23 juin 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-13.011

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00618

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Vu les articles L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;


Attendu qu'est interdite, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion, l'imitation d'une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ; que le risque de confusion doit s'apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, vis à vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d'exploitation des marques ou des conditions de commercialisation des produits ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Laboratoire Lescuyer (la société Lescuyer) est titulaire de la marque verbale « Min'ours » n° 3 231 095 déposée à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) le 17 juin 2003 pour désigner, en classes 3, 5, 16 et 32, notamment les produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques, les substances diététiques à usage médical et les aliments pour bébés, ainsi que de la marque semi-figurative en couleurs « Min'ours » n° 3 247 692, déposée à l'INPI le 26 septembre 2003 pour désigner, en classes 3, 5, 16, 29 et 32, notamment, les produits pharmaceutiques et vétérinaires, les produits hygiéniques pour la médecine, les substances diététiques à usage médical et les aliments pour bébé ; qu'elle commercialise sous ces marques des vitamines pour enfants ; que la société Atlantic nature (la société Atlantic) est titulaire de la marque semi-figurative « Kid'ours » n° 3 306 112, déposée à l'INPI le 26 juillet 2004 pour désigner, en classes 5, 29 et 30, les compléments alimentaires et produits de phytothérapie sous forme de capsules molles, gélules ampoules, comprimés et unidose à base d'ingrédients alimentaires d'origine végétale et animale à usage médical et les compléments alimentaires à base d'huiles végétales, de plantes et d'extraits de plantes, de substances d'origine végétale et animale ; qu'après avoir fait constater, par huissier de justice, la commercialisation sur internet de produits vitaminés pour enfants sous la marque « Kid'ours », la société Lescuyer a assigné la société Atlantic en contrefaçon de marque ;


Attendu que pour retenir qu'il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit du public entre les produits vendus par les sociétés Lescuyer et Atlantic et infirmer le jugement qui avait condamné celle-ci pour contrefaçon, l'arrêt relève que les marques se différencient sur le plan phonétique en raison de la dominance des consonnes sur la voyelle commune du terme d'accroche, que, sur le plan intellectuel, la référence identique à l'ours pris isolément est insuffisante dès lors que de nombreux acteurs du marché des compléments vitaminés pour les enfants emploient ce terme, et que, s'il existe une similitude structurelle entre les marques en présence en ce qu'elles sont composées, de la même manière, d'un mot en trois lettres suivi du mot « ours », les deux termes étant séparés par une apostrophe, cette similitude est atténuée par les différences dans les couleurs et la dactylographie utilisées, les modes de conditionnement des produits ainsi que la présentation des marques sur ces derniers, la marque « Min'ours » étant représentée par un ourson sur l'étiquette collée sur le pot tandis qu'en ce qui concerne la marque « Kid'ours », c'est le produit lui-même qui se présente sous la forme d'un ourson ;


Qu'en statuant ainsi, au vu de l'exploitation des marques pour la commercialisation de produits vitaminés destinés aux enfants et de la comparaison des modes de conditionnement de ces produits, alors qu'elle devait se référer, en ce qui concerne l'impression d'ensemble sur les plans visuel, phonétique ou conceptuel, à l'enregistrement des marques en présence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;


Condamne la société Atlantic nature aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Laboratoire Lescuyer la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour la société Laboratoire Lescuyer.


Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'usage par la société Atlantic Nature de la marque « KID'OURS » était constitutif de contrefaçon des marques « MIN'OURS » enregistrées sous les n°3231095 et 3247692 dont la société Laboratoire Lescuyer est titulaire, en ce qu'il a condamné la société Atlantic Nature à verser à la société Laboratoire Lescuyer la somme de 10.000 ¿ en réparation du préjudice né de l'atteinte à ses marques, en ce qu'il a fait interdiction à la société Atlantic Nature d'utiliser à quelque titre que ce soit la dénomination «KID'OURS » ou toute autre dénomination reproduisant ou imitant les marques de la société Laboratoire Lescuyer et ce, sous astreinte de 500 ¿ par infraction constatée à compter, de la signification du jugement, et en ce qu'il a ordonné la publication du dispositif du jugement dans deux journaux ou magazines au choix de la société Laboratoire lescuyer à la charge et aux frais de la société Atlantic Nature pour un montant n'excédant pas la somme de 3.000¿ HT pour chacune des insertions ;


AUX MOTIFS QU' «(¿) aux termes des dispositions de l'article L713-3 du code de la propriété intellectuelle : « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut résulter un risque de confusion dans l'esprit du public.: (...) b) l'imitation ou l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement » ; (¿) que l'appréciation des similitudes doit se faire eu égard au risque de confusion pouvant naître dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne, en considération de l'impression d'ensemble produite par la marque, telle qu'elle est déposée, compte tenu notamment du degré de similitude auditive., visuelle et conceptuelle entre les signes, du degré de similitude entre les produits visés dans l'enregistrement et la connaissance de la marque sur le marché; (¿) que la société Laboratoire Lescuyer conclut à la contrefaçon au constat d'une similitude structurelle tenant d'abord au fait que pour désigner des produits identiques à ceux de la société Laboratoire Lescuyer, la marque utilisée par la Sarl Atlantic Nature consiste en l'adjonction du mot « KID » composé de trois lettres, au mot «OURS», séparés par une apostrophe de la même manière que la marque de la société Laboratoire Lescuyer consiste en l'adjonction du mot « MIN », également composé de trois lettres, au mot «OURS », ces mots étant séparés par une apostrophe; (¿) que cette similitude structurelle est cependant limitée à ce seul aspect dans la mesure où le mot «MIN'OURS» est constitué d'un néologisme et d'un nom commun alors que le mot «KID'OURS » est constitué à partir du mot « KID », traduction anglaise du mot enfant; que la société Laboratoire Lescuyer se livre de surcroît à une interprétation purement subjective et non fondée du mot MIN qui constituerait l'abréviation du mot MINIME pour affirmer que les deux marques feraient de la même manière référence à l'enfance; que cette référence n'est nullement surprenante, s'agissant de produits destinés à la consommation des enfants ; qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré que MIN soit davantage la contraction du mot MINIME que celle du mot MINERAUX ou mieux encore ait une signification quelconque, s'agissant d'un néologisme; (¿) que s'il existe une certaine similitude structurelle, force est de constater que cette similitude est considérablement atténuée du fait des nombreuses différences existants non seulement d'un point de vue visuel mais également sur le plan phonétique, et intellectuel; (¿) qu'en l'espèce, les typologies utilisées par les marques en présence sont radicalement différentes, tant du point de vue des couleurs utilisées que de la dactylographie employée, celle utilisée par la société Laboratoire Lescuyer ayant pris le partie d'être très enfantine alors que celle utilisée par la Sarl Atlantic Nature est totalement classique et rectiligne; que le conditionnement des produits diffère également dans la mesure où (¿) celui commercialisé par la sarl Atlantic Nature est contenu dans un flacon lui-même déposé dans une boîte alors que le petit pot vendu par la société Laboratoire Lescuyer est circulaire et n'est enfermé dans aucun contenant ; que s'agissant de la marque «MIN'OURS », sa singularité tient au fait qu'elle est représentée par un ourson sur l'étiquette collée sur le pot qui renvoie clairement à celui de «WINNIE L'OURSON» de Walt Y...; que pour ce qui est de la marque «KID'OURS», c'est le produit en lui-même qui se présente sous la forme d'un ourson; que la différence entre les deux marques se manifeste ainsi de manière évidente sur le plan figuratif; (¿) que les marques se différencient également sur le plan phonétique puisque dans le prononcé d'un terme, ce sont les consonnes qui sont dominantes par rapport aux voyelles; qu'en l'espèce, les deux mots n'utilisent pas les mêmes consonnes, d'une part, il n'existe qu'une voyelle commune, la lettre i, d'autre part, que du point de vue auditif, l'unique voyelle est ainsi largement dominée par des consonnes qui sont complètement différentes dans les deux mots employés; que de la sorte, il ne peut être sérieusement soutenu que le mot « KID'OURS » serait susceptible d'être confondu phonétiquement avec le mot «MIN'OURS » ; (¿qu') en dernier lieu (¿) d'un point de vue intellectuel, comme l'a justement relevé le premier juge, c'est vainement que la société Laboratoire Lescuyer s'appuie sur la référence à l'OURS puisqu'il est justifié de ce que de nombreux acteurs du marché des compléments vitaminés pour les enfants utilisent cet animal qui renvoie clairement au monde de l'enfance ; qu'en outre, la seule référence à l'utilisation du terme « OURS » par la Sarl Atlantic Nature est insuffisante pour conclure à l'existence d'un quelconque risque de confusion puisque selon une jurisprudence constante., un seul mot pris isolément est insusceptible de créer la confusion; (¿) que l'impression d'ensemble produite par la marque « KID'OURS » doit conduire à estimer qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les deux produits en cause ; (¿) que par voie de conséquence, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions de ce chef » ;


ALORS QUE sont interdits sauf autorisation du propriétaire, dès lors qu'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public pouvant croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d'entreprises liées économiquement, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement; que l'appréciation d'ensemble de la similitude tant visuelle, phonétique ou conceptuelle doit s'effectuer entre les signes en présence tels qu'ils ont été déposés indépendamment de l'exploitation qui en est faite ou des conditions de commercialisation des produits; qu'il ressortait des propres constatations de la Cour d'appel qu'il « existe une certaine similitude structurelle » entre les marques « MIN'OURS » et «KID'OURS » (arrêt attaqué p. 5, § 2 et pénultième) ; que la cour d'appel a cependant conclu à l'absence de tout risque de confusion entre les produits vendus par les sociétés Laboratoire Lescuyer et Atlantic Nature motif pris de leurs conditions de commercialisation, et plus particulièrement à leurs modes de conditionnement (arrêt attaqué p. 6, § 1er) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 713-1 et suivants, l'article 716-1 du Code de la propriété intellectuelle.

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