29 septembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-25.549

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO01078

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 septembre 2021




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1078 F-D

Pourvoi n° Q 13-25.549






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 SEPTEMBRE 2021

Mme [L] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 13-25.549 contre l'arrêt (RG n° 11/09955 et 11/09993) rendu le 12 septembre 2013 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société MHS Maxime Simoëns, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de Mme [I], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société MHS Maxime Simoëns, après débats en l'audience publique du 30 juin 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2013), Mme [I] a été engagée le 3 juin 2009 par la société MHS Maxime Simoëns, en qualité de responsable du développement commercial.

2. Contestant un avertissement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 30 mars 2010.

3. Elle a été licenciée le 19 octobre suivant.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de rappel de primes, alors « que la clause qui subordonne le versement d'une prime à la présence du salarié dans l'entreprise à une date déterminée n'est licite que pour autant qu'elle ne prive pas le salarié d'un élément du salaire calculé en fonction des objectifs réalisés ; qu'en se fondant sur la circonstance que le contrat de travail subordonnait le paiement des primes commerciales sur objectifs à la présence de la salariée dans l'entreprise le 31 décembre de l'année considérée, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que ces primes, qui constituaient un élément variable de la rémunération de la salariée, étaient calculées en fonction des objectifs réalisés, ce dont il résultait que l'employeur ne pouvait se dégager de l'obligation de payer les primes correspondant aux objectifs commerciaux d'ores et déjà atteints avant le départ de la salariée de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 3211-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

7. Il en résulte que si l'ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement.

8. Pour débouter la salariée de ses demandes de primes, l'arrêt relève, pour l'année 2010, que l'intéressée a quitté l'entreprise au mois d'octobre de l'année considérée. Il constate, pour l'année 2009, s'agissant plus précisément de la prime nouveaux clients, que la salariée se fonde sur un nombre total de vingt-six nouveaux clients pour « l'exercice 2009/2010 », « apportés au cours de l'année 2010 », et forme une demande au titre de ces vingt-six clients pour l'année 2010, en en ajoutant un vingt-septième pour l'année 2009, sans l'identifier. Il retient, sur ce point, que la pièce à laquelle la salariée se réfère pour fonder sa demande ne distingue pas, parmi les clients de l'employeur, les anciens et nouveaux clients, ce qui n'est pas déterminant pour l'année 2009, mais, surtout, la date ou l'année au cours de laquelle ces clients, dont le nom est cité, ont été apportés à l'employeur.

9. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que les primes litigieuses constituaient la partie variable de la rémunération versée à la salariée en contrepartie de son activité de sorte qu'elles s'acquéraient au prorata de son temps de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [I] de ses demandes de primes sur le chiffre d'affaires et les objectifs de clientèle et en ce qu'il condamne Mme [I] à payer à la société MHS Maxime Simoëns la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 12 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société MHS Maxime Simoëns aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MHS Maxime Simoëns et la condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme [I]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de Mme [I] tendant au paiement d'un rappel de primes ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail stipule que les primes « nouveaux clients » et « sur le chiffre d'affaires » ne sont dues que si le salarié était en poste dans l'entreprise au-delà du 31 décembre de l'année de référence ; que le droit à un élément de rémunération variable peut être subordonné à la présence du salarié dans l'entreprise à la date d'ouverture de ce droit ; que tel est le cas en l'espèce puisque le droit aux primes considérées sur le chiffre d'affaires réalisé en cours d'année et sur le nombre de clients nouveaux, pour chaque année, a été conditionné à la présence de Mme [I] le 31 décembre de l'année considérée et non à une date ultérieure, ce qui aurait été illicite ; que Mme [I] réclamant une prime sur le chiffre d'affaires pour l'année 2010 et une part de prime « nouveaux clients » pour l'année 2010, il ne peut être fait droit à ces demandes dans la mesure où elle avait quitté l'entreprise au mois d'octobre de cette même année ;

ALORS QUE la clause qui subordonne le versement d'une prime à la présence du salarié dans l'entreprise à une date déterminée n'est licite que pour autant qu'elle ne prive pas le salarié d'un élément du salaire calculé en fonction des objectifs réalisés ; qu'en se fondant sur la circonstance que le contrat de travail subordonnait le paiement des primes commerciales sur objectifs à la présence de la salariée dans l'entreprise le 31 décembre de l'année considérée, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que ces primes, qui constituaient un élément variable de la rémunération de la salariée, étaient calculées en fonction des objectifs réalisés, ce dont il résultait que l'employeur ne pouvait se dégager de l'obligation de payer les primes correspondant aux objectifs commerciaux d'ores et déjà atteints avant le départ de la salariée de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 3211-1 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Mme [I] fondé sur une cause réelle et sérieuse et D'AVOIR rejeté la demande de Mme [I] en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE le fait que Mme [I] ait été convoqué à un entretien préalable avec l'indication selon laquelle il était « envisagé de procéder à son licenciement pour faute grave » ne suffit pas à qualifier le motif du licenciement qui a suivi ledit entretien ; que rien ne permet de qualifier le motif de licenciement de Mme [I] de faute grave, dès lors que ce choix de qualification des manquements évoqués n'a pas été fait par l'employeur dans sa lettre de licenciement ; que s'il est exact que, dans cette lettre et dans ses écritures, l'employeur évoque des fautes professionnelles et une insuffisance professionnelle, la seule conséquence qu'en tire Mme [I] est que l'insuffisance n'a pas de caractère fautif avant de contester la réalité des manquements qui lui sont reprochés ; (…) que Mme [I] s'est prévalue, lors de son embauche, de relations professionnelles dans le domaine de la mode et d'un carnet d'adresse dont elle ne disposait pas en réalité ; (…) que certains des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement étant établis, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ; qu'il n'y a pas lieu de qualifier les manquements de la salariée de faute grave dès lors que l'employeur ne s'est pas prévalu d'une telle gravité et qu'il pouvait donc qualifier les manquements de la salarié de fautes professionnelles ou d'insuffisances professionnelles ; que s'il est patent que l'employeur évoque, dans sa lettre de licenciement, des fautes professionnelles et des manifestations d'insuffisance, cette seule insuffisance, à laquelle elle fait référence pour qualifier l'ensemble des manquements de Mme [I], est établie ;

ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture ; que l'insuffisance professionnelle ne présente aucun caractère fautif ; qu'en l'espèce, l'employeur a licencié la salariée pour insuffisance professionnelle ; qu'en considérant, pour retenir l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, qu'étaient établis à la charge de la salariée des griefs qui, tel le fait de s'être prévalue, lors de son embauche, d'une expérience dans le domaine de la mode et d'un carnet d'adresses dont elle ne disposait pas, ne pouvaient que recevoir la qualification de faute, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail.

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