2 avril 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-10.569

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00728

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1221-1, L. 1231-1 du code du travail ensemble l'article 1134 du code civil ;

Attendu qu'un véhicule de fonction, dont le salarié conserve l'usage dans sa vie personnelle, ne peut, sauf stipulation contraire, être retiré à l'intéressé pendant une période de suspension du contrat de travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 23 avril 2001 en qualité de responsable de gamme par la société Intervet a été en arrêt maladie à compter du 8 octobre 2008 ; qu'il a été destinataire le 10 février 2009 d'une demande de restitution immédiate de son véhicule de fonction ; que cette restitution ayant eu lieu le 27 février 2009, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Attendu que pour dire que la demande de restitution du véhicule ne constituait pas une modification du contrat de travail, l'arrêt retient que l'employeur a précisé au salarié que le véhicule, dont le contrat de leasing était arrivé à son terme, n'avait pas été affecté à un nouveau collaborateur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le contrat de travail prévoyait la restitution du véhicule en cas d'arrêt de travail prolongé nécessitant le remplacement du salarié, la société pouvant être amenée à confier le véhicule au salarié remplaçant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Intervet aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Intervet à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de ses demandes en paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts ;

Aux motifs propres que « Le contrat de travail prévoyait ainsi que le reconnaît le salarié, la possibilité d'une restitution anticipée de la voiture de fonction dont il disposait et qu'il avait également la possibilité d'utiliser à titre privé moyennant le paiement d'une redevance, notamment « en cas d'arrêt de travail prolongé nécessitant le remplacement du salarié, la société pouvant être amenée à confier le véhicule au salarié remplaçant ».

Monsieur X... a été destinataire d'un courrier recommandé du 10 février 2009 sollicitant la remise quasi immédiate (le 13 février suivant) du véhicule alors qu'il était en arrêt de maladie depuis plus de quatre mois. La restitution devait être opérée à la gare de Rennes, proche du domicile du salarié qui habite à La Bosse de Bretagne.

Après transaction la remise a été effectuée le 27 février, et par courrier du 16 mars 2009, la directrice des ressources humaines le remerciait de ses diligences, lui précisait que le contrat de leasing du véhicule étant arrivé à son terme, il n'avait pas été affecté à un nouveau collaborateur, mais qu'en tout état de cause, un nouveau véhicule serait à sa disposition dès sa reprise de travail, qu'enfin, la rémunération de l'avantage en nature a été maintenue.

Force est de constater que l'employeur a fait usage des dispositions contractuelles, que cette demande de remise du véhicule ne constitue pas une modification du contrat de travail pouvant justifier la résiliation aux torts de l'employeur » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « L'employeur n'était pas dans l'obligation de prendre un remplaçant pendant le congé de maladie de M. X....

Le contrat de location du véhicule établi le 6.12.2006 (procès-verbal de livraison signé le 5.9.2006) fixe la date de restitution du véhicule au 4 mars 2009 et la société INTERVET demande par courrier du 10 février 2009 la restitution du véhicule à M. X... en congé maladie depuis plus de quatre mois.

A partir de la restitution du véhicule qui se fait le 27 février 2009 et ainsi que l'attestent les bulletins de salaire, aucun avantage en nature n'est déduit du salaire de M. X....

En conséquence, M. X... ne peut pour cet autre motif invoquer la modification unilatérale de son contrat de travail » ;

Alors que constitue une modification du contrat de travail imposée au salarié, caractérisant un manquement de l'employeur à ses obligations justifiant la rupture du contrat de travail, le fait pour ce dernier de supprimer un avantage en nature prévu par les dispositions contractuelles, sans respecter les conditions prévues à cette fin par le contrat de travail ; qu'en l'espèce, le contrat de travail prévoyait que l'employeur pouvait exiger la restitution du véhicule de fonction « en cas d'arrêt de travail prolongé nécessitant le remplacement du salarié, la société pouvant être amenée à confier le véhicule au salarié remplaçant » ; qu'après avoir relevé que l'employeur avait demandé au salarié, pendant la période de suspension du contrat de travail pour maladie, la restitution du véhicule de fonction sans l'avoir confié à un salarié remplaçant, la Cour d'appel, qui a cependant estimé que l'employeur avait fait usage des dispositions contractuelles, pour décider qu'aucune modification du contrat de travail n'avait été imposée par ce dernier, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de les articles L.1221-1, L.1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Alors, en outre, qu'en décidant que l'employeur n'a pas imposé au salarié une modification de son contrat de travail, justifiant la résiliation de celui-ci, après s'être bornée à constater que la restitution du véhicule de fonction attribué au salarié était justifiée par l'arrivée à échéance du contrat de leasing de ce véhicule, quand cette circonstance n'était pas prévue par le contrat de travail, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé les articles L.1221-1, L.1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Alors, en tout état de cause, qu'en décidant que l'employeur n'a pas imposé au salarié une modification de son contrat de travail, justifiant la résiliation de celui-ci, après s'être bornée à constater que la rémunération de l'avantage en nature a été maintenue sur les bulletins de salaire, quand cette circonstance était indifférente à écarter la modification du contrat de travail décidée unilatéralement par l'employeur, la Cour d'appel s'est de nouveau prononcée par un motif inopérant en méconnaissance des articles L.1221-1, L.1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence débouté ce dernier de ses demandes en paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts ;

Aux motifs propres que « A la suite de la visite de reprise effectuée le 19 avril 2010, monsieur X... était déclaré « définitivement inapte à tous les postes disponibles dans l'entreprise, sans deuxième visite en application des dispositions de l'article R.4624-31 du code du travail ».

L'employeur a relancé le médecin du travail par courrier du 20 avril en ces termes :

« nous sommes à la recherche de toute solution qui pourrait permettre d'assurer le reclassement de C. DE LANGHE. Nous sollicitons à cet effet de votre part, toute proposition éventuelle que vous pourriez faire pour permettre le reclassement dans notre entreprise, mais aussi dans les autres sociétés du groupe, notamment par aménagement de poste, passage à temps partiel, formation¿ Nous nous tenons à votre dispositions pour toute information complémentaires et en particulier pour convenir si vous le jugez utile, d'un rendez-vous en nos locaux ».

En réponse, le 26 avril suivant, le médecin du travail indiquait « je maintiens aujourd'hui cet avis dans les mêmes termes. »

Les délégués du personnel ont été consultés, lors d'une réunion spécialement dédiée au cas de monsieur X... qui s'est conclue par la constatation que tout avait été fait en faveur de monsieur X... (pièce 8 de l'employeur) et il a été adressé au salarié par courrier recommandé du 10 mai 2010, la liste des postes disponibles au sein du groupe, avec les références des personnes à contacter, les fiches de poste, propositions qui n'ont appelé aucune remarque de la part du médecin du travail hormis le rappel d'une nécessaire visite médicale d'embauche.

Monsieur X... ne conteste pas n'avoir donné aucune suite à ces propositions et se prévaut de la déloyauté de l'employeur dans la recherche de ce reclassement.

Force est de constater que certains de ces postes étaient susceptibles de convenir à monsieur X... (chargé d'études pré-cliniques en CDD), les autres propositions de la bourse de l'emploi ne pouvaient raisonnablement être envisagées, soit en raison de l'emploi lui-même (technicien animalier) soit en raison des qualifications demandées dans le domaine médical ou pharmaceutique (diplôme d'ingénieur).

Cependant, force est également de constater que si le groupe dénombre plus de 50.000 salariés à travers le monde, si le 27 janvier 2011, le salarié rapporte la preuve de ce que 317 postes étaient vacants au sein du groupe, rien n'établit que ces postes étaient vacants lors de son licenciement ; d'ailleurs, ils ne paraissent pas être davantage adaptés à son profil que ceux qui ont fait l'objet de la proposition préalable au licenciement.

Au final, la Cour estime que la recherche de reclassement a été effective, adaptée aux préconisations du médecin du travail, en accord avec les constatations des délégués du personnel, que dès lors le licenciement intervenu est fondé, conformément à ce qu'ont estimé les premiers juges dont la décision sera également confirmée sur ce point » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « A l'examen des pièces, notamment les échanges de courrier des 20 et 26 avril, 3 et 5 mai 2010 entre la société INTERVET et le Docteur Y. H. Y..., il s'avère que l'entreprise multiplie les efforts pour trouver une solution permettant d'assurer le reclassement de M. X... ;

Ces efforts sont par ailleurs attestés par le procès-verbal de la réunion avec les délégués du personnel du 7 mai 2010 et le courrier avec AR du 10 mai 2010 accompagnée d'une liste de postes vacants et de leur descriptif, courrier auquel M. X... n'a pas donné suite.

Sont satisfaites les obligations de reclassement qui s'imposent à l'employeur et sa bonne foi est avérée, le Conseil considère que le licenciement de M. X... n'est pas dénué de cause réelle et sérieuse et déboute le demandeur sur ce motif » ;

Alors, d'une part, que l'employeur a l'obligation de reclasser le salarié déclaré inapte en prenant en considération les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise ; que n'exécute pas loyalement cette obligation l'employeur qui se contente de remettre au salarié une liste des postes disponibles dans le groupe, quand bien même celle-ci mentionnerait les références des personnes à contacter et comprendrait une fiche des postes, dès lors que cette liste ne correspond pas à une étude précise, individuelle et personnalisée des possibilités de reclassement du salarié conformément aux conclusions du médecin du travail ; qu'en décidant en l'espèce que l'employeur a satisfait à cette obligation et qu'en conséquence le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, après avoir relevé que celui-ci a transmis au salarié une liste des postes disponibles au sein du groupe, avec les références des personnes à contacter et les fiches de poste et que le salarié n'a pas donné suite à ces propositions, quand il ressort des mentions mêmes de l'arrêt que cette liste de poste ne correspondait pas à une étude précise, individuelle et personnalisée de la situation du salarié déclaré inapte, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article L.1226-2 du code du travail ;

Alors, en outre, qu'en estimant que les propositions contenues dans la liste de poste remise au salarié n'ont appelé aucune remarque de la part du médecin du travail postérieurement à l'avis d'inaptitude, quand seules les propositions conformes aux conclusions de ce dernier émises au cours de la visite de reprise doivent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé l'article L.1226-2 du code du travail ;

Alors, d'autre part, que la preuve de l'impossibilité d'assurer le reclassement du salarié déclaré inapte incombe à l'employeur ; qu'en retenant en l'espèce que, si le salarié rapporte la preuve de ce que 317 postes étaient vacants au sein du groupe postérieurement au licenciement, il n'établit pas que ces postes étaient vacants lors de son licenciement, quand il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve que le reclassement de l'intéressé sur ces postes était impossible, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles L.1226-2 du code du travail et 1315 du code civil ;

Alors, encore, que l'avis d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise émis par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si l'employeur, qui ne faisait mention que des postes proposés au salarié dans les différentes sociétés du groupe auquel il appartient, justifiait de l'impossibilité de procéder au reclassement de ce dernier dans son entreprise ou ses établissements, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.1226-2 du code du travail ;

Alors, en tout état de cause, que le refus du salarié déclaré inapte d'un poste de reclassement proposé par l'employeur ne dispense pas ce dernier de son obligation de reclassement et il lui appartient alors de solliciter à nouveau l'avis du médecin du travail ; qu'en se fondant en l'espèce sur la seule transmission au salarié d'une liste de postes et sur le refus apporté par le salarié à ces propositions, sans avoir constaté que l'employeur a alors de nouveau sollicité l'avis du médecin du travail, la Cour d'appel a violé l'article L.1226-2 du code du travail

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