12 mars 2015
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 13/05209

CHAMBRE SOCIALE SECTION B

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 12 MARS 2015

gtr

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/05209

















Madame [W] [K]



c/



SNC LIDL





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 juillet 2013 (R.G. n° F12/0394) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 09 août 2013,





APPELANTE :



Madame [W] [K]

née le [Date naissance 1] 1976, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Thierry MINARD, délégué syndical au syndicat UNSA LIDL, muni d'un pouvoir régulier





INTIMÉE :



SNC LIDL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]



représentée par Me Jean-Baptiste ROBERT-DESPOUY de la SARL ORACLE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 28 janvier 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,





ARRÊT :



- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
























EXPOSE DU LITIGE



Madame [W] [K] a signé plusieurs contrats à durée déterminée avec la SNC Lidl, le 31 octobre 2003 à effet du 5 novembre 2003 puis le 16 novembre 2003 et du 4 décembre 2003 au 3 janvier 2004.



Par avenant du 27 décembre 2003, son contrat à durée déterminée a été transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 4 janvier 2004 aux fonctions de caissière employée libre service à [Localité 1] pour une durée mensuelle de 112,68 heures.



Le 21 juin 2011, Mme [K] a été déclarée par la médecin du travail ' inapte au poste antérieur en l'absence de reclassement après étude de poste. Orientation conseillée vers un travail en évitant les appuis sur le pied droit'.



Le 2 août 2011, Mme [K] a été déclarée 'inapte définitivement au poste après étude de poste et des conditions de travail. Peut exercer un travail sans appui prolongé sur le pied droit (limiter la marche et la station debout prolongée).'



Mme [K] a été licenciée le 6 octobre 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.



Le 15 février 2012, Mme [K] a saisi le conseil des prud'hommes de Bordeaux pour contester son licenciement et obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, pour discrimination, des indemnités pour non respect de la procédure de licenciement, outre le paiement de diverses sommes aux titres du temps de pause et congés payés afférents et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par jugement en date du 1er juillet 2013, le conseil des prud'hommes de Bordeaux tranchant une partie du principal a :




dit que le licenciement de Mme [K] est fondé sur l'inaptitude déclarée par la médecine du travail,

l'a déboutée de sa demande liée au licenciement,

s'est mis en départage sur la demande liée au temps de pause.




Par déclaration au greffe de son avocat le 9 août 2013, Mme [K] a régulièrement relevé appel de ce jugement.




Par conclusions déposées le 10 décembre 2014, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, et modifiées lors de l'audience, Mme [K] sollicite la réformation de la décision dont appel sauf en ce qui concerne l'exécution de mauvaise foi, la discrimination et les congés payés sur les temps de pause dont elle demande l'évocation et demande à la Cour de :




constater qu'il abandonne sa demande de re-qualification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 26 septembre 2003,

requalifier le contrat à temps partiel en contrat à temps plein,

dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamner la SNC Lidl à lui payer :

la somme de 2.526,25 euros à titre d'indemnité pour non respect du temps de pause légal issu des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail,

la somme de 2.144 euros à titre d'indemnité pour non respect du temps de pause relatif aux 5% par heure issu de la convention collective nationale,

la somme de 34.560 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

la somme de 20.840,82 euros de rappel de salaire au titre de la re-qualification du contrat à temps partiel en un contrat à temps plein,

la somme de 2.000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




Mme [K] fait valoir que :



* le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce que l'employeur n'a pas communiqué aux délégués du personnel les conclusions du médecin du travail sur les possibilités de reclassement, en ce que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement tant dans l'entreprise en ne recherchant pas dans les magasins et entrepôts, se contentant de rechercher dans les directions régionales qu'en ne recherchant pas au sein du groupe d'envergure européenne ; le poste qui lui a été proposé n'état pas adapté à ses compétences ;

* sur le temps de pause, tout salarié qui y a intérêt est recevable à invoque le caractère illicite d'une clause d'une convention collective qui lui est applicable ; les relevés d'heure ne mentionnent pas le temps de pause et l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'elle était bien en mesure de prendre effectivement ses pauses chaque jour ; une interruption de travail de 7 minutes au cours d'une période de 6 heures ne dispense pas l'employeur d'accorder aux salariés les 20 minutes de pause obligatoires à partir de 6 heures de travail quotidien ; il ressort des plannings d'autres magasin que les tranches de 6 heures étaient courantes et en travaillant sur 7 demi-journées et en effectuant en moyenne 3 fois par semaine plus de 6 heures, cela donne 235 heures à rémunérer ;

*l'accord collectif d'entreprise qui prévoit que les salariés à temps partiel en magasin bénéficient d'une pause payée prise fixée à 7 minutes par demi-journée de travail est moins favorable que la convention collective nationale qui prévoit que le temps de pause doit être pris à hauteur de 5% du temps de travail ce qui représente 3 minutes par heure travaillée et que les salariés à temps partiel bénéficient des droits et avantages accordés aux salariés à temps complet; en l'occurrence, il lui manque 206 heures de temps de pause sur 5 ans ; c'est à l'employeur de prouver qu'il respecte les seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union Européenne et en l'espèce l'employeur se dispense de justifier des plannings et des contrôles du temps, arguant en outre de ce que les temps de pause ne font pas l'objet d'un contrôle ou d'un enregistrement au sein de l'entreprise et de ce que le déficit de temps de pause a eu une incidence sur son état de santé ;

* sur la requalification en temps plein, selon une jurisprudence de la Cour de cassation, le temps de travail maximum fixé par le contrat à temps partiel ne peut être dépassé même par avenants limités dans le temps sans entraîner la re-qualification du temps partiel en temps plein et en l'occurrence, elle effectuait régulièrement plus de 5 heures par semaines par l'intermédiaire d'avenant dit 'faisant fonction' sur lesquels aucune répartition de temps de travail n'apparaît.





Par conclusions déposées le 16 décembre 2015, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SNC Lidl demande la confirmation du jugement entrepris, de débouter Mme [K] de ses demandes et de la condamner au paiement d'une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris les frais d'exécution.



La SNC Lidl fait valoir les moyens suivants :

* sur le licenciement, elle a orienté ses recherches sur un poste administratif compte tenu des restrictions médicales et a proposé à Madame [K] le seul poste qui était alors disponible au sein de la société, de sorte que face au refus de la salariée, elle a été contrainte de procéder à son licenciement ; elle explique l'organisation des magasins fondée sur la polyvalence et qu'à tous les niveaux hiérarchiques, il existe des tâches de manutention ; aucun des postes en magasin ne pouvait être aménagé ; les délégués du personnel ont été consultés le 24 octobre 2008 sur les possibilités de reclassement de Mme [K]; il est faux de prétendre qu'elle ne reclasse pas ses salariés ; sur le périmètre de la recherche, elle conteste le caractère de groupe et encore plus celui de groupe européen, en arguant de ce que la salariée ne rapporte pas la preuve de cette appartenance et que le défaut de maîtrise de la langue allemande par Mme [K] signifie qu'il n'y avait pas de possibilité de permutation du personnel avec un emploi à l'étranger et qu'en l'occurrence, Mme [K] a refusé le poste proposé en France au motif qu'elle n'était pas mobile géographiquement pour des raisons familiales ;

* sur la demande nouvelle de re-qualification, les avenants faisant fonction ont un caractère temporaire et permettent à une caissière d'occuper temporairement les fonctions de la chef caissière absente avec un modification de sa durée de travail et de sa rémunération toujours de manière temporaire ; ils sont permis par la convention collective nationale ; il s'agit de nouveaux contrats conclus pour une durée limitée modifiant les fonctions même du salarié qui s'inscrivent dans la logique des modifications légales issues des nouvelles dispositions de l'article L 3123-25 du code du travail.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.






MOTIFS DE LA DECISION



Pour une bonne administration de la justice, il sera fait droit à la demande d'évocation de l'entier litige.



Il convient en premier lieu de constater que Mme [K] abandonne sa demande de re-qualification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 26 septembre 2003 et sa demande subséquente de rappel de salaire et congés payés afférents.



Elle ne reprend pas plus ses demandes de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et pour discrimination, étant précisé qu'aucun moyen n'est présenté et que la procédure de licenciement est régulière au regard des délais de convocation.









Sur la demande de re-qualification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein



Mme [K] a bénéficié d'avenants à son contrat de travail lui permettant temporairement d'occuper les fonctions d'une chef caissière absente. Dans ce cadre la durée du travail passait de 26 heures à 31 heures hebdomadaires avec une prime hebdomadaire 'faisant fonction' lui permettant d'être rémunérée selon la grille 'chef caissière'.



La convention collective nationale applicable prévoit le remplacement provisoire en indiquant dans son article 4-4-3 que la nature même de certaines fonctions implique que les salariés qui les exercent sont à même de suppléer totalement ou partiellement un supérieur hiérarchique en cas d'absence occasionnelle de celui-ci.

En dehors des cas ci-dessus, les salariés qui se voient confier pendant au moins quatre semaines consécutives la responsabilité d'une fonction correspondant à un niveau supérieur au leur bénéficient proportionnellement au temps passé du salaire garanti à celui-ci. Cette situation ne peut excéder six mois ; à l'issue de ce délai l'employeur et le salarié remplaçant acteront au regard du motif du remplacement, les conséquences qui en découlent sur le contrat de travail.



Ainsi l'employeur avait la possibilité d'augmenter par avenant la durée de travail de la salariée, ce qu'il a fait sans contrevenir aux dispositions légales et conventionnelles précitées.



Or, il ressort des pièces versées aux débats que les avenants 'faisant fonction' qui avaient pour effet de notamment de porter l'horaire hebdomadaire de Mme [K]de 26 heures à 31 heures ne comportent pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois en application des dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail de sorte que la présomption de temps plein s'applique à compter du premier contrat qui a débuté le 31 janvier 2005.

Il incombe alors à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.



La succession d'avenants sur des périodes de 5 jours à 2 mois de remplacement signés au mieux 5 jours avant leur prise d'effet voire de manière habituelle le jour même voire postérieurement empêche de considérer, en l'absence de tout élément factuel apporté par la SNC Lidl, que la salariée a eu connaissance de ses horaires deux semaines à l'avance comme prévu dans la convention collective nationale. L'employeur échoue donc à démontrer que sa salariée n'est pas restée à sa disposition permanente pendant ces périodes.

Néanmoins au regard du caractère temporaire de ces avenants alors même que le contrat de travail du 27 décembre 2003 porte mention de la répartition des heures de travail sur les semaines du mois conformément aux dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail, la re-qualification en temps plein ne peut concerner que les périodes correspondants aux avenants dits 'faisant fonction' et non à l'ensemble de la période de la relation de travail à partir du premier contrat non conforme aux dispositions légales et Madame [K] est fondée à réclamer un rappel de salaire uniquement sur les périodes correspondant aux avenants.





Il convient en conséquence de requalifier en temps plein les avenants temporaires au contrat de travail des 7 février2005, 27 juillet 2005, 3 mars 2006,12 mai 2006, 6 juin 2006, 23 août 2006, 27 novembre 2006, 8 février 2007, 22 février 2007, 20 mai 2007, 26 juin 2009, 27 août 2009, 26 août 2009, 22 septembre 2009 et 19 juillet 2010.



En regard de la saisine du conseil de prud'hommes le 15 février 2012 et de la prescription quinquennale applicable, la salariée ne peut réclamer des salaires sur la base d'un temps plein que sur la période à compter du 15 février 2007.



Elle a, à compter du 15 février 2007 et jusqu'à la rupture du contrat, bénéficié de 8 contrats dits 'faisant fonction' sur des périodes d'une durée au moins hebdomadaire permettant de considérer que pendant 12 semaines elle aurait dû bénéficier d'un salaire correspondant à 35 heures alors qu'elle n'a été rémunérée qu'à hauteur de 31 heures. La SNC Lidl reste donc lui devoir la somme de 499,68 € ainsi calculée : 4 h x 12 semaines x 10,41 euros = 499,68 €, outre les congés payés afférents pour la somme de 49,97 €.



La SNC Lidl sera en conséquence à lui payer 499,68 € à titre de rappel de salaire outre les congés payés afférents pour la somme de 49,97 €. Il sera ainsi ajouté au jugement, s'agissant d'une demande nouvelle.





Sur les temps de pause dans l'entreprise



* Sur l'application des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail



Selon les dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes. Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur.



Ce texte constitue la transcription en droit interne de la directive européenne 93/104 du 23 novembre 1993 relative à l'aménagement du temps de travail à laquelle s'est substituée sur ce point la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 laquelle dans son article 4 fait obligation aux Etats membres d'adopter les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accord conclus entre partenaires sociaux ou à défaut par la législation nationale.



S'agissant de la mise en oeuvre de la réglementation européenne en matière de seuils et plafonds en matière de temps de pause poursuivant une finalité protectrice destinée à assurer à tout salarié la protection de sa sécurité et de sa santé au travail et renvoyant à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, il appartient à ce dernier de justifier avoir satisfait à son obligation. Le manquement de l'employeur à cette obligation donne lieu à dommages et intérêts et les sommes accordées alors ne présentent aucun caractère salarial.



Le paiement d'une pause n'est pas assimilable à la prise effective de la pause.



En l'espèce, s'il existe un accord d'entreprise octroyant à chaque salarié une pause de 7 minutes par chaque demi-journée de travail, il n'en demeure pas moins que l'employeur ne produit aucun élément factuel de contrôle horaire permettant de déterminer que Mme [K] prenait effectivement une pause avant le seuil légal de déclenchement du droit à pause légal de 6 heures de travail, alors même qu'il ressort d'une note interne à la SNC Lidl du 28 juin 2010 que de nouvelles règles d'organisation du travail en magasin étaient instaurées et qu'à compter des plannings de septembre 2010, les chef-caissières et les caissières employées-libre service ne feraient plus de journées continues de 6 heures ou plus et qu'il fallait les planifier au maximum à 5,75 heures en continu par demi-journée, induisant nécessairement que Mme [K] pouvait être amenée à faire des journées de 6 heures au moins pour la période antérieure, en sorte que ne justifiant aucunement de la prise effective d'une pause de 7 minutes avant le déclenchement du seuil de l'article L 3121-33 du code du travail, l'employeur ne peut prétendre que les seuils prévus par les dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail n'étaient pas atteints et que ces dispositions ne lui sont pas applicables.



A défaut pour la SNC Lidl de justifier qu'elle a satisfait à son obligation résultant des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail pour la période antérieure à septembre 2010, Mme [K] est fondée à solliciter une indemnité pour non respect du temps de pause légal.



* Sur le non-respect du temps de pause résultant de la convention collective nationale



Tout salarié qui y a intérêt est recevable à invoquer le caractère illicite d'une clause d'une convention collective qui lui est applicable.



Selon les dispositions de l'article L 2251-1 du code du travail, une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public.

Aux termes de l'article L 2253-1 du code du travail, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l'entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés. Une convention ou un accord peut également comporter des stipulations nouvelles et des stipulations plus favorables aux salariés .



Un accord collectif d'entreprise, même conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, ne peut déroger par des clauses moins favorables à une convention collective de niveau supérieur conclue antérieurement à cette date, à moins que les signataires de la convention n'en aient disposé autrement.



La convention collective nationale prévoit que tout travail consécutif de quatre heures doit être coupé par une pause prise avant la réalisation de la 5ème heure, cette pause payée est attribuée à raison de 5% du temps du temps de travail effectif. Ainsi le temps de pause doit être pris à hauteur de 5% du temps de travail, ce qui représente trois minutes de pause par heure travaillée. Il est également prévu que les salariés à temps partiel bénéficient des droits et avantages accordés aux salariés à temps complet.



L'accord d'entreprise du 3 août 1999 en vigueur au sein de la SNC Lidl prévoit pour les salariés à temps partiel en magasin une pause payée prise fixée à 6 minutes par demi-journée de travail à prendre à l'intérieur de l'amplitude de travail, étant précisé que toute amplitude de travail supérieure à 6 heures est considérée comme comptant pour deux demi-journées et donne droit à 12 minutes de pause payée à prendre.



Cet accord d'entreprise qui prévoit un temps de pause prise et payée de 6 minutes par demi-journée de 6 heures de travail est moins favorable que la convention collective nationale.



L'application de l'accord d'entreprise a généré pour Mme [K] un déficit de temps de pause nécessairement constitutif d'un préjudice.



Le manquement de l'employeur aux règles sur la prise du temps de pause (légal et conventionnel) confinant à son obligation de sécurité de résultat au long de la carrière de Mme [K] et constitutif d'un manquement à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail, a nécessairement causé à la salariée un préjudice qui sera entière réparé par la somme de 4.000 €, étant rappelé qu'elle est désormais inapte à son poste.





Sur la rupture du contrat de travail



Selon les dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise...L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail.



Sur la consultation des délégués du personnel



Si le procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 26 août 2011mentionne que la direction informe les délégués du personnel du cas de Mme [K], en indiquant les motifs de l'avis médical d'inaptitude, la recherche de reclassement auprès des différentes directions régionales et du siège social ainsi que les 6 propositions de postes qui seront faites à la salariée, il a été précisé que les délégués n'apportaient pas de commentaires sur la procédure de sorte qu'il est établi malgré l'emploi impropre du mot 'informe', qu'ils ont été consultés. Aucune disposition légale n'empêche par ailleurs cette consultation dans le cadre de la réunion mensuelle des délégués du personnel. Ainsi aucun manquement de l'employeur à son obligation de consulter les délégués du personnel ne saurait alors lui être reproché.



Sur l'obligation de reclassement



Il ressort des pièces versées aux débats que l'employeur a procédé à une recherche de postes au sein de l'ensemble des directions régionales et au siège de l'entreprise à [Localité 2] en l'orientant sur des postes de type administratif.



Au sein de la SNC Lidl, l'organisation du travail est fondée sur une structure bâtie sur trois échelons hiérarchiques au niveau d'un magasin ainsi que sur la polyvalence des personnels amenant ceux-ci, tant le chef de magasin que les chefs caissières ou les caissières employées libre-service, à effectuer des tâches de port de charges et de magasinage.



Le mode d'organisation du travail dépend du seul pouvoir de gestion, direction et contrôle du chef d'entreprise, le juge ne pouvant que vérifier si l'employeur a mis en oeuvre de manière loyale et sérieuse son obligation de reclassement et notamment par une mesure d'aménagement de poste.

Or en l'espèce, les restrictions médicales mentionnées dans l'avis d'inaptitude consistant en ne pas pouvoir exercer un appui prolongé sur le pied droit et limiter la station debout prolongée s'avèrent en réalité si importantes que les mesures d'aménagement de poste au regard de la polyvalence des postes et de la répartition sur l'ensemble des postes des tâches de manutention et de magasinages étaient impossibles et empêchaient Madame [K] d'occuper tout poste en magasin et en entrepôt. En conséquence il ne saurait être fait grief à la SNC Lidl d'avoir orienté ses recherches sur des postes administratifs.



La SNC Lidl a procédé à ses recherches au sein de l'ensemble des directions régionales et du siège strasbourgeois et les postes disponibles ont été offerts à Mme [K].



Ainsi au cours de l'entretien de reclassement du 30 août 2011, 6 postes situés à [Localité 2] ont été proposés à la salariée :


employée administratif service achat- bilingue allemand,

assistant ressources humaines,

standardiste,

assistant logistique,

assistant service de publicité,

secrétaire technique,


avec mention des tâches, de l'expérience professionnelle, des qualités recherchés, de la durée du contrat, du statut, du nombre d'heures hebdomadaires, du salaire brut mensuel soit dans des termes suffisamment précis pour lui permettre de prendre utilement position. Ces propositions ont été réitérées par courrier du 31 août 2011 en lui demandant de faire part de sa réponse avant le 12 septembre 2011 et en précisant qu'en fonction de sa réponse, l'employeur pourra évaluer ses compétences par rapport à celles requises pour occuper le poste qui l'intéresse et estimer si une formation sera suffisante pour l'occuper.



Mme [K] n'a pas répondu à ces propositions de sorte que par courrier du 16 septembre 2011 la SNC Lidl a considéré qu'elle les refusait comme elle l'a avertie dans son courrier précédent.



Cette absence de réponse alors que la salariée avait bénéficié d'un temps suffisant pour pouvoir utilement prendre sa décision a été exactement considéré comme valant refus de la salariée à ces postes, étant précisé que l'employeur proposait une formation complémentaire.



Ce faisant, en refusant des postes situés à [Localité 2], en France et dont un nécessitait d'être bilingue en allemand et la formation éventuellement nécessaire en cas d'acceptation, alors même qu'un au moins était susceptible de correspondre à sa qualification professionnelle, la salariée ne saurait faire grief à la SNC Lidl de ne pas avoir étendu ses recherches aux sociétés européennes du groupe pour lesquelles, elle avait dans un contexte différent d'un accord de mobilité, proposé des postes à d'autres salariés en Irlande et en Allemagne. Contrairement à ce que prétend la salariée, la SNC Lidl justifie de son niveau de préoccupation en matière de reclassement par les nombreuses autorisations de licenciement accordées par l'inspection du travail pour des salariés protégés et par les attestations de salariés.



En conséquence, la SNC Lidl a rempli de manière loyale et sérieuse son obligation de reclassement de sorte que Mme [K] sera déboutée de sa demande tendant à dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes.

Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



la SNC Lidl succombant sera condamnée aux entiers dépens de l'appel. Elle sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



L'équité commande de faire bénéficier Mme [K] de ces dispositions et de condamner en conséquence la SNC Lidl à lui verser la somme de 1.000 euros à ce titre.





PAR CES MOTIFS,



La Cour,



Confirme le jugement entrepris,



Evoquant l'entier litige,



Constate que Mme [K] abandonne sa demande de re-qualification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 26 septembre 2003 et sa demande subséquente de rappel de salaire et congés payés afférents ;



Constate que Mme [K] ne reprend pas ses demandes de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et pour discrimination ;



Dit que la SNC Lidl a manqué à ses obligations légales et conventionnelles sur le droit de pause ;



Condamne la SNC Lidl à payer à Mme [K] la somme de 4.000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à ses obligations légales et conventionnelles sur le droit de pause ;





Y ajoutant,



Requalifie en temps plein les avenants temporaires au contrat de travail des 7 février 2005, 27 juillet 2005, 3 mars 2006,12 mai 2006, 6 juin 2006, 23 août 2006, 27 novembre 2006, 8 février 2007, 22 février 2007, 20 mai 2007, 26 juin 2009, 27 août 2009, 26 août 2009, 22 septembre 2009 et 19 juillet 2010 ;







Condamne la SNC Lidl à payer à Mme [K] 499,68 € à titre de rappel de salaire à compter du 15 février 2007 outre les congés payés afférents pour la somme de 49,97 euros ;



Déboute Mme [K] du surplus de ses demandes de rappel de salaire ;



Condamne la SNC Lidl à verser à Mme [K] une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la SNC Lidl aux entiers dépens de l'appel.



Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Gwenaël TRIDON DE REY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



G. TRIDON DE REY Elisabeth LARSABAL

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