15 septembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-14.900

Première chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C110625

Texte de la décision

CIV. 1

NL4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 septembre 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme AUROY, conseiller doyen faisant fonction de président



Décision n° 10625 F

Pourvoi n° J 20-14.900




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 SEPTEMBRE 2021

M. [F] [X], domicilié [Adresse 2]), venant aux droits de M. [N] [X], a formé le pourvoi n° J 20-14.900 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant à M. [R] [I], domicilié[Adresse 1] (Portugal), défendeur à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations écrites de Me Le Prado, avocat de M. [X], de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. [I], après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Antoine, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et le condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. [X]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise et déclaré incompétent le tribunal de grande instance de Paris au profit des juridictions arbitrales ;

AUX MOTIFS PROPRE QUE « la cour constate en premier lieu qu'il n'est pas contesté que le présent litige concerne un arbitrage international et non un arbitrage interne. Dès lors les dispositions de l'article 2061 ancien du Code civil ne sont pas applicables à la présente espèce.

Il n'est pas non plus contesté que M. [I] n'a signé le protocole de cession qu'en qualité de séquestre. Il ne se contredit pas en ayant affirmé devant le juge des référés être tiers à la cession et en revendiquant dans la présente procédure l'application de la clause compromissoire par l'effet de l'extension de cette clause aux tiers au contrat, extension permise dans le cadre d'un arbitrage international. Aucune pièce n'est produite qui établirait que M. [I] a refusé la compétence de la juridiction arbitrale au profit de la juridiction étatique et il n'est d'ailleurs pas soutenu que les demandeurs à l'arbitrage aient souhaité à un quelconque moment de la procédure y soumettre M. [I].

M. [X] sera en conséquence débouté de sa demande fondée sur l'estoppel.

En matière d'arbitrage international, la clause compromissoire peut être étendue à des tiers dès lors que la demande entre dans l'objet défini par la clause et que ces tiers ont eu connaissance de cette clause et ont par là même accepté d'y être soumis. En l'espèce, la clause insérée dans le protocole de cession vise « tous différends entre les parties sur la validité, l'interprétation, l'exécution ou l'inexécution ou la résiliation du présent protocole? » et M. [I] demande luimême l'application de la clause reconnaissance ainsi avoir joué un rôle entrant dans le périmètre de la clause.

La responsabilité de M. [I] est recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Il lui est reproché d'avoir fortement et volontairement sous-évalué la participation de M. [X] lors de la cession des actions. Il est en effet intervenu en amont du contrat en sa qualité d'évaluateur. Il est également intervenu comme facilitateur. La sentence arbitrale du 6 mars 2015 souligne que [R] [I] tenait une place centrale dans le groupe et dans la formation du contrat puisqu'il était à la fois commissaire aux comptes, secrétaire du conseil d'administration du groupe et expert indépendant. Enfin, il entretenait des liens d'associé avec le cessionnaire des actions, au sein d'une société financière Valorem Investissements.

M. [X] se prévaut enfin de l'article 1448 du Code de procédure civile applicable à l'arbitrage international par l'effet des dispositions de l'article 1506 du Code de procédure civile, qui dispose que la juridiction étatique est compétente notamment si la juridiction arbitrale n'est pas encore saisie.

En l'espèce, le tribunal arbitral est déjà constitué et en vertu du principe « compétencecompétence » il lui appartiendra de statuer sur sa saisine et sur sa compétence au regard du litige qui oppose M. [X] et M. [I], étant précisé que le principe de la concentration des moyens n'existe pas en arbitrage international et que M. [X] peut donc introduire ces nouvelles demandes qui ressortent du même contrat que les demandes précédentes.

Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « en l'espèce, il ressort des pièces et observations des parties que M. [R] [I] est intervenu à la signature du protocole de cession du 6 juillet 2005 et ce en qualité de séquestre.

Il y a lieu de considérer que la mission de séquestre, dont le périmètre est clairement défini par l'article 7.3 du protocole, est limitée aux besoins de la cause et de considérer que cette qualité de séquestre ne lui confère pas la qualité de « partie » au sens du contrat, celui-ci n'ayant été ni vendeur, ni acquéreur.

En application des dispositions de l'article 1504 du Code de procédure civile qui reprend l'ancien article 1492 du même code, « est international l'arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international » ;

L'opération économique visée au protocole de cession du 6 juillet 2005 porte sur la cession de titres de sociétés ayant des activités en Afrique et en Europe et relève donc de l'arbitrage international ;

En ce sens, l'article 2061 du Code civil, dans son ancienne version applicable au litige, est sans application dans l'ordre international et le moyen tiré de ce chef ne pourra être que rejeté ;

A titre liminaire, il y a lieu de relever que si M. [R] [I] a indiqué dans le cadre de la procédure de référé être tiers au protocole de cession du 6 juillet 2005, il n'en demeure pas moins que cette qualité de tiers ne constitue pas pour autant une violation du principe de l'estoppel dans la mesure où l'intéressé présente une demande tendant à voir bénéficier de l'extension des effets d'une clause compromissoire à l'égard d'un tiers ;

La jurisprudence constante et fournie a adopté depuis plusieurs années en matière d'arbitrage international le principe général de la convention d'arbitrage en considérant notamment que la clause compromissoire insérée dans un contrat international a une validité et une efficacité propre qui commande d'en étendre l'application aux parties directement impliquées dans l'exécution du contrat et dans les litiges pouvant en résulter, dès lors qu'il est établi que leur situation contractuelle et leurs activités font présumer qu'elles ont accepté la clause d'arbitrage, dont elles connaissaient l'existence et la portée, bien qu'elles n'aient pas été signataires du contrat qui la stipulait » (CAP Paris, 28 novembre 1989) ;

Aux termes d'un arrêt du 27 mars 2007 la Cour de cassation a consacré un véritable principe général d'extension de la convention d'arbitrage en matière internationale en jugeant que « l'effet de la clause d'arbitrage international s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution d'un contrat et les litiges qui peuvent en résulter » (Cass. 1ère civ., 27 mars 2007) ;

L'implication du tiers, élément objectif, est la condition de base ;

En l'espèce, il est constant que M. [R] [I] est intervenu dans les relations qui se sont nouées entre les différentes parties au protocole de cession ; de même qu'il est manifestement évident que celui-ci a participé (sans préjuger de la question de la responsabilité contractuelle) aux négociations dans le cadre de la fixation du prix des titres visés au protocole de cession ;

M. [R] [I] a ainsi rappelé dans ses écritures qu'il avait exercé les fonctions de commissaire aux comptes de plusieurs sociétés du groupe Sogafric de 1985 à 2000 et était secrétaire général du conseil d'administration Groupe (CAG) lequel était chargé de procéder annuellement à la valorisation des titres du groupe ;

Il est également constant que M. [R] [I] est intervenu à la signature du protocole de cession du 6 juillet 2005 en qualité de séquestre ; qu'en cette qualité il a eu connaissance de l'existence de la clause compromissoire ;

En conséquence, il y a lieu de constater que M. [R] [I] a donc participé à l'opération économique pour laquelle la clause a été stipulée et de relever à la lecture des deux sentences arbitrales rendues les 27 novembre 2014 et 6 mars 2015 que celles-ci ont largement fait état de son immixtion dans le cadre du processus ayant conduit à la signature du protocole de cession ;

Aux termes de l'article 1448 al.1 du Code de procédure civile « lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'st pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable » ;

En l'espèce, la clause compromissoire figurant au protocole de cession du 6 juillet 2005 n'est manifestement pas nulle pour avoir été mise en oeuvre par les consorts [X] ;

De tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que M. [R] [I] est fondé à se prévaloir de l'extension des effets de la clause compromissoire figurant au protocole du 6 juillet 2005 et de se déclarer incompétent pour connaître du litige ;

Surabondamment, il est également de bonne administration de la justice que cette affaire qui a d'ores et déjà été examinée sous un autre angle procédural soit renvoyée devant la juridiction arbitrale » ;

1°) ALORS QUE le champ d'application ratione materiae de la clause compromissoire est déterminé par ses propres termes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il résultait des stipulations de la clause compromissoire figurant dans le protocole du 6 juillet 2005 que les parties avaient souhaité soumettre à l'arbitrage « tout différend entre les parties relatif à la validité, l'interprétation, l'exécution ou l'inexécution ou la résiliation du présent protocole » ; qu'en jugeant pourtant que l'action en responsabilité engagée contre M. [I] par M. [X] échappait à la compétence des juridictions étatiques dès lors que cette clause compromissoire devait trouver application, bien que le présent litige ne porte ni sur le protocole lui-même, ni sur son exécution, mais sur l'évaluation faite par M. [I] des parts cédées dans le cadre d'un autre rapport d'obligations antérieur au protocole, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1103 et 1199 du Code civil, ensemble les articles 1448, 1506 et 1507 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le champ d'application ratione personae de la clause compromissoire est déterminé par ses propres termes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la clause compromissoire figurant dans le protocole du 6 juillet 2005 ne prévoyait de s'appliquer qu'aux « différend[s] entre les parties » ; qu'en jugeant néanmoins que les demandes formulées par M. [X] envers M. [I] au titre de l'évaluation des parts relevait de cette stipulation, après avoir pourtant jugé que ce dernier n'était qu'un tiers au protocole, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1103 et 1199 du Code civil, ensemble les articles 1448, 1506 et 1507 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE, en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu la portée ratione materiae et ratione personae pourtant clairement définie de la clause compromissoire, l'a dénaturée et a violé le principe selon lequel les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ;

4°) ALORS QUE, s'agissant de la portée ratione personae de la convention d'arbitrage, son effet s'étend aux tiers qui en ont eu connaissance et qui sont directement impliqués dans l'exécution du contrat et les litiges qui peuvent en résulter ; qu'en l'espèce, il est constant que l'action était dirigée contre M. [I] au titre d'une faute commise dans l'évaluation des parts cédées préalablement à la cession, de sorte que l'exécution du protocole n'était pas en cause, le litige relatif au protocole lui-même ayant déjà été tranché par un tribunal arbitral ; qu'en jugeant néanmoins que la clause pouvait être applicable à l'action indemnitaire en cause, la cour d'appel a violé l'article 1103 du Code civil, ensemble les articles 1448, 1506 et 1507 du Code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'État, celle-ci se déclare incompétente, sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ; qu'en l'espèce, pour retenir son incompétence, la cour d'appel a affirmé péremptoirement que « le tribunal arbitral est déjà saisi » ou « constitué » ; qu'en statuant ainsi, sans en justifier, bien qu'il soit constant entre les parties et constaté par la cour d'appel que le tribunal arbitral saisi avait été dessaisi par le prononcé de sa sentence sur le fond, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE, en statuant ainsi, bien que le tribunal arbitral ne soit saisi au sens de l'article 1448, al. 1er, du Code de procédure civile, que pour autant qu'il soit en situation de statuer sur sa compétence au moment où le juge étatique statue, ce qui n'était plus le cas lorsqu'il a rendu sa sentence, de sorte que, en l'espèce, aucun tribunal arbitral ne pouvait être considéré comme saisi au sens de ce texte, la cour d'appel a violé l'article 1448 du Code de procédure civile, ensemble les articles 1485 et 1506 du Code de procédure civile ;

7°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, M. [X] rappelait que M. [I] n'avait jamais invoqué la clause compromissoire durant la procédure pendante devant le tribunal de grande instance initiée en 2013, que, bien au contraire, il avait refusé de s'expliquer devant le tribunal arbitral au motif qu'il était partie à une procédure devant le tribunal de grande instance et que tout son comportement entre 2013 et 2018 l'avait légitimement conduit à penser qu'il ne se considérait pas lié par la clause compromissoire figurant au protocole du 6 juillet 2005 et qu'il avait ainsi été déloyalement induit en erreur par M. [I] sur ses intentions ; qu'en rejetant le moyen, au motif que ce dernier ne s'était pas contredit en affirmant qu'il était tiers à la cession et qu'il n'aurait pas refusé la compétence arbitrale, quand l'estoppel lui interdisait de prendre des positions de nature à induire l'exposant en erreur sur son intention de recourir ou non à l'arbitrage et quand son comportement avait clairement démontré à l'exposant qu'il avait entendu renoncer à tout arbitrage, la cour d'appel a violé les principes de l'estoppel et selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;

8°) ALORS EN TOUT ÉTAT DE CAUSE QUE nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, M. [X] rappelait que M. [I] n'avait jamais invoqué la clause compromissoire durant la procédure pendante devant le tribunal de grande instance initiée en 2013, que, bien au contraire, il avait refusé de s'expliquer devant le tribunal arbitral au motif qu'il était partie à une procédure devant le tribunal de grande instance et que tout son comportement entre 2013 et 2018 l'avait légitimement conduit à penser qu'il ne se considérait pas lié par la clause compromissoire figurant au protocole du 6 juillet 2005 et qu'il avait ainsi été déloyalement induit en erreur par M. [I] sur ses intentions ; qu'en ne s'expliquant pas sur le point de savoir si ce comportement n'avait pas pu abusivement induire M. [X] en erreur, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

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