8 septembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-14.011

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00963

Titres et sommaires

REPRESENTATION DES SALARIES - Délégués du personnel - Attributions - Atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles - Dénonciation - Saisine du conseil de prud'hommes - Jugement rendu par la juridiction prud'homale - Action postérieure du salarié intéressé - Action au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail - Possibilité - Portée

Ni le principe de l'autorité de la chose jugée, ni celui de l'unicité de l'instance ne font obstacle à ce que, suite à un jugement rendu par la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article L. 2313-2 du code du travail, dont l'objet est de faire ordonner les mesures propres à faire cesser une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles, le salarié intéressé engage ultérieurement une action au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail

REPRESENTATION DES SALARIES - Délégués du personnel - Attributions - Atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles - Domaine d'application - Portée

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 septembre 2021




Cassation


M. CATHALA, président



Arrêt n° 963 FS-B

Pourvoi n° T 20-14.011








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

Mme [S] [Y], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° T 20-14.011 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Baccarat, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société Etablissements Damon et Delente (filiale société Baccarat), dont le siège est [Adresse 1],,

3°/ au syndicat Fédération CFTC-CMTE, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de Me Bertrand, avocat de Mme [Y], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Baccarat et de la société Etablissements Damon et Delente, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Le Lay, Mariette, MM. Barincou, Seguy, conseillers, Mme Duvallet, Mme Marguerite, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [Y] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat Fédération CFTC-CMTE.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 2019) et les pièces de procédure, Mme [Y] a été engagée à compter du 1er février 1995 en qualité de vendeuse par les Etablissements Damon et Delente, filiale de la société Baccarat, à laquelle son contrat de travail a été transféré par convention du 8 février 2012 sur un poste de coordonnatrice "global retail". Mme [Y] a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 22 mars 2012.

3. Par jugement du 26 novembre 2013 devenu définitif, le conseil des prud'hommes de Paris, saisi par la Fédération CFTC-CMTE d'une action fondée sur l'article L. 2313-2 du code du travail, a rejeté la demande d'enquête du syndicat sur les faits de harcèlement moral dont la salariée aurait été victime.

4. Mme [Y] a saisi le 11 juin 2013 la juridiction prud'homale en vue de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, condamner la société Baccarat à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat et ordonner une expertise afin de procéder à sa reconstitution de carrière et de rémunération.

5. Par lettre du 5 mars 2015, la société Baccarat lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

6. Par arrêt du 13 février 2018, la cour d'appel a jugé irrecevable l'appel de Mme [Y] formé à l'encontre du jugement du 26 novembre 2013 statuant sur l'action fondée sur l'article L. 2313-2 du code du travail, au motif qu'elle n'était pas partie à cette instance.

7. Par l'arrêt attaqué du 2 octobre 2019, la cour d'appel a confirmé le jugement du 7 novembre 2014 ayant déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [Y] au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

8. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors :

« 2°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard des parties qui ont été présentes ou représentées au litige et qui, dans la nouvelle instance, procèdent en la même qualité ; que l'action de substitution est une action personnelle au syndicat et non une action par représentation des salariés ; qu'en déclarant irrecevables les demandes présentées dans le cadre de l'action personnellement engagée par Mme [Y] aux motifs propres et adoptés que "l'achèvement d'une procédure engagée par le syndicat en faveur du salarié lui fait perdre la faculté d'engager une action ultérieure", puisque le salarié ne peut être considéré comme tiers à l'instance engagée par le syndicat, et qu'une identité de parties doit donc être retenue entre les deux instances, quand le salarié n'est pas représenté par le syndicat dans le cadre d'une action de substitution, de sorte qu'il n'existe aucune identité de parties entre l'instance engagée par le syndicat et l'instance engagée par le salarié à titre personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce, et l'article 1355 du code civil ;

4°/ que le principe d'unicité d'instance n'est applicable qu'en cas d'identité de parties ; qu'en fondant sa décision sur le principe d'unicité de l'instance, qui ferait obstacle à ce que la salariée introduise une action à titre personnel à la suite de l'action de substitution engagée par le syndicat, tout en constatant que Mme [Y] n'était pas partie à l'instance engagée par le syndicat Fédération CFTC-CMTE lequel, par ailleurs, n'agissait pas par représentation de la salariée, de sorte que le principe de l'unicité de l'instance ne pouvait être opposé à Mme [Y], la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2313-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, R. 1452-6 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 et l'article 1351, devenu 1355 du code civil :

9. Aux termes du premier de ces textes, si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
L'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés.
Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.

10. Selon le deuxième de ces textes, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

11. Selon le dernier, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

12. Ni le principe de l'autorité de la chose jugée, ni celui de l'unicité de l'instance ne font obstacle à ce que, suite à un jugement rendu par la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article L. 2313-2 du code du travail, dont l'objet est de faire ordonner les mesures propres à faire cesser une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles, le salarié intéressé engage ultérieurement une action au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

13. Pour déclarer irrecevables les demandes de la salariée, l'arrêt énonce que l'action en substitution permet à une organisation syndicale d'intervenir en lieu et place d'un salarié, que celui-ci ne peut intenter une action à son tour mais seulement intervenir à l'instance, qu'une fois le jugement devenu définitif et en vertu du principe de l'unicité d'instance, le salarié n'est plus recevable à introduire une action sur la base du même contrat de travail, et que l'achèvement d'une procédure engagée par le syndicat en faveur du salarié lui fait perdre la faculté d'engager une action ultérieure.

14. L'arrêt relève ensuite que la fédération s'est substituée à la salariée afin de solliciter toute mesure d'enquête concernant des faits de harcèlement dans l'entreprise en évoquant le climat délétère dont celle-ci aurait été victime ainsi que le traitement discriminatoire et la violation du principe d'égalité de traitement concernant son évolution salariale et professionnelle.

15. L'arrêt retient également que la saisine du conseil des prud'hommes par la salariée est fondée sur les mêmes motifs et a le même objet que l'action engagée par la fédération, et que le jugement du conseil de prud'hommes du 26 novembre 2013, rendu en matière de référé, est une décision au fond ayant autorité de la chose jugée, qui est devenue définitive en l'absence d'appel de la fédération et en raison de l'irrecevabilité de l'appel de la salariée.

16. Il ajoute enfin, après avoir rappelé les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail, que le fondement des prétentions de la salariée est né ou a été révélé avant la décision du 26 novembre 2013.

17. En statuant ainsi, alors que les demandes étaient recevables, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Baccarat et la société Etablissements Damon et Delente aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Baccarat et Etablissements Damon et Delente et les condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour Mme [Y]


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [S] [Y] ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le 2 octobre 2012 la Fédération CFTC CMTE saisissait le Conseil des prud'hommes de Paris d'une action en substitution de Mme [Y], tendant à voir désigner un conseiller rapporteur aux fins d'enquêter sur des faits de harcèlement dont Mme [Y] aurait été victime. Par jugement de départage en date du 26 novembre 2013 le Conseil des prud'hommes de Paris a débouté, la Fédération CFTC CMTE de sa demande. La Fédération CFTC CMTE n'a pas interjeté appel de ce jugement. Seule Mme [Y] qui n'est pas intervenue à la procédure en a interjeté appel. Par arrêt en date du 13 février 2018, la Cour d'appel de Paris constatant que Mme [Y], bien qu'informée de cette action en substitution initiée par la Fédération CFTC-CMTE à laquelle elle pouvait valablement se joindre, ce qu'elle n'avait pas fait, a jugé son appel irrecevable en ce qu'elle n'était pas partie à cette instance. Aux termes de l'article R. 1452-6 du Code du travail, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du Conseil des prud'hommes. L'action en substitution permet à une organisation syndicale d'intervenir en lieu et place d'un salarié, celui-ci ne peut intenter une action à son tour mais seulement intervenir à l'instance. Une fois le jugement devenu définitif et en vertu du principe de l'unicité d'instance, le salarié n'est plus recevable à introduire une action sur la base du même contrat de travail. L'achèvement d'une procédure engagée par le syndicat en faveur du salarié lui fait perdre la faculté d'engager une action ultérieure. La Fédération CFTC-CMTE s'est substituée à Mme [Y] afin de solliciter toute mesure d'enquête concernant des faits de harcèlement dans l'entreprise en évoquant le climat délétère dont celle-ci aurait été victime ainsi que le traitement discriminatoire et la violation du principe d'égalité de traitement concernant son évolution salariale et professionnelle. Mme [Y] était parfaitement avertie de cette saisine ainsi qu'elle l'écrit dans le courrier qu'elle adresse à l'IFAS déclarant même avoir initié cette procédure prud'homale du 2 octobre 2012. Il convient de constater que la saisine du conseil des prud'hommes par Mme [Y] est fondée sur ces mêmes motifs et a le même objet. Le jugement du conseil des prud'hommes en date du 26 novembre 2013 qui a été rendu comme en matière de référé est une décision au fond ayant autorité de la chose jugée comme cela résulte des dispositions de l'article 492-1 du code de procédure civile ainsi que l'a relevé à juste titre le Conseil des prud'hommes. Cette décision a autorité de la chose jugée et est devenue définitive en l'absence d'appel de la Fédération CFTC CMTE et en raison de l'irrecevabilité de l'appel de Mme [Y]. Il convient de confirmer la décision du conseil des prud'hommes qui a justement relevé par des moyens pertinents que la Cour adopte que le fondement des prétentions actuelles de Mme [Y] est né ou a été révélé avant la décision du 26 novembre 2013. Sur la demande nouvelle relative au licenciement : L'action de Mme [Y] étant irrecevable, la Cour ne peut évoquer des demandes dont elle n'est pas valablement saisie ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' aux termes de l'article R. 1452-6 du code du travail, toutes les demandes liées contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance ; que cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, le syndicat CFTC a saisi le 2 octobre 2012, en se substituant à Mme [S] [Y], le conseil de prud'hommes de Paris aux fins que soit ordonnée une enquête avec désignation d'un ou deux conseillers rapporteurs ; que cette saisine était fondée sur l'article L. 2313-2 du code du travail, qui dispose que si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement ; que l'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation ; qu'en cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Paris qui statue selon la forme des référés ; que le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor ; qu'aux termes de l'article 492-1 du code de procédure civile, le juge qui statue comme en matière de référé, ou en la forme des référés, exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statue par une ordonnance ayant l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'elle tranche ; que contrairement à ce que soutient Mme [Y], la décision ayant débouté le 26 novembre 2013 le syndicat CFTC, qui la substituait, constituait donc bien une décision au fond eu égard à l'autorité de la chose jugée qui y était attachée ; que cette décision est devenue définitive en l'absence d'appel interjeté ; qu'ensuite, la lecteur de la motivation de la décision du 26 novembre 2013 montre qu'étaient déjà aux débats les faits non seulement de harcèlement moral mais aussi d'évolution salariale et professionnelle de Mme [S] [Y] qui sont invoqués, sous la forme d'un traitement discriminatoire et d'une violation du principe d'égalité de traitement, dans le cadre de la présente instance ; que même si aucune demande financière n'a et n'aurait pu être formée à ce titre durant l'instance précédente, le fondement des prétentions actuelles de Mme [S] [Y] apparaît incontestablement comme étant né ou révélé avant la décision du 26 novembre 2013 ; que par ailleurs, durant l'instance initiée le 2 octobre 2012, le syndicat CFTC substituait Mme [S] [Y], laquelle avait été informée préalablement par écrit par le syndicat de cette saisine, conformément aux dispositions de l'article L. 2313-2 du code du travail, et ne s'y était pas opposée ; que la présente juridiction, en formation complète de conseillers prud'hommes, estime que Mme [S] [Y] ne pouvait dès lors être considérée comme tiers à cette instance et qu'une identité des parties doit être retenue avec l'instance introduite le 11 juin 2013 ; qu'en conséquence, il convient de déclarer irrecevables les demandes formées par Mme [S] [Y] ;

ALORS, d'une part, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard des parties qui ont été présentes ou représentées au litige et qui, dans la nouvelle instance, procèdent en la même qualité ; qu'en déclarant irrecevables les demandes présentées dans le cadre de l'action engagée par Mme [Y] à titre personnel, au motif que « l'achèvement d'une procédure engagée par le syndicat en faveur du salarié lui fait perdre la faculté d'engager une action ultérieure » après avoir constaté que Mme [Y] n'était pas partie à l'instance engagée par le syndicat Fédération CFTC-CMTE et énoncé que c'était pour cette raison que son appel dirigé contre le jugement rendu dans le cadre de cette première instance avait été déclaré irrecevable, ce dont il résultait nécessairement qu'en l'absence d'identité de parties, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne pouvait être opposée à Mme [Y], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1355 du code civil ;

ALORS, d'autre part, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard des parties qui ont été présentes ou représentées au litige et qui, dans la nouvelle instance, procèdent en la même qualité ; que l'action de substitution est une action personnelle au syndicat et non une action par représentation des salariés ; qu'en déclarant irrecevables les demandes présentées dans le cadre de l'action personnellement engagée par Mme [Y] aux motifs propres et adoptés que « l'achèvement d'une procédure engagée par le syndicat en faveur du salarié lui fait perdre la faculté d'engager une action ultérieure », puisque le salarié ne peut être considéré comme tiers à l'instance engagée par le syndicat, et qu'une identité de parties doit donc être retenue entre les deux instances, quand le salarié n'est pas représenté par le syndicat dans le cadre d'une action de substitution, de sorte qu'il n'existe aucune identité de parties entre l'instance engagée par le syndicat et l'instance engagée par le salarié à titre personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce, et l'article 1355 du code civil ;

ALORS, de troisième part et subsidiairement, QUE l'autorité de la chose jugée ne peut en toute hypothèse être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement soumise au juge ; qu'en accueillant la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 26 novembre 2013, sans rechercher si le licenciement survenu postérieurement le 5 mars 2015, et au titre duquel Mme [Y] présentait des demandes spécifiques, n'était pas venu modifier la situation antérieurement soumise au juge, de sorte que l'autorité de chose jugée attachée à la première décision ne pouvait être opposée à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1355 du code civil ;

ALORS, de quatrième part, QUE le principe d'unicité d'instance n'est applicable qu'en cas d'identité de parties ; qu'en fondant sa décision sur le principe d'unicité de l'instance, qui ferait obstacle à ce que la salariée introduise une action à titre personnel à la suite de l'action de substitution engagée par le syndicat, tout en constatant que Mme [Y] n'était pas partie à l'instance engagée par le syndicat Fédération CFTC-CMTE lequel, par ailleurs, n'agissait pas par représentation de la salariée, de sorte que le principe de l'unicité de l'instance ne pouvait être opposé à Mme [Y], la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 ;

ALORS, enfin, QUE dans ses conclusions d'appel (p. 11), Mme [Y] faisait valoir que le principe d'unicité de l'instance ne pouvait être mis en oeuvre en l'espèce dès lors que, s'agissant cette fois de l'employeur, les parties n'étaient pas les mêmes dans les deux instances litigieuses, puisque, dans le cadre de la seconde procédure, engagée par la salariée, figurait la société Damon et Delente, laquelle n'était pas partie à la première instance, engagée par le syndicat Fédération CFTC-CMTE ; qu'en laissant sans réponse ces écritures, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.

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