6 juillet 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 15-19.147

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01349

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :




Vu la connexité, joint les pourvois n° s X 15-19. 147 à Z 15-19. 149, Q 15-19. 163 et R 15-19. 164 ;


Sur le premier moyen :


Vu l'article L. 1221-1 du code du travail ;


Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et quatre autres salariés exerçant des fonctions de direction de la société Dexia épargne expansion (DEP), appartenant au groupe Dexia dont la société Holding est la société Dexia, ont participé, dans le cadre d'un plan de restructuration, aux opérations de cession de la société DEP, aux droits de laquelle vient la société Cardif assurance-vie ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale pour demander que soit reconnue à la société Dexia la qualité de coemployeur, subsidiairement de bénéficiaire d'une prestation accessoire à leur contrat de travail, et qu'elle soit condamnée à leur payer diverses indemnités ;


Attendu que pour décider que la société Dexia était l'employeur des directeurs de la société DEP et la condamner au paiement de diverses sommes les arrêts, après avoir écarté l'existence d'une immixtion de la société Dexia dans la gestion et le fonctionnement de sa filiale, retiennent que les pièces produites démontrent que les prestations accomplies pour la société Dexia, durant la période précitée, ont été effectuées dans un cadre de contrainte et de contrôle, défini par cette société (organisation de réunions et critique du travail réalisé), que ces prestations consistaient dans la présentation de la société DEP, spécialisée dans l'assurance-vie, tant aux personnels de la société Dexia, chargés de superviser la vente, que des futurs acheteurs auprès desquels M. X... et ses collègues étaient, en outre, tenus de résoudre, après la signature de la vente, les problématiques sur les lettrages et les suspens, selon leurs conclusions, sur ce point, non contestées, que le domaine des prestations litigieuses excédait, ainsi, celui des fonctions contractuelles de M. X... et de ses collègues au sein de la société DEP, comme les intéressés le rappelaient, sans être contredits, à la société Dexia, dans la lettre identique qu'ils lui faisaient parvenir le 2 juin 2010, qu'outre ce fonctionnement, à la demande, de la société Dexia, excluant toute indépendance, le sort des contrats de travail-appelés à être transférés à l'acquéreur, du fait de la vente de DEP-plaçait nécessairement les salariés dans un état de subordination à l'égard de cette société Dexia, qui, en sa qualité d'actionnaire, était décideur de la vente et, par là-même, de l'avenir des salariés transférés, qu'en outre, la subordination des intéressés envers la société Dexia était étroitement liée à l'obligation mise à la charge de cette même société, par la Commission européenne, de rétablir l'équilibre et la santé de son groupe,- ainsi qu'en témoigne la prise en charge directe, à compter du début de 2009- mais seulement à compter de cette année-de la gestion de sa filiale DEP par la société Dexia, que cette constatation ressort, notamment, de l'échange de courriels, entre M. X... et le président de la société Dexia, dans lequel le premier requiert, du second, l'autorisation d'embaucher un nouveau salarié au sein de la société DEP ;


Attendu cependant que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives à son subordonné, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail et que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ;


Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants caractérisant en réalité les relations économiques existant entre la société holding du groupe Dexia et la société DEP, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :


CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 31 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;


Condamne les défendeurs aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.


Moyens produits aux pourvois n° s X 15-19. 147 à Z 15-19. 149, Q 15-19. 163 et R 15-19. 164, par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Dexia.


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR condamné la société DEXIA SA à payer aux défendeurs aux pourvois diverses sommes à titre de bonus et de congés payés afférents, à titre d'indemnité pour renonciation à la clause de retour pour trois d'entre eux (Messieurs X... et Y...et Madame Z...) et à titre de dommages et intérêts ;


AUX MOTIFS QUE « Sur la qualité d'employeur ou de coemployeur de la société DEXIA SA ; Considérant que l'appelant entend voir qualifiée de contrat de travail, sa relation avec la société DEXIA SA, sur le fondement de la notion de coemployeur ; que sa participation à la préparation puis la réalisation de la cession de la société DEP-ou " projet Demeter "- a duré une année environ-de mai 2009 à juin 2010- pendant laquelle (le salarié) ne conteste pas être demeuré simultanément dans les liens et l'exécution, distincts, de son contrat de travail avec la société DEP ; Considérant que la notion de coemployeur alléguée s'avère, en conséquence, inadaptée en l'espèce alors qu'il n'est aucunement prétendu qu'antérieurement au projet de cession de la société DEP, la société DEXIA SA se serait immiscée dans la gestion et le fonctionnement de sa filiale ; Mais considérant que les pièces produites démontrent que les prestations accomplies par (le salarié) pour la société DEXIA SA, durant la période précitée, ont été effectuées dans un cadre de contrainte et de contrôle, défini par la société DEXIA SA (organisation de réunions et critique du travail réalisé) ; que ces prestations consistaient dans la présentation de la société DEP, spécialisée dans l'assurance vie, tant aux personnels de la société DEXIA SA, chargés de superviser la vente, que des futurs acheteurs auprès desquels (le salarié) et ses collègues étaient, en outre, tenus de résoudre, après la signature de la vente, " les problématiques sur les lettrages et les suspens ", selon les conclusions, sur ce point, non contestées de l'appelant ; Que le domaine des prestations litigieuses excédait, ainsi, celui des fonctions contractuelles de (le salarié) et de ses collègues au sein de la société DEP-comme les intéressés le rappelaient, sans être contredits, à la société DEXIA SA, dans la lettre identique qu'ils lui faisaient parvenir le 2 juin 2010 ; qu'outre ce fonctionnement, " à la demande ", de la société DEXIA SA ", excluant toute indépendance, le sort des contrats de travail-appelés à être transférés à l'acquéreur, du fait de la vente de DEP-plaçait nécessairement les salariés dans un état de subordination à l'égard de cette société DEXIA SA, qui, en sa qualité d'actionnaire, était décideur de la vente et, par là-même, de l'avenir des salariés " transférés " ; Qu'en outre, la subordination des intéressés envers la société DEXIA SA était étroitement liée à l'obligation mise à la charge de cette même société, par la commission européenne, de rétablir l'équilibre et la santé de son groupe,- ainsi qu'en témoignent la prise en charge directe, à compter du début de 2009, mais seulement à compter de cette année-de la gestion de sa filiale DEP par la société DEXIA SA ; que cette constatation ressort, notamment, de l'échange de courriels, entre M. X... et le président de la société DEXIA SA, dans lequel le premier requiert, du second, l'autorisation d'embaucher un nouveau salarié au sein de la société DEP ; Considérant que (le salarié) soutient, dès lors, à bon droit, que ses relations ponctuelles avec la société DEXIA SA, du printemps de l'année 2009 au mois de juillet 2010, revêtent bien le caractère juridique d'un contrat de travail, facilité par les relations mère/ fille des deux sociétés en cause mais étranger au contrat qui liait l'appelant à la société DEP ; Sur les obligations de la société DEXIA SA ; Considérant que la société DEXIA SA prétend que les relations ayant existé entre elle et (le salarié), se sont bornées, en tout état de cause, à de simples pourparlers et qu'elle n'a pris aucun engagement de verser (au salarié) la rémunération requise ; Que ce dernier soutient, au contraire, que la société DEXIA SA a souscrit à son égard l'obligation de lui verser la rémunération qu'il réclame ; Considérant qu'à titre liminaire, il y a lieu de relever, en fait, que la mission confiée (au salarié), comme dit ci-dessus, a été exécutée, ce que ne conteste pas la société DEXIA SA ; que, non sans contradiction, la société DEXIA SA soutient cependant qu'elle ne doit verser aucune somme (au salarié) ; Mais considérant que la mission confiée à celui-ci et les conditions dans lesquelles cette mission lui a été conférée, étaient créatrices d'un contrat de travail entre les parties, ainsi qu'il vient d'être démontré ; qu'en outre, le travail a été incontestablement réalisé, à la demande et pour le compte de la société DEXIA SA ; que celle-ci s'avère donc bien personnellement tenue de verser la rémunération due à l'appelant en contrepartie de ses prestations ; Que doit être, ici, écartée l'argumentation de la société DEXIA SA, selon laquelle la débitrice de cette rémunération serait, en réalité, la société DEP, elle-même n'ayant agi qu'en qualité de mandataire de celle-ci ; Que, sans le démontrer, la société DEXIA SA fait valoir, en effet, qu'elle n'aurait agi à l'égard (du salarié) que dans le cadre d'un mandat, à elle donné par la société DEP-aucune pièce relative à la délibération du conseil d'administration de DEP, alléguée dans ses conclusions par l'intimée, n'étant versée aux débats ; Qu'au demeurant, la nature de l'opération envisagée-une cession des parts de la société DEXIA SA dans le capital de la société DEP-et la qualité d'actionnaire unique de DEXIA SA contredisent la thèse d'un mandat puisque la cession concernait, au premier chef, l'actionnaire et non la personne morale, constituée de ces parts ; Qu'enfin, l'ensemble des pièces produites démontrent que le projet auquel a participé (le salarié), avec ses quatre collègues, conduisait ceux-ci à ne s'adresser qu'aux dirigeants de la société DEXIA SA, ce lien direct ayant permis précisément de retenir, ci-dessus, l'existence d'un contrat de travail entre l'appelant et la société DEXIA SA ; Que s'il est vrai que la société DEP était désignée dans les avenants, comme tenue de verser (au salarié) la rémunération envisagée dans ces documents, cette circonstance ne saurait être retenue en l'absence de signature desdits projets alors qu'elle ne ressort nullement, par ailleurs, des échanges instaurés entre M. X... et la société DEXIA SA ; qu'il y a lieu, à présent, de déterminer les contours et la portée de ces échanges ; Considérant qu'il convient de rappeler que par un courriel du 29 juin 2009, le président de la société DEXIA SA s'est adressé à M. X..., tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant de ses quatre autres collègues, pour l'informer de " la proposition du groupe " ; qu'était jointe à cette correspondance une évaluation globale des sommes offertes par " le groupe " aux cinq salariés, au titre, pour chacun, d'une part, d'un bonus fixe et d'un bonus variable-fonction du montant du prix de cession des parts de DEXIA dans DEP (celui-ci devant atteindre un minimum de 40 millions d'euros, seuil de déclenchement du bonus) et d'autre part, d'une indemnité pour renonciation du salarié à la clause de retour dans le groupe DEXIA-en cas de rupture de son contrat de travail-et à son ancienneté ; Que, le 29 juillet 2009, M. X... était destinataire d'un second courriel d'un autre dirigeant de " DEXIA GROUP " lui indiquant qu'en sus des bonus, lui-même et deux de ses quatre autres collègues restants, recevraient " une indemnisation contre renonciation à la clause de reprise d'ancienneté et de retour " d'un montant de 110 000 € pour lui, 80 000 € pour M. Y...et 45 000 € pour Mme Z...; Que sur remarque de M. X... contestant, dans un nouveau courriel du même 29 juillet, le montant prévu au titre de la clause de retour, le représentant de DEXIA SA acceptait cette remarque et précisait que l'indemnisation de la clause de reprise d'ancienneté et de la clause de retour donnerait lieu au versement de la somme de 171 000 € pour M. X..., de 110 000 € pour M. Y...et de 64 000 € pour Mme Z...; Que le 30 juillet 2009, M. X... écrivait à ses interlocuteurs de DEXIA : " votre proposition dans le cadre de la vente de la Compagnie nous intéresse et nous souhaitons qu'elle puisse nous être notifiée au plus vite par des avenants à nos contrats de travail " ; qu'il joignait à sa correspondance, le tableau de la société DEXIA SA comportant les montants proposés par celle-ci ainsi qu'un tableau répartissant entre les cinq salariés concernés, le montant des bonus que celle-ci avait calculés globalement ; Que le 4 août suivant, sur rappel de M. X..., le représentant de la société DEXIA SA répondait : " je vous confirme que nos conseils finalisent les documents qui concrétiseront cet accord qui, d'ores et déjà lie, DEXIA aux bénéficiaires identifiés ; Que le 10 août, il faisait parvenir à M. X..., les avenants litigieux-devant être conclus entre chacun des cinq salariés, et la société DEXIA SA ainsi que la société DEP-soit, un avenant par salarié pour le montant des bonus versés en fonction du prix de cession, et, pour trois de ces salariés, un second avenant portant sur l'indemnisation de la clause de retour et de reprise d'ancienneté ; Que le 13 août, M. X... refusait de signer ces avenants en faisant valoir, en particulier, auprès de " DEXIA GROUP " qu'il contestait la définition du " prix acheteur ", servant à évaluer le montant des bonus, au motif que cette définition supposait, selon les termes de l'avenant que soit " déduit du prix total payé par l'acheteur, le total des prêts subordonnés (au 7 août 2009, 107 millions d'euros) envers la société dont le remboursement est exigé par DEXIA " ; que M. X... précisait " ce point est totalement incompréhensible, si on l'applique on a un prix négatif... " ; Que M. X... demandait à recevoir une nouvelle " mouture " des différents avenants ; que, par la suite, la société DEXIA SA n'a cependant transmis aucune autre proposition à M. X... qui a néanmoins poursuivi sa mission pour DEXIA avec ses collègues jusqu'à la vente des parts de DEXIA dans DEP-au prix de cession de 114 millions d'euroset au-delà jusqu'à la résolution des " lettrages et des suspens " ; Qu'à l'issue de l'opération et sur la base de ce prix, M. X..., comme ses quatre collègues, a réclamé, le 2 juin 2010, à la société DEXIA SA, le paiement des sommes fixées par celle-ci dans les courriels et tableaux échangés entre les parties, les 29, 30 juillet et 4 août 2009 comme il vient d'être décrit ; Considérant qu'il résulte de courriers échangés sur ces trois jours, que (le salarié) et la société DEXIA SA ont trouvé un accord sans réserve, sur la nature, le calcul et le montant de la rémunération due à M. X... et ses collègues, en contrepartie de l'exécution de leur mission ; que la société DEXIA SA n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'il ne se serait agi que de pourparlers ; qu'il importe peu, en effet, que cet accord n'ait pas été écrit et signé pour consacrer la réalité de la commune volonté des parties dès lors que l'accord s'était ainsi fait sur la chose et sur le prix qui en formaient l'objet ; que pour reprendre les termes de la société DEXIA SA, elle-même, dans son courriel du 4 août 2009 " cet accord, d'ores et déjà li (ait), DEXIA aux bénéficiaires identifiés " ; Qu'en conséquence, la société DEXIA SA ne saurait invoquer, aujourd'hui, la divergence des parties sur la définition à donner aux termes définissant le montant des bonus, en prétendant que celui-ci devait être calculé sur le montant du prix de cession déduction faite du montant des prêts en cours de la société DEP ; que les tableaux précités font clairement apparaître que les bonus étaient exclusivement fonction du prix de vente des parts, sans qu'il soit jamais envisagé de déduire de ce prix une quelconque somme-les avenants, libellés en revanche, expressément en ce sens ayant pour effet de réduire aussi, presqu'à néant, la base de calcul du bonus ; Considérant qu'ainsi, la société DEXIA SA doit exécuter l'obligation qu'elle a personnellement souscrite envers M. X... et ses collègues » ;


1. ALORS QUE la caractérisation d'un contrat de travail distinct, qui ouvre droit à une rémunération distincte, entre un salarié et la société mère du groupe auquel appartient son employeur suppose de caractériser l'exécution par le salarié, pour le compte et sous l'autorité de la société mère, d'un travail différent de celui accompli pour le compte et sous l'autorité de sa filiale ; qu'en l'espèce, la société DEXIA SA soutenait que les prestations accomplies par les cinq directeurs salariés de la société DEP, à l'occasion de la cession de cette société, rentraient dans le cadre de leurs fonctions de direction de cette société ; que, selon les propres constatations de la cour d'appel, les prestations accomplies par l'équipe dirigeante de la société DEP, à l'occasion de la cession, consistaient dans la présentation de l'entreprise tant aux personnels de la société DEXIA SA chargés de superviser la vente, qu'aux futurs acheteurs et à résoudre, après la signature de la vente, les « problématiques sur les lettrages et les suspens » ; qu'en affirmant cependant péremptoirement que ces prestations excédaient les fonctions contractuelles des membres de l'équipe de direction de la société DEP, sans faire ressortir en quoi ces prestations excédaient les missions de directeur exercées par chacun d'entre eux, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;


2. ALORS QUE le lien de subordination juridique est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en se bornant à relever, pour conclure à l'existence d'un lien de subordination juridique entre la société DEXIA SA et les dirigeants de la société DEP, que les prestations de ces derniers ont été effectuées « dans un cadre de contrainte et de contrôle » manifesté par « (l') organisation de réunions et (la) critique du travail réalisé », qu'en sa qualité d'actionnaire, la société DEXIA SA était décideur de la vente et, par là-même, de l'avenir des « salariés transférés » et que l'obligation mise à la charge de la société DEXIA SA par la Commission européenne de rétablir l'équilibre de son groupe impliquait nécessairement une subordination des dirigeants de la société DEP, sa filiale, comme en attestait l'autorisation d'embaucher un nouveau salarié, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'exercice effectif, par la société DEXIA SA, d'un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction à l'égard des dirigeants de la société DEP et a, en conséquence, privé ses décisions de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail ;


3. ALORS QUE les dirigeants de la société mère d'un groupe peuvent prendre des engagements à l'égard d'un salarié de l'une des filiales du groupe, au nom de cette dernière, sans qu'il soit nécessaire qu'ils disposent d'un mandat écrit ; qu'en retenant que la société DEXIA SA, dont les dirigeants ont négocié avec l'équipe de direction de la société DEP l'attribution de certains avantages à ces derniers à l'occasion de la cession de la société DEP, était personnellement tenue par les engagements qui auraient été pris, dès lors qu'elle ne produisait pas la délibération du conseil d'administration de la société DEP lui donnant mandat de négocier pour le compte de cette dernière, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1985 du Code civil ;


4. ALORS QU'en retenant encore, pour écarter l'existence d'un mandat, que la cession de la société DEP concernait en premier lieu son actionnaire, et non la société DEP, cependant que cette circonstance n'excluait pas que la société DEP, seul employeur des membres de son équipe de direction, ait souhaité récompenser le travail accompli par ces derniers à l'occasion de la cession et ait en conséquence donné mandat à des dirigeants de la société mère pour négocier les conditions d'attribution de cette récompense, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant et a violé les articles 1134 et 1985 du Code civil ;


5. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'aucun accord n'est conclu tant que les parties n'ont pas même abordé, dans leurs négociations, les éléments essentiels de cet accord ; qu'il résulte des différents courriers électroniques des 29 juin, 29 juillet, 30 juillet et 4 août 2009, que Monsieur X... et ses interlocuteurs au sein de la société DEXIA SA n'ont jamais évoqué la manière dont s'entendait le « prix de cession » déterminant le droit à un éventuel bonus et le montant de ce bonus ; que c'est seulement lors de l'envoi, à Monsieur X..., le 10 août 2010, d'un projet de contrat définissant le prix de cession que cette question a été abordée par les parties ; qu'en affirmant néanmoins qu'il résulte de ces mêmes courriels que la société DEXIA SA et Monsieur X... ont trouvé un accord sans réserve sur la nature, le calcul et la rémunération due à Monsieur X... et ses collègues, au motif inopérant qu'il n'a jamais été envisagé dans ces courriels de tenir compte des prêts subordonnés pour la définition du prix de cession, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.


SECOND MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE


Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR condamné la société DEXIA SA à verser à chacun des défendeurs aux pourvois la somme de 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;


AUX MOTIFS QUE « Sur la qualité d'employeur ou de coemployeur de la société DEXIA SA ; Considérant que l'appelant entend voir qualifiée de contrat de travail, sa relation avec la société DEXIA SA, sur le fondement de la notion de coemployeur ; que sa participation à la préparation puis la réalisation de la cession de la société DEP-ou " projet Demeter "- a duré une année environ-de mai 2009 à juin 2010- pendant laquelle (le salarié) ne conteste pas être demeuré simultanément dans les liens et l'exécution, distincts, de son contrat de travail avec la société DEP ; Considérant que la notion de coemployeur alléguée s'avère, en conséquence, inadaptée en l'espèce alors qu'il n'est aucunement prétendu qu'antérieurement au projet de cession de la société DEP, la société DEXIA SA se serait immiscée dans la gestion et le fonctionnement de sa filiale ; Mais considérant que les pièces produites démontrent que les prestations accomplies par (le salarié) pour la société DEXIA SA, durant la période précitée, ont été effectuées dans un cadre de contrainte et de contrôle, défini par la société DEXIA SA (organisation de réunions et critique du travail réalisé) ; que ces prestations consistaient dans la présentation de la société DEP, spécialisée dans l'assurance vie, tant aux personnels de la société DEXIA SA, chargés de superviser la vente, que des futurs acheteurs auprès desquels (le salarié) et ses collègues étaient, en outre, tenus de résoudre, après la signature de la vente, " les problématiques sur les lettrages et les suspens ", selon les conclusions, sur ce point, non contestées de l'appelant ; Que le domaine des prestations litigieuses excédait, ainsi, celui des fonctions contractuelles de (le salarié) et de ses collègues au sein de la société DEP-comme les intéressés le rappelaient, sans être contredits, à la société DEXIA SA, dans la lettre identique qu'ils lui faisaient parvenir le 2 juin 2010 ; qu'outre ce fonctionnement, " à la demande ", de la société DEXIA SA ", excluant toute indépendance, le sort des contrats de travail-appelés à être transférés à l'acquéreur, du fait de la vente de DEP-plaçait nécessairement les salariés dans un état de subordination à l'égard de cette société DEXIA SA, qui, en sa qualité d'actionnaire, était décideur de la vente et, par là-même, de l'avenir des salariés " transférés " ; Qu'en outre, la subordination des intéressés envers la société DEXIA SA était étroitement liée à l'obligation mise à la charge de cette même société, par la commission européenne, de rétablir l'équilibre et la santé de son groupe,- ainsi qu'en témoignent la prise en charge directe, à compter du début de 2009, mais seulement à compter de cette année-de la gestion de sa filiale DEP par la société DEXIA SA ; que cette constatation ressort, notamment, de l'échange de courriels, entre M. X... et le président de la société DEXIA SA, dans lequel le premier requiert, du second, l'autorisation d'embaucher un nouveau salarié au sein de la société DEP ; Considérant que (le salarié) soutient, dès lors, à bon droit, que ses relations ponctuelles avec la société DEXIA SA, du printemps de l'année 2009 au mois de juillet 2010, revêtent bien le caractère juridique d'un contrat de travail, facilité par les relations mère/ fille des deux sociétés en cause mais étranger au contrat qui liait l'appelant à la société DEP ; Sur les obligations de la société DEXIA SA ; Considérant que la société DEXIA SA prétend que les relations ayant existé entre elle et (le salarié), se sont bornées, en tout état de cause, à de simples pourparlers et qu'elle n'a pris aucun engagement de verser (au salarié) la rémunération requise ; Que ce dernier soutient, au contraire, que la société DEXIA SA a souscrit à son égard l'obligation de lui verser la rémunération qu'il réclame ; Considérant qu'à titre liminaire, il y a lieu de relever, en fait, que la mission confiée (au salarié), comme dit ci-dessus, a été exécutée, ce que ne conteste pas la société DEXIA SA ; que, non sans contradiction, la société DEXIA SA soutient cependant qu'elle ne doit verser aucune somme (au salarié) ; Mais considérant que la mission confiée à celui-ci et les conditions dans lesquelles cette mission lui a été conférée, étaient créatrices d'un contrat de travail entre les parties, ainsi qu'il vient d'être démontré ; qu'en outre, le travail a été incontestablement réalisé, à la demande et pour le compte de la société DEXIA SA ; que celle-ci s'avère donc bien personnellement tenue de verser la rémunération due à l'appelant en contrepartie de ses prestations ; Que doit être, ici, écartée l'argumentation de la société DEXIA SA, selon laquelle la débitrice de cette rémunération serait, en réalité, la société DEP, elle-même n'ayant agi qu'en qualité de mandataire de celle-ci ; Que, sans le démontrer, la société DEXIA SA fait valoir, en effet, qu'elle n'aurait agi à l'égard (du salarié) que dans le cadre d'un mandat, à elle donné par la société DEP-aucune pièce relative à la délibération du conseil d'administration de DEP, alléguée dans ses conclusions par l'intimée, n'étant versée aux débats ; Qu'au demeurant, la nature de l'opération envisagée-une cession des parts de la société DEXIA SA dans le capital de la société DEP-et la qualité d'actionnaire unique de DEXIA SA contredisent la thèse d'un mandat puisque la cession concernait, au premier chef, l'actionnaire et non la personne morale, constituée de ces parts ; Qu'enfin, l'ensemble des pièces produites démontrent que le projet auquel a participé (le salarié), avec ses quatre collègues, conduisait ceux-ci à ne s'adresser qu'aux dirigeants de la société DEXIA SA, ce lien direct ayant permis précisément de retenir, ci-dessus, l'existence d'un contrat de travail entre l'appelant et la société DEXIA SA ; Que s'il est vrai que la société DEP était désignée dans les avenants, comme tenue de verser (au salarié) la rémunération envisagée dans ces documents, cette circonstance ne saurait être retenue en l'absence de signature desdits projets alors qu'elle ne ressort nullement, par ailleurs, des échanges instaurés entre M. X... et la société DEXIA SA ; qu'il y a lieu, à présent, de déterminer les contours et la portée de ces échanges ; Considérant qu'il convient de rappeler que par un courriel du 29 juin 2009, le président de la société DEXIA SA s'est adressé à M. X..., tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant de ses quatre autres collègues, pour l'informer de " la proposition du groupe " ; qu'était jointe à cette correspondance une évaluation globale des sommes offertes par " le groupe " aux cinq salariés, au titre, pour chacun, d'une part, d'un bonus fixe et d'un bonus variable-fonction du montant du prix de cession des parts de DEXIA dans DEP (celui-ci devant atteindre un minimum de 40 millions d'euros, seuil de déclenchement du bonus) et d'autre part, d'une indemnité pour renonciation du salarié à la clause de retour dans le groupe DEXIA-en cas de rupture de son contrat de travail-et à son ancienneté ; Que, le 29 juillet 2009, M. X... était destinataire d'un second courriel d'un autre dirigeant de " DEXIA GROUP " lui indiquant qu'en sus des bonus, lui-même et deux de ses quatre autres collègues restants, recevraient " une indemnisation contre renonciation à la clause de reprise d'ancienneté et de retour " d'un montant de 110 000 € pour lui, 80 000 € pour M. Y...et 45 000 € pour Mme Z...; Que sur remarque de M. X... contestant, dans un nouveau courriel du même 29 juillet, le montant prévu au titre de la clause de retour, le représentant de DEXIA SA acceptait cette remarque et précisait que l'indemnisation de la clause de reprise d'ancienneté et de la clause de retour donnerait lieu au versement de la somme de 171 000 € pour M. X..., de 110 000 € pour M. Y...et de 64 000 € pour Mme Z...; Que le 30 juillet 2009, M. X... écrivait à ses interlocuteurs de DEXIA : " votre proposition dans le cadre de la vente de la Compagnie nous intéresse et nous souhaitons qu'elle puisse nous être notifiée au plus vite par des avenants à nos contrats de travail " ; qu'il joignait à sa correspondance, le tableau de la société DEXIA SA comportant les montants proposés par celle-ci ainsi qu'un tableau répartissant entre les cinq salariés concernés, le montant des bonus que celle-ci avait calculés globalement ; Que le 4 août suivant, sur rappel de M. X..., le représentant de la société DEXIA SA répondait : " je vous confirme que nos conseils finalisent les documents qui concrétiseront cet accord qui, d'ores et déjà lie, DEXIA aux bénéficiaires identifiés ; Que le 10 août, il faisait parvenir à M. X..., les avenants litigieux-devant être conclus entre chacun des cinq salariés, et la société DEXIA SA ainsi que la société DEP-soit, un avenant par salarié pour le montant des bonus versés en fonction du prix de cession, et, pour trois de ces salariés, un second avenant portant sur l'indemnisation de la clause de retour et de reprise d'ancienneté ; Que le 13 août, M. X... refusait de signer ces avenants en faisant valoir, en particulier, auprès de " DEXIA GROUP " qu'il contestait la définition du " prix acheteur ", servant à évaluer le montant des bonus, au motif que cette définition supposait, selon les termes de l'avenant que soit " déduit du prix total payé par l'acheteur, le total des prêts subordonnés (au 7 août 2009, 107 millions d'euros) envers la société dont le remboursement est exigé par DEXIA " ; que M. X... précisait " ce point est totalement incompréhensible, si on l'applique on a un prix négatif... " ; Que X... demandait à recevoir une nouvelle " mouture " des différents avenants ; que, par la suite, la société DEXIA SA n'a cependant transmis aucune autre proposition à M. X... qui a néanmoins poursuivi sa mission pour DEXIA avec ses collègues jusqu'à la vente des parts de DEXIA dans DEP-au prix de cession de 114 millions d'euroset au-delà jusqu'à la résolution des " lettrages et des suspens " ; Qu'à l'issue de l'opération et sur la base de ce prix, M. X..., comme ses quatre collègues, a réclamé, le 2 juin 2010, à la société DEXIA SA, le paiement des sommes fixées par celle-ci dans les courriels et tableaux échangés entre les parties, les 29, 30 juillet et 4 août 2009 comme il vient d'être décrit ; Considérant qu'il résulte de courriers échangés sur ces trois jours, que (le salarié) et la société DEXIA SA ont trouvé un accord sans réserve, sur la nature, le calcul et le montant de la rémunération due à M. X... et ses collègues, en contrepartie de l'exécution de leur mission ; que la société DEXIA SA n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'il ne se serait agi que de pourparlers ; qu'il importe peu, en effet, que cet accord n'ait pas été écrit et signé pour consacrer la réalité de la commune volonté des parties dès lors que l'accord s'était ainsi fait sur la chose et sur le prix qui en formaient l'objet ; que pour reprendre les termes de la société DEXIA SA, elle-même, dans son courriel du 4 août 2009 " cet accord, d'ores et déjà li (ait), DEXIA aux bénéficiaires identifiés " ; Qu'en conséquence, la société DEXIA SA ne saurait invoquer, aujourd'hui, la divergence des parties sur la définition à donner aux termes définissant le montant des bonus, en prétendant que celui-ci devait être calculé sur le montant du prix de cession déduction faite du montant des prêts en cours de la société DEP ; que les tableaux précités font clairement apparaître que les bonus étaient exclusivement fonction du prix de vente des parts, sans qu'il soit jamais envisagé de déduire de ce prix une quelconque somme-les avenants, libellés en revanche, expressément en ce sens ayant pour effet de réduire aussi, presqu'à néant, la base de calcul du bonus ; Considérant qu'ainsi, la société DEXIA SA doit exécuter l'obligation qu'elle a personnellement souscrite envers M. X... et ses collègues » ;


ET QU'« il ressort des énonciations précédentes que la société DEXIA SA a fait preuve d'une particulière mauvaise foi envers lui, non seulement en n'exécutant pas ses obligations, alors que l'appelant exécutait, avec succès, les siennes, mais en tentant de revenir sur l'accord conclu par des moyens grossiers, particulièrement méprisants pour les salariés, leur travail et leur liberté de travail ; que ce dommage moral justifie l'allocation d'une indemnité de 10 000 € » ;


1. ALORS QUE les prétentions respectives des parties fixent l'objet du litige ;
qu'il résulte des conclusions de chaque salarié et des mentions des arrêts que les salariés réclamaient le paiement de dommages et intérêts pour « atteinte à la liberté contractuelle » résultant de la clause de non-sollicitation conclue par la société DEXIA SA, à l'occasion de la cession de la société DEP ; qu'après avoir constaté que les salariés ne justifient pas d'un préjudice matériel subi du fait de cette clause et en avoir déduit qu'ils ne peuvent prétendre à la réclamation d'un préjudice matériel, la cour d'appel a considéré qu'ils peuvent en revanche prétendre à la réparation d'un préjudice moral causé par la mauvaise foi dont la société DEXIA SA a fait preuve en n'exécutant pas ses obligations et en tentant de revenir sur son accord par des moyens grossiers ; qu'en modifiant ainsi l'objet de la demande indemnitaire des salariés, qui ne sollicitaient pas la réparation d'un préjudice moral résultant du refus de la société DEXIA SA d'exécuter les engagements pris à leur égard, mais l'indemnisation de l'atteinte portée à leur liberté contractuelle par une clause de non-sollicitation, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;


2. ALORS, AU SURPLUS, QUE les juges ne peuvent allouer des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires sans constater l'existence, pour le créancier, d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par le débiteur et causé par la mauvaise foi de ce dernier ; qu'en se bornant à affirmer que la société DEXIA SA a fait preuve d'une mauvaise foi envers les salariés, en n'exécutant pas ses obligations, cependant que ces derniers exécutaient leurs obligations avec succès et en tentant de revenir sur l'accord conclu par des moyens grossiers, particulièrement méprisants pour les salariés, leur travail et leur liberté de travail, pour allouer à chaque salarié une indemnité de 10. 000 euros en réparation d'un préjudice moral, sans caractériser ce préjudice moral, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale au regard de l'article 1153 du Code civil.

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