009 était de 300 à 1000 € au détriment de 11 salariés élus ou mandatés et les tableaux de comparaison produits par l'employeur pour ces mêmes années ne contredisent pas ce constat.



La SNCF a certes corrigé cette inégalité puisqu'il ressort de l'analyse comparative effectuée par l'inspecteur du travail sur l'année 2011, que les primes de traction donnaient lieu à un traitement égalitaire, ce que confirme la comparaison effectuée par la SNCF pour les années 2010 à 2013. Il n'en reste pas moins que pour les années antérieures, soit sur la période non prescrite courant du 17 janvier 2006 à janvier 2011, les primes de traction perçues par M. [J] sont, ainsi qu'il ressort des tableaux comparatifs produits par celui-ci, inexplicablement moins élevées que celles perçues par ses collègues placés dans une situation comparable mais sans responsabilités syndicales. La SNCF qui se contente d'invoquer d'éventuelles erreurs dans le calcul du montant de la prime, ne justifie pas par des éléments objectifs la différence de traitement sur cette période entre les agents ayant des mandats de représentation syndicale et ceux n'en ayant pas. Cette inégalité de traitement dans le montant des primes, dénoncée en vain par les salariés depuis l'année 2007 avant d'être admise à compter de l'année 2011constitue une discrimination syndicale qu'il convient de réparer par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 3 308,47 €, montant des primes dont M. [J] a été privée de 2006 à 2011.



En ce qui concerne les autres primes, telle la prime garantie (chapitre 7 du TT009), la SNCF soutient qu'elle n'a pas vocation à être versée pour compléter les primes liées aux absences des agents. S'agissant d'une prime liée à la production qui s'ajoute au montant total des primes versées à l'agent au titre de son service de route, elle doit être versée aux agents de conduite exerçant un mandat syndical quel qu'il soit, comme aux autres agents. Toutefois, en l'espèce, cette prime ne fait pas l'objet d'un décompte distincte.



La prime acompte-congé est la prime de travail journalière d'un agent. Son montant dépend de la production réalisée par l'agent et il n'est pas démontré au cas particulier que ses variations soient liées à l'exercice d'un mandat syndical.



Les indemnités de conduite ou accompagnement TGV perçues à ce titre par M.[J] depuis qu'il est habilité à conduire une ligne TGV sont inférieures à celle perçues par M. [K] dont le service est comparable au sien et l'employeur n'apporte aucune explication justifiant cette différence de traitement. M. [J] est donc bien fondé à réclamer réparation à ce titre à hauteur de la somme de 900,38 € selon décompte arrêté au 30 septembre 2014.









S'agissant des allocations de déplacement et des compléments d'allocation de déplacement, la SNCF fait valoir que conformément au chapitre 2 du Statut et à la directive RH 0131 qui, à l'article 111, prévoit que les agents qui doivent se déplacer pour assurer leur service reçoivent des allocations de déplacement destinées à compenser forfaitairement leurs frais supplémentaires engagés à l'occasion de leur service, elle les a toujours considérés comme des remboursements forfaitaires de frais réellement engagés et non comme des salaires.



L'article 121 de la directive précise que les allocations de déplacement au personnel roulant comprennent une allocation horaire dont le taux est différent selon qu'il s'agit des 5 premières heures de déplacement ou des heures de déplacement au-delà de la 5ème heure et d'une allocation supplémentaire, dite de nuit, pour chaque heure ou fraction d'heure de déplacement comprise entre 21h et 6h.



Les allocations de déplacement aux représentants du personnel sont soumises aux dispositions particulières de l'article 118 du RH 0131 qui renvoie au RH 226 prévoyant que «'les délégués et représentants du personnel reçoivent à l'occasion des déplacements effectués sur convocation de l'entreprise les allocations de déplacement du régime général'». Le régime général des allocations du personnel sédentaire, prévu à l'article 112 de la directive RH 0131, différencie l'allocation partielle pour repas, l'allocation partielle pour découcher et l'allocation complète pour repas et découcher et les agents n'y sont éligibles que lorsqu'ils sortent pour les besoins du service de leur zone normale d'emploi.

Il résulte de ces textes que les allocations de déplacement correspondent à des frais réellement exposés par le salarié dans des circonstances particulières et que n'étant pas de nature salariale, elles ne sauraient constituer un complément de rémunération.



C'est de façon peu pertinente que M. [J] prétend comparer un déplacement dans le cadre de son activité d'élu ou de délégué syndical à la situation de l'agent effectuant une journée de service dite «'de réserve à disposition'» de l'employeur dans un local dédié, prêt à partir pour la conduite d'un train en remplacement immédiat d'un conducteur prévu mais absent au départ de son train en raison d'un retard ou d'une maladie non anticipée. Ce service est considéré comme une journée de route, indépendamment de la conduite ou non d'un train et donne lieu au versement des allocations de déplacement du régime roulant à la différence du service facultatif des agents de conduite qui ne sont pas inclus dans un roulement et se trouvent disponibles à leurs domicile dans l'attente d'une commande de leur établissement et qui ne perçoivent pas d'allocations de déplacement s'ils n'ont pas été sollicités.



M. [J] est donc mal fondé à demander le versement des allocations de déplacement du personnel roulant comprenant les allocations de travail de nuit qui lui auraient été versées s'il avait effectué son service de train tel que programmé dans son roulement alors même qu'il se trouvait dans l'exercice de ses fonctions d'élu ou de délégué syndical. Tout au plus, pouvait-il réclamer l'allocation du régime général des agents sédentaires à condition de justifier avoir été convoqué par l'entreprise pour une activité située hors zone de son emploi.



Le tableau dressé par la SNCF qui inclut dans les journées de route effectuées par M. [J] les réunions convoquées par le service au cours des années 2007, 2008, 2009 et 2010 montre que M. [J] a effectué au cours de ces quatre années 20 à 50 journées de route de moins que les deux autres agents à qui il est comparé. Les différences importantes dans le montant des allocations de déplacement des agents s'expliquent dès lors par le nombre de journées de route effectuées dans l'année par les agents d'un même roulement et non par l'exercice de fonctions représentatives.



L'existence d'une discrimination syndicale quant aux allocations de déplacement n'est pas établie et M. [J] sera débouté des demandes faites sur ce fondement, le jugement étant infirmé sur ce point.



La SNCF sera donc condamnée à versée à M. [J] la somme de 3 308,47 € outre celle de 900,38 € à titre de dommages et intérêts. S'agissant d'indemnités destinées à compenser les éléments de salaire dont l'agent a été privé du fait de la discrimination dont il a été victime, les intérêts au taux légal sur la première de ces deux sommes, déjà allouée en première instance sont dus à compter du 15 juin 2012, date du jugement, et à compter du présent arrêt s'agissant de la seconde qui résulte d'une demande nouvelle formée en cause d'appel.



La capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1154 du code civil étant de droit lorsqu'elle est demandée, elle sera ordonnée.



M. [J] est fondé à demander réparation du préjudice moral qu'il a subi en raison de la discrimination dont il a été victime et il lui sera alloué à ce titre la somme de 1 000 €.



M. [J] sollicite encore des dommages et intérêts réparant le préjudice résultant de l'incidence de la discrimination subie sur ses droits à la retraite. Il n'est pas contesté cependant que la pension de retraite des agents de la SNCF est calculée en prenant en considération les trois meilleures années de rémunération de l'agent. En l'espèce, la somme due à M. [J] au titre de la prime de traction portant sur une période antérieure à 2011, elle n'aura pas d'incidence sur son droit à pension alors que depuis 2011, sa rémunération mensuelle de base a augmenté de façon significative. Ne justifiant pas du préjudice qu'il allègue, M. [J] sera débouté de sa demande, le jugement étant infirmé sur ce point.



Le Syndicat Sud Rail est recevable en son intervention formée en application de l'article L.2132-3 du code du travail. Les mesures discriminatoires prises par la SNCF en considération de l'exercice de l'activité syndicale de M. [J] sont génératrices d'un préjudice subi par la profession d'agent de conduite à laquelle il appartient dont le Syndicat Sud Rail est fondé à demander réparation. Compte tenu des circonstances de l'espèce, il lui sera alloué la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.



La SNCF sera condamnée aux dépens et versera à M. [J] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et au Syndicat Sud Rail la somme de 200 € sur le même fondement.



PAR CES MOTIFS



LA COUR,



SE DÉCLARE compétente';



INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a constaté l'existence d'une discrimination syndicale ainsi qu'en ses dispositions sur la somme allouée à M. [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens';



Statuant à nouveau et y ajoutant,



CONDAMNE la SNCF à verser à M. [N] [J] les sommes suivantes':



- 3 308,47 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inégalité de traitement quant au versement de la prime de traction sur la période courant du 17 janvier 2006 à janvier 2011, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2012

- 900,38 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inégalité de traitement quant à l'indemnité de conduite ou d'accompagnement TGV sur la période de 2012 à octobre 2014, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision

- 1000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral



ORDONNE la capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1154 du code civil';



DÉBOUTE M. [N] [J] du surplus de ses demandes';



CONDAMNE la SNCF à verser au Syndicat Sud Rail la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.



CONDAMNE la SNCF à verser à M. [N] [J] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile';



CONDAMNE la SNCF à verser à M. [N] [J] la somme de 200 € au Syndicat Sud Rail sur le même fondement';



CONDAMNE la SNCF aux dépens d'appel.











LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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