1 avril 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-13.612

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2014:CO00350

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 8 novembre 2012), que la société GCI Laudier (la société débitrice) a été mise en redressement judiciaire le 12 avril 2011 ; que la procédure a été convertie en liquidation judiciaire ;

Attendu que la société débitrice fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la conversion en liquidation judiciaire, alors, selon le moyen :

1°/ qu'à tout moment de la période d'observation, le tribunal peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ; qu'en retenant, pour juger tout redressement manifestement impossible, le montant du passif déclaré à hauteur de 2 600 399, 94 euros, après avoir relevé qu'il n'avait été admis à titre définitif qu'à hauteur de 888 123, 04 euros et qu'il était contesté à hauteur de 1 708 546, 90 euros, « même si certaines créances ne sont pas encore vérifiées ou si elles sont contestées », la cour d'appel a violé l'article L. 631-15 II du code de commerce ;

2°/ qu'à tout moment de la période d'observation, le tribunal peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ; qu'en jugeant que le redressement de la débitrice était impossible sans vérifier, comme il lui était demandé, si le redressement n'était pas permis par l'actif réalisé s'élevant à la somme de 577 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-15 II du code de commerce ;

3°/ qu'en jugeant, pour considérer que le redressement serait manifestement impossible, que « depuis le 6 septembre 2011, soit depuis plus d'un an, la société débitrice n'a jamais versé entre les mains du mandataire judiciaire les mensualités de 8 333 euros, ce qui aurait permis à la Cour d'apprécier la capacité de cette dernière à respecter les modalités d'un plan de redressement », sans répondre à ses écritures alléguant que le mandataire judiciaire avait reconnu aux termes d'un courrier adressé à son conseil du 12 avril 2012 produit aux débats avoir reçu un virement de la somme de 8 333 euros, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que dans ses écritures d'appel, la société débitrice exposait avoir levé l'option d'achat des locaux qu'elle occupe en décembre 2010 et produisait le courrier de levée d'option du 17 décembre 2010 pour l'établir ; qu'en jugeant qu'elle serait occupante sans droit ni titre des murs dans lesquels elle exerce, pour considérer que le redressement serait manifestement impossible, sans analyser, même sommairement, les pièces produites aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la société débitrice rappelait qu'elle avait continué de payer normalement le salaire de ses employés et n'avoir jamais dû faire appel aux AGS ; qu'en jugeant que le redressement était impossible au motif éventuellement adopté qu'elle « n'a pas procédé au règlement des salaires et partie des charges y afférentes depuis novembre 2011 » sans répondre à ses conclusions sur ce point, spécialement concernant la preuve tirée de l'absence de recours aux AGS, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que la société débitrice rappelait dans ses écritures d'appel que nul ne peut se constituer un titre à soi-même et que le seul justificatif d'un défaut de paiement des salaires versé aux débats par la SCP BRO PONROY était un courrier qu'elle avait elle-même rédigé et envoyé à son conseil ; qu'en jugeant que le redressement était impossible au motif éventuellement adopté que la société débitrice « n'a pas procédé au règlement des salaires et partie des charges y afférentes depuis novembre 2011 » sans énoncer sur quelle preuve elle se fondait pour conclure en ce sens, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, qu'après avoir énoncé que la totalité du passif doit être pris en considération pour établir un plan de redressement même si certaines créances ne sont pas encore vérifiées ou si elles sont contestées, l'arrêt relève que le passif déclaré de la société débitrice s'élève à 2 600 399, 94 euros et qu'il serait impossible avec un résultat net d'exploitation allégué de 183 000 euros par an de rembourser un dividende annuel de 228 000 euros ; qu'il relève encore que la capacité d'autofinancement de la société débitrice ne lui permet pas de rembourser le passif, que sa trésorerie est insuffisante pour permettre une poursuite d'activité sans générer de nouvelles dettes d'exploitation et qu'elle est occupante sans droit ni titre des locaux servant à son activité ; qu'en l'état de ces appréciations, faisant ressortir que le redressement était manifestement impossible, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux griefs inopérants des deuxième et quatrième branches ni à de simples allégations dépourvues d'offre de preuve, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui s'attaque en ses cinquième et sixième branches à des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société GCI Laudier aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société GCI Laudier

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « sur le bien-fondé de la conversion du redressement en liquidation judiciaire, par jugement en date du 12 avril 2011 le tribunal de commerce de Bourges a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SA G. C. I. Laudier, désigné la S. C. P. Axel Ponroy en qualité de mandataire judiciaire et ordonné une période d'observation jusqu'au 14 juin 2011, date à laquelle la période d'observation a été prorogée jusqu'au 6 septembre 2011, jour où le tribunal de commerce a dit que le débiteur devra effectuer des versements mensuels de 8 333 euros entre les mains de ce mandataire judiciaire, ce qui n'a jamais été fait ; que cette période d'observation s'est poursuivie malgré quelques péripéties jusqu'au jugement déféré du 26 juin 2012 ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 631-15 et L. 631-19 du code de commerce que le tribunal ordonne la poursuite de la période d'observation, s'il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités financières suffisantes, et arrête un plan, qui met fin à la période d'observation, lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée ; qu'il convient de constater en premier lieu que les seuls documents comptables produits par la société appelante, à savoir des comptes d'exploitation pour différentes périodes entre le 12 avril et le 30 novembre 2011, ont été établis par la SAS FIDUCO, société d'expertise comptable de la SA GC. I., Laudier, " selon les informations transmises par M, Pierre X...(dirigeant de la société appelante) ", si bien que ce professionnel du chiffre n'a pu vérifier la véracité des informations, qui lui étaient fournies, et n'a effectué aucun contrôle ; qu'en revanche M. Victor Y..., commissaire aux comptes de la SA G. C. I. Laudier, qui est tenu d'un devoir d'information vis-à-vis du mandataire judiciaire de son client, son devoir de discrétion dans l'utilisation des informations, dont il a connaissance dans le cadre de son activité, ne concerne que les tiers, a comparé ces éléments avec les chiffres résultant de la comptabilité et avec deux bilans établis par la société ; qu'il résulte de cette comparaison que la perte pour la période du 12 avril au 2 septembre 2011 n'est pas de 163 000 euros mais 288 067, 64 euros et que le total des pertes pour la période du 1er janvier au 2 septembre 2011 est de 348 713, 49 euros, si bien qu'avec les pertes antérieures au 1er janvier 2011 (307 234, 20 euros) on obtient au 2 septembre 2011 un déficit global de 655 947, 69 euros pour un capital social de 228 673, 53 euros ; qu'il est indiscutable que le passif déclaré s'élève à 2 600 399, 94 euros, définitif à hauteur de 888 123, 04 euros et contesté à hauteur de 1 708 546, 90 euros mais qu'il doit être pris en compte dans l'appréciation du passif pour établir un plan de redressement de la totalité de celui-ci même si certaines créances ne sont pas encore vérifiées, ou si elles sont contestées ; que l'argumentation de la société appelante sur ce point manque totalement de pertinence d'autant plus que pour les créances fiscales contestées, il existe des avis de mise en recouvrement donnant à ces créances un caractère d'exigibilité ; que même si on prenait en considération les chiffres non justifiés de la SA G. C. I. Laudier, il serait impossible avec un résultat d'exploitation sur deux mois de 30 500 euros, dont on ne sait pas s'il va perdurer, soit 183 000 euros par an, de rembourser un dividende annuel de 228 000 euros ; qu'au surplus entre le 1er janvier et fin novembre 2011, il est simplement allégué que le résultat de la société appelante serait quasi à l'équilibre, ce qui est totalement insuffisant pour faire face au remboursement du passif et conforte l'état de cessation des paiements existant depuis début avril 2011 et constaté dans le jugement définitif du 12 avril 2011 ; qu'au surplus cette démonstration est corroborée par le fait que depuis le 6 septembre 2011, soit depuis plus d'un an, la SA GCI Laudier n'a jamais versé entre les mains du mandataire judiciaire les mensualités de 8 333 euros, ce qui aurait permis à la Cour d'apprécier la capacité de cette dernière à respecter les modalités d'un plan de redressement ; qu'enfin l'avocat de la commune d'Aubigny sur Nère, bailleur de la société appelante, a indiqué dans un courrier du 10 avril 2012 que « la société G. C. I. Laudier est occupant sans droit ni titre depuis plusieurs années dans la mesure où :- cette société n'a pas levé l'option à la fin-du crédit-bail en septembre 2003,- la commune d'Aubigny sur Nère a pris acte de cette situation et l'a signifiée dans plusieurs courriers adressés à la société S. CJE. Laudier. Depuis septembre 2003, la société G. C. I. Laudier est donc occupant sans droit ni titre et n'a d'ailleurs versé aucune somme à la commune. La commune considère qu'elle est créancière d'une indemnité d'occupation... " ; que c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la capacité d'auto-financement dégagée par l'entreprise ne lui permettait pas de rembourser le passif, même sur la durée maximale de 10 ans, que la trésorerie de la société appelante était insuffisante pour permettre une poursuite d'activité sans générer de nouvelles dettes d'exploitation, et qu'elle était occupante sans droit ni titre des locaux, dans lesquelles elle exploitait son activité, et qu'ainsi la conversion du redressement judiciaire en liquidation s'imposait, faute de possibilité sérieuse pour celle-ci d'être sauvegardée ; qu'en conséquence la confirmation sous réserve de la rétroactivité doit être prononcée » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, aux termes du jugement entrepris, « il ressort de l'examen des comptes de la société GCI LAUDIER en date du 6 décembre 2011 qu'elle connaît d'importantes difficultés de trésorerie ; qu'en effet, il appert qu'elle n'a pas procédé au règlement des salaires et partie (sic) des charges y afférentes depuis novembre 2011, soit une somme de 43 496, 36 euros, ni encore effectué les versements mensuels d'acomptes au mandataire judiciaire, représentant au 6 décembre 2011, 24 999, 00 euros sollicités en septembre 2011 ; que le crédit figurant au compte du redressement judiciaire, (à) savoir un montant de 31 142, 00 euros est donc insuffisant pour faire face aux impayés susvisés ; que de plus le résultat d'exploitation fait ressortir une perte conséquente sur la période litigieuse ; que la perspective d'une amélioration semble d'autant plus compromise qu'outre un passif s'élevant à plus de 2 200 000 euros, la société CGI LAUDIER, faute d'avoir levé l'option d'achat, se trouve être occupant sans droit ni titre du bâtiment dans lequel elle a installé son usine ; qu'encore, la société CGI LAUDIER a perdu son principal client, la société MARC ORIAN ; qu'à titre surabondant il existe un important contentieux avec le service des finances publiques s'élevant à 1 708 546, 90 euros ; qu'au visa de ces éléments, le redressement judiciaire étant manifestement impossible, il convient de le convertir en liquidation judiciaire » ;

ALORS en premier lieu QU'à tout moment de la période d'observation, le tribunal peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ; qu'en retenant, pour juger tout redressement manifestement impossible, le montant du passif déclaré à hauteur de 2 600 399, 94 euros, après avoir relevé qu'il n'avait été admis à titre définitif qu'à hauteur de 888 123, 04 euros et qu'il était contesté à hauteur de 1 708 546, 90 euros, « même si certaines créances ne sont pas encore vérifiées ou si elles sont contestées » (arrêt, p. 6 § 1), la cour d'appel a violé l'article L. 631-15 II du code de commerce ;

ALORS en deuxième lieu QU'à tout moment de la période d'observation, le tribunal peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible ; qu'en jugeant que le redressement de la société GCI LAUDIER était impossible sans vérifier, comme il lui était demandé, si le redressement n'était pas permis par l'actif réalisé s'élevant à la somme de 577 000 euros (conclusions, p. 8), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-15 II du code de commerce ;

ALORS en troisième lieu QU'en jugeant, pour considérer que le redressement serait manifestement impossible, que « depuis le 6 septembre 2011, soit depuis plus d'un an, la SA GCI Laudier n'a jamais versé entre les mains du mandataire judiciaire les mensualités de 8 333 euros, ce qui aurait permis à la Cour d'apprécier la capacité de cette dernière à respecter les modalités d'un plan de redressement » (arrêt, p. 6 § 3), sans répondre aux écritures de la société GCI LAUDIER alléguant que le mandataire judiciaire avait reconnu aux termes d'un courrier adressé à son conseil du 12 avril 2012 produit aux débats avoir reçu un virement de la somme de 8 333 euros, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en quatrième lieu QUE page 11 de ses écritures d'appel, la société GCI LAUDIER exposait avoir levé l'option d'achat des locaux qu'elle occupe en décembre 2010 et produisait le courrier de levée d'option du 17 décembre 2010 pour l'établir ; qu'en jugeant que la société GCI LAUDIER serait occupante sans droit ni titre des murs dans lesquels elle exerce, pour considérer que le redressement serait manifestement impossible, sans analyser, même sommairement, les pièces produites aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en cinquième lieu QUE la société GCI LAUDIER rappelait, page 7 de ses écritures d'appel, qu'elle avait continué de payer normalement le salaire de ses employés et n'avoir jamais dû faire appel aux AGS ; qu'en jugeant que le redressement était impossible au motif éventuellement adopté que la société GCI LAUDIER « n'a pas procédé au règlement des salaires et partie des charges y afférentes depuis novembre 2011 » (jugement, p. 3), sans répondre aux conclusions de la société GCI LAUDIER sur ce point, spécialement concernant la preuve tirée de l'absence de recours aux AGS, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en sixième lieu QUE la société GCI LAUDIER rappelait page 7 de ses écritures d'appel que nul ne peut se constituer un titre à soi-même et que le seul justificatif d'un défaut de paiement des salaires versé aux débats par la SCP BRO PONROY était un courrier qu'elle avait elle-même rédigé et envoyé à son conseil ; qu'en jugeant que le redressement était impossible au motif éventuellement adopté que la société GCI LAUDIER « n'a pas procédé au règlement des salaires et partie des charges y afférentes depuis novembre 2011 » (jugement, p. 3) sans énoncer sur quelle preuve elle se fondait pour conclure en ce sens, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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