19 novembre 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-82.818

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2013:CR05117

Titres et sommaires

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - nullités de l'instruction - examen de la régularité de la procédure - annulation d'actes - mise en examen - indices graves ou concordants - demande de la personne mise en examen - recevabilité - mise en examen auxiliaire à un supplément d'information ordonné par la chambre de l'instruction (non)

Est irrecevable la requête aux fins d'annulation d'une mise en examen présentée sur le seul fondement de l'article 80-1, alinéa 1er, du code de procédure pénale, qui permet à la personne concernée de saisir la chambre de l'instruction, en application des articles 173 et suivants du code de procédure pénale d'une telle requête pour défaut d'indices graves et concordants, lorsque le juge d'instruction a procédé à cette mise en examen en exécution d'un arrêt de la chambre de l'instruction ordonnant un supplément d'information

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Mme Mireille X..., épouse Y...,
contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AiX-EN-PROVENCE, en date du 12 mars 2012, qui, dans l'information suivie contre elle du chef d'abus de faiblesse, ont :
- le premier (n° 178/ 12), prononcé sur sa demande aux fins d'annulation de pièces de la procédure,
- le deuxième (n° 180/ 12), prononcé sur une demande d'actes complémentaires
-et le troisième (n° 175/ 12), ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'abus de faiblesse ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 octobre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI et les conclusions de l'avocat général DESPORTES ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 178/ 12 ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 80-1, 113-8, 173, 174-1, 204, 205 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué (n° 178/ 12) a rejeté la demande d'annulation de la mise en examen de Mme X..., épouse Y... ;
" aux motifs que saisie d'un appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance de non-lieu rendue par le magistrat instructeur, le 21 mars 2011, dans la procédure d'information ouverte à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X..., épouse Z... et au cours de laquelle Mme X..., épouse Y... avait bénéficié du statut de témoin assisté, la chambre de l'instruction a, par un arrêt avant dire droit en date du 21 juin 2011 :
- sursis à statuer quant au bien-fondé de l'appel,
- ordonné un supplément d'information,
- délégué à cet effet M. Lemercier, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Marseille, aux fins de procéder à la mise en examen de Mme Y..., de recueillir ses explications et de procéder à l'audition de la partie civile,
- dit qu'après exécution du supplément d'information, il sera fait retour du dossier de la procédure à la chambre de l'instruction ;
que ledit arrêt avant dire droit a été rendu au visa des articles 177, 186, 194 et suivants du code de procédure pénale, notamment les articles 204 et 205 ; que les dispositions légales précitées confèrent à la chambre de l'instruction, d'une part, le pouvoir d'ordonner la mise en examen de personnes qui n'ont pas été renvoyées devant elle pour des infractions résultant du dossier de la procédure et, d'autre part, la faculté de déléguer à un juge d'instruction le soin de procéder au supplément d'information ainsi ordonné ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a relevé, à l'issue d'une audience au cours de laquelle avait été contradictoirement débattue la question de l'existence ou de l'inexistence d'indices graves ou concordants, que la procédure d'instruction qui lui était soumise révélait l'existence d'indices concordants justifiant une mise en examen de Mme Y..., laquelle n'avait jusqu'alors été entendue dans la procédure qu'en qualité de témoin assisté ; qu'elle a en conséquence ordonné sa mise en examen et confié au juge d'instruction la mission de procéder à cet acte ; que le magistrat instructeur agissait comme simple délégataire de la chambre de l'instruction ; que, dès lors, il ne disposait d'aucune liberté d'appréciation, sa mission consistant expressément à n'effectuer que le supplément d'information ordonné par la chambre de l'instruction dans son arrêt avant dire droit ; que c'est d'ailleurs pour cette raison que ce magistrat n'a pas donné suite à la demande d'actes formée par le conseil de Mme Y..., ceux-ci excédant le mandat spécifique qui lui était confié par l'arrêt du 21 juin 2011 et qui avait strictement déterminé la mission qui lui était impartie ; que, s'agissant de la mise en examen d'un témoin assisté, cette formalité a été exécutée par le magistrat instructeur conformément aux prescriptions de l'article 113-8 du code de procédure pénale ; dès lors la procédure de mise en examen effectuée par le magistrat instructeur le 4 octobre 2011 n'encourt aucun grief ;
" 1°) alors qu'à peine de nullité, et sous le contrôle de la chambre de l'instruction saisie par voie de requête de la personne mise en examen, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que le fait que, par un arrêt avant dire droit sur le règlement de la procédure, et à l'issue d'une audience au cours de laquelle avait été contradictoirement débattue la question de l'existence ou de l'inexistence d'indices graves ou concordants, la chambre de l'instruction ait ordonnée la mise en examen dans le cadre d'un supplément d'information et que, s'agissant de la mise en examen d'un témoin assisté, cette formalité ait été exécutée par le magistrat instructeur délégué dans le cadre de l'article 113-8, ne dispense en aucun cas la chambre de l'instruction de contrôler, dans le cadre de la requête en annulation de la mise en examen, l'existence contestée d'indice graves et concordants et d'exercer son pouvoir d'appréciation sur ce point, sauf à priver l'intéressée d'un recours prévu par la loi pour toute personne mise en examen ; qu'en validant la mise en examen de Mme Y... sans apprécier elle-même et de nouveau s'il existait les indices graves et concordants exigés à peine de nullité, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que la motivation par voie de référence équivaut à une absence de motivation ; que la seule référence à un arrêt avant dire droit du 21 juin 2011 dans lequel il a été relevé que la procédure d'instruction révélait l'existence d'indices concordants justifiant une mise en examen de Mme Y..., ne constitue pas une motivation propre, équivaut à un défaut de motifs et ne justifie pas légalement la décision " ;
Attendu que la requête présentée aux fins d'annulation d'une mise en examen sur le seul fondement de l'article 80-1, alinéa 1, du code de procédure pénale n'est pas recevable lorsque le juge d'instruction a procédé à cette mise en examen en exécution d'un arrêt de la chambre de l'instruction ordonnant un supplément d'information ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
II-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 180/ 12 ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 201, 202, 205, 81, 82-1 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué (n° 180/ 12) a rejeté la demande d'investigations complémentaires de Mme Y... ;
" aux motifs que la cour relève, à titre liminaire, que si Mme Mireille A... (en fait, X...) épouse Y... soutient que les fonds de sa mère avaient été remis par cette dernière à ses arrières petites-filles, Mathilde et Marine A..., elle n'a jamais prétendu que cet argent aurait été conservé par leur mère, Mme Z..., épouse A... ; qu'en outre, aucun des éléments du dossier dont la mise en examen excipe au soutien de sa version, à savoir les courriers qu'aurait établis Mme X... à l'intention du notaire ainsi que la lettre de Mme B..., ne laisse supposer que Martine A... aurait déposé l'argent sur son propre compte bancaire ; qu'en particulier, la lettre de Mme B... laisse entendre que l'argent aurait été placé " sur des titres " au nom de ses deux filles et aucunement sur un compte au nom de Mme A... ; que, de plus, Martine A... a déjà été entendue sur procès-verbal en cours d'instruction (E53) ; que, dans sa déposition, elle a catégoriquement nié qu'elle-même et/ ou ses filles aient reçu la moindre somme en espèces de leur grand-mère et arrière-grand-mère ; que la mise en examen n'apporte, au soutien de sa demande de seconde audition de Martine A..., aucun élément nouveau, survenu postérieurement à l'audition déjà réalisée le 15 février 2008 et susceptible de justifier que lui soient reposées les mêmes questions que celles qui ont déjà été formulées au cours de son audition précédente ; que, en conséquence, la demande d'audition de Martine A... n'apparaît aucunement justifiée par les nécessités de l'instruction et qu'elle doit dès lors être rejetée ;
" 1°) alors qu'en énonçant « que la mise en examen n'apporte, au soutien de sa demande de seconde audition de Martine A..., aucun élément nouveau, survenu postérieurement à l'audition déjà réalisée le 15 février 2008 et susceptible de justifier que lui soient reposées les mêmes questions que celles qui ont déjà été formulées au cours de son audition précédente » alors que le courrier de Mme B..., daté du 24 mars 2008, est postérieur à cette audition et constitue donc nécessairement un élément nouveau, l'arrêt attaqué s'est mis en contradiction avec cette pièce de la procédure ;
" 2°) alors que dans sa demande d'audition fondée sur le courrier de Mme B..., Mme Y... précisait que ce courrier était daté du 24 mars 2008 ; qu'en omettant de s'expliquer sur la date de ce courrier avant d'affirmer une absence d'élément nouveau survenu postérieurement à l'audition déjà réalisée le 15 février 2008, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors qu'en se fondant sur la seule circonstance que « l'argent aurait été placé " sur des titres " au nom de ses deux filles » et non « sur un compte au nom de Mme A... » pour écarter la demande d'audition de Mme A..., cependant que ce courrier établissait surtout, de manière déterminante, des remises d'argent à Mme A..., accréditant ainsi la défense de Mme Y... et venant au soutien de sa demande, la chambre de l'instruction, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a derechef privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'actes complémentaires, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont justifié leur décision dès lors que l'appréciation d'une demande d'acte d'instruction qui est une question de fait, échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
III-Sur le pourvoi formé contre l'arrêt n° 175/ 12 ;
Sur sa recevabilité ;
Attendu que l'arrêt renvoyant Mme Y... devant le tribunal correctionnel, en ce qu'il a fait droit à l'appel de la partie civile aussi bien sur l'action publique que sur l'action civile, constitue une décision définitive et en dernier ressort que le tribunal, saisi de la connaissance de l'affaire, ne saurait modifier ; qu'en conséquence, un tel arrêt entre dans la classe de ceux qui, par application de l'article 574 du code de procédure pénale, peuvent être attaqués devant la Cour de cassation ;
Qu'il s'ensuit que le pourvoi de Mme Y... doit être dit recevable ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 574, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué (n° 175/ 12), infirmant l'ordonnance de non-lieu, a dit qu'il existait des charges suffisantes à l'encontre de Mme Y... d'avoir commis le délit d'abus de faiblesse et ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel ;
" alors que si, aux termes de l'article 574 du code de procédure pénale, les arrêts des chambres de l'instruction portant renvoi devant le tribunal correctionnel ou de police ne peuvent être attaqués devant la Cour de cassation que lorsqu'ils statuent sur la compétence ou qu'ils présentent des dispositions définitives que le tribunal, saisi de la prévention, n'a pas le pouvoir de modifier, ce n'est qu'à la condition que ces décisions satisfassent aux conditions essentielles de leur existence légale ; que le grief, selon lequel l'arrêt attaqué aurait omis de prononcer sur une demande des inculpés, est recevable ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué ayant omis de répondre aux demandes d'annulation de la mise en examen et d'investigation complémentaire formées par Mme Y..., ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu que l'arrêt énonce que, par deux arrêts distincts et motivés, la chambre de l'instruction a rejeté, d'une part, la requête aux fins d'annulation de la mise en examen de Mme Y... et, d'autre part, sa demande de nouveau supplément d'information ;
Attendu, dès lors, que le moyen proposé n'est pas fondé ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf novembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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