24 novembre 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-22.386

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2015:CO01007

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Shiamas International Limited que sur le pourvoi incident relevé par la société Bailly créations ;


Sur le moyen unique du pourvoi principal :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 avril 2013), et les productions, que la société Bailly créations (la société Bailly), venant aux droits de la société Soustiel 2000 (la société Soustiel), a conclu un contrat de licence exclusive d'exploitation des marques « Alexandre de Paris » avec la société Alexandre de Paris, aux droits de laquelle se trouve la société l'Oréal ; que le 1er avril 2003, la société Bailly a conclu avec la société Shiamas International Limited (la société Shiamas) un contrat de sous-licence de la marque « Alexandre de Paris » pour une exploitation en Asie du Sud-Est ; qu'à la suite de difficultés ayant entraîné un blocage des approbations nécessaires à la collection automne-hiver 2007, les parties ont conclu, le 21 juin 2007, un protocole prévoyant que leurs relations devaient se poursuivre comme auparavant; que, reprochant à la société Bailly la violation de ce protocole ainsi que des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, la société Shiamas a notifié à la société Bailly la résiliation du contrat de sous-licence, puis l'a assignée en résiliation judiciaire et en réparation de ses préjudices ; que la société Bailly a reconventionnellement demandé la résiliation du contrat aux torts de sa cocontractante ;


Attendu que la société Shiamas fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du contrat de sous-licence de la marque « Alexandre de Paris » à ses torts exclusifs alors, selon le moyen :


1°/ qu'ayant constaté que, par protocole du 21 juin 2007, les parties étaient convenues, d'une part, que la société Soustiel, devenue Bailly, ne devrait pas refuser de manière déraisonnable son accord pour la production des produits licenciés dans le cadre des collections des produits licenciés et, d'autre part, que à compter de la signature du protocole, la conception des collections serait faite sur le même modèle que les années précédentes, sans qu'il soit nécessaire de décrire les modèles et pourvu que l'image de marque d'Alexandre de Paris soit bien positionnée et maintenue sur le marché et selon la pratique antérieurement établie, ce dont il s'évinçait que les relations commerciales devaient se poursuivre, loyalement, sans changement pratique et qu'en toute hypothèse, il ne serait pas nécessaire que la société Shiamas soumette à son cocontractant une description des modèles ni donc, a fortiori, des prototypes ; qu'en considérant néanmoins que cette clause ne pouvait s'analyser en une dispense d'adresser des prototypes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1134, 1135 et 1184 du code civil ;


2°/ que les courriers adressés aux distributeurs par la société Soustiel, en octobre 2007, énonçaient que « vous commercialisez des produits revêtus de la marque Alexandre de Paris non approuvés par notre société ¿ ces faits sont susceptibles d'être sanctionnés sur le fondement de la contrefaçon de marque » ; qu'il en ressort que les distributeurs étaient avertis de ce qu'ils commercialisaient, à la date de rédaction de la lettre en octobre 2007, des produits susceptibles d'être argués de contrefaçon ; que la cour d'appel a considéré que la société Shiamas s'était « abstenue de fournir pour approbation des échantillons pour la saison printemps/été 2008, en dépit des demandes de la société Bailly, si bien que cette dernière a légitimement pu mettre en garde les fabricants comme elle l'a fait sur la contrefaçon » ; que les termes clairs et précis des courriers visaient une situation actuelle - manifestée par l'emploi du présent - datant donc d'octobre 2007, quand la cour d'appel a visé la collection à venir « printemps/été 2008 » ; qu'en statuant ainsi, elle a dénaturé les termes des courriers qui lui étaient soumis en violation de l'article 1134 du code civil ;


3°/ qu'elle soutenait que dans le cadre plus général de l'ensemble de ses activités, outre le contrat de sous-licence principal objet du litige, elle avait noué des liens commerciaux avec la société Soustiel, devenue Bailly, ses dirigeants, les époux X..., et notamment une société détenue et dirigée par M. X..., la société Créations Laurent Olivier (CLO), laquelle fabriquait, pour le compte de la société Shiamas, des produits sous la marque « Chic et Mode » ; qu'elle soutenait que les époux X... avaient frauduleusement déposé la marque « Chic et Mode » pour l'Asie et licencié cette marque à leur société CLO, ce qui a été constaté par un jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 29 juillet 2008 et qu'en l'état de cette dégradation évidente des relations entre les dirigeants de la société Bailly et la société Shiamas, celle-ci avait été contrainte de rompre leur principale relation, le contrat de sous-licence ; que pour rejeter ce dépôt de marque frauduleux comme l'une des causes de la rupture des relations commerciales entre la société Shiamas et la société Bailly, imputable à cette dernière, la cour d'appel a jugé que la chose jugée invoquée ne concernait que les époux X... et la société CLO ; que cependant, la société Shiamas n'invoquait pas la chose jugée, mais la détérioration des relations commerciales globales entre les parties et leurs dirigeants ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;


4°/ que pour écarter ce dépôt de marque frauduleux comme l'une des causes de la rupture des relations commerciales entre la société Shiamas et la société Bailly, imputable à cette dernière, la cour d'appel a encore considéré que le jugement constatant le caractère frauduleux du dépôt de la marque « Chic et Mode » par les époux X... était postérieur de plus de quatre mois à la résiliation unilatérale du contrat de sous-licence du 14 mars 2008 ; que la cour d'appel avait pourtant, elle-même, constaté que le dépôt de la marque avait été effectué en janvier 2007, de sorte que la cause de la perte de la confiance entre les parties était antérieure à la rupture du contrat de sous-licence ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1134 du code civil ;


Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé, d'un côté, qu'aux termes de l'article 3.3 du contrat de sous-licence, la société Shiamas avait l'obligation de soumettre le prototype des collections à l'approbation de la société Bailly, dès lors que cette dernière devait elle-même rendre des comptes au titulaire de la marque, de l'autre, que l'article 2 du protocole du 21 juin 2007 ne prévoyait pas de dispense expresse de fournir des prototypes pour approbation, la cour d'appel n'a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations en retenant que ce protocole ne pouvait s'analyser en une dispense d'adresser des prototypes à la charge de la société Schiamas ;


Attendu, en deuxième lieu, que sous le couvert du grief infondé de dénaturation, le moyen, en sa deuxième branche, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ;


Et attendu, en troisième lieu, qu'ayant retenu, d'un côté, que le jugement constatant le dépôt frauduleux de marque par M. et Mme X... avait été rendu entre des parties tierces au litige et que le dépôt, puis la licence concédée concernaient une marque autre que la marque « Alexandre de Paris », de l'autre, que le dépôt de cette marque n'avait pas donné lieu à une opposition de la part de la société Bailly, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions de la société Shiamas, a pu décider que ce dépôt n'avait pas mis la société Shiamas dans l'impossibilité de poursuivre le contrat conclu avec la société Bailly ;


D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel :


REJETTE le pourvoi principal ;


Condamne la société Shiamas International Limited aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Bailly créations la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille quinze.





MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Shiamas International Limited


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la résiliation unilatérale du contrat de sous-licence de la marque "Alexandre de Paris" était intervenue le 14 mars 2008, avec effet au 13 mai 2008, aux torts exclusifs de la société Shiamas International Ltd ;


AUX MOTIFS QUE : « Sur la rupture de la relation contractuelle :


Considérant que la société Shiamas appelante reproche aux premiers juges de n'avoir pas tiré les conséquences de leurs justes constatations en ne prenant pas en compte, notamment, le fait qu'elle n'avait d'autre choix que la rupture car son concédant la privait, "par des moyens à peine détournés", de la faculté de poursuivre l'exécution du contrat ou de s'être arrêté au fait que les propos de la société Bailly n'ont pas été jugés dénigrants alors que le comportement général de cette dernière empêchait toute poursuite de la relation contractuelle ;


Que pour affirmer que la société Bailly est entièrement responsable de la rupture, elle invoque successivement quatre griefs permettant d'attribuer à la société Bailly les torts dans la perte de confiance, à savoir :


- le refus d'approbation de la collection en violation des termes du protocole signé le 21 juin 2007,


- des accusations de contrefaçon et des menaces faites auprès de ses fournisseurs, et ceci même si la qualification de dénigrement n'a pas été retenue,


- le dépôt frauduleux par Monsieur X... de la marque "Chic & Mode" par elle-même exploitée,


- la fabrication des produits contrefaisant ceux qu'elle a créés dans le cadre de sa licence ;


Que la société Bailly Créations répond point par point à ces différents griefs et entend préciser le contexte du litige, à savoir qu'au mois de novembre 2007, alors même que la société Shiamas était toujours engagée dans la relation contractuelle les liant, elle n'a pas craint d'annoncer à l'ensemble des distributeurs que la marque "Alexandre Zouari" succédait à la marque "Alexandre de Paris", compte tenu du décès de Monsieur Alexandre, et de promouvoir à cette occasion les produits Alexandre Zouari ; qu'en outre, la société Shiamas a signé le 25 janvier 2008 un contrat de licence avec la société Alexandre Zouari, faits faisant d'ailleurs l'objet d'une demande indemnitaire formée à titre reconventionnel ;


Qu'elle déduit de ce contexte qu'au moment de la rupture unilatérale du contrat, la société Shiamas avait d'autres projets consistant à commercialiser des articles pour cheveux sous la marque "Alexandre Zouari" et qu'elle tente de lui faire supporter artificiellement la responsabilité de la rupture ;


S'agissant du refus d'approbation de la collection printemps/été 2008 par la société Bailly :


Considérant, que si la société Shiamas admet qu'elle était tenue, en vertu de l'article du contrat de sous-licence, de fournir à sa cocontractante "des échantillons des produits sous licence (y compris des échantillons des étiquettes et des conditionnements utilisés à cet égard) inclus dans chacune de ses deux collections annuelles pour approbation préalable à la production des produits sous licence en rapport avec ses collections (...)", la soudaine exigence de la société Bailly de voir appliquer cette clause est révélatrice de sa mauvaise foi contractuelle, eu égard à leurs usages antérieurs, aux termes d'un protocole signé entre elles le 21 juin 2007 dans le cadre du rachat, par la société Bailly, de la participation de la société Shiamas dans une joint-venture, et du caractère absurde, irréalisable d'un point de vue industriel et contraire à la logique la plus élémentaire de cette exigence ; Qu'elle ajoute que cet épisode lui rendait en pratique impossible la poursuite de la relation contractuelle et devrait, à lui seul, faire peser sur l'intimée la responsabilité de la rupture ;


Qu'en réplique, la société Bailly met en avant sa situation juridique personnelle de licenciée des marques appartenant à la société L'Oréal qui la contraignait, par conséquent et à peine de résiliation de ce contrat de licence, à exiger de son souslicencié, dont elle devait répondre, que lui soient soumis des échantillons répondant aux exigences de prestige requises par sa concédante ; qu'elle évoque les termes de ses divers courriers d'octobre et novembre 2007 rappelant vainement à la société Shiamas qu'elle devait lui soumettre préalablement les prototypes pour approbation, tout comme ce qui devait être appelé à promouvoir les produits, selon l'article 4 du contrat ;qu'elle fait valoir que même si un CD Rom lui a été soumis par la société Shiamas en novembre 2007 l'argument tiré du protocole du 21 juin 2007 n'est invoqué que pour les besoins de la cause et qu'il convient de se reporter à ses termes précis ;


Qu'elle en déduit qu'à tort les juges consulaires ont conclu que si ses propres exigences étaient conformes au contrat, elles étaient contraires aux engagements pris explicitement dans le protocole du 21 juin 2007 ;


Considérant, ceci rappelé, qu'il résulte du principe d'autonomie de la volonté que le contrat légalement formé lie les parties et s'impose au juge qui se doit d'assurer l'effectivité de ce que les parties ont prévu pour former la matière de leur engagement ;


Que la société Shiamas ne saurait, par conséquent, tirer argument du caractère coûteux ou inutile de l'obligation de soumettre des prototypes à l'approbation de sa cocontractante dès lors qu'il s'agit d'une obligation librement consentie selon un article 3.3 du contrat qui trouve pleinement sa raison d'être dans les propres engagements de la société Bailly à l'égard du titulaire de la marque ;


Qu'il ne saurait y être dérogé que de convention expresse ; qu'à cet égard, la société Shiamas ne peut valablement affirmer que l'article 2 du protocole du 21 juin 2007 constituait une dispense expresse de fournir des prototypes pour approbation dans la mesure où il stipule : "Dans le cadre de l 'article 3.3 du contrat, les parties conviennent que Soustiel ne devra pas refuser de manière déraisonnable son accord pour la production des produits licenciés dans le cadre des collections des produits licenciés (ci-après : "les collections").


Les parties conviennent en outre que « la conception des collections, à compter de la signature du présent protocole, sera faite sur le même modèle que les années précédentes, sans qu'il soit nécessaire de décrire ("to describe" dans le contrat rédigé en langue anglaise) les modèles et pourvu que l'image de marque de Alexandre de Paris soit bien positionnée et maintenue sur le marché, conformément à la pratique établie par Shiamas" ;


Que cette clause ne peut, en effet, s'analyser en une dispense d'adresser des prototypes dont il n'est pas fait mention ni a fortiori en une renonciation pure et simple aux obligations de l'article 3.3, compte tenu des diverses conditions qu'elle pose ; que c'est d'ailleurs ce qu'a rappelé à la société Shiamas la société Bailly par lettre du 13 novembre 2007 (pièce 23 - Shiamas) sans que cette dernière, à qui un délai de 15jours était accordé pour remplir ses obligations, ne lui adresse autre chose que le CD Rom sus-évoqué ;


Que la société Shiamas ne peut donc prétendre que ce seul point de dissension faisait obstacle à la poursuite de la relation contractuelle » ;


ALORS 1/ QU' : ayant constaté que, par protocole du 21 juin 2007, les parties avaient convenu, d'une part, que la société Soustiel, devenue Bailly, ne devrait pas refuser de manière déraisonnable son accord pour la production des produits licenciés dans le cadre des collections des produits licenciés et, d'autre part, que à compter de la signature du protocole, la conception des collections serait faite sur le même modèle que les années précédentes, sans qu'il soit nécessaire de décrire les modèles et pourvu que l'image de marque d'Alexandre de Paris soit bien positionnée et maintenue sur le marché et selon la pratique antérieurement établie, ce dont il s'évinçait que les relations commerciales devaient se poursuivre, loyalement, sans changement pratique et qu'en toute hypothèse, il ne serait pas nécessaire que la société Shiamas soumette à son cocontractant une description des modèles ni donc, a fortiori, des prototypes ; qu'en considérant néanmoins que cette clause ne pouvait s'analyser en une dispense d'adresser des prototypes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1134, 1135 et 1184 du code civil ;


ET AUX MOTIFS QUE : « Sur les accusations de contrefaçon et les menaces faites auprès de ses fournisseurs :


Considérant que la société Shiamas reproche aussi à la société Bailly d'avoir adressé un courriel à ses fabricants, le 12 octobre 2007, par lequel elle leur annonçait que les produits portant la marque "Alexandre de Paris" mis en fabrication par la société Shiamas n'avaient pas été approuvés et qu'« ils pouvaient être sanctionnés au titre de la contrefaçon » et d'avoir de la sorte poursuivi le dessein de créer l'inquiétude parmi ses fournisseurs et de bloquer la fabrication ;


Que le protocole du 21 juin 2007 l'autorisait, ajoute-t-elle, à ne pas décrire les modèles et à faire une collection sur les modèles de l'année précédente et que si la société Bailly, qui avait été satisfaite des collections précédentes, avait été réellement de bonne foi, elle s'en serait ouverte à elle et aurait entrepris de clarifier les choses, notamment auprès des tiers ;


Que ne peuvent lui être opposées des décisions judiciaires précédemment rendues qui n'ont pas retenu la qualification délictuelle de dénigrement dans la mesure où elle place sa demande sur le terrain contractuel, les agissements dénoncés constituant une exécution de mauvaise foi des conventions passées et fautive au regard de l'article 1134 du code civil ; qu'à son sens, l'objectif avéré et la conséquence de ces agissements déloyaux ont été de l'empêcher de poursuivre l'exécution du contrat en raison de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de créer, fabriquer et vendre les produits mais aussi de la perte irrémédiable de confiance engendrée ;


Qu'en réponse, la société Bailly, se fondant sur l'article 122 du code de procédure civile, lui oppose une fin de non-recevoir tenant à l'autorité qui s'attache à la chose jugée par arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 29 avril 2009 et à l'encontre duquel aucun pourvoi en cassation n'a été formé ; qu'elle fait valoir que pour confirmer le jugement déféré qui avait considéré que les faits de dénigrement n'étaient pas établis, la cour précédemment saisie a énoncé que " la société Soustiel 2000 n'a pas commis d'abus de droit ni manqué de loyauté qui doit présider les rapports commerciaux en adressant cette lettre rédigée en termes mesurés, informant simplement ses fabricants de ses droits" et que "la société Shiamas ne démontre nullement que la société Soustiel 2000 aurait diffusé des propos calomnieux ou dénigrants dans l'intention de nuire, porté atteinte à sa réputation, pas plus qu'elle n'établit un préjudice économique lié à un trouble commercial" ;


Considérant, ceci rappelé, que force est de considérer que ce sont les mêmes fautes qui sont reprochées à la société Bailly, que l'on se place sur le terrain délictuel ou contractuel et qu'il ne peut qu'être jugé, comme l'a fait la cour précédemment saisie, qu'eu égard au comportement de la société Shiamas qui s'est abstenue de fournir pour approbation des échantillons pour la saison printemps/été 2008 en dépit des demandes de la société Bailly, cette dernière a pu légitimement mettre en garde les fabricants, comme elle l'a fait, sur un risque de contrefaçon ;


Que pour ce qui est des suites à l'envoi de ce courriel aux fabricants, il appartenait à la société Shiamas, si elle entendait voir rétablir la confiance nécessaire à la poursuite de la convention, d'agir afin de permettre la clarification qu'elle déclare avoir attendue de la société Bailly ;


Que, par conséquent, les agissements dénoncés à ce titre ne conduisent pas davantage à considérer que le comportement de la société Bailly ne permettait plus à la société Shiamas d'exécuter la convention » ;


ALORS 2/ QUE : les courriers adressés aux distributeurs par la société Soustiel, en octobre 2007, énonçaient que « vous commercialisez des produits revêtus de la marque ALEXANDRE DE PARIS non approuvés par notre société ¿ ces faits sont susceptibles d'être sanctionnés sur le fondement de la contrefaçon de marque » ; qu'il en ressort que les distributeurs étaient avertis de ce qu'ils commercialisaient, à la date de rédaction de la lettre en octobre 2007, des produits susceptibles d'être argués de contrefaçon ; que la cour d'appel a considéré que la société Shiamas s'était « abstenue de fournir pour approbation des échantillons pour la saison printemps/été 2008, en dépit des demandes de la société Bailly, si bien que cette dernière a légitimement pu mettre en garde les fabricants comme elle l'a fait sur la contrefaçon » ; que les termes clairs et précis des courriers visaient une situation actuelle manifestée par l'emploi du présent datant donc d'octobre 2007, quand la cour d'appel a visé la collection à venir « printemps/été 2008 » ; qu'en statuant ainsi, elle a dénaturé les termes des courriers qui lui étaient soumis en violation de l'article 1134 du code civil ;




ET ENCORE AUX MOTIFS QUE : « Sur le dépôt par Monsieur et Madame X... de la marque "Chic & Mode " n° 3475059 le 17 janvier 2007 :


Considérant que la société Shiamas invoque le fait que les époux X... ont, afin de la donner en licence à leur société Création Laurent Olivier, déposé, pour des produits identiques, cette marque en France, en fraude de ses droits puisqu'elle l'avait déposée à Hong-Kong en 1999 ; qu'elle précise que le tribunal de Bourg en Bresse a fait droit à son action en revendication par jugement rendu le 29 juillet 2008 dont il n'a pas été relevé appel; que cette démarche frauduleuse de nature à nuire à ses intérêts puisqu'elle était destinée à conquérir un marché mondial qu'elle-même n'exploitait pas encore a détruit, selon elle, la confiance nécessaire à la poursuite de la relation commerciale entre les parties ;


Mais considérant qu'à juste titre la société Bailly fait valoir que cette marque est étrangère au contrat de sous-licence et que la chose jugée invoquée ne concerne que les époux X... et la société Création Laurent Olivier et non point elle-même ;


Qu'en outre, le dépôt de marque litigieux, faisant suite à des rapports commerciaux entretenus de longue date entre ces parties tierces et sur lesquels, malgré les conclusions adverses, la société Shiamas ne s'explique pas, est intervenu en janvier 2007, sans opposition de cette dernière; que le jugement dont s'agit est, quant à lui, postérieur de plus de quatre mois à la résiliation unilatérale du contrat de sous-licence, objet du présent litige ;


Qu'ainsi, la société Shiamas ne peut prétendre que ce dépôt l'a mis dans l'impossibilité, à la date du 14 mars 2008, de poursuivre plus avant le contrat de sous-licence qui la liait à la société Bailly Créations et qui portait sur l'exploitation de la marque "Alexandre de Paris" ;


ALORS 3/ QUE : la société exposante soutenait que dans le cadre plus général de l'ensemble de ses activités, outre le contrat de sous19 licence principal objet du litige, elle avait noué des liens commerciaux avec la société Soustiel, devenue Bailly, ses dirigeants, les époux X..., et notamment une société détenue et dirigée par monsieur X..., la société Créations Laurent Olivier (CLO), laquelle fabriquait, pour le compte de la société Shiamas, des produits sous la marque « Chic et Mode » (cf. conclusions, p. 5) ; qu'elle soutenait que les époux X... avaient frauduleusement déposé la marque « Chic et Mode » pour l'Asie et licencié cette marque à leur société CLO, ce qui a été constaté par un jugement du tribunal de grande instance de Bourg en Bresse du 29 juillet 2008 et qu'en l'état de cette dégradation évidente des relations entre les dirigeants de la société Bailly et la société Shiamas, celle-ci avait été contrainte de rompre leur principale relation, le contrat de sous-licence ; que pour rejeter ce dépôt de marque frauduleux comme l'une des causes de la rupture des relations commerciales entre la société Shiamas et la société Bailly, imputable à cette dernière, la cour d'appel a jugé que la chose jugée invoquée ne concernait que les époux X... et la société CLO ; que cependant, la société Shiamas n'invoquait pas la chose jugée, mais la détérioration des relations commerciales globales entre les parties et leurs dirigeants ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société exposante en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;


ALORS 4/ QUE : pour écarter ce dépôt de marque frauduleux comme l'une des causes de la rupture des relations commerciales entre la société Shiamas et la société Bailly, imputable à cette dernière, la cour d'appel a encore considéré que le jugement constatant le caractère frauduleux du dépôt de la marque « Chic et Mode » par les époux X... était postérieur de plus de quatre mois à la résiliation unilatérale du contrat de sous-licence du 14 mars 2008 ; que la cour d'appel avait pourtant, elle-même, constaté que le dépôt de la marque avait été effectué en janvier 2007, de sorte que la cause de la perte de la confiance entre les parties était antérieure à la rupture du contrat de sous licence ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1134 du code civil.





Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils pour la société Bailly création


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SHIAMAS INTERNATIONAL à verser à la société BAILLY CREATIONS une somme de 825 000 € seulement, représentant le montant de la réparation totale du préjudice subi résultant de la perte de redevances ;


AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur l'indemnisation du préjudice de la société Bailly Créations résultant de la résiliation unilatérale de la convention : perte de redevances chiffrée à la somme de 5.765.826 euros, défaut de perception des redevances minimales à compter de 2009, chiffrée à la somme de 800.000 euros, outre les redevances dues pour l'exercice 2008 :


Que se fondant sur les dispositions de l'article 1149 du Code civil, la société Bailly Créations entend voir réparer la perte de chance de percevoir des gains attendus, le manque à gagner subi et la perte du bénéfice attendu du contrat jusqu'à sa date anniversaire, et met en exergue le préjudice causé par la nécessité qui a été la sienne de réorganiser sa distribution à l'issue de la résiliation fautive ;


Qu'elle évalue d'abord son préjudice au titre du manque à gagner du fait de la perte des redevances, ceci depuis le dernier trimestre de l'année 2008 jusqu'au 31 décembre 2015, terme du contrat, à la somme de 5.765.826 euros en prenant pour référence les dernières redevances annuelles perçues en 2007 (soit : 539.996 euros) auxquelles elle applique une majoration de 8 % correspondant à la croissance sur le marché des produits de luxe ;


Qu'elle évalue ensuite son préjudice au titre du manque à gagner du fait du défaut de paiement des redevances minimales, initialement fixées à 60.000 euros et majorées à 100.000 euros par contrat du 12 octobre 2004, ceci jusqu'en décembre 2015 ; que la cour y ajoute la somme de 50.000 euros réclamée pour l'année 2008 du fait qu'elle a renvoyé l'examen de cette prétention à l'évaluation plus globale de ce poste de préjudice ;


Qu'elle reproche au tribunal de n'avoir retenu qu'une indemnisation totale de son préjudice à hauteur de la somme de 275.000 euros, soit le montant de la redevance minimum annuelle calculée sur la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2010, en considérant, pour ce faire, qu'elle avait une part de responsabilité dans la rupture, que l'assiette de 539.996 euros correspondant aux redevances pour l'année 2007 était erronée, que le taux de croissance de 8 % n'était pas fondé et qu'elle ne devait être indemnisée que de la perte des redevances minimum en tenant compte de la durée qui lui a été nécessaire pour coopérer avec un nouveau partenaire ;


Que la société Shiamas, qui oppose une nouvelle fois à la société Bailly sa responsabilité exclusive et fautive dans la résiliation du contrat, fait valoir que, pour la distribution des produits marqués « Alexandre de Paris », la société Bailly a conclu, comme elle l'a découvert, un « nouveau contrat de distribution » avec la société Chengdu Ailin Industry Company du Groupe Dickson, très présent en Chine, et sur le site duquel se trouve son catalogue Printemps/Eté 2010 ;


Que la valeur de ce contrat est, précise-t-elle, de plus de 15 millions d'euros sur huit ans pour la Chine, qu'eu égard aux royalties que la société Bailly a pu percevoir d'elle de 2004 à 2008, elle ne peut prétendre avoir subi un quelconque préjudice, d'autant que ne sont pas communiqués les autres contrats qu'elle a pu signer pour les autres Etats et territoires d'Asie et qu'il n'est justifié d'une minoration des royalties perçues que pour un seulement des sept Etats et territoires sur lesquels portait le contrat résilié ; que ses propres investigations l'ont, de plus, conduite à constater, sur le site «Alexandre de Paris », que sur ses 196 boutiques, la marque est présente à Hong Kong, en Corée, en Chine continentale (dans 19 villes) et à Taïwan ; que, de plus, les frais financiers dont la société Bailly voudrait lui faire supporter le coût ne sont pas dus ;


Que, ceci rappelé, il résulte du principe de la réparation intégrale du préjudice justement invoqué par la société Bailly que la cour doit, certes, réparer tout le préjudice subi mais qu'elle ne peut réparer que le préjudice ;


Qu'en application de ces principes, il y a lieu de retenir que pour la distribution des produits marqués « Alexandre de Paris » en Asie, la société Bailly Créations a substitué au contrat de sous-licence qu'elle avait concédé à la société Shiamas un contrat de distribution conclu avec la société Chengdu Ailin Industry Company pour l'exploitation des produits marqués « Alexandre de Paris » - ce qui ressort de son libre arbitre dans le cadre de la stratégie commerciale qu'elle a choisie et dont elle doit assumer les coûts commerciaux induits -, et que le tribunal a justement considéré que le temps nécessaire à la réorganisation de cette société afin de coopérer avec un nouveau partenaire trouvait son terme à la date du 31 décembre 2010 ;


Que si la société Bailly produit des tableaux destinés à démontrer qu'en conséquence de ce changement de mode d'exploitation de la marque dont elle est licenciée elle a subi des pertes, ceci en termes de chiffres d'affaires et de bénéfices, aucun lien pertinent ne peut être établi entre ces chiffres, résultant de l'exécution d'un contrat de distribution, et les paramètres du contrat de sous-licence visant les « prix de gros net » et « prix d'achat » pour asseoir le montant des redevances ;


Qu'à juste titre, le tribunal s'est dans ces conditions référé à l'article 8.2 du contrat amendé par un avenant en allouant à la société Bailly, au titre des redevances sur le prix de gros net, une somme de 275.000 euros 100.000 x 3/4 + (2 x 100.000) qu'elle aurait nécessairement perçue en exécution de la convention au titre des « redevances annuelles minimales sur les redevances dues au titre de l'article 8.1 (a) » pour la période s'étendant du 1er avril 2008 au 31 décembre 2010 et qui viennent compenser l'ensemble des pertes subies et dépenses de toutes natures induites du fait qu'elle s'est trouvée dans la nécessité de se réorganiser pour continuer à assurer la présence des produits de coiffure marqués « Alexandre de Paris » sur le marché asiatique tel que circonscrit dans le contrat de sous-licence rompu ;


Que le tribunal n'a toutefois pas pris en considération les redevances qui étaient dues sur le prix d'achat réglé par la société Shiamas aux fabricants ; qu'eu égard au montant des redevances dues par la société Shiamas pour l'exercice 2007, tel que calculé par le cabinet KPMG, il y a lieu de considérer que la rupture unilatérale du contrat a fait perdre à la société Bailly la chance de percevoir l'avance sur les redevances dues au titre de l'article 8.1 (b), prévue à l'article 8.3 du contrat et fixée à la somme annuelle de 200.000 euros ; que pour la période s'étendant du 1er avril 2008 au 31 décembre 2010, cette somme s'établit à 550.000 euros 200.000 x 3/4 + (200.000 x 2) ;


Que le préjudice au titre des redevances non perçues se trouvant totalement réparé par l'allocation de ces sommes, l'indemnité allouée à ce titre par le tribunal sera portée à la somme de 825.000 euros » ;


ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur l'indemnisation du fait de la résolution du contrat de sous-licence :


Que le contrat du 1er avril 2003 dans son article 10 « Duration » stipule : l'accord entre parties s'appliquera à compter du 1er juillet 2003 et se terminera le 31 décembre 2015 ;


Que le demandeur SHIAMAS requiert de ce fait une indemnisation de 7 333 000 € de son préjudice à raison d'une résolution aux torts de la société SOUSTIEL 2000 ;


Que le défendeur demande 5 765 826 € pour indemniser le préjudice de la résolution unilatérale du contrat de licence par SHIAMAS ainsi que 800 000 € au titre des redevances minimales ;


Qu'ainsi qu'il a été établi plus haut SHIAMAS est le premier responsable de la rupture du contrat et sera donc débouté de sa demande d'indemnité ;


Que le Tribunal a montré que BAILLY n'était pas exempt de torts dans la rupture des relations et avait participé à la perte de confiance réciproque et pris le risque d'une rupture en acquérant le contrôle total de HSB ;


Qu'en conséquence, le Tribunal écartant l'assiette erronée des redevances de l'année 2007 (539 996 €) retenue par BAILLY et l'hypothèse sans fondement d'une croissance annuelle de 8 % de celle-ci jusqu'au 31 décembre 2015, limitera l'indemnisation totale due à BAILLY du fait de la rupture au montant minimum fixe de redevance annuelle sur le prix d'achat aux fabricants de tous les produits sous licence, soit 100 000 € mais seulement jusqu'au 31 décembre 2010 pour tenir compte de la durée nécessaire à BAILLY pour coopérer avec un nouveau partenaire ;


Que du 1er avril 2008 au 31 décembre 2010, la redevance minimum annuelle due est de 275 000 € ;


Que le Tribunal condamnera SHIAMAS à payer cette somme à BAILLY ; que s'agissant d'une indemnisation, les intérêts au taux légal seront calculés à compter de la date du présent jugement conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code civil » ;


ALORS QUE l'indemnité allouée au créancier victime de l'inexécution contractuelle doit le placer dans la situation qui aurait été la sienne si le contrat avait été correctement exécuté ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même constaté qu'à la suite de la rupture fautive du contrat par la société SHIAMAS, la société BAILLY CREATIONS s'était trouvée dans une situation différente de celle qui aurait été la sienne si le contrat avait été correctement exécuté dans la mesure où, si elle avait certes trouvé un autre distributeur pour ses produits, à savoir la société CHENGDU AILIN INDUSTRY COMPANY, les conditions d'exécution de la convention conclue avec ce dernier étaient différentes des conditions du contrat qui la liait à la société SHIAMAS : « aucun lien pertinent ne peut être établi entre ces chiffres, résultant de l'exécution d'un contrat de distribution, et les paramètres du contrat de sous-licence visant les « prix de gros net » et « prix d'achat » pour asseoir le montant des redevances » (arrêt, p. 13, pénultième alinéa, in fine) ; qu'en déboutant ainsi la société BAILLY CREATIONS de sa demande d'indemnisation au prétexte que les conditions d'exécution du contrat conclu avec la société CHENGDU AILIN INDUSTRY COMPANY étaient différentes de celles du contrat conclu avec la société SHIAMAS, quand cette circonstance établissait au contraire précisément l'existence du préjudice de la société BAILLY CREATIONS, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, et a violé l'article 1147 du Code civil.

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