3 juillet 2014
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 13/21610

4e Chambre B

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 03 JUILLET 2014

hg

N° 2014/275













Rôle N° 13/21610







[M] [Z] veuve [P]

[H] [P]





C/



[J] [X]

UDAF DU VAR





















Grosse délivrée

le :

à :



la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON





Me Neera ANDREOZZI









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 11 Juillet 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/01006.





APPELANTS



Monsieur [H] [P], assigné en intervention forcée

né le [Date naissance 1] 1954 , demeurant [Adresse 2]



représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Georges SUDUCA, avocat au barreau de TOULON



Madame [M] [Z] veuve [P] née le [Date naissance 2] 1922 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3], représenté par son tuteur M. [H] [P], ès qualités de tuteur



représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Georges SUDUCA, avocat au barreau de TOULON





INTIMES



Monsieur [J] [X]

né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1], représenté par l'UDAF DU VAR agissant en sa qualité de curateur, ayant confié la mission de curatelle à Madame [D] [X]



représenté par Me Neera ANDREOZZI, avocat au barreau de TOULON















*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 27 Mai 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène GIAMI, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





Mme Odile MALLET, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Hélène GIAMI, Conseiller







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2014,



Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***































































EXPOSES DES MOTIFS



[J] [X], né le [Date naissance 2] 1949 souffre d'un handicap mental et physique depuis son plus jeune âge, a vécu avec sa mère jusqu'à ce que celle-ci soit hospitalisée puis installée en maison de retraite en 2008, et a été placé sous curatelle renforcée de l'UDAF par jugement du tribunal d'instance de Toulon du 19 février 2009.

Par jugement du 11 février 2014, la mesure de curatelle renforcée a été confiée à la femme qu'il a épousée.



Sa mère, [M] [P] a elle même fait l'objet d'une mesure de protection judiciaire, son fils [H] [P], demi frère de [J] [X] étant désigné comme tuteur.



Par assignation délivrée le 22 février 2012 à l'encontre de sa mère, [M] [Z] veuve [P] représentée par [H] [P], [J] [X] assisté de l'UDAF du Var en qualité de curateur, a sollicité sa condamnation à lui payer, avec exécution provisoire :

- 18 560,29 € avec intérêts légaux depuis l'assignation,

- 1 500 € d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 11 juillet 2013, [M] [P] a été condamnée, avec exécution provisoire, à payer à [J] [X] la somme réclamée et 1 000 € d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel d'Aix en Provence le 21 octobre 2013, [M] [P], représentée par son tuteur [H] [P], a formé appel contre cette décision.



Par assignation délivrée le 30 avril 2014 à l'encontre de [H] [P], [J] [X] assisté de sa curatrice et épouse, [D] [X], a sollicité son intervention forcée et à titre personnel dans la présente instance.



Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 19 mai 2014, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [M] [Z] veuve [P] et [H] [P] sollicitent':

- le rabat de l'ordonnance de clôture,

- la réformation du jugement':

- le rejet des prétentions adverses dirigées contre [M] [Z] veuve [P],

- l'irrecevabilité et le rejet de l'appel en cause de [H] [P] pour tardiveté et non respect des prescriptions de l'article 555 du code de procédure civile,

- la condamnation de [J] [X] à payer 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, il entend voir réduire le montant de la condamnation à payer 5 000 € ou voir faire un compte entre les parties.



Ils soutiennent, au visa des articles 1147, 1984 et suivants et 1382 du code civil, que':

- les prélèvements contestés sur le compte de [J] [X] correspondent à un rééquilibrage de la gestion opérée du temps où il vivait chez sa mère, afin qu'il contribue de la sorte aux frais communs, à raison de 40 % à sa charge, notamment pour l'année 2007,

- aucune spoliation ou excès de prélèvement n'en résulte puisqu'entre le 31 janvier 2004 et le 16 juin 2008, le solde du compte de [J] [X] a évolué de 16 429 euros à 19 235 euros, et ce après les prélèvements litigieux,

- ces opérations de prélèvement sont régulières puisqu'elles ont été effectuées à l'aide de la procuration que [M] [P] et [H] [P] avaient sur le compte de [J] [X] avant son placement sous protection judiciaire.



Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 20 mai 2014, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé de ses moyens et prétentions, [J] [X] sollicite :

- le rabat de l'ordonnance de clôture,

- la confirmation du jugement, mais y ajoutant,

- la condamnation solidaire de [M] et [H] [P] à lui payer:

. 18 560,29 € avec intérêts légaux depuis l'assignation du 22 février 2012,

. 2 500 € d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Il soutient que':

- seule sa mère avait une procuration sur ses comptes, et ne pouvait agir qu'avec son accord en qualité de mandataire,

- les prélèvements effectués ont atteint 12 000 euros en une seule journée pour sa prétendue participation aux frais du quotidien,

- ils doivent s'analyser comme un abus de faiblesse alors qu'ils ont été effectués en 2008, au moment même où sa mère n'était plus en état d'intervenir,

- il perçoit 949,94 euros par mois,

- les prélèvements contestés représentent environ 600 euros par mois, soit 60 % de ses revenus.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2014.




MOTIFS DE LA DECISION



Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture :



Les parties sollicitant de part et d'autre le report de la clôture au jour de l'audience, il convient de révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 12 mai 2014 et de prononcer une nouvelle clôture à ce jour.



Sur la recevabilité de l'appel en cause de [H] [P]':



Aux termes des dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile, «'peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.'»



Il est soutenu que la mise en cause de [H] [P] au stade de l'appel est due aux aveux contenus dans les conclusions déposées pour [M] [Z] veuve [P] faisant apparaître que celle-ci très affaiblie, a été aidée dans la gestion de ses propres comptes et de ceux de [J] [X] par [H] [P] qui invoque une prétendue procuration.



Il ne peut être considéré que la preuve d'un élément de fait nouveau et postérieur au jugement est ainsi rapportée alors qu'il résulte du courrier adressé dès le 13 avril 2011 par l'UDAF, ès qualités de mandataire de [J] [X] à [H] [P], qu'il lui était déjà reproché d'avoir géré les comptes de son frère sans mandat, de n'avoir eu qu'une procuration sur ses comptes bancaires et de ne pas lui avoir rendu compte de sa gestion.



Dans ces conditions, l'appel en intervention forcée de [H] [P] se heurte à une fin de non recevoir et toutes les prétentions dirigées contre lui à titre personnel doivent être déclarées irrecevables.



Sur la demande en paiement :



Il ressort des débats que [M] [P] a fait l'objet d'une mesure de protection judiciaire à une date non précisée, son état de santé ayant nécessité qu'elle quitte le domicile qu'elle partageait avec [J] [X] au début de l'année 2008 pour être hospitalisée puis installée en maison de retraite.



[M] [Z] veuve [P] disposait d'une procuration sur les comptes n° [XXXXXXXXXX02], ( compte basic écureuil) [XXXXXXXXXX03] ( livret d'épargne) et [XXXXXXXXXX04] ( CODEVI) de son fils [J] [X] en vertu d'une autorisation du 3 octobre 2003.



Cette procuration a été partiellement révoquée par [J] [X] le 8 juillet 2008 pour le compte n° [XXXXXXXXXX02] ( compte rémunéré forfait essentiel).



En toute hypothèse, la procuration, qui s'analyse en un mandat, a pris fin par la mise sous tutelle de [M] [P] en application de l'article 2003 du code civil.



Dans la mesure où il n'est pas contesté que les opérations litigieuses sur lesdits comptes ont été effectuées par [H] [P], et compte tenu du courrier adressé le 13 avril 2011 par l'UDAF,ès qualités de mandataire de [J] [X] à [H] [P] pour lui rappeler qu'il n'avait qu'une procuration sur ses comptes bancaires et devait rendre compte de sa gestion, il sera considéré que la preuve est rapportée de l'existence de cette procuration, bien que l'exemplaire de procuration produit aux débats ne comporte pas la signature de [J] [X].

La somme réclamée en remboursement de 18 560, 29 euros correspond aux prélèvements suivants':



- 6560,29 euros au titre du compte [XXXXXXXXXX01] se décomposant comme suit':

. 1000 euros le 1er février 2008

. 1000 euros le 1er mars 2008

. 1200 euros le 1er avril 2008

. 1219,87 euros le 30 mai 2008

. 1711,23 euros le 21 octobre 2008

. 605,90 euros le 4 décembre 2008



- 7500 euros au titre du compte [XXXXXXXXXX03] se décomposant comme suit':

. 4500 euros le 16 juin 2008

. 3000 euros le 16 juin 2008



- 4500 euros au titre du compte [XXXXXXXXXX04] le 16 juin 2008.



Ces prélèvements ont été effectués dans le contexte bien particulier de la période au cours de laquelle la mère qui avait vécu au même domicile que son fils handicapé a du quitter celui-ci pour des raisons de santé liées à l'âge, et s'établir en maison de retraite, son budget se trouvant déséquilibré par le coût de l'établissement supérieur à ses revenus.

Il ressort du jugement du tribunal d'instance de Toulon qu'à partir de janvier 2008, [J] [X] a occupé seul jusqu'au 1er octobre 2009 l'appartement pris en location par sa mère et résilié par elle à effet du 7 août 2008.



Les comptes bancaires de [J] [X] ont évolué comme suit':

- au 31 janvier 2004':

. [XXXXXXXXXX02] ( compte associé)': 472 €

. [XXXXXXXXXX01] (livret A)': 5 940 €

. [XXXXXXXXXX04] ( CODEVI)': 1 762 €

. [XXXXXXXXXX03] ( livret d'épargne)': 8 254 €

total': 16 428 €

- au 31 janvier 2005':

. [XXXXXXXXXX02] ( compte associé)': 254 €

. [XXXXXXXXXX01] (livret A)': 1 549 €

. [XXXXXXXXXX04] ( CODEVI)': 1 804 €

. [XXXXXXXXXX03] ( livret d'épargne)': 8 571 €

total': 12 178 €

- au 31 janvier 2006':

. [XXXXXXXXXX02] ( compte associé)': 165 €

. [XXXXXXXXXX01] (livret A)': 8 811 €

[XXXXXXXXXX04] ( CODEVI)': 1 843 €

. [XXXXXXXXXX03] ( livret d'épargne)': 8 840 €

total': 19 659 €

- au 31 janvier 2007':

. [XXXXXXXXXX02] ( compte associé)': 25 €

. [XXXXXXXXXX01] (livret A)': 12 570 €

. [XXXXXXXXXX04] ( CODEVI)': 1 888 €

. [XXXXXXXXXX03] ( livret d'épargne)': 9 144 €

total': 23 627 €

- au 31 janvier 2008':

. [XXXXXXXXXX02] ( compte associé)': 428 €

. [XXXXXXXXXX01] (livret A)': 7 911 €

. [XXXXXXXXXX04] ( CODEVI)': 6 100 €

. [XXXXXXXXXX03] ( livret d'épargne)': 9 497 €

total': 23 936 €

- au 30 avril 2008':

. [XXXXXXXXXX02] ( compte associé)': 225 €

. [XXXXXXXXXX01] (livret A)': 5 468 €

. [XXXXXXXXXX04] ( CODEVI)': 6 100 €

. [XXXXXXXXXX03] ( livret d'épargne)': 9 497 €

total': 21 290 €



Après le 30 avril 2008, il a encore été prélevé 1219 € le 30 mai 2008, 1711 € le 21 octobre 2008, 605 € le 4 décembre 2008 sur le compte [XXXXXXXXXX01], puis 7500 € sur le compte [XXXXXXXXXX03] le 16 juin 2008, et enfin 4500 € sur le compte [XXXXXXXXXX04] le 16 juin 2008, soit au total sur cette période, 15 535 €.



Les soldes des comptes au 31 décembre 2008 sont alors de':

. [XXXXXXXXXX02] ( compte associé)': non justifié

. [XXXXXXXXXX01] (livret A)': 891 €

. [XXXXXXXXXX04] ( CODEVI)': 143 €

. [XXXXXXXXXX03] ( livret d'épargne)': 7 100 €

total': 8 134 €



Les ressources de [J] [X] sont constituées de prestations sociales, et plus particulièrement, depuis qu'il a atteint 65 ans, des allocations solidarité aux personnes âgées et compensatrice pour l'aide d'une tierce personne ( 404,33 € et 628,10 € en janvier 2008).



S'il apparaît que des sommes importantes ont été prélevées au cours d'une période très courte, [H] [P] produit des comptes mettant en évidence les charges qui étaient communes à la mère et au fils pour le logement partagé jusqu'au début de l'année 2008, et [J] [X] reconnaît que la totalité des prélèvements effectués en rééquilibrage ont représenté environ 600 euros par mois, soit 60 % de ses revenus.



Il ne peut être considéré dans la situation décrite qu'il y ait eu abus de faiblesse à fixer de la sorte sa contribution aux charges communes alors qu'à partir de janvier 2008, il a occupé seul le logement qui coûtait 605,90 € déduction faite de l'allocation logement perçue par [M] [P], et qu'auparavant, il profitait au domicile familial de l'hébergement et de la nourriture.



C'est dès lors à tort que le premier juge a condamné [M] [Z] veuve [P] à rembourser à [J] [X] la somme de 18 560,29 € avec intérêts légaux depuis le 22 février 2012.

Le jugement sera donc infirmé.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile':



Eu égard au contexte familial du litige, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens resteront à la charge de celui qui les a exposés.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Rabat l'ordonnance de clôture et prononce une nouvelle clôture au 27 mai 2014,



Déclare irrecevable l'appel en intervention forcée de [H] [P],



Infirme le jugement en toutes ses dispositions,



Statuant à nouveau,



Rejette la demande en paiement de [J] [X] assisté de l'UDAF du Var en qualité de curateur dirigée contre sa mère, [M] [Z] veuve [P], représentée par [H] [P],















Rejette les demandes en paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile de chacune des parties,



Dit que les dépens resteront à la charge de celui qui les a exposés.









LE GREFFIERLE PRESIDENT

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