26 février 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-27.521

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2013:CO00209

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 18 juillet 2006, Mme X... a cédé les 250 parts sociales qu'elle détenait dans le capital de la société Stockage transports déménagement exposition (la société STDE) à la société Business To Commerce Holding, société en formation représentée par M. Y... ; que la seconde associée, Mme Z..., titulaire des 250 autres parts, a cédé 225 parts à la même société, 13 parts à M. Y..., 9 parts à M. A... et 3 parts à M. B... ; que la cession a été consentie pour un prix global provisoirement fixé à 200 000 euros, le prix définitif, arrêté au 18 juillet 2006, devant être ajusté en fonction d'un bilan à établir par un cabinet d'expertise comptable dans les trois mois de la date de l'acte de cession ; que le prix a été payé à concurrence de 100 000 euros ; qu'en 2007, Mmes X... et Z..., qui n'avaient pas accepté l'évaluation du prix définitif établie par le cabinet d'expertise comptable et transmise par les cessionnaires, ont fait assigner ces derniers en paiement de la somme de 50 000 euros représentant la fraction du prix exigible au 31 décembre 2006 ; que par un jugement avant dire droit, le tribunal de commerce a désigné un expert avec pour mission de déterminer le prix définitif ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise, le tribunal a condamné MM. Y..., A... et B..., solidairement avec la société Business To Commerce Holding, à payer la somme de 97 230 euros à Mmes X... et Z... ;


Sur le premier moyen :


Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné une expertise judiciaire avec notamment pour mission de rechercher les éléments liés à la garantie de passif qui auraient pu influer sur le prix de cession et d'arrêter ce qu'aurait dû être la variation du prix de cession liée à la garantie de passif, d'avoir rejeté sa contestation relative à la désignation de l'expert, d'avoir rejeté sa demande en nullité des opérations d'expertise et de l'avoir en conséquence condamné solidairement avec la société Business To Commerce Holding, à payer à Mmes X... et Z... la somme de 97 230 euros alors, selon le moyen :


1 / que, dans tous les cas où est prévue la cession des droits sociaux d'un associé, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ; qu'en confirmant le jugement par lequel le tribunal de commerce avait désigné lui-même un expert judiciaire, après avoir écarté la valeur contestée des parts sociales de la société STDE proposée par les acquéreurs, et le jugement retenant la valeur de cession des parts sociales chiffrée par cet expert, quand une telle évaluation ne pouvait résulter que d'une expertise ordonnée, faute d'accord entre les parties, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible, la cour d'appel a violé les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil ;


2 / que la cour d'appel a constaté que, par convention du 18 juillet 2006, « l'arrêté définitif du bilan de cession, et par conséquent le prix définitif de cession » devait intervenir dans des conditions contractuellement prévues, et que l'expert judiciaire avait déterminé le « prix de cession révisé », après correction des éléments liés à la garantie de passif, à la somme de 197 230 euros, ce dont il résultait que le bilan de cession permettait la détermination du prix définitif de cession des parts sociales ; qu'en affirmant néanmoins que l'article 1843-4 du code civil n'était pas applicable, dès lors que la contestation portait sur le bilan de cessions, et en aucun cas sur la valeur des parts sociales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1843-4 du code civil ;


3 / que, à supposer adoptés les motifs par lesquels il a été constaté que la contestation relative à la désignation de l'expert n'avait pas été formée par voie de recours dans les délais requis, la désignation de l'expert par le tribunal de commerce, après avoir écarté la détermination de la valeur contestée des parts sociales de la société STDE proposée par les acquéreurs, contrevenait aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil, de sorte que la cour d'appel ne pouvait en toute hypothèse accueillir la demande en paiement du solde du prix de cession formée par Mmes X... et Z..., peu important que les acquéreurs n'aient pas formé de recours contre la décision désignant l'expert judiciaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil ;


Mais attendu qu'après avoir relevé que la cession avait été conclue le 18 juillet 2006 et que son prix était déterminable, la cour d'appel a exactement retenu, dès lors que la cession n'entrait dans aucun des cas prévus par l'article 1843-4 du code civil, que les dispositions de ce texte n'étaient pas applicables ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;


Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :


Vu l'article L. 210-6 du code de commerce ;


Attendu que pour condamner M. Y... à payer une certaine somme, solidairement avec la société Business To Commerce Holding, l'arrêt retient que le procès-verbal de l'assemblée générale de cette société du 14 mars 2008 mentionne la reprise des engagements souscrits par les associés fondateurs pour le compte de la société en formation, aussi bien ceux antérieurs à la date de signature des statuts que ceux intervenus entre cette date et celle de l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés mais qu'en revanche, selon les termes de la promesse de vente et l'acte de cession, M. Y... est désigné comme agissant tant à titre personnel ès qualités de gérant de la société Business To Commerce Holding, que cette mention ne concerne pas, contrairement à ses affirmations, l'acquisition personnelle par lui de 13 parts sociales, à laquelle il est ensuite fait référence dans les actes, mais les parts acquises pour le compte de la société Business To Commerce Holding en formation ;


Attendu qu'en statuant ainsi, tout en constatant la reprise par la société Business To Commerce Holding de l'engagement résultant de l'acquisition des parts de la société STDE, ce dont il résultait que l'associé qui avait agi au nom de la société en formation n'était plus tenu des obligations nées de cet acte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné solidairement M. Y... avec la société Business To Commerce Holding à payer à Mmes Z... et X... la somme de 97 230 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2007, l'arrêt rendu le 12 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;


Condamne Mmes Z... et X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. Y... la somme globale de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour M. Y...



PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR ordonné une expertise judiciaire confiée à Monsieur C..., avec notamment pour mission de rechercher les éléments liés à la garantie de passif qui auraient pu impacter le prix de cession et arrêter ce qu'aurait dû être la variation du prix de cession liée à la garantie de passif, D'AVOIR dit Monsieur Y... mal fondé en sa contestation relative à la désignation de l'expert, D'AVOIR débouté celui-ci de sa demande en nullité des opérations d'expertise et D'AVOIR en conséquence condamné Monsieur Y..., solidairement avec la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING, à payer à Mesdames X... et Z... la somme de 97.230 € en principal, avec intérêts ;


AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING soulève la nullité des opérations d'expertise faisant valoir que l'expert n'a pas été désigné selon les modalités prévues à l'article 1843-4 du code civil ; que cet article dispose que dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par une société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ; qu'en l'espèce, cet article n'a pas vocation à s'appliquer dès lors que la contestation porte sur le bilan de cessions et en aucun cas sur la valeur des parts sociales » (arrêt, p. 6) ;


AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la présente situation de blocage est dérivée du fait que l'analyse comptable produite ne paraissait pas avoir respecté les règles de l'art, qu'il apparaît que les acquéreurs occupent déjà les responsabilités de direction de la société, laquelle aurait déposé son bilan ; que dans l'état actuel du dossier et des informations reçues, le tribunal estime que les données comptables sont insuffisantes, qu'il semble opportun de faire les comptes et de mener d'une manière complète ce qui aurait dû être fait dans les trois mois suivant la signature de l'acte de cession, à savoir la valorisation du prix compte tenu de la garantie de passif, afin de définir ce que devait être l'ajustement du prix de cession ; ... qu'il apparaît ainsi justifié d'ordonner une expertise ci-après définie dans le présent dispositif » (jugement du 16 octobre 2008, p. 5) ;


ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « dans leurs conclusions complémentaires les défendeurs exposent que l'expert a été désigné dans des conditions irrégulières qui n'entrent pas dans les prévisions de l'article 1843-4 du code civil et que sa mission ne visait pas à obtenir la fixation du prix de cession des parts sociales que donc le tribunal ne pourra retenir le prix proposé par l'expert ; que si cette contestation relative à la désignation d'un expert et sa mission pouvait être examinée, elle n'a pas été formée par voie de recours dans les délais requis et que l'expert a satisfait à sa mission » (jugement du 30 mars 2010, p. 7) ;


ALORS QUE 1°), dans tous les cas où est prévue la cession des droits sociaux d'un associé, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ; qu'en confirmant le jugement par lequel le tribunal de commerce avait désigné lui-même un expert judiciaire, après avoir écarté la valeur contestée des parts sociales de la société STDE proposée par les acquéreurs, et le jugement retenant la valeur de cession des parts sociales chiffrée par cet expert, quand une telle évaluation ne pouvait résulter que d'une expertise ordonnée, faute d'accord entre les parties, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible, la cour d'appel a violé les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil ;


ALORS QUE 2°) la cour d'appel a constaté que, par convention du 18 juillet 2006, « l'arrêté définitif du bilan de cession, et par conséquent le prix définitif de cession » devait intervenir dans des conditions contractuellement prévues (arrêt, p. 5), et que l'expert judiciaire avait déterminé le « prix de cession révisé », après correction des éléments liés à la garantie de passif, à la somme de 197.230 € (jugement du 30 mars 2010, p. 7), ce dont il résultait que le bilan de cession permettait la détermination du prix définitif de cession des parts sociales ; qu'en affirmant néanmoins que l'article 1843-4 du code civil n'était pas applicable, dès lors que la contestation portait sur le bilan de cessions, et en aucun cas sur la valeur des parts sociales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1843-4 du code civil ;


ALORS QUE 3°), à supposer adoptés les motifs par lesquels il a été constaté que la contestation relative à la désignation de l'expert n'avait pas été formée par voie de recours dans les délais requis, la désignation de l'expert par le tribunal de commerce, après avoir écarté la détermination de la valeur contestée des parts sociales de la société STDE proposée par les acquéreurs, contrevenait aux dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil, de sorte que la cour d'appel ne pouvait en toute hypothèse accueillir la demande en paiement du solde du prix de cession formée par Mesdames X... et Z..., peu important que les acquéreurs n'aient pas formé de recours contre la décision désignant l'expert judiciaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil.


SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)


Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR condamné Monsieur Y..., solidairement avec la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING, à payer à Mesdames X... et Z... la somme de 97.230 € en principal, avec intérêts ;


AUX MOTIFS QUE « la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING, messieurs Y..., B... et A... soutiennent l'absence de solidarité entre eux faute d'engagement stipulé à l'acte de cession ; que selon les dispositions de l'article L. 210-6 du code de commerce les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits ; qu'en l'espèce, le procèsverbal de l'assemblée générale des comptes de la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING en date du 14 mars 2008 mentionne la reprise des engagements souscrits par les associés fondateurs pour le compte de la société en formation, aussi bien ceux antérieurs à la date de signature des statuts que ceux intervenus entre cette date et celle de l'immatriculation de la société au registre du commerce ; qu'en revanche, selon les termes de la promesse de vente et l'acte de cession, Luc Y... est désigné comme agissant tant à titre personnel ès qualités de gérant de la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING ; que cette mention ne concerne pas, contrairement à ses affirmations, l'acquisition personnelle par Luc Y... de 13 parts sociales, à laquelle il est ensuite fait référence dans les actes, mais les parts acquises pour le compte de la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING en formation, de sorte que la décision déférée, qui a prononcé la condamnation solidaire de cette société et de Luc Y... au paiement de la somme de 97.230 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2007, sera confirmée » (arrêt pp. 9 et 10) ;


ALORS QUE 1°) les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits ; que ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ; que la cour d'appel a constaté que Monsieur Y... avait agi pour le compte de la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING en formation, et que celle-ci avait expressément repris les engagements souscrits pour le compte de la société en formation, aussi bien ceux antérieurs à la date de signature des statuts que ceux intervenus entre cette date et celle de l'immatriculation de la société au registre du commerce, ce dont il résultait que les engagements souscrits par Monsieur Y... pour le compte de la société en formation étaient réputés avoir été souscrits dès l'origine par cette société ; qu'en condamnant néanmoins Monsieur Y..., solidairement avec cette société, à payer le solde du prix de cession des parts sociales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 210-6 du code de commerce ;


ALORS QUE 2°), par la convention de cession du 18 juillet 2006, Madame Z... a cédé 13 de ses parts sociales dans la société STDE à Monsieur Y... et 255 à la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING en formation, Madame X... cédant pour sa part 250 parts sociales à cette même société (arrêt p. 5) ; que, d'autre part, Monsieur Y... s'est à cette occasion engagé « tant à titre personnel es-qualités de gérant de la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING» en cours de formation (cf. acte de vente, p. 1) ; qu'il résultait de cette clause claire et précise que Monsieur Y... s'était engagé à titre personnel pour l'acquisition des 13 parts sociales de Madame Z..., et en qualité de gérant de la société en formation pour les 255 et 250 parts cédées par Mesdames X... et Z... à la société en formation ; qu'en jugeant au contraire que cette mention d'un engagement personnel ne concernait pas l'acquisition personnelle par Luc Y... de 13 parts sociales, mais les parts acquises pour le compte de la société BUSINESS TO COMMERCE HOLDING en formation, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la convention du 18 juillet 2006, et violé l'article 1134 du code civil.

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