18 novembre 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-85.287

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:CR05632

Titres et sommaires

DETENTION PROVISOIRE - prolongation de la détention - débat contradictoire - modalités - convocation de l'avocat - télécopie - récépissé - force probante - droits de la defense - instruction - détention provisoire - force probante instruction - droits de la défense - prolongation

Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui déclare régulière la convocation au débat contradictoire adressée dans le délai légal par le juge des libertés et de la détention, sous la forme d'une télécopie, à l'avocat de la personne détenue, dès lors que l'accusé de réception émis par le télécopieur de l'avocat fait ressortir que la transmission s'est effectuée normalement

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Billel X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 6 août 2015, qui, dans l'information suivie, contre lui du chef de tentative de meurtre, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 novembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 114, 137-3, 145, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté la nullité de l'ordonnance entreprise et a confirmé cette ordonnance ;
" aux motifs que, si la copie, de la convocation au débat contradictoire pour la prolongation de la détention provisoire de M. X..., adressée le 2 juillet 2015 par fax à son avocat par le greffe du juge des libertés et de la détention de Chartres, ne comporte sur la copie produite par Maître Z..., effectivement ni le nom de son client, ni la date et l'heure de fixation du débat, la cour constate, néanmoins, que la copie jointe à la procédure du récépissé de fax, adressé le 2 juillet 2015 par le greffe du juge des libertés et de la détention de Chartres à Maître Z..., comporte non seulement les mentions se rapportant à la réception du fax, telles que " 1 page envoyée ", résultat ok " ainsi que le nom et le numéro de Maître Z..., elle porte aussi expressément les mentions suivantes : " convocation à Maître Z..., avocat de M. X..., mis en examen, J'ai l'honneur de vous informer que je compte procéder à mon cabinet au tribunal de grande instance de Chartres, 3 rue Saint-Jacques 28 019 Chartres cedex, le 20 juillet 2015 à 14 heures, au débat contradictoire relatif à la prolongation de la détention provisoire de votre client, le dossier de la procédure sera mis à tout moment à votre disposition durant les jours ouvrables en tout cas quatre jours ouvrables avant débat ", soit l'ensemble des mentions légalement exigées ; que ladite convocation paraissait donc régulière en la forme ; que, dans un souci du respect des droits de la défense, constatant l'absence de l'avocat de M. X..., le 20 juillet 2015 à 14 heures, le greffier du juge des libertés et de la détention de Chartres a pris contact avec celui-ci qui lui a indiqué ne pouvoir se déplacer ce même jour ; qu'une nouvelle date a alors été fixée au 23 juillet 2015 à 17 heures pour la tenue dudit débat, et ce, en accord avec Maître Z..., date et heure confirmées par la convocation qui a été adressée par mail à son cabinet, également le 20 juillet 2015 ; que si, effectivement, le délai compris entre cette nouvelle date de convocation et la date du débat contradictoire pour la prolongation de la détention provisoire n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 114 du code de procédure pénale, la cour retiendra, néanmoins, que Maître Z...avait eu, cependant, connaissance de la date et de l'heure exactes du débat fixé au 23 juillet 2015 à 17 heures, et que, présent le jour du 23 juillet 2015 à 17 heures et ayant pu consulter le dossier de la procédure mis à sa disposition en connaissance du motif de la convocation, il a présenté les observations utiles à la défense de son client ; qu'il ne saurait, dès lors, invoquer l'existence d'un grief causé aux droits de la défense ; que la cour rejettera donc l'exception de nullité soulevée ;
" alors qu'il résulte des dispositions de l'article 114, alinéa 2, du code de procédure pénale qu'est caractérisée la nullité de la procédure lorsque le délai de cinq jours ouvrables entre la convocation et le débat contradictoire n'a pas été respecté ; qu'ainsi, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, la chambre de l'instruction qui a relevé que le délai compris entre le 20 juillet 2015, date de la convocation, et le 23 juillet 2015, date du débat contradictoire, n'est pas « conforme aux prescriptions de l'article 114 du code de procédure pénale » tout en refusant d'annuler la procédure aux motifs, parfaitement inopérants, que l'avocat du demandeur a présenté des observations utiles à la défense de son client et ne saurait invoquer un grief " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, de l'ordonnance qu'il confirme et des pièces de la procédure que M. X..., mis en examen du chef de tentative de meurtre, a été placé en détention provisoire le 25 janvier 2014 ; que cette mesure a été prolongée, à compter du 25 janvier 2015, par une ordonnance du 15 janvier 2015 ; que le juge des libertés et de la détention a adressé le 2 juillet 2015 à l'avocat de M. X..., par télécopie, une convocation en vue d'un débat contradictoire préalable à une nouvelle prolongation ; que le 20 juillet 2015, date à laquelle devait se dérouler l'audience, l'avocat ne s'est pas présenté au cabinet du magistrat ; que, lors d'un entretien téléphonique, l'avocat a exposé que la télécopie reçue le 2 juillet 2015, de mauvaise qualité, ne comportait ni le nom du mis en examen, ni la date de l'audience, et qu'il n'avait pas été en mesure de donner suite à cette convocation ; que, d'un commun accord, le débat contradictoire a été reporté au 23 juillet 2015, celle du 25 juillet proposé par le magistrat ne convenant pas à l'avocat ; que le 20 juillet 2015, le juge des libertés et de la détention a adressé à l'avocat une télécopie ainsi qu'un message informatique pour confirmer la nouvelle date retenue par téléphone ; que le débat contradictoire a eu lieu le 23 juillet 2015 en présence de l'avocat du mis en examen ; que, par ordonnance du même jour, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire à compter du 25 juillet 2015 ; que M. X... en a interjeté appel ;
Attendu que devant la chambre de l'instruction, Maître Z..., avocat du mis en examen, reprenant une argumentation développée devant le juge des libertés et de la détention, a invoqué la violation de l'article 114, alinéa 2, du code de procédure pénale, au motif qu'il s'était écoulé un délai inférieur à cinq jours ouvrables entre la convocation adressée le 20 juillet 2015 et le débat contradictoire organisé le 23 juillet 2015 ;
Attendu que pour rejeter cette exception de nullité et confirmer l'ordonnance, l'arrêt retient, notamment, que si la télécopie reçue le 2 juillet 2015 par l'avocat et versée à la procédure, paraît incomplète, la convocation adressée le même jour par le juge des libertés et de la détention comportait toutes les indications nécessaires, en particulier le nom du mis en examen, l'objet de la convocation et la date de l'audience, que le télécopieur de l'avocat avait accusé réception de cette convocation, que le juge des libertés et de la détention a néanmoins fixé une nouvelle date dans le souci de respecter les droits de la défense et que cette date a été fixée d'un commun accord entre le magistrat et l'avocat ;
Qu'en cet état, et abstraction faite de motifs surabondants, la chambre de l'instruction a justifié sa décision dès lors que la convocation du 2 juillet 2015, adressée dans le délai légal et comportant les indications nécessaires, était régulière, que l'accusé de réception émis par le télécopieur de l'avocat faisait ressortir que la transmission s'était effectuée normalement, et que les messages expédiés le 20 juillet 2015 par le juge des libertés et de la détention ne constituaient pas une nouvelle convocation, distincte de la précédente, mais la simple confirmation d'un report de date convenu entre le magistrat et l'avocat ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 145-2, 145-3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de prolongation de détention provisoire entreprise ;
aux motifs qu'il résulte, en l'état de cette information, des raisons plausibles de soupçonner que la personne mise en examen d'avoir commis tes faits pour lesquels elle est poursuivie en dépit de ses dénégations ; qu'il ne peut être possible, en l'état de la procédure, d'affirmer comme fa défense, que M. X... ait pu être en état de légitime défense, affirmation qui ne résulte que de ses propres déclarations ; que les multiples antécédents judiciaires de l'intéressé ne semblent pas l'avoir convaincu de se tenir à l'écart de toute nouvelle infraction, à supposer les faits établis ; qu'en tout état de cause la constatation qu'il était sous mise à l'épreuve au moment des faits, à supposer ceux-ci établis, démontre qu'il ne tient pas compte des avertissements judiciaires qui peuvent lui être donnés ; que s'agissant de faits reprochés, il s'agit de prévenir toute réitération d'infraction étant précisé que les garanties de représentation alléguées, existaient pendant la commission des faits reprochés et ne sont donc évidemment pas un gage de non renouvellement d'infraction, que compte-tenu du quantum de la peine encourue, trente ans de réclusion criminelle, il est particulièrement susceptible d'user de manoeuvres fallacieuses pour se soustraire aux suites de la procédure, ayant gardé de solides attaches au Maroc ; que l'offre d'emploi produite devant la cour ne saurait pallier ce risque ; que, en outre, les explications divergentes des protagonistes imposent que M. X... soit empêché de se concerter avec ses proches, et mis hors d'état de pouvoir exercer des pressions sur les témoins devant être entendus alors même que son casier judiciaire montre que la menace et la violence semblent être des moyens d'expression privilégiés de la personne mise en examen ; que seule la détention provisoire permettra de parvenir de pallier efficacement ces risques ; que de surcroît, compte-tenu de la violence et des relations exacerbées entre les différentes parties dans un contexte de vengeance, il paraît tout aussi nécessaire d'éviter tout acte de représailles de la part des proches de M. Kader Y...à l'égard du mis en examen, que seule la détention est susceptible d'empêcher que ne se réalise cette vindicte ; que ni les contraintes d'un contrôle judiciaire ni celles d'une assignation à résidence avec surveillance électronique, même assorties d'un travail et d'une domiciliation telles que celles proposées, ne permettraient d'atteindre les objectifs définis à l'article 144 du code de procédure pénale ; que, notamment, ces mesures ne permettraient pas d'empêcher des pressions qui pourraient être faites par un moyen de communication à distance ni de faire obstacle à une concertation qui, même en cas d'assignation à résidence sans possibilité de sortie, pourrait se réaliser par la venue de mis en cause chez le mis en examen ; que les investigations restant à effectuer, notamment, la reconstitution et les actes qui s'en suivront justifient la poursuite de l'information, et qu'ainsi le délai prévisible d'achèvement de l'information peut être fixé à trois mois ;
" alors qu'il résulte des dispositions de l'article 145-3 du code de procédure pénale que lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle, les décisions ordonnant la prolongation de cette mesure ou rejetant une demande de mise en liberté doivent comporter les indications particulières qui justifient, en l'espèce, la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; qu'en l'espèce, n'a pas légalement justifié sa décision la chambre de l'instruction qui a confirmé une ordonnance de prolongation de détention provisoire en se bornant à indiquer que « les investigations restant à effectuer, notamment, la reconstitution et les actes qui s'en suivront justifient la poursuite de l'information », sans énoncer, par des « indications particulières », en quoi se trouve justifiée la poursuite de cette information " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1, 145-2, 145-3 et suivants du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit novembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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