18 octobre 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-20.733

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2011:CO01015

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Donne acte aux sociétés Transports Bruno Robert et Bruno Robert entrepôts du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Néo ;


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la fin de l'année 2003, la société Novellini diffusion France (la société Novellini) et Alu Trade Impex ont transféré leur usine de fabrication de parois de douches et de baignoires de Blois à Contres ; qu'à cette occasion, elles ont entretenu des relations commerciales avec les sociétés Transports Bruno Robert et Bruno Robert entrepôts (les sociétés TBR et BRE), présentes sur le site, sans qu'aucun écrit ne formalise ces relations ; qu'à compter de juin 2005, les relations ont cessé entre ces sociétés, la société Néo devenant alors le prestataire de transport des sociétés Novellini et Alu Trade Impex dans des conditions contestées par les sociétés TBR et BRE, lesquelles ont fait assigner les sociétés Novellini et Alu Trade Impex, ainsi que la société Néo en dommages-intérêts, les premières pour rupture brutale du contrat, la troisième pour concurrence déloyale ;


Attendu que pour rejeter les demandes des sociétés TBR et BRE tendant à voir condamner la société Novellini à réparer leur préjudice résultant de la rupture brutale de leurs relations commerciales, l'arrêt retient qu'il résulte des pièces produites que cette société a lancé un appel d'offres dès la fin de l'année 2004 dont la société TBR ne peut contester l'existence puisqu'elle y a répondu en février 2005 en écrivant dans sa réponse "suite à l'implantation de Novellini sur Contres et à la construction d'un centre de production et de distribution, la société Novellini redéfinit sa vision de la logisitique en aval (…) dans ce cadre, Novellini recherche un partenaire logistique et transport…", qu'il s'ensuit que les sociétés TBR et BRE ne pouvaient ignorer le souhait de la société Novellini de conclure un contrat avec un partenaire répondant à ses exigences et dès lors le caractère précaire de leurs relations commerciales, l'appel d'offres constituant un préavis parfaitement clair ;


Attendu qu'en statuant ainsi, sans avoir constaté le caractère écrit de l'appel d'offre, dont l'existence même était expressément contestée par les sociétés TBR et BRE, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes des sociétés TBR et BRE fondées sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, l'arrêt rendu le 6 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;


Condamne la société Novellini diffusion France aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Transports Bruno Robert et Bruno Robert entrepôts la somme globale de 2 500 euros et rejette sa demande ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille onze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils pour les sociétés Transports Bruno Robert et Bruno Robert entrepôts


Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les sociétés Transports Bruno Robert et Bruno Robert Entrepôts de leurs demandes tendant à voir condamner la société Novellini Diffusion à réparer leur préjudice résultant de la rupture brutale de leurs relations commerciales ;


Aux motifs qu'« après l'installation de l'usine Novellini à Contres en août 2003, des relations commerciales se sont instaurées entre Novellini et la société TBR et BRE en janvier 2004 sans qu'aucun contrat n'ait été conclu soit pendant un an et demi ; qu'il résulte des pièces produites que la société Novellini a lancé un appel d'offres dès la fin de l'année 2004 dont TBR ne peut contester l'existence puisqu'elle y a répondu en février 2005 en écrivant dans sa réponse "suite à l'implantation de Novellini sur Contres (47 000) et à la construction d'un centre de production et de distribution, la société Novellini redéfinit sa vision de la logisitique en aval…Dans ce cadre, Novellini recherche un partenaire logistique et transport…" ; qu'il s'ensuit que les sociétés TBR et BRE ne pouvaient ignorer le souhait de la société Novellini de conclure un contrat avec un partenaire répondant à ses exigences et dès lors le caractère précaire de leurs relations commerciales, l'appel d'offres constituant un préavis parfaitement clair ; que les relations avec TBR ont débuté en octobre 2004 et ont donc duré 8 mois ; que de plus s'agissant d'opérations ponctuelles d'entreposage liées à l'insuffisance du site de l'usine Novellini à Blois, elles étaient appelées à cesser dès lors que la nouvelle unité créée à Contres serait totalement opérationnelle ; qu'il s'ensuit que la société TBR ne pouvait ignorer le caractère ponctuel des opérations qui lui étaient confiées ; que les relations commerciales entre la société Novellini et les sociétés TBR et BRE étaient récentes et ne procédaient pas d'un contrat général mais d'opérations ponctuelles en dehors de toute exclusivité ; que de plus la société Novellini ayant continué de travailler avec la société TBR jusqu'à la fin du mois de juillet 2005, alors qu'elle avait choisi la société Néo avec laquelle elle a conclu un contrat le 29 avril 2005, TBR a bénéficié d'un préavis de 7 mois ; qu'eu égard à la faible antériorité de leurs relations commerciales, les sociétés ont bénéficié de délais de préavis raisonnables ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Novellini à payer à la société Transports Robert la somme de 14 000 euros » ;


Alors que 1°) la rupture d'une relation commerciale établie ne peut intervenir sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; qu'en ayant retenu que l'appel d'offres lancé par la société Novellini Diffusion « à la fin de l'année 2004 » constituait un « préavis parfaitement clair » sans avoir constaté le caractère écrit de cet appel d'offre, dont l'existence même était expressément contestée par les sociétés Transports Bruno Robert et Bruno Robert Entrepôts, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I.5° du code de commerce ;


Alors que 2°) le juge est tenu d'indiquer l'origine et la nature des éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en s'étant bornée à affirmer qu'il résultait des pièces produites que la société Novellini Diffusion avait lancé un appel d'offres dès la fin de l'année 2004 sans préciser quelles pièces établissaient l'existence et la date exacte d'un tel appel d'offres, qui n'avait pas été produit et dont l'existence était expressément contestée par les sociétés Transports Bruno Robert et Bruno Robert Entrepôts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6-I.5° du code de commerce ;


Alors que 3°) en ayant retenu que la société Transports Bruno Robert ne pouvait contester l'existence d'un appel d'offres lancé par la société Novellini Diffusion dès lors qu'elle y avait répondu en février 2005 en écrivant que « Novellini recherche un partenaire logistique et transport », quand cette formule ne caractérisait nullement l'existence d'un appel d'offres mais introduisait seulement la proposition commerciale récapitulative formulée par la société Transports Bruno Robert dans le cadre de la négociation déjà engagée d'un accord de collaboration exclusive de trois ans avec la société Novellini Diffusion, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6-I.5° du code de commerce ;


Alors que 4°) en ayant retenu d'une part que « des relations commerciales se sont instaurées entre la société Novellini et la société Transports Bruno Robert en janvier 2004 » et d'autre part que les « relations avec la société Transports Bruno Robert ont débuté en octobre 2004 », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;


Alors que 5°) celui qui se plaint de la rupture abusive d'une relation commerciale établie n'a pas à établir qu'il se trouve dans un état de dépendance économique ou qu'il bénéficie d'un contrat d'exclusivité ; qu'en s'étant fondée sur la circonstance que les relations commerciales entre la société Novellini et les sociétés Transports Bruno Robert et Bruno Robert Entrepôts ne procédaient pas d'un contrat général d'exclusivité pour écarter le caractère abusif de la rupture des relations commerciales par la société Novellini, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ;


Alors que 6°) le préavis donné avant la rupture des relations commerciales ne peut être suffisant s'il n'est exécuté dans les mêmes conditions que celles existant antérieurement à la rupture ; qu'en ayant retenu, pour juger que les sociétés Transports Bruno Robert et Bruno Robert Entrepôts avaient bénéficié d'un préavis suffisant de 7 mois, que la société Novellini Diffusion avait continué de travailler avec ces derniers jusqu'en juillet 2005 après la rupture notifiée le 27 mai 2005 sans avoir recherché, comme elle y était invitée si l'effondrement du chiffre d'affaire réalisé par le groupe Bruno Robert avec la société Novellini Diffusion entre les mois de mai 2005 (181.314,76 euros) et juin 2005 (2.116,39 euros) n'excluait pas que les deux mois d'activité résiduelle en juin et juillet puissent être pris en compte dans l'appréciation de la durée du préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce.

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