14 mars 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-12.883

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2012:SO00792

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique qui est recevable :


Vu l'article L. 1224-1 du code du travail ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 2 mai 1972 en qualité d'opérateur mécanicien et dont le contrat de travail a été transféré à la société Eychenne le 15 février 1987, a été licencié pour motif économique le 15 octobre 2003 ;


Attendu que pour dire le licenciement fondé sur un motif économique, l'arrêt retient, d'une part, qu'il est établi que la société Total, propriétaire de la station-service Elf a notifié le 18 juin 2003 à la société Eychenne sa décision de fermer définitivement cette station à compter du 14 novembre 2003 et que la société Eychenne a acquis un autre fonds de commerce de station-service situé dans la même ville à quelques centaines de mètre de la précédente, ce dont il résulte que la société employeur, bien qu'ayant changé de site, a exercé sans discontinuer la même activité économique de gestion d'une station-service, sans modification de sa situation juridique, peu important à cet égard que l'activité ait été exercée directement ou en location-gérance, ce qui exclut l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et, d'autre part, que le volume d'activité du nouvel établissement étant largement inférieur à celui de la station fermée et nécessairement limité eu égard au nombre de pompes, la fermeture définitive du premier établissement impliquait, pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la suppression du poste occupé par le salarié ;


Attendu cependant que la résiliation d'un contrat de location-gérance entraînant le retour du fonds loué au bailleur, le contrat de travail qui lui est attaché se poursuit avec ce dernier, lorsque le fonds n'est pas inexploitable au jour de sa restitution, en sorte qu'un licenciement pour motif économique prononcé à cette occasion est dépourvu d'effet ;


Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans qu'il résulte de ses constatations que le fonds était inexploitable au jour de son retour à la société Elf, ce qui ne peut résulter de la seule décision de cette dernière de ne pas en poursuivre l'activité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;


Condamne la société Eychenne aux dépens ;


Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Eychenne à payer à la SCP Blanc et Rousseau la somme de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils pour M. X...



Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. X... par la société Eychenne reposait sur une cause économique réelle et sérieuse ;


Aux motifs propres que la lettre de licenciement du 15 octobre 2003 est ainsi motivée : « nous sommes contraints de procéder désormais à votre licenciement pour le motif économique de fermeture définitive de l'établissement imposée par notre compagnie pétrolière. Ce motif nous conduit à supprimer le poste que vous occupez au sein de notre entreprise et donc votre emploi. Compte tenu de la taille de notre entreprise, nous ne disposons d'aucune solution afin d'assurer votre reclassement interne. De plus, nous n'avons pas trouvé de solution de reclassement externe compatible avec votre qualification professionnelle « ; que la seule fermeture d'un établissement ne peut constituer une cause économique de licenciement que si elle est justifiée par des difficultés économiques ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il est établi que la société Total, propriétaire de la station-service Elf située avenue Cros à Pamiers a notifié le 18 juin 2003 à la société Eychenne sa décision de la fermer définitivement à compter du 14 novembre 2003 ; que par acte notarié du même jour, 14 novembre 2003, la Sarl Etablissements Eychenne a acquis le fonds de commerce de station-service situé avenue de Toulouse à Pamiers et en a pris possession dès le lendemain ; qu'il en résulte que la société employeur, bien qu'ayant changé de site, a exercé sans discontinuer la même activité économique de gestion d'une station-service, sans modification de sa situation juridique, peu important à cet égard que l'activité ait été exercée directement ou en location-gérance ; que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies ; que contrairement à ce que soutient la société Eychenne, la date de la signature de l'acte notarié du 14 novembre 2003, nécessairement précédée de négociations et actes préparatoires, la concordance des fermeture et prise de possession des établissements gérés tous deux par la compagnie Total et situés à proximité dans la même ville, démontrent que la poursuite de l'activité dans la nouvelle station-service était prévue lors du licenciement de M. X... dont le départ a eu lieu au jour même de la fermeture de la station-service de l'avenue Cros ; que la société employeur établit que l'activité du nouveau site était d'un niveau bien inférieur à la précédente et a été obligée de conserver à son service la seule salariée de la station acquise ; qu'en raison du volume d'activité du nouvel établissement, largement inférieur à celui de la station fermée, la fermeture définitive de l'établissement de l'avenue Cros impliquait pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise la suppression du poste d'opérateur chargé des travaux d'entretien et de mécanique occupé par M. X... ; qu'en raison de la taille de l'entreprise qui occupait à l'origine 4 salariés et qui ne fait pas partie d'un groupe, notamment du groupe Total avec lequel elle est liée par un contrat de location-gérance ou de prestation de service, le reclassement de M. X... n'était pas possible ; Aux motifs adoptés que la société Elf a repris son fonds de commerce et par la suite l'a détruit ;


Alors que 1°) le retour du fonds de commerce à son propriétaire justifie l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, sauf s'il est constaté que l'activité avait disparu et que le fonds était inexploitable ; que le licenciement prononcé en violation de ce texte par le locataire-gérant du fonds de commerce pour motif économique est donc privé d'effet et que le salarié licencié à le choix de demander au propriétaire du fonds nouvel employeur la poursuite de son contrat de travail, ou la réparation du préjudice qui découle de la rupture par l'auteur du licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Total, propriétaire de la station-service Elf située avenue Cros à Pamiers, avait notifié le 18 juin 2003 à la société Eychenne sa décision de la fermer définitivement le 14 novembre 2003 ; qu'il résultait de cette constatation qu'au 14 novembre 2003, la société Total à qui son fonds de commerce faisait retour et dont la fermeture reposait sur sa propre décision devenait employeur de M. X... en application de l'article L. 1224-1 du code du travail - que la décision de la société Eychenne de le licencier le 15 juin 2003 pour motif économique de fermeture définitive de l'établissement était sans effet - que M. X... pouvait demander à l'auteur du licenciement la réparation de son préjudice ; qu'en décidant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 1224-1 du code du travail et L. 1235-3 du code du travail ;


Alors que 2°) après avoir constaté que la lettre de licenciement fixant les termes du litige mentionnait que « nous n'avons pas trouvé de solution de reclassement externe compatible avec votre qualification professionnelle », la cour d'appel, qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la situation particulière de la société Eychenne n'impliquait pas la recherche d'un reclassement auprès de la société Total avec qui elle était liée par un contrat de location-gérance, et quelles étaient les tentatives de reclassement externes tentées par la société Eychenne invoquées dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;


Alors que 3°) après avoir exactement rappelé que la seule fermeture d'un établissement ne peut constituer une cause économique de licenciement que si elle est justifiée par des difficultés économiques ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était tenue, pour quels motifs la fermeture de l'établissement employant M. X... avait été décidée, et si elle était justifiée par des difficultés économiques ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail.

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