29 septembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-12.073

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01106

Texte de la décision

SOC.

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 septembre 2021




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 1106 F-D

Pourvoi n° M 20-12.073

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [O].
Admission du bureau d'aide juridicitonnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 mai 2020.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 SEPTEMBRE 2021

La société Sécurité protection, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-12.073 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à M. [X] [O], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Sécurité protection, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], après débats en l'audience publique du 7 juillet 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 décembre 2019), le 10 octobre 2008, la société Sécurité protection (la société) a engagé M. [O] en qualité d'agent de sécurité.

2. Le 29 janvier 2010, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

3. Par lettre du 13 septembre 2010, la société l'a licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens du pourvoi principal, ci-après annexés


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt d'écarter, en raison de sa subsidiarité, sa demande de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-respect de l'obligation de sécurité, alors « que l'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle ; que le salarié victime de harcèlement moral a droit au versement de sommes distinctes correspondant au préjudice résultant, d'une part, de l'absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement et, d'autre part, des conséquences du harcèlement effectivement subi ; qu'en n'analysant pas la demande du salarié pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité qu'elle a qualifiée de « subsidiaire » à la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, quand cette demande était présentée « en tout état de cause », la cour d'appel a modifié l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

6. Pour confirmer le rejet par la juridiction prud'homale de la demande de dommages-intérêts du salarié au titre de la violation de son obligation de sécurité par l'employeur, l'arrêt retient que le salarié la présentait à titre subsidiaire de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral.

7. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses conclusions, l'appel ayant été interjeté postérieurement au 1er août 2016, le salarié demandait des dommages-intérêts au titre du harcèlement moral ainsi que des dommages-intérêts distincts au titre de la violation de son obligation de sécurité par l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [O] de sa demande de dommages-intérêts pour violation par la société Sécurité protection de son obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 5 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Sécurité protection aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sécurité protection et la condamne à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un, et signé par lui et M. Rinuy, conseiller, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Sécurité protection.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. [O] avait été victime de harcèlement moral et d'avoir condamné la société Sécurité Protection à lui verser les sommes de 1.000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral, 1.416,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, 1.500 euros à titre
de dommages-intérêts pour la perte injustifiée de l'emploi du salarié et 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « M. [O] prétend avoir subi un harcèlement moral de la part de M. [I], PDG de la société, à compter du 19 décembre 2008, date à laquelle il a révélé à son employeur sa qualité de conseiller du salarié.

Au soutien de sa prétention relative au harcèlement moral, M. [O] expose, d'abord, que la société a exigé qu'il justifie de sa qualité de conseiller de salarié dans le but de permettre entretemps son licenciement alors qu'il appartient à l'employeur de consulter la liste des conseillers publiée au Recueil des actes administratifs et que celui-ci avait, en tout état de cause, été destinataire d'une télécopie portant à sa connaissance ce statut, qu'elle a manqué à son obligation de formation, dans la mesure où elle ne l'a pas inscrit à une formation obligatoire à l'exercice de la fonction avant le 31 décembre 2008, que s'il ne s'est pas rendu à cette formation, c'est en raison d'un arrêt maladie à la date de la formation de sorte qu'il appartenait à la société de le convoquer à une nouvelle date. M. [O] prétend, ensuite, que l'employeur a cessé de lui fournir du travail du 12 janvier au 2 février 2008 parce qu'il aurait fait une tentative de suicide à son domicile, ce qui était inexact et l'a sanctionné, notamment pour ce motif, par une mise à pied disciplinaire, sanction injustifiée au retour de laquelle il a été renvoyé à son domicile sous le prétexte qu'il s'était rendu sur un nouveau lieu de travail au centre commercial de Mériadeck avec une tenue non conforme alors qu'il avait dû faire reprendre lui-même le nouvel uniforme pour le mettre à la bonne taille. M. [O] évoque, par ailleurs, ses difficultés pour obtenir ses attestations de salaire pendant son arrêt maladie ainsi que son attestation d'emploi et le paiement des indemnités journalières de sécurité sociale et du salaire du mois de septembre 2009 qui n'a été versé que le 21 octobre 2009.

Il considère, enfin, que l'employeur a fait preuve d'immobilisme face au harcèlement moral qu'il a dénoncé par courriels du 7 et du 23 février 2009, les réunions du CHSCT, le 12 août et le 2 novembre 2009, ne constituant pas des réponses adaptées dans la mesure où l'ensemble des acteurs (médecin du travail, inspection du travail et le salarié lui-même) n'ont pas été convoqués concomitamment. Ces faits ont participé à la dégradation de ses conditions de travail et ont conduit à sa déclaration d'inaptitude en raison d'une altération de son état de santé ainsi qu'en atteste le service de pathologie professionnelle du CHU de [Localité 1].

(…)

La société conteste la réalité des faits rapportés par le salarié de sorte qu'il
convient de les examiner avant de vérifier que, pris ensemble, ils laissent ou non présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Sur la qualité de conseiller du salarié

Il est constant que M. [O] avait la qualité de conseiller du salarié dans le département de l'Essonne depuis le 4 décembre 2007, qu'il en a informé la société Sécurité Protection par télécopie du 19 décembre 2008 et qu'il a été désigné dans ces fonctions en Gironde par arrêté du 6 juillet 2009.

M. [O] a été convoqué à un entretien préalable le 8 janvier 2009 pouvant aller jusqu'au licenciement. Le 24 janvier 2009, le salarié a écrit à l'employeur pour lui rappeler son statut de conseiller du salarié que le PDG de la société avait mis en doute lors de l'entretien préalable. Par courrier du 27 janvier 2009, l'employeur a d'une part, répondu qu'aucune mesure de licenciement n'était envisagée et qu'il avait appris son statut de conseiller du salarié lors de l'entretien préalable et d'autre part, informé le salarié qu'il avait pris l'initiative de lui faire passer une visite médicale auprès du médecin du travail en raison d'une tentative du suicide de nature à mettre en cause son emploi d'agent de sécurité ce qui justifiait, dans l'attente, une suspension du contrat de travail avec maintien du salaire.

Par note du 6 février 2009, l'inspection du travail, saisie par le salarié, a rappelé à l'employeur qu'il ne pouvait contester la qualité de conseiller du salarié de. M. [O] que le motif allégué n'était pas une cause de suspension du contrat de travail et que le salarié devait être rémunéré dans l'hypothèse d'une suspension de la prestation travail était de son initiative.

Il résulte de ces éléments que M. [O] a dû, comme il le prétend, justifier de sa qualité de conseiller du salarié face à la position de l'employeur qui la contestait malgré les informations exactes qui lui avaient été communiquées par l'intéressé avant l'entretien préalable. Le fait allégué est donc établi.

Sur le manquement à l'obligation de formation

M. [O] reproche à l'employeur de ne pas avoir reprogrammé la formation obligatoire dite SST avant le 31 décembre 2008 date d'expiration de sa qualification lorsqu'il n'a pu se rendre au cycle de formation initialement prévu en raison d'un arrêt maladie, le 5 décembre 2008.

Toutefois, les convocations au cycle de formation SST produites par la société établissent que M. [O] a été invité à participer aux sessions prévues les 24 et 25 novembre et le 5 décembre 2008. Le salarié ne justifie pas des motifs l'ayant empêché d'assister à ces séquences. En outre, il résulte des pièces du dossier et, notamment du compte rendu du CHSCT du 19 octobre 2009, que M. [O] n'avait transmis à l'employeur son certificat SST qu'in extremis de sorte que l'entreprise l'avait inscrit en urgence à des sessions de recyclage auxquelles il ne s'était pas présenté. D'où il suit que le grief tiré du manquement à l'obligation de formation n'est pas caractérisé.

Sur la suspension du contrat de travail

La société a dispensé M. [O] de venir travailler du 12 au 29 janvier 2009 au motif qu'il aurait fait une tentative de suicide dont l'avait informée un client de l'entreprise, la société GAN, chez qui il était placé comme agent de sécurité. Le salarié a contesté cette décision par courrier du 24 janvier 2009 en rappelant qu'il s'était présenté sur son lieu de travail le 12 janvier où il avait appris que son intervention avait été déplanifiée. Il n'a jamais reconnu l'existence d'une tentative de suicide.

Celle-ci a été portée à la connaissance de l'employeur par un courriel du 12 janvier 2009 du responsable du site GAN qui l'aurait apprise de l'un de ses subordonnés.

Aucune pièce du dossier ne permet, toutefois, de vérifier que l'employeur a pris les mesures nécessaires pour s'assurer de la réalité de ces allégations. Il n'a pas, d'ailleurs, sollicité d'explications auprès du salarié sur ce point. L'attestation de M. [D], responsable d'exploitation, certifiant qu'il a demandé à M. [O] de lui adresser un certificat médical lorsqu'il a eu connaissance d'une tentative de suicide est inopérante à cet effet. De même, la convocation à l'entretien préalable à un licenciement qui a eu lieu le 16 janvier 2009 avait été adressée le 8 janvier, soit antérieurement à la prétendue tentative de suicide en date du 12 janvier, de sorte que cet entretien ne peut être regardé comme ayant participé à un recueil d'information sur ce qui s'était réellement passé.

Au demeurant, une convocation à un entretien de nature disciplinaire au sujet d'une tentative de suicide serait discriminatoire. Le salarié laissé sans affectation à partir du 12 janvier 2009 n'a connu la véritable raison de cette décision que par un courrier de l'employeur du 27 janvier 2009. Il s'ensuit que la décision de dispenser M. [O] de sa prestation de travail, dans ces circonstances, sur une période de plus de 15 jours, y compris sans perte de rémunération, s'analyse comme une mise à l'écart arbitraire de nature à établir un fait de harcèlement moral.

Sur la mise à pied disciplinaire d'une durée d'une semaine

Faisant suite à l'entretien du 16 janvier 2009, cette sanction a été notifiée le 6 février 2009 au motif d'une part, que le salarié n'avait pas, malgré plusieurs rappels de l'organisme de formation chargé d'une session de formation SSIAP à laquelle M. [O] était inscrit, les 17 et 18 décembre 2008, adressé des documents indispensables à la validation du diplôme empêchant ainsi la délivrance des diplômes pour l'ensemble de la promotion et la validation de sa propre qualification et qu'il avait été discourtois au téléphone quand un responsable de l'organisme l'avait relancé en urgence pour obtenir ces documents et d'autre part, que la société avait appris par un client que M. [O] aurait fait une tentative de suicide ce dont celui-ci aurait dû la prévenir en premier.

S'agissant du premier grief, M. [O] a répondu à l'employeur dans un courriel du 7 février 2009 qu'il ne comprenait pas ce qu'il "racontait" et qu'il était grippé quand l'organisme de formation l'avait contacté. Il n'a, cependant, donné aucune explication sur le défaut de transmission des documents sollicités par l'organisme 8 et n'a pas demandé à la juridiction prud'homale de prononcer la nullité de la sanction de ce chef. Il y a lieu de considérer que sur ce point la sanction n'est pas injustifiée et ne peut servir à établir un fait de harcèlement moral.

En ce qui concerne le deuxième grief, d'une part, il résulte du courriel du 7 février que M. [O] a démenti avoir avisé son interlocuteur au sein de la société GAN d'une tentative de suicide. D'autre part, comme indiqué ci-dessus, la société n'a pas procédé aux vérifications minimales pour s'assurer de la véracité de cette allégation qui, en l'état, n'est toujours pas démontrée. Ce motif de sanction n'est pas en conséquence justifié et établit un fait pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Sur le renvoi à son domicile du salarié

Le 2 février 2009, à son retour à son poste de travail après l'exécution de la mise à pied, M. [O] a été affecté sur un nouveau site au centre commercial de Mériadeck. Le chef de service ayant constaté que le salarié ne portait pas la tenue réglementaire l'a renvoyé à son domicile. Ce dernier ne conteste pas la matérialité de la cause de renvoi. Il soutient sans toutefois le prouver que l'employeur lui avait fourni une tenue trop grande et qu'il a été obligé de la faire retoucher. Ce fait ne constitue donc pas un motif de harcèlement moral.

Sur la retenue des attestations de salaires

M. [O] expose qu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 4 février 2009 en raison des agissements de harcèlement moral qu'il subissait et que durant son arrêt de travail, la société lui a transmis les attestations de salaires nécessaires au paiement des indemnités journalières avec un retard de plus d'un mois et demi ce qui participe au harcèlement moral. La société a répondu à la réclamation du salarié en date du 23 mars 2009 en indiquant que les attestations avaient été transmises à la caisse primaire d'assurance maladie et qu'il ne pouvait être comptable du retard dans le paiement des indemnités journalières par la caisse. Rien n'indique au dossier que le retard du versement des indemnités soit dû à un manquement de l'employeur. Le fait allégué au titre du harcèlement moral n'est donc pas établi.

Sur le retard dans la remise de l'attestation d'emploi

M. [O] a sollicité, par lettre du 18 mars 2009, la remise de l'attestation d'emploi nécessaire à l'obtention de sa carte professionnelle. L'employeur lui a envoyé cette attestation le 3 juillet 2009. Le retard n'est pas contesté par la société. Le fait est donc établi.

Sur la réponse de l'employeur à la dénonciation de faits de harcèlement moral

M. [O] a dénoncé une situation de harcèlement moral par courriels du 7 et du 23 février 2009. Le CHSCT a diligenté une enquête en juillet 2009 qui a conclu à l'absence de harcèlement moral. Le salarié a refusé de répondre à la demande d'audition des membres du CHSCT, notamment, aux motifs qu'il intervenait trop tard et qu'il n'était pas régulièrement composé.

Il résulte des pièces du dossier que le CHSCT a été saisi des faits de harcèlement moral le 20 juillet 2009 alors que le salarié les avait dénoncés dès le 7 février et que le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude le 27 avril 2009.

L'employeur a donc tardé à apporter une réponse à la situation qui lui était
dénoncée. Ce retard bien que ne constituant pas, en soi, un agissement de
harcèlement moral est de nature à caractériser un manquement à l'obligation de sécurité dont l'employeur est débiteur et à participer au processus de harcèlement moral.

Sur le lien entre l'inaptitude du salarié et le harcèlement moral

L'employeur soutient que le salarié ne peut pas invoquer une inaptitude d'origine professionnelle dans la mesure où cette inaptitude fait suite à un arrêt maladie non professionnel et que le salarié n'a jamais formé de recours en reconnaissance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'avis d'inaptitude a été rendu le 27 avril 2009 après réception par le médecin du travail d'un rapport du service de pathologie professionnelle du CHU de [Localité 1] en date du 1er avril 2009 concluant à la difficulté d'une reprise du travail sans risquer une altération de la santé mentale de M. [O] au regard d'un contexte professionnel très dégradé.

L'inspection du travail qui a été amenée à se prononcer le 16 juillet 2009 sur le recours de M. [O] à l'encontre de l'avis d'inaptitude a motivé sa décision de confirmation de cet avis en indiquant que selon le médecin régional du travail le salarié était inapte à tout poste dans l'entreprise tant que le PDG de la société avec qui le salarié avait des problèmes relationnels était à son poste.
Si, comme l'a relevé le rapport du CHU de Bordeaux, M. [O] connaissait également des difficultés familiales, il n'en demeure pas moins que l'inaptitude est consécutive à une dégradation des conditions de travail.

Il découle de ce qui précède que M. [O] établit des faits qui, pris ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral en ce que les manquements retenus par la cour à l'encontre de l'employeur ont contribué par leur répétition et leur gravité à la dégradation des conditions de travail du salarié et ont eu pour effet de porter atteinte à sa santé.

La société ne peut valablement soutenir qu'elle n'était pas informée de la qualité de conseiller du salarié de M. [O] dans la mesure où celui-ci justifie de l'envoi d'une télécopie portant à la connaissance de la société cette qualité.

En ce qui concerne l'allégation de tentative de suicide qui a donné lieu à une
dispense d'activité pendant plus de 15 jours et à une sanction disciplinaire
injustifiée, l'employeur qui se défend en indiquant qu'il a saisi le médecin du travail et qu'il était impératif de ne pas exposer le salarié et les clients à un autre passage à l'acte ne justifie pas des démarches sérieuses entreprises pour vérifier la réalité de cette assertion et ne fournit pas de raisons valables qui auraient pu motiver les décisions disproportionnées qu'il a prises à l'encontre du salarié.

Par ailleurs, l'employeur, bien qu'alerté par le salarié a procédé trop tardivement à une enquête sur les faits de harcèlement moral dénoncés.

Il apparaît, ainsi, que l'employeur ne justifie pas que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dès lors, il y a lieu de considérer que M. [O] a été victime de harcèlement moral. Le préjudice en résultant sera réparé par une somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts. » ;

1°) ALORS QU'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité,
d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'une mesure prise par l'employeur en application de son
obligation de sécurité de résultat en matière de santé et de sécurité des travailleurs ne peut être considérée comme un fait susceptible de caractériser un harcèlement moral ; qu'en jugeant que la suspension du contrat de travail de M. [O] avec maintien de sa rémunération entre le 12 janvier 2009, date à laquelle la société Gan, entreprise cliente auprès de laquelle il était affecté, avait révélé sa tentative de suicide sur le lieu de travail, et le 29 janvier 2009, date de sa visite auprès de la médecine du travail, devait s'analyser en une mise à l'écart arbitraire du salarié sans avoir recherché si, comme la société Sécurité Protection le faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p.19), cette mesure n'était pas justifiée par la nécessité pour l'employeur de respecter son obligation de sécurité de résultat en ne faisant courir aucun risque au salarié pour sa santé jusqu'à l'avis du médecin du travail, M. [O] n'ayant par ailleurs donné aucune suite à la demande
d'explication de M. [D], responsable d'exploitation, sur les faits extrêmement graves qui avaient été rapportés à l'employeur, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU'une sanction disciplinaire qui entre dans l'exercice du pouvoir
de direction et de sanction de l'employeur, ne peut être un fait susceptible de caractériser un harcèlement moral à l'égard du salarié sanctionné que si elle est injustifiée ; que pour apprécier le bien-fondé d'une sanction disciplinaire le juge doit rechercher si la sanction est proportionnée aux fautes reprochées par l'employeur dans le courrier de notification, prises dans leur ensemble ou isolément ; qu'en jugeant que la mise à pied disciplinaire d'une semaine qui avait été notifiée le 6 février 2009 à M. [O] était un élément de fait susceptible de caractériser un harcèlement moral au motif que le second grief invoqué dans la lettre de notification de la sanction lui reprochant de ne pas avoir personnellement informé son employeur de sa tentative de suicide n'était pas matériellement établi, sans avoir recherché si le premier grief invoqué dans ce même courrier d'un refus réitéré du salarié de fournir à l'organisme de formation auquel il était inscrit les documents nécessaires à la validation de son propre diplôme et de celui des autres participants bloquant ainsi l'achèvement de tout le cycle de formation, grief dont elle avait pourtant constaté qu'il était matériellement établi, ne permettait pas à lui seul de justifier 11 la sanction disciplinaire dont il avait été l'objet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1154-1, L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;

3°) ALORS QUE le salarié qui entend bénéficier de la protection liée à un
mandat extérieur, doit fournir à l'employeur une information utile sur l'existence de son mandat, au plus tard avant la notification de l'acte de la rupture ; qu'en jugeant que constituait une faute susceptible de nourrir un grief de harcèlement moral le fait pour la société Sécurité Protection d'avoir réclamé de M. [O] qui s'était prévalu d'un mandat extérieur de conseiller du salarié lors de l'entretien préalable à une sanction disciplinaire du 16 janvier 2009 qu'il lui présente les documents justifiant de son existence quand les informations demandées par l'employeur permettaient seules de connaître l'étendue de la protection et s'inscrivaient dans l'obligation d'information qui pesait sur le salarié à cet égard, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1, 16e , L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4°) ALORS QUE l'enquête diligentée par le CHSCT à la demande de l'employeur sur le harcèlement moral dont l'un de ses salariés se prétend victime, laquelle est une réponse à la dénonciation de tels faits, concourt à
l'exécution de l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur et ne peut caractériser en elle-même un fait de harcèlement moral ; qu'en retenant au titre du harcèlement moral qu'aurait subi M. [O], l'enquête menée en juillet 2009 par le CHSCT en raison de son caractère tardif, quand la tardiveté de l'enquête qui pouvait caractériser l'insuffisance de réaction de l'employeur dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat ne pouvait cependant en elle-même concourir à la reconnaissance d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. [O] avait été victime de harcèlement moral et d'avoir condamné la société Sécurité Protection à lui verser les sommes de 1.416,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, 1.500 euros à titre de dommages intérêts pour la perte injustifiée de l'emploi du salarié et 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QUE « l'employeur soutient que le salarié ne peut pas invoquer une inaptitude d'origine professionnelle dans la mesure où cette inaptitude fait suite à un arrêt maladie non professionnel et que le salarié n'a jamais formé de recours en reconnaissance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'avis d'inaptitude a été rendu le 27 avril 2009 après réception par le médecin du travail d'un rapport du service de pathologie professionnelle du CHU de [Localité 1] en date du 1er avril 2009 concluant à la difficulté d'une reprise du travail sans risquer une altération de la santé mentale de M. [O] au regard d'un contexte professionnel très dégradé.

L'inspection du travail qui a été amenée à se prononcer le 16 juillet 2009 sur le recours de M. [O] à l'encontre de l'avis d'inaptitude a motivé sa décision de confirmation de cet avis en indiquant que selon le médecin régional du travail le salarié était inapte à tout poste dans l'entreprise tant que le PDG de la société avec qui le salarié avait des problèmes relationnels était à son poste.

Si, comme l'a relevé le rapport du CHU de Bordeaux, M. [O] connaissait également des difficultés familiales, il n'en demeure pas moins que l'inaptitude est consécutive à une dégradation des conditions de travail.

Il découle de ce qui précède que M. [O] établit des faits qui, pris ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral en ce que les manquements retenus par la cour à l'encontre de l'employeur ont contribué par leur répétition et leur gravité à la dégradation des conditions de travail du salarié et ont eu pour effet de porter atteinte à sa santé.

La société ne peut valablement soutenir qu'elle n'était pas informée de la qualité de conseiller du salarié de M. [O] dans la mesure où celui-ci justifie de l'envoi d'une télécopie portant à la connaissance de la société cette qualité.

En ce qui concerne l'allégation de tentative de suicide qui a donné lieu à une
dispense d'activité pendant plus de 15 jours et à une sanction disciplinaire
injustifiée, l'employeur qui se défend en indiquant qu'il a saisi le médecin du travail et qu'il était impératif de ne pas exposer le salarié et les clients à un autre passage à l'acte ne justifie pas des démarches sérieuses entreprises pour vérifier la réalité de cette assertion et ne fournit pas de raisons valables qui auraient pu motiver les décisions disproportionnées qu'il a prises à l'encontre du salarié.

Par ailleurs, l'employeur, bien qu'alerté par le salarié a procédé trop tardivement à 23 une enquête sur les faits de harcèlement moral dénoncés.
Il apparaît, ainsi, que l'employeur ne justifie pas que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

(…)

La cour ayant retenu l'existence d'un lien entre le harcèlement moral et l'inaptitude, M. [O] peut également prétendre à une indemnité compensatrice de préavis d'une montant de 1416,41 euros outre les congés payés afférents et à une indemnité réparant la perte d'emploi injustifiée qui sera fixée à la somme de 1500 euros compte tenu du temps de présence du salarié dans l'entreprise » ;

ALORS QUE le salarié protégé dont le licenciement pour inaptitude a été autorisé par l'inspecteur du travail ne peut obtenir, devant le juge judiciaire, la nullité du licenciement que s'il démontre l'existence d'un lien de causalité
entre le harcèlement moral qu'il prétend avoir subi et son inaptitude ; qu'en
jugeant nul le licenciement pour inaptitude de M. [O] au seul motif que
l'inspecteur du travail avait retenu la mésentente du salarié avec le président
de l'entreprise, sans avoir explicité des éléments de fait permettant de caractériser l'existence d'un lien de causalité entre l'inaptitude du salarié pour une maladie d'origine non professionnelle et le harcèlement moral dont il aurait été victime, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Thouvenin, Coudray Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [O].

M. [O] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté, en raison de sa subsidiarité, sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du non respect de l'obligation de sécurité.

ALORS QUE l'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle ; que le salarié victime de harcèlement moral a droit au versement de sommes distinctes correspondant au préjudice résultant, d'une part, de l'absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement et, d'autre part, des conséquences du harcèlement effectivement subi ; qu'en n'analysant pas la demande du salarié pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité qu'elle a qualifiée de « subsidiaire » à la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, quand cette demande était présentée « en tout état de cause », la cour d'appel a modifié l'objet du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

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