2 avril 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-30.191

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00723

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1321-6 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a signé avec son employeur, la société IBM, un avenant à son contrat de travail fixant, pour l'année 2008, un salaire annuel théorique de référence et un salaire variable selon des objectifs contractuellement fixés ; que le 23 décembre 2008, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, au motif que la part variable de sa rémunération avait été supprimée après son refus de signer une lettre d'objectifs pour le second semestre 2008 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que, pour décider que la prise d'acte de rupture s'analyse en une démission, l'arrêt énonce notamment que les arguments tirés de ce que la lettre d'objectifs seraient inopposables car rédigés en anglais ne sauraient être retenus, M. X... ayant accepté la lettre d'objectifs précédente rédigée dans la même langue et les documents de travail produits au dossier démontrant que le salarié travaillait dans les deux langues ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle étaient rédigés en anglais, en sorte que le salarié pouvait se prévaloir devant elle de leur inopposabilité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 août 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société IBM France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société IBM France à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille quatorze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé que M. X... avait pu se voir valablement supprimer la part variable de sa rémunération, suite à son refus de ratifier des objectifs qu'il considérait irréalisables, d'avoir jugé en conséquence que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail avait les effets d'une démission et de l'avoir ainsi débouté de ses demandes de rappel des commissions afférentes à l'année 2008, et d'une indemnité compensatrice de préavis, des indemnités de licenciement et des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS PROPRES QUE, Le premier juge pour débouter M. X... de ses demandes a rappelé les règles de preuve, en matière de prise d'acte de rupture et a estimé que M. X... avait signé un avenant à son contrat de travail qui avait pour finalité de modifier les règles de sa rémunération. Il a considéré que les objectifs qui lui étaient fixés étaient raisonnables. Pour critiquer le jugement, M. X... a soutenu que la modification de sa rémunération lui avait été imposée de manière unilatérale. Il estime que les objectifs qui lui étaient fixés étaient difficiles à atteindre et qu'on lui avait diminué des équipes de commerciaux. Comme l'a fait avec raison le premier juge, il y a lieu de rappeler que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. Il appartient, alors, au salarié de rapporter la preuve des faits fautifs qu'il invoque. En l'espèce, il ressort des déments du dossier que dans sa lettre de prise d'acte de rupture, M. X... ne revient pas sur l'avenant contractuel signé en 2007 mais dénonce les objectifs fixés en 2008. Il estime que sur les derniers objectifs fixés, les objectifs dits de " revenue " étaient trop élevés par rapport à ses collègues et que le deuxième objectif était d'après lui inatteignable car reposant sur une Offre de services en partie inexistante. L'avenant contractuel signé par M. X..., en 2007 prévoyait « qu'à partir du 1er octobre 2007, votre rémunération théorique de référence sera de 79 358 euros bruts par an versée en douze mensualités. Des aménagements temporaires à votre rémunération contractuelle pourront vous être proposés par le biais de plans de motivation dont l'éligibilité est définie chaque année et des lettres d'objectifs afférentes. Celles-ci comprendront l'offre d'une nouvelle structure de rémunération proposant une opportunité de gains globale nommée OTE exprimée en pourcentage de la RTR et dépendant du métier exercé qui est la somme d'un salaire fixe dont le montant peut être inférieur à l'a RTR et d'un salaire variable à 100 % d'objectifs atteints. Par ailleurs, selon les règles en vigueur publiées dans l'Intranet, vous pourriez être éligible a une rime variable annuelle tenant compte des résultats globaux de la compagnie et de votre performance individuelle ». Il ressort de cet avenant que M. X... se voyait garantie une rémunération, dite RTR et qu'il pouvait en outre percevoir une rémunération calculée à la fois sur une partie fixe qui pouvait être inférieure à la RTR et une partie variable. Des lors, il se déduit de ces termes qu'en cas de refus de la part du salarié des objectifs fixés dans le cadre du plan de motivation, il était rémunéré sur la base du salaire fixe dit RTR. Dès lors, M. X... qui a refusé les objectifs fixés sur le second semestre de l'année 2008, s'est vu logiquement appliquer l'avenant contractuel signé en 2007 et la société IBM lui a normalement versé la rémunération dite RTR. Les arguments tirés par M. X... de ce que cette lettre d'objectifs lui serait inopposable car rédigée en anglais ne peuvent être sérieusement retenus, M. X... ayant accepté la lettre d'objectifs précédente rédigée dans la même langue et les documents de travail produits au dossier démontrant que le salarié travaillait dans les deux langues. Il soutient également que les objectifs qui lui auraient été proposés étaient irréalisables, car supérieurs ceux de ses collègues. Cependant, la société IBM France fait valoir qu'il avait une ancienneté plus importante que les collègues à qui il se compare et qu'il avait un ressort géographique plus important. M. X... n'apporte aucun élément pouvant démontrer que les objectifs qui lui étaient fixés étaient irréalisables. Enfin, M. X... ne démontre pas que sa rémunération ait été diminuée sur la deuxième moitié de l'année 2008, les données qu'il apporte étant en contradiction avec celles de la société IBM et en prenant acte de la rupture de son contrat de travail avant la fin même du semestre, il n'avait pas tous les éléments en sa possession pour vérifier le niveau exact de ses rémunérations. En dernier lieu, l'échange des courriers entre lui même et son employeur démontre que si la société IBM lui a effectivement plusieurs fois rappelé qu'il devait se prononcer sur son plan d'objectifs personnels, le contenu de ces courriers ne démontre pas de pressions coupables exercées par l'employeur qui a répondu à toutes les demandes d'information que lui adressait son salarié. De même, si M. X... dans ses écritures conteste la valeur de l'avertissement qui lui a été donné, en revanche, il n'en demande pas l'annulation de manière explicite. En outre, il sera relevé que M. X... a immédiatement retrouvé un autre emploi, dès sa prise d'acte de rupture. Il se déduit de l'ensemble de ces cléments que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes de Nanterre a considéré que M. X... ne justifiait pas de manquements de son employeur à ses obligations contractuelles de nature à lui rendre imputable la rupture du contrat de travail et le jugement qui a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes sera confirmé. L'équité commande d'allouer à la société IBM SAS, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 1000 euros.

AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE, lorsque un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, la rupture dont il a pris l'initiative peut produire les effets, soit d'un licenciement, soit d'une démission ; pour la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il faut que les griefs invoqués par le salarié à l'encontre de son employeur soient matériellement établis et d'une gravité telle qu'ils rendent impossible le maintien des relations contractuelles ; en l'espèce, Monsieur
X...
a signé un avenant à son contrat de travail le 22 mai 2007 définissant ses nouvelles conditions de rémunération ; sa nouvelle rémunération contractuelle était composée d'un salaire fixe (RTR) majorée d'une part variable (OTE) exprimée en pourcentage de la RTR et calculée selon le niveau d'atteinte d'objectifs fixés semestriellement ; ce nouveau plan de rémunération s'est pleinement appliqué pour l'année 2008 ; Monsieur
X...
a signé ses objectifs pour le premier semestre 2008 et a bénéficié de la part variable prévue contractuellement ; qu'il a refusé de signer ses objectifs pour le second semestre 2008 au motif qu'ils n'étaient pas réalisables, se privant ainsi de la part variable afférente ; la société IBM a pris acte de son refus et lui a rappelé qu'il serait rémunéré au cours du second semestre sur la base de sa RTR ; Monsieur
X...
soutient à tort qu'en agissant de la sorte, la société IBM a modifié unilatéralement son contrat de travail alors que celle-ci a appliqué strictement les termes de l'avenant à son contrat de travail qu'il avait signé en 2007 ; il soutient également à tort que l'application de son nouveau plan de rémunération a entraîné une diminution importante de ses revenus puisque la société démontre que sa rémunération est restée stable depuis son transfert au sein d'IBM ; il ne justifie pas qu'il ait subi des pressions de la part de son employeur conduisant à dégrader ses conditions de travail, l'avertissement dont il a fait l'objet ayant sanctionné son refus d'entrer dans le système informatique des données chiffrées nécessaires à la bonne gestion de l'entreprise ; il ne rapporte pas non plus la preuve que les objectifs qu'il a refusés de signer n'étaient pas réalisables, les éléments chiffrés versés au débat faisant état d'écarts avec ses collègues qui se justifient en raison de sa plus grande ancienneté et de son territoire plus étendu ; les griefs exposés par Monsieur
X...
à l'encontre de la société IBM ne sont pas matériellement établis et sa prise d'acte de rupture doit s'analyser en une démission ; il ne rapporte pas non plus la preuve qu'une rappel de commissions lui soit dû au titre du second semestre 2008 ; en conséquence, Monsieur
X...
sera débouté de l'ensemble de ses demandes qui sont mal fondées. Monsieur
X...
devra supporter les frais de procédure qu'il a engagés ainsi que les éventuels dépens de l'instance.

ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les clauses claires et précises du contrat ; que l'avenant au contrat signé le 20 juin 2007 stipulait que « des aménagements temporaires à votre rémunération contractuelle pourront vous être proposés par le biais de plans de motivation dont l'éligibilité est définie chaque année et des lettres d'objectifs afférentes » ; qu'il n'était pas contesté que M. X... avait accepté le plan de motivation pour 2008 et donc une rémunération annuellement composée d'un fixe et d'une part variable ; qu'en déduisant des termes de l'avenant que les objectifs pouvaient être soumis en cours d'année, en sorte que le refus par M. X... de ses objectifs fixés pour le second semestre 2008 avait pour effet de le priver de toute rémunération variable pour ce second semestre 2008, les juges du fond ont dénaturé la clause claire et précise de l'avenant, en violation de l'article 1134 du Code civil.

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la structure contractuelle de la rémunération constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifiée sans l'accord du salarié, peu important que l'employeur prétende que la nouvelle structure soit plus avantageuse ; qu'après avoir elle-même relevé que M. X... avait accepté une structure de rémunération associant une partie fixe et une partie variable pour l'année 2008, la Cour d'appel a jugé que dès lors que M. X... a refusé les objectifs fixés sur le second semestre de 2008, son employeur pouvait, en application de l'avenant signé en 2007, lui imposer le retour à une rémunération uniquement fixe dès le second semestre 2008 ; qu'en statuant ainsi et en en concluant que la prise d'acte par M. X... de la rupture de son contrat avait les effets d'une démission, les juges du fond ont méconnu les principes susvisés et violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L 1235-1 du code du travail.

ALORS, EN OUTRE, QUE tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail doit être rédigé en français, si bien que lorsque les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle sont rédigés en anglais, le salarié peut se prévaloir de leur inopposabilité ; que pour débouter M. X... de ses demandes, la Cour d'appel a également affirmé qu'il ne pouvait se prévaloir de l'inopposabilité de ses objectifs rédigés en anglais dès lors qu'il avait déjà accepté précédemment des objectifs en anglais et qu'il travaillait de toute façon dans les deux langues ; que ce faisant, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 1321-6 du Code du travail.

ALORS, DE SURCROÎT, QUE les juges du fond doivent répondre aux conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... a soutenu que la suppression de la part variable de sa rémunération était liée à son refus de signer les objectifs et constituait donc une sanction pécuniaire interdite ; qu'en se contentant d'affirmer que M. X... n'a pas demandé de manière explicite l'annulation de l'avertissement qui lui a été notifié, la Cour d'appel s'est abstenue de toute réponse à cet élément des conclusions sur la sanction pécuniaire illicite et a, ainsi, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

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