8 septembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-18.959

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00961

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - conventions et accords collectifs - conventions diverses - bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils - convention collective nationale du 15 décembre 1987 - accord du 30 octobre 2008 - commission paritaire de l'emploi - mission en matière de reclassement externe - saisine - obligation de saisine préalable de l'employeur - exclusion - détermination - portée

Il résulte des articles 3 et 4 de l'accord du 30 octobre 2008 relatif à la commission paritaire nationale de l'emploi, annexé à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 que, si l'employeur est tenu d'informer la commission paritaire nationale de l'emploi du projet de licenciement économique collectif, seule la saisine de ladite commission par les organisations syndicales de salariés ou d'employeurs contractantes de l'accord du 30 octobre 2008 la conduit à exercer la mission qui lui est attribuée en matière de reclassement externe. Dès lors, l'accord du 30 octobre 2008 ne met pas à la charge de l'employeur une obligation de saisine préalable de la commission paritaire de l'emploi destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise dont la méconnaissance priverait les licenciements de cause réelle et sérieuse

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 septembre 2021




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 961 FS-P+B

Pourvoi n° A 19-18.959






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

La société Oteis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Grontmij, a formé le pourvoi n° A 19-18.959 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [P] [M], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Oteis, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [M], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Le Lay, Mariette, MM. Barincou, Seguy, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mme Prache, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 mai 2019), M. [M], salarié de la société Grontmij aux droits de laquelle vient désormais la société Oteis, a été licencié par lettre du 5 octobre 2015 dans le cadre d'une procédure de licenciement économique collectif accompagné d'un plan de sauvegarde de l'emploi, homologué le 1er octobre 2015 par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

2. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à verser au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts pour défaut de reclassement dans la procédure de licenciement économique et d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et d'ordonner le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par le salarié dans la limite de deux mois de salaire, alors « que selon l'article 3 de l'accord étendu du 30 octobre 2008 annexé à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, en cas de projet de licenciement collectif d'ordre économique portant sur plus de 10 salariés appartenant à un même établissement occupant plus de 100 salariés, l'employeur est uniquement tenu d'informer la commission paritaire nationale de l'emploi de ce projet le lendemain de la première réunion du comité d'établissement ; que la commission n'examine ce projet qu'à la condition d'être saisie par les organisations syndicales de salariés ou d'employeurs contractantes, lesquelles peuvent la saisir dans un délai restreint postérieurement à l'information de la commission par l'employeur ou même en l'absence de toute information de la commission par l'employeur ; que, si elle est saisie, la commission doit se réunir et examiner le projet dans un délai de 21 jours à compter de la première réunion des représentants du personnel, ses décisions en la matière prenant la forme d'un avis notifié par lettre recommandée avec avis de réception à l'entreprise concernée, selon l'article 7 de l'accord ; qu'il en résulte que cet accord n'impose pas à l'employeur le respect d'une procédure particulière destinée à étendre ses recherches de reclassement en dehors de l'entreprise, ni ne charge la commission paritaire nationale de l'emploi de rechercher et de proposer des possibilités de reclassement externe, peu important que l'article 7 de cet accord prévoie, de manière générale et imprécise, que la commission paritaire nationale de l'emploi a notamment pour mission d' « étudier les projets de licenciements collectifs d'ordre économique visés à l'article précédent qui lui sont soumis et les possibilités de reclassement des salariés licenciés pour motif économique » ; qu'en affirmant cependant que le fait pour l'employeur de ne pas saisir cette commission caractérise un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement, la cour d'appel a violé les articles 3, 4 et 7 de l'accord du 30 octobre 2008 relatif à la commission paritaire nationale de l'emploi. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 3 et 4 de l'accord du 30 octobre 2008 relatif à la commission paritaire nationale de l'emploi, annexé à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 et l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

4. Selon le premier de ces textes, d'une part, lorsqu'un projet de licenciement collectif d'ordre économique porte sur plus de dix salariés appartenant à un même établissement occupant plus de cent salariés, la commission paritaire nationale de l'emploi est informée par la direction de l'entreprise intéressée, le lendemain de la première réunion du comité d'établissement. D'autre part, les organisations syndicales de salariés ou d'employeurs contractantes de l'accord disposent alors d'un délai de six jours à compter de cette date pour saisir la commission paritaire de l'emploi qui disposera alors de quatorze jours pour se réunir et examiner le projet présenté par l'entreprise aux représentants du personnel. Enfin, en cas de défaut d'information de la commission paritaire nationale de l'emploi par l'entreprise, une organisation syndicale de salariés ou d'employeurs peut néanmoins saisir la commission paritaire nationale de l'emploi dans un délai de vingt et un jours décompté à partir du jour où les instances représentatives du personnel ont tenu leur première réunion.

5. Selon le deuxième de ces textes, l'une des missions de la commission paritaire nationale de l'emploi est d'étudier les projets de licenciements collectifs d'ordre économique visés à l'article précédent qui lui sont soumis et les possibilités de reclassement des salariés licenciés pour motif économique.

6. Il en résulte que, si l'employeur est tenu d'informer la commission paritaire nationale de l'emploi du projet de licenciement économique collectif, seule la saisine de ladite commission par les organisations syndicales de salariés ou d'employeurs contractantes de l'accord du 30 octobre 2008 la conduit à exercer la mission qui lui est attribuée en matière de reclassement externe. Il s'en déduit que l'accord du 30 octobre 2008 ne met pas à la charge de l'employeur une obligation de saisine préalable de la commission paritaire de l'emploi destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise dont la méconnaissance priverait les licenciements de cause réelle et sérieuse.

7. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société à verser au salarié diverses sommes au titre de la rupture, l'arrêt retient que le fait pour l'employeur de ne pas saisir la commission visée aux articles 3 et 4 de l'accord étendu du 30 octobre 2008 caractérise un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

9. La cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif relatifs aux dépens et aux demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Oteis à payer à M. [M] la somme de 40 000 euros pour défaut de reclassement dans la procédure de licenciement économique et ordonné le remboursement par la société Oteis aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par le salarié dans la limite de 5 412 euros (2 mois de salaire), condamne la société Oteis à payer à M. [M] les sommes de 5 412 euros à tire d'indemnité compensatrice de préavis et de 541,20 euros de congés payés y afférents, condamne la société Oteis aux dépens et la condamne à payer à M. [M] la somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 en cause d'appel, l'arrêt rendu le 15 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Oteis


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [M] est sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Oteis à payer à M. [M] 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de reclassement dans la procédure de licenciement économique, 5.412 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 541,20 euros au titre des congés payés afférents et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Oteis aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par le salarié dans la limite de 5.412 euros (deux mois de salaire) ;

AUX MOTIFS QUE « Les accords et conventions collectives de travail peuvent étendre le périmètre de l'obligation de reclassement qui figure à l'article L. 1233-4 du code du travail et prévoir à cette fin une procédure destinée à favoriser un reclassement extérieur à l'entreprise avant tout licenciement pour motif économique, consistant notamment dans la saisine d'une commission paritaire de l'emploi, établie dans chaque profession ou groupe de professions au niveau national ou régional, généralisée par l'accord national interprofessionnel du 13 février 1969 sur la sécurité de l'emploi. L'article 4, 7. étendu de l'accord du 30 octobre 2008 relatif à la commission paritaire nationale de l'emploi de l'ingénierie, des services informatiques et du conseil énonce que la commission paritaire de l'emploi a pour mission d'étudier les projets de licenciement collectifs d'ordre économique visés à l'article précédent qui lui sont soumis et les possibilités de reclassement des salariés licenciés pour motif économique. L'article 3 étendu de cet accord stipule que, lorsqu'un projet de licenciement d'ordre économique porte sur plus de 10 salariés appartenant à un même établissement occupant plus de 100 salariés, la commission paritaire nationale de l'emploi est informée par la direction de l'entreprise intéressée, le lendemain de la première réunion du comité d'établissement, les organisations syndicales de salariés ou d'employeurs contractantes de l'accord disposant alors d'un délai de six jours à compter de cette date pour saisir la commission paritaire de l'emploi qui disposera alors d'un délai de 14 jours pour se réunir et examiner le projet présenté par l'entreprise aux représentants du personnel, qu'en cas de défaut d'information de la commission paritaire nationale de l'emploi par l'entreprise, ledit délai de 14 jours court à compter du jour où une organisation syndicale de salariés ou d'employeurs aura saisi la commission paritaire nationale de l'emploi, pour autant que cette saisine s'inscrive dans un délai de 21 jours décompté à partir du jour où les instances représentatives du personnel ont tenu leur première réunion. Ainsi, le fait pour l'employeur de ne pas saisir cette commission caractérise un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse. La notion d'établissement doit s'appliquer à la société GRONTMIJ qui employait plus de 100 salariés (427 salariés) et non pas simplement à l'agence dans laquelle travaillait M. [M], située à [Localité 1], laquelle employait 19 salariés, (dans laquelle 3 postes ont été supprimés) comme le fait valoir la société OTEIS. Le plan de sauvegarde de l'emploi vise bien la suppression de 39 postes au sein de GRONTMIJ SA. Les développements relatifs à l'opposabilité à la société GRONTMIJ de l'avenant à l'accord du 30 octobre 2008 conclu le 20 janvier 2015 selon lequel, notamment, la commission paritaire nationale de l'emploi est informée par la direction de l'entreprise intéressée dès lors qu'un projet de licenciement collectif d'ordre économique porte sur plus de 10 salariés appartenant à un même établissement, quel que soit l'effectif total de l'établissement sont dès lors sans objet. La société GRONTMIJ ne justifiant pas avoir rempli son obligation de saisir la commission paritaire nationale de l'emploi, le licenciement de M. [M] se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse, comme l'a dit le conseil de prud'hommes dont le jugement sera confirmé sur ce point » ;

« QUE Le licenciement économique étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, M. [M] a le droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis, puisque le contrat de travail a pris fin le 5 octobre 2015, date de notification du licenciement, sans exécution du préavis de deux mois. Le plan de sauvegarde de l'emploi précisant que, dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, l'équivalent de l'indemnité compensatrice de préavis est versé par l'employeur directement au Pôle Emploi, M. [M] n'a reçu aucune somme à ce titre. M. [M] n'explique pas son calcul lui permettant d'aboutir à une indemnité de préavis de deux mois de 5.864 euros, soit 2.932 euros par mois. Le salaire mensuel moyen de M. [M] tel que fixé par le conseil de prud'hommes à la somme de 2.706 euros sera retenu. Il convient de condamner la société OTEIS à payer à M. [M] la somme de 5.412 euros à ce titre, ainsi que celle de 541,20 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande » ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « Article 668 du code de procédure civile sous réserve de l'article 647-1 (pas concerné ici), la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre. En l'espèce, le défendeur indique avoir adressé la LRAR de démission de sa société par courrier du 20 janvier 2015. Cette lettre aurait été reçue le 24 janvier 2015. Vis-à-vis du syndicat le préavis de dénonciation de 6 mois de la convention collective Syntec a donc commencé à courir le 25 janvier 2015. La réunion des IRP s'est tenue le 24 juillet et la convention collective Syntec était applicable puisque la société était encore membre du syndicat, sa démission n'étant pas définitive à cette date. Cf. Cass civ 3° 2 Février 2005 n° pourvoi 04-10219. La convention collective Syntec avec l'avenant du 20 janvier 2015 est donc applicable et la commission paritaire nationale de l'emploi aurait dû être saisie et la date à laquelle les représentants du personnel ont été consultés par OTEIS reportées. La société OTEIS a donc manqué à son obligation de reclassement (Cass. Soc., 2 mai 2001, n°s 99-44.945 et 99-44.946, Cass. Soc., 28 mai 2008, n°s 06-46.009 et 06-46.011) privant le licenciement de cause réelle et sérieuse. Le Conseil allouera à Monsieur [M] [P] la somme de 40 000 € pour défaut de reclassement dans la procédure de licenciement économique » ;

1. ALORS QUE selon l'article 3 de l'accord étendu du 30 octobre 2008 annexé à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, en cas de projet de licenciement collectif d'ordre économique portant sur plus de 10 salariés appartenant à un même établissement occupant plus de 100 salariés, l'employeur est uniquement tenu d'informer la commission paritaire nationale de l'emploi de ce projet le lendemain de la première réunion du comité d'établissement ; que la commission n'examine ce projet qu'à la condition d'être saisie par les organisations syndicales de salariés ou d'employeurs contractantes, lesquelles peuvent la saisir dans un délai restreint postérieurement à l'information de la commission par l'employeur ou même en l'absence de toute information de la commission par l'employeur ; que, si elle est saisie, la commission doit se réunir et examiner le projet dans un délai de 21 jours à compter de la première réunion des représentants du personnel, ses décisions en la matière prenant la forme d'un avis notifié par lettre recommandée avec avis de réception à l'entreprise concernée, selon l'article 7 de l'accord ; qu'il en résulte que cet accord n'impose pas à l'employeur le respect d'une procédure particulière destinée à étendre ses recherches de reclassement en dehors de l'entreprise, ni ne charge la commission paritaire nationale de l'emploi de rechercher et de proposer des possibilités de reclassement externe, peu important que l'article 7 de cet accord prévoie, de manière générale et imprécise, que la commission paritaire nationale de l'emploi a notamment pour mission d' « étudier les projets de licenciements collectifs d'ordre économique visés à l'article précédent qui lui sont soumis et les possibilités de reclassement des salariés licenciés pour motif économique » ; qu'en affirmant cependant que le fait pour l'employeur de ne pas saisir cette commission caractérise un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement, la cour d'appel a violé les articles 3, 4 et 7 de l'accord du 30 octobre 2008 relatif à la commission paritaire nationale de l'emploi ;

2. ALORS QU'au surplus, l'article 3 de l'accord du 30 octobre 2008 n'impose à l'employeur d'informer la commission paritaire nationale de l'emploi que « lorsqu'un projet de licenciement collectif d'ordre économique porte sur plus de 10 salariés appartenant à un même établissement occupant plus de 100 salariés » ; que l'employeur n'est donc pas tenu d'informer la commission paritaire nationale de l'emploi lorsque le projet de licenciement ne concerne pas un ou plusieurs établissements de plus 100 salariés ; qu'en affirmant que ces dispositions s'appliquent à la société Grontmij, dès lors qu'elle employait plus de 100 salariés, peu important que l'agence de [Localité 1] concernée par le projet de licenciement employait moins de 100 salariés, la cour d'appel a violé l'article 3 de l'accord collectif précité ;

3. ALORS QUE l'avenant non-étendu du 20 janvier 2015 à l'accord du 30 octobre 2008 relatif à la commission paritaire nationale de l'emploi prévoit qu'en présence d'un projet de licenciement collectif portant sur plus de 10 salariés d'un même établissement, les organisations syndicales de salariés ou d'employeurs peuvent saisir la commission paritaire de l'emploi « lorsque l'entreprise demande à bénéficier de dispositifs d'accompagnement » et que « la commission peut alors décider d'intervenir en soutien afin d'accompagner l'entreprise et les salariés, en utilisant les fonds dédiés gérés par le FAFIEC » ; qu'il en résulte que la mission de la commission paritaire nationale de l'emploi consiste, non pas à rechercher et proposer des solutions de reclassement externe, mais à accorder d'éventuelles aides au financement des actions de formation envisagées dans le plan de sauvegarde de l'emploi en cours d'élaboration ; qu'en conséquence, l'absence de saisine de la commission paritaire de l'emploi, qui n'a pas pour objet d'étendre le périmètre de reclassement, mais éventuellement d'enrichir les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, ne constitue pas un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement ; qu'en retenant, par motifs réputés adoptés, que la société Grontmij, qui était soumise à l'avenant non-étendu du 20 janvier 2015, devait, en application de cet accord, saisir la commission paritaire nationale de l'emploi et qu'en s'abstenant de le faire, elle a méconnu son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'avenant du 20 janvier 2015 à l'accord du 30 octobre 2008 précité ;

4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables ; qu'à ce titre, lorsqu'un accord de branche prévoit des obligations en matière de reclassement externe ou de formation professionnelle qui s'imposent à l'employeur au stade de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'administration doit s'assurer de la conformité du contenu du plan à ces dispositions conventionnelles ; que le principe de séparation des pouvoirs s'oppose alors à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect de ces dispositions conventionnelles ; qu'en l'espèce, l'article 3 de l'accord du 30 octobre 2008, dans sa version étendue comme dans sa version issue de l'avenant non-étendu du 20 janvier 2015, prévoit que la commission paritaire nationale de l'emploi saisie d'un projet de licenciement collectif doit se réunir et examiner ce projet dans un délai maximum de 21 jours à compter de la première réunion des représentants du personnel ; que ces dispositions, qu'aient pour effet de créer une obligation de reclassement externe à la charge de l'employeur ou qu'elles visent simplement à permettre l'obtention d'aides financières aux actions de formation professionnelle, elles s'appliquent donc dans le cadre de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi et leur respect relève ainsi du contrôle de l'autorité administrative ; qu'en l'espèce, il est constant que la Direccte a homologué le plan de sauvegarde de l'emploi établi par la société Grontmij, par décision du 1er octobre 2015 ; qu'en retenant néanmoins que la société Grontmij aurait méconnu les obligations mises à sa charge par l'accord du 30 octobre 2008, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs, ensemble les articles L. 1233-57-3 et L. 1235-7-1 du code du travail.

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