26 juin 2014
Cour d'appel de Paris
RG n° 13/12711

Pôle 5 - Chambre 9

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 26 JUIN 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/12711



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 13/00201





APPELANT :



Monsieur [X] [Q]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 4] (Maroc)

de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par : Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assisté de : Me William FEUGÈRE de la SELARL FEUGERE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0486







INTIMEE :



Société INTERFIMO

ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515 assistée de : Me Denis-clotaire LAURENT (cabinet TGLD), avocat au barreau de PARIS, toque : R010





PARTIE INTERVENANTE :



SCP [W] [Z] - [J] [Y],

ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Monsieur [X] [Q]

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 2]

prise en la personne de Maître [J] [Y], y domicilié



représentée par : Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assistée de : Me William FEUGÈRE de la SELARL FEUGERE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0486







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François FRANCHI, Président de chambre et Madame Michèle PICARD, Conseillère, chargée du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur François FRANCHI, Président de chambre

Madame Michèle PICARD, Conseillère

Madame Evelyne DELBES, Conseillère appelée d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire

qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET



MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public.



ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François FRANCHI, président et par Madame Violaine PERRET, greffier présent lors du prononcé.








Suivant contrat en date du 3 juillet 1998, le Crédit lyonnais a prêté à Monsieur [X] [Q] la somme de 1.987.200 francs remboursable en 84 mois destinée à financer la promesse faite par la société Consultaudit de lui présenter sa clientèle d'expertise-comptable, d'audit et de commissariat aux comptes.



La société Interfimo s'est portée caution envers le Crédit lyonnais de la totalité des sommes dues. La société Consultaudit a consenti un engagement de sous-caution solidaire au profit de la société Interfimo limité à la somme de 1 000 000 francs .



Monsieur [X] [Q] n'a pas exécuté ses engagements de sorte que la société lnterfimo a réglé au Crédit lyonnais en sa qualité de caution la somme de 1 680 183,37 euros représentant les échéances de remboursement échues d'avril 2000 à mars 2001 et le capital restant dû fin mars 2001.



Le Crédit lyonnais a délivré à la société Interfimo, le 14 mars 2001, une quittance subrogative dans tous ses droits et privilèges.



Un litige était entre temps survenu entre Monsieur [Q] et la société Consultaudit sur les conditions dans lesquelles cette société avait exécuté sa promesse de présentation de clientèle. Monsieur [X] [Q] a alors engagé devant le tribunal de grande instance de Paris une action en nullité du contrat de présentation de clientèle et en paiement de diverses sommes à l'encontre de la société Consultaudit.



La société Interfimo a exercé quant à elle son recours contre Monsieur [Q] et elle a saisi le même tribunal.



Par jugement en date du 5 juillet 2005, le tribunal de grande instance de Paris a joint les instances et notamment condamné Monsieur [Q] à payer à la société Interfimo la somme de 259. 585,20 euros majorée des intérêts au taux de 8,90% l'an sur la somme de 256 142,30 euros à compter du 24 mars 2001 jusqu'au règlement intégral et condamné la société Consultaudit solidairement avec Monsieur [Q] au paiement de cette somme dans la limite de 155.751.12 euros avec intérêts . Diverses autres condamnations ont été prononcées à l'encontre de la société Consultaudit au profit de Monsieur [Q].



Les parties s'accordent pour affirmer que la condamnation prononcée contre Monsieur [Q] au profit de la société Interfimo est aujourd'hui irrévocable.



*



Monsieur [X] [Q] a été placé en redressement judiciaire par le tribunal de grande instance d'Evry le 24 septembre 2009 à la demande de la société lnterfimo.



La société Interfimo a déclaré une créance au passif de Monsieur [Q] à concurrence de la somme de 203.026,52 euros qui a été contestée.



Par ordonnance en date du 2 novembre 2010, le juge-commissaire a admis la créance de la société Interfimo pour la somme de 202.237,28 euros majorée des intérêts au taux de 8,90% sur le principal de 161 121,68 euros à compter du 24 septembre 2009.



Puis Monsieur [X] [Q] a été mis en liquidation judiciaire le 23 février 2012. La clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif a été prononcée le 14 septembre 2012.



*



Par requête en date du 15 mars 2013 fondée sur les dispositions de l'article L643-11, II, du code de commerce, la société Interfimo a demandé au Président du tribunal de grande instance d'Evry qu'il soit fait injonction à Monsieur [Q] de lui payer la somme de 202.237,28 euros arrêtée au 24 septembre 2009, outre intérêts postérieurs au taux de 8,90% sur le principal de 161.121,68 euros à compter du 24 septembre 2009 jusqu'à parfait paiement et qu'il soit rappelé que cette injonction se trouve exécutoire par provision.



Par ordonnance en date du 13 juin 2013, le Président du tribunal de grande instance d'Evry a constaté que la société Interfimo remplissait les conditions prévues à l'article L643-11 du code de commerce et qu'elle avait donc recouvré son droit de poursuite individuelle à l'encontre de Monsieur [Q] et il a condamné Monsieur [Q] à payer à Interfimo la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.



Le Président du tribunal de grande instance d'Evry a rappelé qu'après le jugement de clôture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, la caution qui a payé au lieu et place de ce débiteur peut poursuivre celui-ci, soit en exerçant un recours subrogatoire sous réserve que le créancier ait déclaré sa créance, soit en exerçant un recours personnel dés lors qu'elle a elle-même déclaré sa créance, qu'en l'espèce Interfimo avait payé la dette de Monsieur [Q] en mars 2001, qu'elle avait déclaré sa créance au passif de Monsieur [Q], que cette créance avait été admise et qu'elle avait donc recouvré son droit de poursuite individuelle, peu important qu'elle ait exercé un recours et obtenu un titre exécutoire contre lui avant le jugement d'ouverture dès lors qu'elle n'avait pas été intégralement payée. Par ailleurs, compte tenu de l'existence d'un titre exécutoire antérieur au jugement d'ouverture et d'une ordonnance d'admission de la créance il convenait de limiter la décision au constat que la société Interfimo remplissait bien les conditions prévues par l'article L643-11-V du code de commerce sans prononcer d'injonction de payer.



Monsieur [X] [Q] a interjeté appel de cette ordonnance le 25 juin 2013.



*



Il convient de préciser qu'à la suite de cette ordonnance, la créance d'Interfimo étant devenue exigible immédiatement et Monsieur [Q] ne pouvant la payer, ce dernier a sollicité l'ouverture d'une procédure de sauvegarde qui lui a été refusée le 12 juillet 2013 et il a donc déclaré à nouveau sa cessation des paiements le 16 juillet 2013. Une nouvelle procédure de redressement judiciaire a été ouverte par le tribunal de grande instance d'Evry le 10 octobre 2013, la date de cessation des paiements étant fixée au 13 juin 2013, date de l'ordonnance attaquée. Ce jugement a été, sur tierce opposition d'Interfimo, confirmé par un jugement du 9 janvier 2014.




****



Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 20 mai 2014 Monsieur [Q] demande à la cour de :



- Dire que la SA Interfimo ne peut être autorisée à reprendre l'exercice individuel de ses poursuites contre Monsieur [X] [Q] sur le fondement de l'article L.643-11, II du Code de commerce ;



En conséquence :



- Infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions.

- Débouter la SA Interfimo de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

-Condamner la SA Interfimo à verser à Monsieur [X] [Q] la somme de 16.225,80 €uros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



**



La société Interfimo a transmis ses dernières conclusions par RPVA le 19 mai 2014. Elle demande à la cour de :



- Confirmer l'ordonnance rendue par le Président du tribunal de grande instance d'Evry en date du 13 juin 2013 en ce qu'elle a constaté que la société Interfimo répondait aux conditions des paragraphes II et V de l'article L. 643-11, II du Code de Commerce et l'a autorisé à reprendre ses poursuites à l'encontre de Monsieur [Q],

- Infirmer l'ordonnance susvisée en ce qu'elle n'a pas statué sur le montant de la créance que la société Interfimo est autorisée à recouvrir à l'encontre de Monsieur [Q],



Et statuant à nouveau,



- Autoriser la société Interfimo à reprendre ses poursuites à l'encontre de Monsieur [X] [Q] à hauteur de la somme de 254.528,55 € arrêtée au 17 mai 2013 outre intérêts postérieurs au taux de 8,90% sur le principal de 161.121,68 €,

- Condamner Monsieur [X] [Q] à payer à la société Interfimo la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.










SUR CE,



Monsieur [X] [Q] fait valoir qu'il convient en l'espèce d'appliquer l'article L.643-11, I du code de commerce qui ne permet pas la reprise des poursuites individuelles des créanciers suite à la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif.



Il soutient en premier lieu que la société Interfimo, en procédant au paiement, a perdu sa qualité de caution depuis 2001 en application des articles 2311 et 1234 du code civil. Elle est devenue créancière personnelle de Monsieur [Q]. La créance dont elle se prévaut n'a pas pour fondement son engagement de caution, ni même la quittance subrogative du Crédit Lyonnais mais le jugement exécutoire du 5 juillet 2005.



Il soutient en second lieu qu'Interfimo ne peut se prévaloir de l'article L643-11, II du code de commerce applicable aux seules cautions privées du droit d'agir et que cette disposition ne peut en revanche s'appliquer à la caution qui a réglé et obtenu un jugement exécutoire antérieurement et qui a déclaré sa créance, provoquant la procédure collective. Cette caution n'en est plus une : elle est devenue un créancier chirographaire classique, qui a bénéficié de tous ses droits d'action, jouissant de toutes les garanties de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Un tel créancier, parfaitement subrogé dans les droits et actions d'un créancier ordinaire, et devenu à son tour créancier ordinaire, doit donc se voir soumis à la règle de principe de l'article L.643-11, I du Code de commerce, qui interdit tout recours contre le débiteur liquidé pour insuffisance d'actif. La faculté de poursuivre le débiteur ne peut être accordée, selon lui, qu'à la caution qui n'a pas eu la faculté d'obtenir un titre exécutoire contre le débiteur avant l'ouverture d'une procédure collective.



La société lnterfimo soutient qu'elle démontre sa qualité de caution, son règlement opéré en cette qualité, et l'admission définitive de sa créance et qu'elle est ainsi fondée à reprendre les poursuites à l'encontre de Monsieur [Q] après le jugement de clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci.



Aux termes des dispositions de l'article L643-11 du code de commerce 'Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf si la créance résulte :

1°...

2°...

II - Toutefois la caution ou le coobligé qui a payé au lieu et place du débiteur peut poursuivre celui-ci.

(...)'



La cour constate que les dispositions de cet article ne distinguent pas selon que la caution a payé à la place du débiteur principal avant l'ouverture de la procédure ou postérieurement ni selon que le recours de la caution soit un recours personnel ou subrogatoire.



Il est en effet admis que la caution qui a du payer à la place du débiteur principal est dans une situation différente de celle des autres créanciers, peu important à cet égard que la caution dispose déjà d'un titre exécutoire. Le caractère accessoire de la caution, qui a du payer à la place du débiteur principal la met dans une situation différente des autres créanciers et lui permet d'exercer un recours dont les autres ne disposent pas. Le fait d'avoir obtenu un titre exécutoire ne lui fait pas perdre sa qualité.



Il convient de noter à cet égard que l'article L643-11 V du code de commerce mentionne expressément la nécessité d'obtenir une ordonnance du président du tribunal quand bien même un titre exécutoire aurait déjà été délivré, l'existence d'un titre exécutoire ne faisant donc pas obstacle à la reprise des poursuites individuelles. Il est à noter au surplus qu'en vertu de l'arrêt des poursuites individuelles, ce titre exécutoire ne pouvait être délivré qu'antérieurement à l'ouverture de la procédure.



Ainsi, les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions prévues à l'article L. 643-11 du code de commerce.



En l'espèce, la société Interfimo remplit les conditions nécessaires à la reprise des poursuites individuelles, elle a payé la dette cautionnée de Monsieur [Q] à la banque, elle a déclaré sa créance au passif de la procédure et elle y a été admise. N'ayant pas été remboursée par Monsieur [Q], le débiteur principal c'est à juste titre que le premier juge a fait droit à sa demande.



La société Interfimo demande à la cour de statuer sur le montant de la créance qu'elle est autorisée à recouvrir.



La cour relève que la société Interfimo dispose déjà d'un titre exécutoire puisqu'un jugement a été rendu en sa faveur le 5 juillet 2005 et que sa créance a été admise par ordonnance du juge commissaire au passif de la procédure de Monsieur [Q].



Cette demande sera en conséquence rejetée.



Sur l'article 700 du Code de procédure civile



La société Interfimo sollicite le paiement de la somme de 4.000 euros sur ce fondement.



Il serait inéquitable de lui laisser la charge des frais qu'elle a engagés et qui ne sont pas compris dans les dépens.



Il lui sera en conséquence allouée la somme de 2.000 euros à ce titre.



PAR CES MOTIFS



Confirme l'ordonnance rendue le 13 juin 2013 par le président du Tribunal de Grande Instance d'Evry,



Rejette le surplus des demandes ;



Condamne Monsieur [X] [Q] à payer à la société Interfimo la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;



Condamne Monsieur [X] [Q] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.





LA GREFFIÈRE, LE PRESIDENT,





V. PERRET F. FRANCHI

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