23 juin 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-11.185

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00631

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 novembre 2013), que, le 29 décembre 2000 puis le 8 décembre 2001, M. X... a acquis des parts de la société civile immobilière Olga ; que, le 5 avril 2007, l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification sur la valeur déclarée de ces parts, en soutenant que les cessions constituaient des donations indirectes ; qu'après avis de la commission départementale de conciliation, mise en recouvrement des impositions supplémentaires et rejet partiel de sa réclamation contentieuse, M. X... a saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargé de l'imposition subsistante ;


Attendu que l'administration fiscale fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, que ne peuvent être opposés à l'administration fiscale les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevée ; qu'en application de cet article, l'administration fiscale peut utiliser la procédure d'abus de droit pour écarter les actes fictifs ou inspirés par un motif exclusivement fiscal ; qu'en décidant que cette procédure aurait dû être utilisée dans le cadre d'un redressement portant sur l'existence d'une donation indirecte, alors que l'administration fiscale n'a jamais invoqué une quelconque dissimulation ou fictivité, la cour d'appel a violé l'article L. 64 précité ;


Mais attendu que l'arrêt constate qu'en raison du prix de cession des parts très inférieur à la valeur vénale et des liens unissant les parties, l'administration fiscale a considéré que les actes translatifs de droits constituaient une donation indirecte, réunissant à la fois l'intention libérale et le dessaisissement irrévocable du donateur ; qu'il en déduit que l'administration ne s'est pas contentée de rectifier les conséquences réelles d'actes sur lesquelles elle aurait eu une appréciation différente de celle du contribuable mais, considérant que les parties avaient dissimulé la véritable nature de leurs conventions, a remis en cause la qualification qu'elles leur avaient donnée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu décider que l'administration fiscale s'était placée sur le terrain de l'abus de droit et qu'il lui appartenait de mettre en oeuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques


Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre par substitution de motif et prononcé le dégrèvement total de l'imposition mise en recouvrement au titre des années 2000 et 2001 pour un montant de 68 539 euros ;


AUX MOTIFS QUE l'article 64 ancien du livre des procédures fiscales, auxquelles les parties se réfèrent comme étant applicable en l'espèce à la date de la notification de la proposition de rectification, dispose que « ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses


a) qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ¿.... moins élevés ;


¿....


L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel.


Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien fondé du redressement. »


L'article L 55 alinéa 1 du livre des procédures fiscales dispose, en sa rédaction applicable, que : « sous réserve des dispositions de l'article L 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L 57 à L 61 A ».


Dans sa critique du jugement sur l'analyse de la prescription, l'administration fiscale conclut que le redressement effectué par elle n'a pas consisté à contester simplement la valeur des titres cédés mais à donner aux opérations leur véritable portée juridique.


S'agissant du recours à la procédure de l'article 64 du livre des procédures fiscales, elle fait valoir que la procédure d'abus de droit n'était pas applicable au motif que, qualifiant les cessions de parts sociales litigieuses en donation indirecte, elle n'a jamais toutefois invoqué une quelconque dissimulation ou fictivité.


Mais il résulte de la proposition de rectification du 05 avril 2007 :


- qu'alors que l'évaluation retenue par les parties aux cessions de parts des 29 décembre 2000 et 08 décembre 2001 était de 167, 69 euros la part, l'administration fiscale a retenu une valeur de la part sociale de 1. 680 euros pour la cession de décembre 2000 et de 1. 800 euros pour la cession de décembre 2001 (l'administration fiscale ayant accepté ultérieurement l'application d'une décote de 20 % soit 1. 344 euros la part au 31 décembre 2000 et 1. 440 euros la part au 31 décembre 2001).


- qu'il existait une disproportion importante entre la valeur des parts sociales cédées et la valeur vénale réelle (après application de la décote de 20 %, cet écart s'élèvera respectivement non plus à 1. 512, 31 euros mais à 1. 176, 31 euros et non plus à 1. 632, 31 euros mais à 1. 272, 31 euros par part).


- qu'en raison du prix de cession très inférieur à la valeur vénale et des liens unissant les parties (Mme Y..., cédante des parts étant la belle-mère de M. X..., cessionnaire), l'administration fiscale a considéré que les dits actes translatifs de droit étaient porteurs d'une opération qualifiée de donation indirecte, réunissant à la fois l'intention libérale et le dessaisissement irrévocable du donateur.


- qu'elle a retenu que Mme Y... ne pouvait ignorer la valeur des parts de la SCI OLGA eu égard à la valeur de l'immeuble sis ... à Argenteuil.


- que le prix retenu lors de la cession des parts de la SCI Olga était respectivement de 10 à 11 fois inférieur à sa valeur vénale et qu'il y avait absence totale de l'équilibre que l'on devrait trouver dans un contrat constitutif d'une vente ; qu'en l'espèce, il ne s'agissait plus d'un simple déséquilibre mais d'une vente à prix lésionnaire caractérisant une donation indirecte.


Ce faisant, l'administration fiscale ne s'est pas contentée de rectifier les conséquences réelles d'actes sur lesquels elle aurait eu une appréciation différente de celle du contribuable mais elle a considéré que les parties dissimulaient la portée véritable de leurs conventions ; elle a remis en cause la qualification de ces dernières et a entendu leur restituer leur véritable caractère.


Dès lors, le redressement entre dans les prévisions de l'article 64 du livre des procédures fiscales, sus visé, ainsi que le soutient M. X..., et il appartenait à l'administration fiscale de recourir à la procédure prévue par ce texte ;


ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, que ne peuvent être opposés à l'administration fiscale les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevée ; qu'en application de cet article, l'administration fiscale peut utiliser la procédure d'abus de droit pour écarter les actes fictifs ou inspirés par un motif exclusivement fiscal ; qu'en décidant que cette procédure aurait dû être utilisée dans le cadre d'un redressement portant sur l'existence d'une donation indirecte, alors que l'administration fiscale n'a jamais invoqué une quelconque dissimulation ou fictivité, la cour d'appel a violé l'article L. 64 précité.

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