5 février 2015
Cour d'appel de Paris
RG n° 12/04572

Pôle 6 - Chambre 5

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 05 Février 2015

(n° 54 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04572



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mars 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - Section activités diverses -

RG n° 10/01452





APPELANTE

SA NEWREST FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Caroline FABRE BOUTONNAT, avocat au barreau de PARIS,

toque : G0684



INTIMEES

SAS RANDSTAD

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Béatrice DI SALVO, avocat au barreau de LYON, toque : 683



Madame [J] [B]

[Adresse 4]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238



COMPOSITION DE LA COUR :





L'affaire a été débattue le 04 décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :





Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, Conseillère

qui en ont délibéré





Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats





ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






EXPOSÉ DU LITIGE



Madame [B] a été engagée en qualité d'intérimaire par la société RANDSTAD pour être mise au service de la société CATERING AERIEN PARIS, aujourd'hui NEWREST FRANCE, dans le cadre de 66 contrats de mission, allant d'une journée à un mois, sur une période allant du 20 juillet 2007 au 28 février 2009. Les relations contractuelles ont cessé à l'issue de la dernière mission.



Elle occupait les fonctions d'agent de dressage, de préparatrice de commande, de préparatrice de sandwich, ou d'agent de fabrication, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1391 euros.



Madame [B] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Créteil le 21 janvier 2010 afin d'obtenir, tant contre l'entreprise utilisatrice que contre la société d'intérim, la requalification de ses missions en contrat de travail à durée indéterminée.



Par jugement rendu en formation de départage le 29 mars 2012, le Conseil de Prud'hommes de Créteil a :

- condamné la société NEWREST à verser à Madame [B] les sommes suivantes :


2.782 euros à titre d'indemnité de requalification des missions d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée.

5.214,64 euros à titre de rappel de salaire, outre 521 euros au titre des congés payés afférents.

1.044 euros au titre de la prime de 13ème mois, outre 104 euros au titre des congés payés afférents.

2.782 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 278 euros pour les congés payés afférents.

394 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

7.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


- enjoint à la société NEWREST de remettre au demandeur un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes au jugement.

- débouté Madame [B] de ses demandes contre la société RANDSTAD ainsi que du surplus de ses demandes.

- condamné la société NEWREST aux dépens.



La société NEWREST FRANCE a interjeté appel de cette décision.




Par conclusions visées et soutenues à l'audience du 4 décembre 2014, elle demande à la Cour :

A titre principal :



- d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté Madame [B] de sa demande au titre de l'absence de visite médicale d'embauche.



A titre subsidiaire, en cas de requalification :



- de fixer la date de requalification des missions d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée au 30 octobre 2007.

- de fixer l'indemnité de requalification à 1.391 euros.

- de fixer à 1.391 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- de fixer à 1390 euros l'indemnité compensatrice de préavis outre 139 euros au titre des congés payés afférents.

- de fixer l'indemnité légale de licenciement à 347,75 euros.



Dans tous les cas :



- de condamner la salariée à lui rembourser les sommes trop versées au titre de l'exécution provisoire, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.

- de condamner la salariée à lui payer une somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Elle expose qu'elle a notamment pour activité la préparation de l'acheminement de plateaux repas à bord des avions, et qu'elle est implantée au sein des aéroports, en particulier celui de [Localité 3] ; que les règles de sécurité aéroportuaire l'obligent à solliciter une habilitation spécifique auprès de l'autorité préfectorale pour chaque salarié, de sorte que lorsqu'elle a recours à une entreprise de travail temporaire, ce sont en général les mêmes salariés, déjà habilités, qui lui sont adressés.



Elle soutient que son activité est fonction des besoins des compagnies aériennes, elles-mêmes soumises aux aléas du trafic aérien, et que dans ces conditions, elle ne dispose d'aucune visibilité sur son volume d'activité, certaines compagnies non régulières fonctionnant à la prestation, le taux de remplissage des avions étant très variable, et la quantité de commandes pouvant fortement varier d'un jour à l'autre ; que c'est de sa capacité à gérer ces imprévus au quotidien que dépend la survie de l'entreprise ; que le recours à l'intérim s'inscrit dans le cadre de variations cycliques de production, la jurisprudence n'exigeant pas que ces variations aient un caractère exceptionnel.



Elle fait valoir qu'elle relève des dispositions de l'article L1251-6 3° du code du travail, qui autorise le recours au travail temporaire pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, et que la convention collective applicable autorise le recours au travail temporaire.



Elle souligne que la salariée ne peut demander la requalification de la relation de travail depuis la première mission, alors qu'il est établi qu'il a existé plusieurs interruptions de la relation de travail, allant jusqu'à trois mois ; que la transmission tardive du contrat, ou son absence de signature, ne lui sont pas opposables, s'agissant d'obligations de la société d'intérim ; que le non respect du délai de carence ne constitue pas un motif de requalification.



Par conclusions visées et soutenues à l'audience du 4 décembre 2014, Madame [B] demande à la Cour de :

- prononcer la requalification des contrats de mission à l'encontre de la société NEWREST et condamner cette société à lui payer les sommes suivantes :


2.782 euros à titre d'indemnité de requalification sur le fondement de l'article L.1251-40 du code du travail (deux mois).

4.484 euros à titre de rappel de salaire.

448 euros au titre des congés payés afférents.

1.044 euros à titre de prime de 13ème mois.

104 euros au titre des congés payés afférents.

16.692 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1.391 euros à titre d'indemnité de préavis.

139 euros au titre des congés payés afférents.

394 euros à titre d'indemnité de licenciement.

2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


- ordonner la remise de documents sociaux conformes sous astreinte de 15 euros par jour de retard.



- prononcer la requalification des contrats de mission à l'encontre de la société RANDSTAD, dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ou subsidiairement prononcer la résiliation du contrat de travail, et condamner cette société à lui payer les sommes suivantes :


2.892 euros à titre d'indemnité de requalification.

16.692 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1.391 euros à titre d'indemnité de préavis.

139 euros au titre des congés payés afférents.

394 euros à titre d'indemnité de licenciement.

1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour visite médicale hors délais.

2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


- ordonner la remise de documents sociaux conformes sous astreinte de 15 euros par jour de retard.



En ce qui concerne sa relation avec la société NEWREST.



Elle expose que la société NEWREST, notamment sur le site de [Localité 4] où elle travaillait, fait en permanence appel à un grand nombre de salariés intérimaires, en moyenne 95 pour 170 salariés en contrat à durée indéterminée ; que le recours au contrat d'intérim dans les conditions définies par les articles L1251-5 et L1251-6 du code du travail doit se faire pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire ; que la société utilisatrice est tenue par le motif mentionné par le contrat, et ne peut donc invoquer l'existence d'un contrat d'usage, ce motif n'étant pas celui qui a été retenu ; que le contrat de travail doit comporter le motif pour lequel il est fait appel au travail temporaire, la charge de la preuve de la réalité de ce motif incombant à la société utilisatrice.



Elle souligne que les motifs invoqués par la société NEWREST sont en réalité abusifs, et qu'elle a eu recours au travail intérimaire dans le cadre de l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que dans ces conditions son contrat doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, ayant pris effet à la date de la première mission ; qu'elle est fondée à percevoir une indemnité de requalification, des indemnités de rupture, ainsi que le paiement de la totalité des salaires non versés sur la période litigieuse, sur la base d'un emploi à temps plein ; qu'elle n'a exercé aucune autre mission durant les périodes dites d'intermission, de sorte qu'elle était bien à la disposition de la société.



En ce qui concerne sa relation avec la société de travail temporaire :



Elle expose que la jurisprudence retient que le salarié peut exercer concurremment une action en requalification contre l'entreprise de travail temporaire et contre l'entreprise utilisatrice dès lors que ces actions s'appuient sur des fondements juridiques différents ; qu'en l'espèce, la société d'intérim n'a pas respecté ses obligations, dès lors d'une part qu'elle ne lui a pas fait signer de contrat écrit pour les différentes missions qu'elle ne conteste pas lui avoir confiées et d'autre part que la durée d'emploi en intérim de 18 mois prévue par l'article L1251-12 du code du travail n'a pas été respectée, et enfin que la règle du tiers temps qui impose un délai de carence n'a pas non plus été respectée ; qu'elle est donc fondée à obtenir la requalification de la relation contractuelle avec la société de travail temporaire, et le paiement d'indemnités de rupture ; qu'en outre, elle n'a pas bénéficié de la visite médicale d'embauche, ce qui lui a nécessairement causé un préjudice.



Par conclusions visées et soutenues à l'audience du 4 décembre 2014, la société RANDSTAD demande à la Cour de :

- confirmer le jugement, et condamner Madame [B] au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





Subsidiairement,

- de débouter la salariée de ses demandes d'indemnité de requalification, de résiliation judiciaire, de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale.

- de réduire à 8.346 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la salariée à lui restituer la somme de 2.147,69 euros qu'elle a perçue à titre d'indemnité de fin de mission et celle de 214,77 euros perçue au titre des congés payés afférents.



Elle fait valoir que la salariée ne peut prétendre à un cumul de requalifications, non plus qu'au cumul des conséquences indemnitaires qui en découlent, et qu'elle ne peut notamment pas se prévaloir de cette sanction contre l'entreprise de travail temporaire, alors que la loi ne la prévoit que contre la société utilisatrice ; que le code du travail ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect du délai de carence, ainsi que l'a retenu à de nombreuses reprises la jurisprudence de la Cour de Cassation ; que l'entreprise de travail temporaire n'est pas en mesure de contrôler le respect par la société utilisatrice de ces dispositions ; que tant la lettre de l'article L1254-36 du code du travail que les différentes circulaires intervenues depuis son entrée en vigueur démontrent que le respect du délai de carence relève de la responsabilité de l'entreprise utilisatrice, et que la jurisprudence citée de la Cour de Cassation a été rendue contra legem.



Elle conteste avoir contrevenu aux dispositions de l'article L1251-12 du code du travail, qui limite à 18 mois la période pour laquelle une société peut avoir recours au travail temporaire, en soutenant que le respect de cette obligation doit s'analyser mission par mission, étant précisé qu'en l'espèce, chaque mission avait un motif différent.



En ce qui concerne l'absence de signature de certains contrats de mission, elle soutient que si le législateur a prévu que le contrat de travail est établi par écrit et transmis au salarié, il n'existe en revanche pas d'obligation de signature de ce contrat, l'entreprise ne pouvant être sanctionnée en raison du refus ou de l'omission du salarié d'apposer sa signature.



Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux dernières écritures des parties, visées par le greffier, et réitérées oralement à l'audience.




DISCUSSION



- Sur la demande de requalification formée contre la société NEWREST



A titre liminaire, il convient de préciser que les contrats de mission versés aux débats ne visent pas l'usage constant prévu par l'article L1251-6 3° du code du travail, de sorte que les développements de la société NEWREST à cet égard sont sans objet.



En l'espèce, les contrats de missions conclus avec la société RANDSTAD comportent tous comme motif un surcroît temporaire d'activité.



Par application des dispositions de l'article L1251-6 2° du code du travail, il peut être fait appel à un salarié temporaire en cas d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise. Toutefois, il appartient à la Cour de contrôler s'il n'a pas été fait un usage abusif du recours au travail intérimaire, la charge de la preuve de la réalité du motif du recours au travail temporaire, tel qu'énoncé dans le contrat de travail, pesant sur l'entreprise utilisatrice.



En l'espèce, le premier contrat de mission de Madame [B], d'une durée de 4 jours entre le 20 et le 23 juillet 2007, a été conclu au motif 'lié aux départs en vacances', motif qui est cohérent par rapport à la période de l'année, et qui n'a pas à faire l'objet de justificatifs spécifiques. A cette première mission a succédé une inactivité de 98 jours. Dans ces conditions, rien ne permet en ce qui concerne ce premier contrat de retenir qu'il se serait en réalité inscrit dans l'activité normale et permanente de l'entreprise.



Par la suite, à partir du 30 octobre 2007, Madame [B] a travaillé de manière quasiment permanente jusqu'au 28 février 2009, toutes les interruptions étant d'une ou deux journées. Le motif figurant sur le contrat était variable, mais était fréquemment 'lié aux vols suppléments de diverses compagnies', 'lié à la confection de sandwichs supplémentaires', 'lié aux vols corsair et air méditerranée'..., sans qu'aucun justificatif ne soit versé aux débats pour attester de la réalité de ce surcroît temporaire d'activité, dont l'énoncé permet au contraire de retenir qu'il s'agit de l'activité normale et permanente de l'entreprise.



Pour justifier du recours au travail temporaire de Madame [B], la société NEWREST développe des considérations générales relatives aux contraintes particulières qu'elle subit en raison de l'imprévisibilité et du manque de visibilité du trafic aérien, qui la contraignent à une réactivité importante, compte tenu de son obligation de s'assurer de l'approvisionnement de chaque vol. Elle cite des exemples, tels que des retards liés à la météo, ou un surcroît d'activité lié au double emport, en cas de circonstances exceptionnelles.



Toutefois, si de tels exemples constituent de toute évidence des motifs légitimes de recours au travail intérimaire, ils ne concernent pas Madame [B], qui est intervenue pour des clients importants de la société, dont les commandes régulières s'inscrivaient dans l'activité normale et permanente de l'entreprise, sans subir de variations ni revêtir de caractère aléatoire qui rendrait impossible l'embauche de la salariée en contrat à durée indéterminée.



Ces données propres à la situation de Madame [B] s'ajoutent aux éléments d'ordre général relatifs au fonctionnement de l'entreprise, les documents comptables versés aux débats démontrant qu'entre 2007 et 2009, le recours à du personnel extérieur à l'entreprise représentait entre 39% et 41% de la masse salariale, ce taux excédant très largement ce que nécessitent les aléas du trafic aérien. Ces éléments ont été confirmés par une enquête de l'inspection du travail datée de mai 2014, qui relève pour l'année 2012 un volant moyen d'employés de restauration de 50 intérimaires, ce nombre ne tombant jamais en dessous de 15 et très rarement en dessous de 25. Si ces données chiffrées sont postérieures à la période d'embauche de Madame [B], elles confirment toutefois que la société NEWREST a de manière habituelle recours au travail intérimaire pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ce que prohibe l'article L1251-5 du code du travail.



Aux termes de l'article L1251-40 du code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L1251-5 à L1251-7, L1251-10 à L1251-12, L1251-30 et L1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.



Madame [B] est donc fondée à obtenir la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée avec la société NEWREST à compter du 30 octobre 2007, et jusqu'au 28 février 2009, date de la fin de la dernière mission.











- Sur les sommes dues par la société NEWREST



- Indemnité de requalification



Aux termes de l'article L.1251-41 du code du travail, lorsqu'il est fait droit à une demande de requalification d'une mission en contrat de travail à durée indéterminée, il est accordé au salarié une indemnité, à la charge de l'entreprise utilisatrice, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.



Il convient donc de faire droit à la demande de ce chef dans la limite de 1.391 euros, l'existence d'un préjudice excédant cette indemnité n'étant pas établie.



- Paiement des salaires des périodes d'intermission



Madame [B], qui a toujours travaillé à temps complet lorsqu'elle était en mission, a été employée entre le 30 octobre 2007et le 28 février 2009 259,05 heures de moins que si elle avait été en contrat à durée indéterminée. Il n'est pas établi qu'elle ne se serait pas tenue à la disposition de son employeur durant cette période, de sorte qu'il sera fait droit à sa demande de rappel de salaire à hauteur de 2.328,85 euros, outre 232 euros au titre des congés payés afférents.



- 13ème mois



Un accord d'entreprise, signé le 13 décembre 2007, applicable à compter du 1er juillet 2007 prévoit le versement d'une prime de 13ème mois. Lorsque le salarié a été embauché avant l'entrée en vigueur de l'accord, ce qui est le cas de Madame [B] puisque son contrat de travail remonte au 1er juillet 2006, l'ancienneté requise pour bénéficier de cette prime est de trois mois.



La salariée est donc fondée à obtenir une prime de 13ème mois entre le 30 janvier 2008 et le 28 février 2009, soit 1.507 euros, outre 150 euros au titre des congés payés afférents, compte tenu des modalités de calcul retenues par l'accord d'entreprise.



- Indemnités de rupture



La relation contractuelle a pris fin, sans aucune procédure, à la fin de la dernière mission, ce qui doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



La salariée ayant plus de six mois d'ancienneté à la date de la rupture du contrat de travail, il lui est dû une indemnité de préavis égale à un mois de salaire, soit 1.391 euros, outre 139 euros au titre des congés payés afférents.



La salariée ayant une année et quatre mois d'ancienneté, il lui est dû une indemnité de licenciement de 370 euros.



Madame [B] avait moins de deux années d'ancienneté, de sorte que par application des dispositions de l'article L1235-5 du code du travail, elle doit être indemnisée du préjudice résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en fonction du préjudice qu'elle a subi. En l'espèce, elle avait une ancienneté de un peu plus d'une année et était âgée de 45 ans. Elle justifie des difficultés rencontrées pour retrouver un emploi, de sorte qu'il lui sera alloué une somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts.











- Sur la demande de requalification formée contre la société RANDSTAD



Le salarié qui obtient à l'encontre de la société utilisatrice la requalification de son contrat de travail sur le fondement de l'article L1251-40 du code du travail peut poursuivre concurremment une action en requalification à l'encontre de la société de travail temporaire dès lors que les actions ont un fondement juridique différent.



Au soutien de la demande de requalification qu'elle forme contre la société RANDSTAD, Madame [B] fait notamment valoir que cette dernière n'aurait pas respecté les obligations qui s'imposent aux entreprises de travail temporaire, notamment celles résultant des dispositions de l'article L1251-36 du code du travail, aux termes duquel à l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat de travail a pris fin ni à un contrat de travail à durée déterminée, ni à un contrat de mission, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission, renouvellement inclus. Ce délai de carence est égal au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat renouvellement inclus est de quatorze jours ou plus, ou à la moitié de cette durée si la durée du contrat de mission renouvellement inclus est inférieure à quatorze jours.



En l'espèce, il ressort du tableau des différentes missions qui est versé aux débats que ce délai de carence n'a pas toujours été respecté, et ce à partir du 30 octobre 2007, où un nouveau contrat a été signé avec Madame [B] alors qu'elle n'avait bénéficié d'un délai de carence que d'une journée après une mission de quatre jours.



Sans contester cet aspect factuel, la société de travail temporaire soutient en premier lieu qu'il s'agit d'une obligation propre à l'entreprise utilisatrice, sur laquelle elle ne pouvait, en ce qui la concerne, effectuer aucun contrôle, et en second lieu que ce manquement n'est pas visé par les dispositions de l'article L1251-40, qui fixe la liste exhaustive des obligations dont le non respect entraîne la requalification du contrat de travail.



Toutefois, les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35 du même code, n'excluent pas la possibilité pour la salariée d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite n'ont pas été respectées. Or il résulte des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié, sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité.



Dans ces conditions, la salariée est fondée à obtenir la requalification des contrats de travail signés avec la société RANDSTAD en contrat à durée indéterminée, mais seulement à compter du 30 octobre 2007. L'ancienneté et les préjudices étant identiques à ceux retenus pour la société utilisatrice, la société de travail temporaire sera condamnée au paiement d'une indemnité de requalification, d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour des montants identiques à ceux retenus à l'encontre de la société NEWREST.



Les indemnités de fin de mission ont été régulièrement versées à la salariée, et ne peuvent faire l'objet d'une restitution en cas de requalification, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à la demande de ce chef.









Par ailleurs, la requalification au titre du non respect du délai de carence n'étant accordée que pour une partie de la période visée par la salariée, il convient d'examiner les autres fondements qu'elle invoque. Madame [B] soutient que la société RANDSTAD n'aurait pas respecté les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, en n'établissant pas systématiquement un contrat de travail écrit dans les 48 heures suivant le début de sa mise à disposition.



La salariée versant elle-même aux débats les contrats de travail qui ont été établis, il apparaît qu'ils ont bien été établis par écrit et adressés à la salariée. Madame [B] ne verse pas aux débats le moindre élément qui permettrait d'étayer son affirmation selon laquelle ces envois auraient été tardifs, et elle ne donne aucune précision sur les contrats à l'occasion desquels l'employeur aurait manqué à ses obligations.



Enfin, sans argumenter de quelque manière que ce soit sur ce point, Madame [B] vise dans ses conclusions l'existence d'une collusion entre la société utilisatrice et la société de travail temporaire, ce qui fonderait la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité de requalification. Toutefois, la société NEWREST avait recours à différentes sociétés de travail temporaire, de sorte qu'aucune d'entre elles n'était en mesure de connaître l'étendue du recours au travail en intérim, ni le fait que ce type de contrat était en réalité utilisé pour pouvoir durablement des postes relevant de l'activité normale et permanente de l'entreprise, et en tout état de cause, aucun recours abusif au travail temporaire n'a été retenu pour la période précédant le 30 octobre 2007.



- Sur le cumul des indemnisations



La salariée demande à ce que les condamnations prononcées d'une part contre la société de travail temporaire et d'autre part contre la société utilisatrice soient prononcées de manière distincte et cumulative. Toutefois, si, en raison de fautes distinctes, la Cour retient que Madame [B] pouvait se prévaloir d'un contrat de travail à durée indéterminée contre chacune de ces sociétés, il n'en reste pas moins qu'il s'agit de la même prestation de travail, au titre de laquelle les indemnisations ne peuvent se cumuler, de sorte que les condamnations prononcées contre l'une et l'autre société le seront in solidum et ne s'ajouteront pas les unes aux autres.



- Sur la visite médicale d'embauche



Aux termes des articles L1251-22 et D 4625-1 du code du travail, les dispositions relatives à la visite médicale d'embauche sont applicables au travail en intérim, et sont à la charge de la société de travail temporaire.



L'article R4624-10 du code du travail prévoit que le salarié doit bénéficier d'un examen médical au plus tard avant l'expiration de la période d'essai. L'article R 4624-12 stipule qu'un nouvel examen médical n'est pas nécessaire lorsqu'aucune inaptitude n'a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours des 24 mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur.



En l'espèce, Madame [B] soutient, sans être contredite, qu'elle n'a jamais bénéficié de cette visite au cours de sa période d'emploi auprès de NEWREST.



Ce manquement de l'employeur à ses obligations lui a nécessairement causé un préjudice, qui sera réparé par l'allocation de 400 euros de dommages et intérêts.



*



Il sera enjoint à la société NEWREST en tant que de besoin de remettre à Madame [B] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et des bulletins de paie conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire. S'agissant de la même période travaillée, il n'y a pas lieu d'ordonner à la société RANDSTAD la remise des mêmes documents.



*



La restitution des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire et excédant les condamnations prononcées par la Cour est de plein droit, sans qu'une condamnation ait lieu d'être prononcée de ce chef.



*



L'équité ne commande pas en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,



Confirme le jugement en ce qu'il a :



- requalifié la relation de travail entre Madame [B] et la société NEWREST FRANCE en contrat à durée indéterminée.

- condamné la société NEWREST FRANCE à payer à Madame [B] :


600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


- condamné la société NEWREST FRANCE aux dépens.



Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :



Condamne la société NEWREST FRANCE à payer à Madame [B] les sommes suivantes :


1.391 euros à titre d'indemnité de requalification.

2.328,85 euros à titre de rappel de salaire, outre 232 euros au titre des congés payés afférents.

1.507 euros à titre de rappel de 13ème mois, outre 150 euros au titre des congés payés afférents

1.391 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 139 euros au titre des congés payés afférents.

370 euros à titre d'indemnité de licenciement.

6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.




Enjoint à la société NEWREST FRANCE en tant que de besoin de remettre à Madame [B] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et des bulletins de paie conformes au présent arrêt.



Condamne la société RANDSTAD, in solidum avec la société NEWREST FRANCE au titre les condamnations prononcées pour les mêmes chefs de demande, à payer à Madame [B] les sommes suivantes :


1..391 euros à titre d'indemnité de requalification.

1.391 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 139 euros au titre des congés payés afférents.

370 euros à titre d'indemnité de licenciement.

6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.




Condamne la société RANDSTAD à payer à Madame [B] une somme de 400 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la réalisation tardive de la visite médicale d'embauche.



Rejette le surplus des demandes.



Condamne in solidum les sociétés NEWREST FRANCE et RANDSTAD aux dépens d'appel.







LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.