24 novembre 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-17.747

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00995

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2014), que le 8 mai 2009, la société Fashion Box France (la société Fashion) a résilié le contrat d'agence commerciale qu'elle avait consenti à la société Allegro Manon Troppo Box (la société Allegro) le 18 novembre 2008 ; qu'en cessation des paiements depuis le 13 janvier 2009, celle-ci a été mise en redressement judiciaire le 3 avril 2009, puis en liquidation judiciaire le 11 septembre 2009, M. X... étant désigné liquidateur ; que celui-ci l'ayant assignée en paiement d'une indemnité de cessation de contrat, la société Fashion a invoqué la faute grave de l'agent en se prévalant de son manquement à l'obligation de l'informer des événements susceptibles d'affecter sa situation financière et sa direction, stipulée au contrat ;

Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit en principe à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que par exception, l'indemnité n'est pas due si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ; qu'en ce cas, le mandant doit établir l'existence d'un lien de causalité entre la faute grave invoquée et sa décision de rompre le contrat, lien nécessairement inexistant lorsque le manquement invoqué ne lui a été révélé que postérieurement à la rupture du contrat, quand bien même aurait-il été commis antérieurement ; qu'en considérant au contraire qu'un manquement qualifié de faute grave était de nature à priver l'agent commercial de toute indemnité compensatrice, quand bien même n'eût-il été révélé que postérieurement à la rupture du contrat, dès lors qu'il avait été commis antérieurement à cette rupture, la cour d'appel viole par fausse interprétation l'article L. 134-13 du code de commerce, interprété à la lumière de l'article 18, a) de la directive 86/ 653/ CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, lui-même interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne (CJUE, 28 octobre 2010, affaire C203/ 09) ;

2°/ que ne constitue pas une obligation essentielle de l'agent commercial, dont la violation pourrait s'analyser en un manquement grave à l'obligation de loyauté qui préside au mandat d'intérêt commun, celle résultant de l'engagement accessoire du mandataire d'informer le mandant « des événements susceptibles d'affecter sa situation financière et la direction de son entreprise » ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole de nouveau l'article L. 134-13 du code de commerce ;

3°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si la brièveté du laps de temps s'étant écoulé entre l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le 3 avril 2009, et la rupture du contrat d'agence intervenue le 8 mai 2009, ensemble la circonstance que l'ouverture de la procédure collective n'entraînait concrètement aucun empêchement à la poursuite de l'exécution normale du contrat d'agent commercial, n'étaient pas de nature à priver le manquement imputé à la société Allegro Manon Troppo. Box de tout caractère de gravité, la cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-13 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Allegro avait sciemment dissimulé à la société Fashion sa situation financière, qui était déjà très dégradée lors de la conclusion du contrat, puis sa mise en redressement judiciaire, en violation de l'obligation d'information essentielle dont elle était tenue à l'égard de son mandant et de l'obligation de loyauté requise des parties à un contrat d'agence commerciale, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit, par une appréciation souveraine de la volonté commune des parties, que la société Allegro avait commis une faute grave privative de l'indemnité de cessation de contrat, peu important que la société Fashion, qui n'avait découvert ces manquements que postérieurement à la rupture des relations contractuelles, n'en ait pas fait état dans sa lettre de résiliation, dès lors que cette faute avait été commise antérieurement à la rupture ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Allegro Manon Troppo. Box aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille quinze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Maître X..., agissant ès qualités, de sa demande tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de 385. 666 euros au titre de la rupture du contrat d'agent commercial conclu le 18 novembre 2008 entre les sociétés Fashion Box France et Allegro Manon Troppo. Box ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte du dossier que le tribunal de commerce de Tarascon, sur assignation délivrée le 13 janvier 2009 par l'Urssaf des Bouches-du-Rhône qui a déclaré une créance de 68. 965 euros a, par jugement du 3 avril 2009, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Allegro et a fixé au 13 janvier 2009 la date de la cessation de ses paiements ; qu'il est établi par ailleurs, et non contesté par la société Allegro, que celle-ci n'a pas révélé cette situation à la société Fashion, qui indique ne l'avoir apprise qu'à l'occasion d'un entretien téléphonique courant juin 2009, cependant qu'aux termes de l'article 4 du contrat, elle s'était engagée « à informer le Mandant des événements susceptibles d'affecter sa situation financière et la direction de son entreprise » ; qu'en manquant ainsi à l'une de ses obligations essentielles à l'égard de son mandant ainsi qu'à l'obligation de loyauté requise des parties au contrat d'agent commercial, la société Allegro a commis une faute grave qui la prive de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce ; qu'il importe peu, à cet égard, que cette faute n'ait été révélée que postérieurement à la rupture du contrat et que la société Fashion, qui n'en avait pas encore connaissance, n'en ait pas fait état dans sa lettre de rupture, dès lors qu'elle a été commise antérieurement à cette rupture ; que le jugement entrepris sera donc confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société Allegro a constaté une perte d'exploitation de 113. 000 euros pour l'exercice 2008, qui a été en grande partie masquée par le versement d'une indemnité de clientèle de 80. 000 euros par DJ Evolution ; que la perte de l'exercice a ainsi été ramenée à 37. 000 euros par ce profit exceptionnel non récurrent ; que ses capitaux propres à la fin de l'année 2008 sont négatifs de 13. 000 euros ; que la situation financière d'Allegro était déjà très dégradée lors de la signature du contrat et la baisse constatée du chiffre d'affaires et donc des commissions à recevoir sur le premier trimestre 2009 rendait l'avenir très sombre ; que cependant Fashion n'a eu connaissance des comptes d'Allegro que dans le cadre de la présente procédure ; que ni lors de la conclusion du contrat, ni ultérieurement, Allegro n'a signalé cette situation à Fashion comme l'y oblige l'article 4 du contrat qui prévoit : « Allegro s'engage à informer Fashion des événements susceptibles d'affecter sa situation financière et la direction de son entreprise » ; que, fait aggravant, l'Urssaf a assigné Allegro en redressement judiciaire le 13 janvier 2009 ; que le tribunal de commerce de Tarascon a placé Allegro en redressement par jugement du 3 avril 2009, a fixé la date de cessation des paiements au jour de l'assignation et converti le redressement en liquidation judiciaire le 11 septembre 2011 sans qu'Allegro le signale jamais à son mandant ; que celui-ci ignorait la situation de son agent lors de l'envoi de la lettre de résiliation et ne pouvait donc ajouter ce grief à sa motivation ; que par ailleurs, Allegro a cherché pendant tout le début de 2009 à obtenir le transfert de ce contrat au profit de sociétés animées par le gérant d'Allegro tentant de détourner un actif d'une société en procédure collective et à maintenir pour son profit personnel son statut d'agent ; que tandis qu'elle était en redressement, Allegro a vu suspendre ses abonnements téléphoniques sans donner non plus aucune explication à son mandat ; que le tribunal considère qu'il s'agit d'un manquement particulièrement grave à une obligation importante d'Allegro que Fashion est en droit d'invoquer aujourd'hui, et qui suffit donc à justifier la résiliation du contrat même sans préavis ; qu'il déboutera en conséquence Maître X..., agissant ès qualités, de toutes ses demandes

ALORS QUE, D'UNE PART, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit en principe à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que par exception, l'indemnité n'est pas due si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ; qu'en ce cas, le mandant doit établir l'existence d'un lien de causalité entre la faute grave invoquée et sa décision de rompre le contrat, lien nécessairement inexistant lorsque le manquement invoqué ne lui a été révélé que postérieurement à la rupture du contrat, quand bien même aurait-il été commis antérieurement ; qu'en considérant au contraire qu'un manquement qualifié de faute grave était de nature à priver l'agent commercial de toute indemnité compensatrice, quand bien même n'eût-il été révélé que postérieurement à la rupture du contrat, dès lors qu'il avait été commis antérieurement à cette rupture, la cour viole par fausse interprétation l'article L. 134-13 du code de commerce, interprété à la lumière de l'article 18, a) de la directive 86/ 653/ CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, lui-même interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne (CJUE, 28 octobre 2010, affaire C203/ 09) ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, ne constitue pas une obligation essentielle de l'agent commercial, dont la violation pourrait s'analyser en une manquement grave à l'obligation de loyauté qui préside au mandat d'intérêt commun, celle résultant de l'engagement accessoire du mandataire d'informer le mandant « des événements susceptibles d'affecter sa situation financière et la direction de son entreprise » ; qu'en décidant le contraire, la cour viole de nouveau l'article L. 134-13 du code de commerce ;

ET ALORS ENFIN QUE, et subsidiairement, en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si la brièveté du laps de temps s'étant écoulé entre l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le 3 avril 2009, et la rupture du contrat d'agence intervenue le 8 mai 2009, ensemble la circonstance que l'ouverture de la procédure collective n'entraînait concrètement aucun empêchement à la poursuite de l'exécution normale du contrat d'agent commercial, n'étaient pas de nature à priver le manquement imputé à la société Allegro Manon Troppo. Box de tout caractère de gravité (cf. les dernières écritures de Maître X..., agissant ès qualités, spéc. p. 12, § 5 et s.), la cour prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-13 du code de commerce.

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