12 décembre 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-22.265

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2013:SO02199

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 30 avril 2012), que M. X... a été engagé à compter du 19 juillet 2004 par la société Domaine de Preisch, en qualité de responsable chargé de la ferme et de l'élevage de moutons ; que par lettre du 22 février 2007, il a été licencié pour motif économique par Mme Y... ;


Sur le premier moyen :


Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'à compter du 1er juillet 2005, son employeur était Mme Y..., aux lieu et place de la société Domaine de Preisch et, en conséquence, de dire que le licenciement avait été valablement prononcé par Mme Y... et de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :


1°/ que lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, un changement d'employeur, qui constitue une novation du contrat de travail, requiert l'accord exprès du salarié ; qu'en statuant comme elle a fait, motifs pris qu'aux termes d'un bulletin d'affiliation à un organisme de prévoyance, le salarié aurait indiqué être employé par Mme Y... à compter du 1er juillet 2005, circonstance impropre à caractériser un accord exprès du salarié au changement d'employeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;


2°/ que le bulletin d'affiliation au groupe Agrica comportait exclusivement, sous la mention « entreprise » et dans la rubrique « raison sociale » les termes « Y... Dominique » sans aucune référence à sa qualité prétendue d'employeur et sous la mention « participant » la date du 1er juillet 2005 au regard de la rubrique « date d'embauche ou de promotion du cadre », de sorte qu'en affirmant que M. X... aurait indiqué sur ce bulletin d'affiliation que « l'entreprise » qui l'employait était Mme Y... Dominique, en qualité de responsable ferme et moutons, et aurait indiqué comme date d'embauche par cette dernière, celle du 1er juillet 2005, la cour d'appel qui a dénaturé matériellement les termes de ce bulletin a derechef violé l'article 1134 du code civil ;


3°/ que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'en relevant d'une part qu'à compter du 1er juillet 2005, le nom de l'employeur figurant sur les bulletins de salaire de l'exposant a été modifié, pour mentionner le nom de Mme Y... en lieu et place de celui de la société Domaine de Preisch, d'autre part que M. X... « ne conteste pas avoir rempli lui-même ses bulletins de paie », pour en déduire que l'intéressé aurait accepté ce changement d'employeur, quand il ne résulte pas du silence du salarié que celui-ci aurait admis avoir établi lui-même ses bulletins de paie, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;


4°/ que l'accord donné par le salarié à un changement d'employeur doit être exprès ; qu'en relevant d'une part qu'à compter du 1er juillet 2005, le nom de l'employeur figurant sur les bulletins de salaire de l'exposant a été modifié, pour mentionner le nom de Mme Y... en lieu et place de celui de la société Domaine de Preisch, d'autre part que M. X... « ne conteste pas avoir rempli lui-même ses bulletins de paie », énonciations impropres à caractériser un accord exprès du salarié au changement d'employeur, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;


Mais attendu qu'ayant constaté, par une appréciation souveraine des éléments soumis à son examen, sans dénaturation, que depuis le 1er juillet 2005, M. X... s'était déclaré comme étant employé par Mme Y... sur le bulletin d'affiliation de l'organisme de prévoyance, et qu'en remplacement de la société Domaine de Preisch, Mme Y... apparaissait en qualité d'employeur sur ses bulletins de paie établis par le salarié lui-même, la cour d'appel a pu en déduire que l'intéressé avait donné son accord au changement d'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le second moyen :


Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne M. X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille treize.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour M. X....


PREMIER MOYEN DE CASSATION


En ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit qu'à compter du 1er juillet 2005, l'employeur de Monsieur X... était Madame Y..., aux lieu et place de la Sci Domaine de Preisch et, en conséquence, a dit que le licenciement de Monsieur X... avait été valablement prononcé par Madame Y... par lettre du 22 février 2007 et a débouté Monsieur X... de ses demandes ;


Aux motifs que le Domaine de Preisch est la dénomination sociale de la Sci Domaine de Preisch dont Madame Y... était la gérante ; que même si la Sci Domaine de Preisch n'a été constituée et immatriculée que postérieurement au contrat de travail ainsi qu'il ressort des statuts du 4 décembre 2004, il n'en reste pas moins que Madame Y... a engagé celle-ci en qualité d'employeur, par anticipation, auprès du salarié, dans le contrat de travail du 19 juillet 2004 ; que ni la Sci Domaine de Preisch, ni Madame Y... ne sauraient le contester sérieusement alors même qu'en réponse au courrier en date du 4 mai 2007 de l'avocat de Monsieur X... qui conteste la qualité d'employeur de Madame Y..., la Sci Domaine de Preisch, dont cette dernière est la gérante, répond que Monsieur X... ne fait plus partie de la société depuis le 30 juin 2005, ce dont il s'infère qu'il en faisait nécessairement partie auparavant, étant précisé que l'on ne voit guère à quel titre il pouvait en faire partie si ce n'est en qualité de salarié en exécution du contrat de travail du 19 juillet 2004 ; que plus tard, dans le cadre d'un deuxième litige, postérieur au présent appel, la Sci Domaine de Preisch reconnaît explicitement avoir été l'employeur de Monsieur X... puisque dans la lettre de licenciement pour faute lourde du 18 avril 2008 qu'elle lui adresse, elle écrit : « le conseil de prud'hommes de Thionville a ordonné votre réintégration au sein de la Sci Domaine de Preisch alors que vous n'en êtes plus salarié depuis juillet 2005 » ; que de ces énonciations, il résulte que c'est bien la Sci Domaine de Preisch qui se trouve engagée comme employeur à l'égard de Monsieur X... aux termes du contrat de travail du 19 juillet 2004 ; que cependant, il ressort des statuts de la Sci Domaine de Preisch que l'objet de celle-ci est l'exploitation à des fins civiles du Domaine de Preisch, en particulier toutes prestations de service dans le domaine tertiaire, notamment touristique (visites du château, chambres d'hôte, exploitation de la forêt du Domaine de Preisch), ainsi que toutes opérations financières, mobilières ou immobilières se rattachant directement ou indirectement à cet objet et susceptibles d'en favoriser la réalisation, à condition toutefois d'en respecter le caractère civil ; que Madame Y... est devenue, à la suite des opérations de partage successoral, propriétaire de l'ensemble du Domaine de Preisch, comportant non seulement l'exploitation du domaine dans le cadre d'activité de nature tertiaire, mais également l'exploitation du domaine agricole caractérisant l'activité à laquelle se rapportait exclusivement le poste de responsable de la ferme et de l'élevage des moutons confié à Monsieur X... qui n'était plus investi de fonctions de régisseur, étant précisé qu'en novembre 2004 était engagé Monsieur Henri Z..., chargé de la responsabilité administrative, technique et commerciale du développement, de la restauration et de l'entretien du château ; qu'il ressort des pièces produites contradictoirement aux débats (bulletin d'adhésion du 18 février 2005 au centre d'économie rurale de la chambre d'agriculture, courrier de la Mutualité Sociale Agricole du 14 février 2006), que, à la demande de Madame Y... en date du 25 août 2004, cette dernière a été affiliée à la Mutualité Sociale Agricole en qualité de chef de l'exploitation agricole du Domaine de Preisch et qu'après contrôle par l'inspection du travail des salariés travaillant au Domaine de Preisch, il a été signalé à la Mutualité Sociale Agricole que des salariés travaillant sur l'exploitation agricole, et plus précisément Messieurs Jean-Paul A..., agent d'entretien des espaces verts, Jérôme B..., ouvrier berger, et Guillaume X..., responsable ferme et moutons n'étaient pas affiliés à la Mutualité Sociale Agricole ; que la Mutualité Sociale Agricole a alors demandé par courrier du 24 mai 2005 à Madame Y... qui n'avait pas déclaré de salariés en qualité d'exploitante agricole auparavant, d'affilier les trois salariés précités ¿ dont Monsieur Guillaume X... ¿ auprès de la Mutualité Sociale Agricole ; que suivant attestation de la Mutualité Sociale Agricole, Madame Y... a déclaré le 24 juin 2005 Monsieur X... comme étant son salarié à compter du 1er juillet 2005 ; or, attendu que si une telle circonstance qui caractérise un changement de l'employeur est constitutive d'une modification du contrat de travail, il apparaît que Monsieur X... a expressément accepté une telle modification puisque sur le bulletin d'affiliation en date du 23 décembre 2005 au régime de retraite, prévoyance, santé, épargne Agrica, qu'il a rempli et signé, il indique que l'entreprise qui l'emploie est Madame Y... Dominique, en qualité de responsable ferme et moutons, et indique comme date d'embauche par cette dernière, celle du 1er juillet 2005 ; qu'il apparaît au vu des bulletins de paie produits contradictoirement aux débats que le nom de l'employeur qui était jusqu'au 1er juillet 2005 « Sci Domaine de Preisch » a été remplacé à compter de cette dernière date par « Y... Dominique » ; que, par ailleurs, si les bilans de la Sci du Domaine de Preisch font apparaître le paiement de salaires et de charges sociales, il ne peut en être déduit qu'il s'agit de la rémunération de Monsieur X..., alors que la Sci Domaine de Preich a eu, indépendamment de Monsieur X..., des salariés, que les résultats d'exploitation pour 2005 et 2006 de l'entreprise agricole de Madame Y... font apparaître des charges d'exploitation intégrant des salaires et charges sociales correspondant au moins aux rémunérations brutes de Monsieur X... pour la période du 1er juillet 2005 au 31 décembre 2006 et que les relevés de la Mutualité Sociale Agricole pour 2006 font apparaître la déclaration des salaires versés à Monsieur X... par Madame Y..., exploitante ; que de l'ensemble de ces énonciations, il s'évince qu'à compter du 1er juillet 2005, c'est bien Madame Y... qui a été l'employeur de Monsieur X..., lequel a accepté la modification de son contrat de travail, étant au surplus observé que ce dernier ne conteste pas avoir rempli lui-même ses bulletins de paie ; qu'il s'ensuit que le licenciement de Monsieur X... n'est pas entaché de nullité au motif que l'auteur de la rupture ne serait pas son véritable employeur ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce sens, et de débouter Monsieur X... de sa demande, ce dernier ne présentant, en cause d'appel, aucune demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, lequel licenciement est intervenu valablement par lettre du 22 février 2007 (arrêt, pages 6 à 10) ;


1°/ Alors que lorsque les conditions d'application de l'article L 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, un changement d'employeur, qui constitue une novation du contrat de travail, requiert l'accord exprès du salarié ; qu'en statuant comme elle a fait, motifs pris qu'aux termes d'un bulletin d'affiliation à un organisme de prévoyance, le salarié aurait indiqué être employé par Madame Y... à compter du 1er juillet 2005, circonstance impropre à caractériser un accord exprès du salarié au changement d'employeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;


2°/ Alors au surplus que le bulletin d'affiliation au groupe Agrica comportait exclusivement, sous la mention « entreprise » et dans la rubrique « raison sociale » les termes « Y... Dominique » sans aucune référence à sa qualité prétendue d'employeur et sous la mention « participant » la date du 1er juillet 2005 au regard de la rubrique « date d'embauche ou de promotion du cadre », de sorte qu'en affirmant que Monsieur X... aurait indiqué sur ce bulletin d'affiliation que « l'entreprise » qui l'employait était Madame Y... Dominique, en qualité de responsable ferme et moutons, et aurait indiqué comme date d'embauche par cette dernière, celle du 1er juillet 2005, la cour d'appel qui a dénaturé matériellement les termes de ce bulletin a derechef violé l'article 1134 du code civil ;


3°/ Alors que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'en relevant d'une part qu'à compter du 1er juillet 2005, le nom de l'employeur figurant sur les bulletins de salaire de l'exposant a été modifié, pour mentionner le nom de Madame Y... en lieu et place de celui de la Sci Domaine de Preisch, d'autre part que Monsieur X... « ne conteste pas avoir rempli lui-même ses bulletins de paie », pour en déduire que l'intéressé aurait accepté ce changement d'employeur, quand il ne résulte pas du silence du salarié que celui-ci aurait admis avoir établi lui-même ses bulletins de paie, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;


4°/ Et alors enfin, et en tout état de cause, que l'accord donné par le salarié à un changement d'employeur doit être exprès ; qu'en relevant d'une part qu'à compter du 1er juillet 2005, le nom de l'employeur figurant sur les bulletins de salaire de l'exposant a été modifié, pour mentionner le nom de Madame Y... en lieu et place de celui de la Sci Domaine de Preisch, d'autre part que Monsieur X... « ne conteste pas avoir rempli lui-même ses bulletins de paie », énonciations impropres à caractériser un accord exprès du salarié au changement d'employeur, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil.


SECOND MOYEN DE CASSATION, subsidiaire


En ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté Monsieur X... de toutes ses demandes à l'égard de Madame Y... et de la Sci Domaine de Preisch ;


Aux motifs que le licenciement de Monsieur X... n'est pas entaché de nullité au motif que l'auteur de la rupture ne serait pas son véritable employeur ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce sens, et de débouter Monsieur X... de sa demande, ce dernier ne présentant, en cause d'appel, aucune demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, lequel licenciement est intervenu valablement par lettre du 22 février 2007 (arrêt, page 10) ;


Alors qu'en statuant comme elle a fait sans répondre au moyen des conclusions d'appel de Monsieur X... (p. 6) reprises et développées oralement à l'audience, par lequel celui-ci faisait valoir, à titre subsidiaire, que son licenciement pour motif économique était irrégulier, la motivation de la lettre de licenciement ne répondant pas aux exigences du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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