12 novembre 2014
Cour d'appel de Paris
RG n° 12/13678

Pôle 5 - Chambre 4

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 12 NOVEMBRE 2014



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13678



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS -13ème chambre - RG n° 2010015093





APPELANTE :



Société BAREL FRANCE

SAS immatriculée au RCS de Créteil sous le n° 327.492.666

ayant son siège [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

ayant pour avocat plaidant : Me Denis-Claude BERNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0649





INTIMEE :



SAS CORA

immatriculée au RCS de Paris sous le n ° 786.920.306

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

ayant pour avocat plaidant : Me Olivier BINDER de la SCP GRANRUT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise COCHIELLO, Présidente, chargée du rapport et Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère,



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre

Madame Irène LUC, Conseillère

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, rédacteur

qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET





ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.








Depuis 1983, la SASU BAREL FRANCE, dont l' activité est le commerce ainsi que la vente en gros de tous articles de confection et qui travaille essentiellement avec la grande distribution spécialisée en confection masculine, est le fournisseur de la SAS CORA, qui est un distributeur ayant pour activité la vente des produits alimentaires et non alimentaires dans ses hypermarchés.



Par lettre recommandée du 15 juin 2009, la société CORA a notifié à la société BAREL FRANCE son intention de cesser ses approvisionnements à compter du 31 décembre 2009.



Par courriers des 27 juillet et 16 septembre 2009, la société BAREL FRANCE a demandé un rendez-vous au directeur de la société CORA non alimentaire 'afin d'aborder les causes de cette rupture'.



Par courrier du 25 septembre 2009, le directeur de la société CORA non alimentaire a donné son accord pour un rendez-vous et a précisé 'Cette décision est notamment liée à la volonté de nos enseignes de rationaliser leurs assortiments en magasin et ne remet nullement en cause le professionnalisme de votre société.'



Par acte du 23 février 2010, la société BAREL FRANCE a assigné la société CORA devant le tribunal de commerce de Paris en lui reprochant une rupture brutale partielle puis totale des relations commerciales établies.



Par jugement du 18 juin 2012 le tribunal de commerce a :

- condamné la société CORA à payer à la société BAREL FRANCE la somme de 64 778 € à titre de réparation du préjudice né de la rupture avec les intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,

- condamné la société CORA à payer à la société BAREL FRANCE la somme de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la société CORA aux dépens de l'instance.



Le 19 juillet 2012, la société BAREL FRANCE a interjeté appel de ce jugement.


Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 8 septembre 2014, par lesquelles la société BAREL FRANCE demande à la cour de :

- dire et juger la société CORA mal fondée en son appel incident ainsi qu'en toutes ses demandes et l'en débouter,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que la société CORA et la société BAREL FRANCE ont entretenu des relations commerciales suivies, importantes et croissantes pendant plus de vingt six années,

- constater que le chiffre d'affaires réalisé par la société BAREL FRANCE avec la société CORA a régulièrement augmenté depuis 1983, plus particulièrement de 30% en moyenne entre 2002 et 2005,

- constater que la société CORA a, d'abord partiellement entre 2005 et 2009, puis brutalement rompu le 15 juin 2009, ses relations commerciales entretenues avec la société BAREL FRANCE,

- dire et juger que la société CORA a été l'auteur d'une rupture dans un premier temps partielle de ses relations commerciale entretenues avec la société BAREL FRANCE de 2006 à 2009, et réformer de ce chef, le jugement entrepris,

- dire et juger que la décision prise par la société CORA le 15 juin 2009 de cesser toutes relations commerciales avec la société BAREL FRANCE au-delà du 31 décembre 2009, s'analyse en une rupture brutale au sens de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé insuffisant et non respecté, le préavis notifié par la société CORA,

- la réformer sur la durée du préavis fixé par le tribunal et statuant à nouveau, juger qu'au regard de la durée de 26 années des relations commerciales entre les parties, un préavis d'au moins 16 mois aurait été nécessaire,

- dire et juger que la société CORA a agi avec intention de nuire à l'égard de la société BAREL FRANCE, notamment en exerçant des représailles à son encontre après avoir tenté d'exiger des compensations injustifiées lors de l'application de la loi LME sur les délais de paiement,

- dire et juger que la société CORA a engagé sa responsabilité envers la société BAREL FRANCE et qu'elle devra réparer le préjudice causé directement et indirectement,

- réformer le jugement en ce qu'il a limité à 64 778 € l'évaluation du préjudice subi par la société BAREL FRANCE, et statuant à nouveau de ce chef, condamner la société CORA à payer à la société BAREL FRANCE, la somme de 1 710 096 €, subsidiairement à la somme de 644 284 € en réparation de l'ensemble des préjudices subis, avec intérêts au taux légal,

- subsidiairement, ordonner une mesure d'expertise en désignant tel expert judiciaire qui recevrait pour mission de :

* calculer exactement le chiffre d'affaires réalisé par la société BAREL FRANCE avec la société CORA entre 2002 et 2005,

* calculer la marge bénéficiaire moyenne appliquée durant cette même période par la société BAREL FRANCE,

* proposer une indemnisation équitable des préjudices subis par la société BAREL FRANCE,

- condamner la société CORA à payer à la société BAREL FRANCE la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société CORA aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers dont distraction au profit de Me Anne-Marie OUDINOT, avocat, aux offres de droit.





Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 16 septembre 2014, par lesquelles la société CORA demande à la cour de :

Aux visas des articles 1149 et 1382 du code civil, L. 442-6-I-5 du code de commerce, 564 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* constaté que la diminution du chiffre d'affaires réalisé par la société BAREL avec la société CORA était liée :

- au refus de la société BAREL d'honorer de nombreuses commandes inférieures à 1000 pièces entre 2005 et 2007 et à son absence de collection pour l'hiver 2009,

- à une certaine désaffection pour les produits de la société BAREL dans un contexte de chute globale des ventes de chemises,

* constaté que la baisse du chiffre d'affaires de 2005 jusqu'en 2009 a été contractuellement anticipée par les parties,

* constaté que la société CORA a régulièrement mis fin à la relation commerciale qu'elle entretenait avec la société BAREL,

* jugé que la rupture brutale des relations commerciales établies n'est pas caractérisée,

- infirmer le jugement rendu dans toutes ses autres dispositions,

et statuant à nouveau :

A titre principal :

- dire et juger que le préavis d'une durée de six mois et demi, notifié par la société CORA, est suffisant eu égard au contexte des relations entre les parties, et a été respecté par la société CORA,

- dire et juger que la société BAREL ne justifie d'aucun préjudice,

A titre subsidiaire :

- rejeter les demandes indemnitaires présentées par la société BAREL,

En tout état de cause,

- déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées pour la 1ère fois en cause d'appel par la société BAREL, visant les articles 1382 du code civil ainsi que les articles L.442-6 I 2° et L.420-2 du code de commerce,

- rejeter l'intégralité des autres demandes formulées par la société BAREL,

- condamner la société BAREL à payer à la société CORA la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me TEYTAUD, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.





CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,



Sur la rupture des relations commerciales établies :



Considérant que la société BAREL FRANCE expose qu'elle entretient des relations commerciales établies avec la société CORA depuis 1983 ; que cette relation a été progressive de 1983 jusqu'en 2005, puis décroissante de 2006 au 15 juin 2009, date à laquelle la société CORA a pris la décision d'y mettre un terme au 31 décembre 2009 ; que de façon préméditée et dissimulée, la société CORA a réduit ses commandes à compter de 2005, soit une régression du chiffre d'affaires de plus de 55 % en 4 ans, qui coïncide avec le remplacement par Mme [T], à la fin de l'année 2004, du précédent acheteur de la centrale d'achat de la société CORA ; que les quantités commandées pour certaines références par Mme [T] étaient devenues si dérisoires pour une centrale d'achat, qu'un seul magasin visité en direct pouvait les commander et même les dépasser ; que l'importance des commandes passées en l'espace de 6 heures au 'salon des opportunités', démontre que ce ne sont pas les magasins qui n'ont plus voulu des produits BAREL ; qu'en passant des commandes de si petits volumes, la société CORA la contraignait à les refuser en raison des exigences de la mise en production auprès des fournisseurs asiatiques, bien connues de Mme [T] ;



Considérant que la société BAREL FRANCE soutient que face à son refus d'une nouvelle remise, dite ' ristourne pour communication de statistiques de vente' de 2,5 %, mise en place par la société CORA, à compter du 1er janvier 2009, pour contrecarrer l'incidence sur sa trésorerie de l'application des dispositions de la loi de modernisation de l'économie (LME), Mme [T], acheteur textile homme, a décidé, par mesure de représailles, de ne pas faire participer l'appelante au 'salon des opportunités' prévu en mai 2009 ; que ce n'est que quelques jours avant ce salon que la société BAREL FRANCE a été autorisée à y participer, mais en étant très mal placée, hors le passage et la vue des clients potentiels ; que les accords commerciaux que la société CORA lui adressait chaque année, qui sont des contrats d'adhésion, ne faisaient pas l'objet d'une réelle négociation, les discussions ne portant que sur les conditions de paiement et de remise mais en aucun cas sur le chiffre d'affaires prévisionnel, qui relevait d'une décision interne de la société CORA ; qu'il n'y a donc pas eu de manifestation de volonté conjointe de réduire et de cesser les relations commerciales ;





Considérant que la société BAREL FRANCE fait valoir qu'elle ne pouvait se permettre de rompre avec un client aussi important, avec lequel elle a réalisé jusqu'en 2005, près de 12 % de son chiffre d'affaires global annuel ; que le document intitulé ' synthèse Négo', annexé aux documents contractuels du mois de février 2009, porte la mention 'objectifs : fermés', ce qui démontre que la décision de rupture, prise officiellement le 15 juin 2009, était préparée et préméditée ; qu'en réalité c'est son refus, en février 2009, de la pratique déloyale mise en place par la société CORA afin de compenser l'incidence de la loi LME sur sa trésorerie par la création de remises, qui a été l'élément déclencheur de la décision de rompre les relations commerciales ;



Considérant que l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties durant 26 années n'est pas contestée ; qu'il est également constant que le chiffre d'affaires réalisé par la société BAREL FRANCE avec la société CORA a diminué progressivement de 2006 à 2009 ; qu'il résulte des documents produits aux débats, qu'au début de chaque année, les parties concluaient des accords commerciaux en signant plusieurs contrats et engagements destinés à régir leur relation commerciale pour l'année ; que sont notamment produits les documents intitulés 'accord commercial' pour les années 2006 à 2009, signés par la société BAREL FRANCE, qui mentionnent 'statut du contrat : négociation' ; que ces pièces font apparaître que le contenu de ces 'accords commerciaux', notamment le chiffre d'affaires prévisionnel et les ristournes, était soumis à une négociation entre les parties ; que cette situation est confirmée par les documents intitulés 'Synthèse négo', également approuvés et signés par l'appelante, qui indiquent le montant des achats et le pourcentage des remises prévus pour chaque année, avec mention des variations par rapport à l'année précédente ;



Considérant que les pièces versées par la société BAREL FRANCE démontrent que les ristournes accordées à la société CORA faisaient l'objet d'une négociation effective entre les parties ; que dans son courriel du 6 novembre 2008 adressé à Mme [T], la société BAREL FRANCE mentionne ' Nous faisons suite à votre rencontre en date du 5/11/2008 avec M. [M], en nos locaux, relative aux négociations pour l'année 2009..." ; que dans son courriel du 5 février 2009, Mme [T] adressait à la société BAREL FRANCE une proposition relative aux remises et ristournes en écrivant ' Suite à notre dernière conversation téléphonique de ce jour, je vous remets le dernier point relatif aux négociations 2009" ; que par courrier du 6 février 2009, l'appelante a répondu que la société CORA souhaitant 'opter pour l'application du nouvel accord de branche des industries textiles, à savoir l'échelonnement des délais de paiement prévoyant de ramener entre 60 et 90 jours, les délais de paiement pour l'année 2009. (signé le 23 décembre 2008). Par conséquent, la ristourne de 0,67 % accordée parce que le délai de paiement avait été réduit à 45 jours FDM, devient caduque' ; que cette contreproposition a été acceptée par la société CORA ;



Considérant qu'il apparaît ainsi que les négociations, instituées en fin d'année pour aboutir aux accords commerciaux prévisionnels signés en février de l'année suivante, donnaient lieu à des rendez-vous et des réunions, qui étaient ultérieurement formalisées par des accords rédigés par la société CORA et soumis à la signature de la société BAREL FRANCE qui pouvait faire valoir des observations, des contestations, des contrepropositions ou proposer une modification aux conventions qui lui étaient soumises par voie d'avenant ;



Considérant qu'il apparaît que la fixation du chiffre d'affaires prévisionnel annuel faisait l'objet d'une négociation préalable entre les parties ; que la société BAREL FRANCE, qui n'a pas contesté le montant des chiffres d'affaires prévisionnels prévus aux contrats successifs qu'elle a signé, ne produit aucune pièce établissant que la baisse du courant d'affaires n'a pas été prévue conjointement mais lui aurait été imposée ; que l'échange de courriels des 29 août et 6 septembre 2006 'Déclaratif annuel chiffre d'affaires 2006 rayon', auquel se réfère la société BAREL FRANCE démontre, contrairement à ses affirmations, que c'est elle qui communiquait à l'intimée les chiffres d'affaires estimatifs ; que les échanges de courriels versés aux débats établissent que la diminution du chiffre d'affaires de la société BAREL FRANCE s'explique en partie par son choix de refuser les commandes dont elle estimait les quantités insuffisantes, alors que l'intimée justifie qu'un des concurrents de l'appelante acceptait de telles commandes ;



Considérant que la société CORA démontre que la diminution des commandes s'inscrit dans un contexte économique, d'une part, de baisse du marché des 'petites pièces hommes' en 2008 et 2009 et d'autre part, de diminution de moitié en 13 ans de la part de marché de la grande distribution dans ce secteur ; que le tableau du chiffre d'affaires total produit par l'appelant montre, que sur cette même période, son chiffre d'affaires a également diminué de façon significative et progressive avec les autres enseignes de la grande distribution dont elle est le fournisseur ;



Considérant qu'aucune pièce produite aux débats ne permet d'accréditer les reproches faits par l'appelante à Mme [T] ; que la seule production d'un courriel de Mme [T], transmettant à la société BAREL FRANCE, le 24 avril 2009, 'votre invitation au salon des opportunités' du 6 mai 2009, auquel l'appelante a effectivement participé, est insuffisant à rapporter la preuve que la Société BAREL FRANCE a fait l'objet d'une mesure de représailles, même si les précédentes invitations lui avaient été transmises 4 à 6 semaines avant le salon ; que le grief de représailles n'est pas non plus établi par l'emplacement occupé par la société BAREL FRANCE à ce salon, dès lors que l'emplacement est librement choisi par les fournisseurs et que le nom de l'appelante figurait sur liste des participants ;



Considérant qu'en conséquence, d'une part, la diminution du chiffre d'affaires de la société BAREL FRANCE avec la société CORA, entre 2006 et 2009, qui a été progressive et prévisible pour cette société, n'a pas de caractère imprévu et brusque ; que, d'autre part, l'appelante ne rapporte pas la preuve que cette diminution a été voulue de façon unilatérale et délibérée par la société CORA ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société BAREL FRANCE de ses demandes au titre de la rupture partielle des relations commerciales établies ;



Considérant que, par courriel du 25 septembre 2008, la société BAREL FRANCE a annulé un rendez-vous avec la société CORA en indiquant 'Suite à notre entretien téléphonique de ce jour, je vous confirme que nous n'aurons pas de collection long terme pour l'hiver 2009" ; que ce document confirme que la société BAREL FRANCE a elle-même décidé de réduire son volant d'affaires avec la société CORA ; que le chiffre d'affaires de la société BAREL FRANCE avec la société CORA, qui ne représentait plus en 2008 que 5,66% de son chiffre d'affaires total, a ainsi encore diminué de 26 % en 2009 ; que dans ce contexte, exclusif de toute situation de déséquilibre significatif ou d'abus de position dominante, et eu égard à la désaffection des produits de l'appelante auprès des adhérents de la société CORA, soulignée par le tribunal, la décision de cette société de cesser de s'approvisionner auprès de l'appelante n'est pas fautive et ne présente pas les caractères d'une rupture brutale, c'est-à-dire d'une rupture imprévisible, soudaine et violente, à laquelle le cocontractant ne pouvait s'attendre ; que la société BAREL FRANCE doit être déboutée de ses demandes à ce titre ;



Sur le préavis et le préjudice :



Considérant que la société BAREL FRANCE soutient que les relations commerciales établies entre les parties ayant duré 26 années consécutives, le préavis de 6,5 mois qui lui a été accordé par la société CORA est insuffisant et aurait dû être fixé à 16 mois ; que la durée du préavis dépend essentiellement de la durée des relations commerciales, mais qu'il doit être également tenu compte de l'importance que représente le chiffre d'affaires entre les deux parties et du délai nécessaire à la victime de la rupture pour réorganiser son activité ;



Considérant que l'appelante soutient également que le préavis qui lui a été accordé n'a été qu'imparfaitement exécuté par la société CORA, qui a tout fait pour l'exclure de façon anticipée de ses fournisseurs référencés ; qu'en effet, les acheteurs des différents magasins CORA ont reçu dès juillet 2009 instructions de Mme [T] de déréférencer la société BAREL FRANCE, alors qu'officiellement la rupture des relations ne devait prendre effet au 31 décembre 2009 ;



Considérant que la société BAREL FRANCE expose que pour évaluer justement le préjudice qu'elle a subi il convient de rétablir le chiffre d'affaires qu'elle aurait dû réaliser de 2006 à 2009 sur la base d'une progression identique à celle réalisée en moyenne durant les trois dernières années avant 2006 ; que ceci fait, le préjudice subi doit être apprécié à trois niveaux :

- d'une part, en appliquant sur ce chiffre d'affaires reconstitué , diminué de celui réellement réalisé, entre 2006 et 2009, le taux de marge brute attesté par l'expert comptable de la société appelante (1,5 soit 33,33% du C.A.)

- d'autre part, en évaluant le chiffre d'affaires que la société BAREL FRANCE aurait dû réaliser pendant un préavis de 16 mois si la société CORA n`en avait pas entravé son exécution, déduction faite du chiffre d'affaires effectif durant le préavis fixé à 6,5 mois,

- enfin, en prenant en considération le comportement fautif de la société CORA vis-à-vis de la société BAREL FRANCE ;



Considérant que l'appelante expose qu'ainsi, le préjudice strictement financier qu'elle a subi de 2006 à 2009 s`établit à la somme de 1.101.285 € ; que le préjudice subi pendant le préavis corrigé à 16 mois s'élève à la somme de 408'811 € ; que le préjudice subi du fait du comportement fautif de la société CORA, qui a tenté d'imposer une compensation à la suite de l'application des délais de paiement prévus par la loi LME et a tenté d'évincer l'appelante de sa participation au 'salon des opportunités' de mai 2009, s'élève à la somme de 200'000 € ; soit une somme totale de 1''710 096 € ;



Considérant que la société BAREL FRANCE sollicite à titre subsidiaire, si la cour s'estimait insuffisamment éclairée, que soit ordonnée une mesure d'instruction ;



Considérant que la lettre du 15 juin 2009, informant la société BAREL FFRANCE de l'arrêt de la relation commerciale à compter du 31 décembre 2009 prévoit la continuation jusqu'à son terme des accords annuels en cours et informe l'appelante de la fin des relations commerciales suffisamment tôt pour lui permettre de prendre contact avec d'autres partenaires afin de négocier des accords commerciaux pour l'année 2010 ; que la société CORA, à laquelle il ne peut être reprochée une rupture brutale des relations commerciales établies, ne peut être condamnée sur le fondement des dispositions de l'article L. 442- 6-I - 5° du code de commerce ;



Considérant que la société CORA n'a commis aucune faute en décidant de ne pas poursuivre sa relation commerciale avec la société BAREL FRANCE ; que les accords commerciaux 2009 ont été exécutés jusqu'à leur terme, même si l'appelante justifie que les acheteurs de trois magasins CORA ont mal interprété l'information claire donnée par Mme [T] d'un déréférencement de la société BAREL FRANCE à compter du 1er janvier 2010 ; que cependant la société CORA justifie être intervenue pour rappeler à ces acheteurs que la société BAREL FRANCE restait référencée jusqu'au 31 décembre 2009 ; qu'en conséquence l'appelante ne peut justifier d'aucun préjudice à ce titre ;



Considérant que la société CORA, à laquelle aucune rupture brutale n'est imputable et qui n'a commis aucune faute en décidant de ne pas poursuivre ses relations commerciales avec la société BAREL FRANCE, qu'elle a informé dans un délai raisonnable, ne peut être condamnée à verser des dommages-intérêts du fait de la rupture ; que le jugement doit être infirmé et l'appelante déboutée de sa demande indemnitaire ;











PAR CES MOTIFS



Infirme le jugement ;



Et statuant à nouveau :



Dit que la SAS CORA n'a pas rompu brutalement, même partiellement, les relations commerciales établies depuis 26 ans avec la SASU BAREL FRANCE ;



Déboute la SASU BAREL FRANCE de toutes ses demandes ;



Condamne la SASU BAREL FRANCE à verser à la SAS CORA la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la SASU BAREL FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.







LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE





V. PERRET F. COCCHIELLO

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