5 juillet 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-14.626

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2011:SO01580

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 20 janvier 2010), qu'envisageant de regrouper deux établissements de santé qu'elle gérait dans la région grenobloise et de confier à la société Sodexho la gestion du service de restauration de ces deux établissements, la Fondation santé des étudiants de France (la fondation) a proposé au personnel affecté dans ce service un changement d'employeur ; que Mme X..., employée depuis le mois d'août 1992 par la fondation, affectée comme agent hôtelier dans la clinique médico-universitaire Daniel Douady et élue déléguée du personnel le 20 octobre 2005 a refusé de changer d'employeur ; qu'elle a été licenciée le 26 mars 2007 pour motif économique, sans demande préalable d'autorisation administrative de licenciement ;


Attendu que la fondation fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser des indemnités de chômage, alors, selon le moyen :


1°/ que la proposition faite à un salarié d'occuper, au sein d'une société ne faisant pas partie du même groupe que l'employeur, un poste en tous points semblable à celui supprimé constitue une proposition de reclassement que le juge doit prendre en compte pour apprécier le respect de l'obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, la Fondation SEF avait proposé à la salariée d'occuper au sein de la société Sodexho, qui reprenait la gestion du service restauration de ses deux établissements grenoblois, un poste identique à celui qu'elle occupait au sein de l'exposante, avec la même rémunération et les mêmes avantages acquis, et cette proposition était en outre assortie d'un certain nombre d'engagements du repreneur en termes notamment de maintien des conditions de travail, de reprise d'ancienneté, et de non-mutation en dehors du bassin grenoblois ; qu'en refusant de prendre en compte la proposition de transfert du contrat de travail à la société Sodexho comme proposition de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-1 et L. 1233-4 du code du travail ;


2°/ que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, la salariée ne contestait pas avoir reçu les propositions de postes adressées par l'employeur, se contentant de prétendre qu'elles auraient été inacceptables compte tenu de leur éloignement géographique ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que la Fédération ne justifiait pas de la réception par la salariée des lettres des 26 janvier et 12 février 2007 lui proposant des postes de reclassement, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;


3°/ que dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur n'est tenu de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé que les emplois disponibles ; qu'en l'espèce, l'exposante produisait les lettres par laquelle elle avait invité ses établissements à lui communiquer l'ensemble des postes disponibles ou le devenant, ainsi que le courrier récapitulant les postes disponibles au 8 janvier 2007, le plan de sauvegarde de l'emploi qu'elle avait établi et qui recensait les mêmes postes disponibles, et les fiches de vacances de poste postérieures ; qu'elle expliquait que parmi ces postes, certains avaient été refusés par la salariée, et les autres ne pouvaient, compte tenu des compétences qu'ils requéraient, lui être proposés ; qu'en énonçant qu'au regard de l'importance du personnel salarié de la fondation, comportant nécessairement de nombreux emplois d'exécution, il ne paraissait pas compréhensible que la fondation n'ait pu proposer des postes de reclassement à la salariée dans les conditions légales, la cour d'appel, qui a statué par un postulat de principe, au lieu d'examiner les pièces produites par l'employeur pour établir le sérieux de sa recherche, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-1 et L. 1233-4 du code du travail ;


Mais attendu que le salarié investi d'un mandat représentatif qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu a le droit d'obtenir, d'une part, l'indemnité due au titre de la méconnaissance du statut protecteur et correspondant au montant de la rémunération due jusqu'au terme de la période de protection , d'autre part, outre les indemnités de rupture, une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, sans que le juge ait à se prononcer sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen portant sur l'exécution par l'employeur de son obligation de reclassement est en conséquence inopérant, dès lors qu'aucune autorisation de licenciement n'a été demandée ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la Fondation santé des étudiants de France aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Fondation santé des étudiants de France à payer à Mme X... la somme de 1 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille onze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la Fondation santé des étudiants de France.


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, condamné la FSEF à verser à la salariée des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et de lui AVOIR ordonné de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 3 mois,


AUX MOTIFS QUE l'article L. 1233-4 du Code du travail dispose : « Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises » ; qu'il n'est pas discutable que la proposition de transfert du contrat de travail à la Société Sodexho n'était pas une proposition de reclassement au sens de l'article susvisé ; que la formulation contenue dans la lettre de licenciement (..."votre refus de reclassement au sein de la Société Sodexho"...) est erronée ; que l'article 15.02.1.6.2 de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 dispose : « les licenciements s'ils ne peuvent être évités s'effectueront en tenant compte des charges de famille et de l'ancienneté de service dans l'établissement, ainsi que des qualités professionnelles des salariés concernés. L'employeur ou son représentant, après consultation des représentants des organisations signataires de la convention, recherchera toutes mesures susceptibles de faciliter le reclassement du ou des salariés concernés notamment par des actions d'adaptation ou de formation professionnelle » ; que cette disposition vise l'obligation qui pèse sur l'employeur après que les licenciements ont été prononcés ; qu'elle ne constitue pas, comme le soutient l'intimée, une « condition au prononcé du licenciement économique » ; que l'observation de cette disposition sera examinée après avoir vérifié si la Fédération appelante a respecté l'obligation de reclassement définie à l'article L. 1233-4 du Code du travail rappelé ci-dessus ; que la Fondation de Santé des Etudiants de France compte 12 établissements dont les 2 établissements en cause situés dans la région grenobloise ; que l'obligation de reclassement ne concernait que les emplois disponibles et susceptibles d'être proposés au salarié, dans l'ensemble des établissements ; que la Fondation indique avoir adressé par lettres recommandées avec accusé de réception du 26 janvier 2007 et 12 février 2007, à Madame X..., les propositions de postes suivantes :
- employé d'accueil et de communication en contrat à durée indéterminée en temps plein au centre Jacques Arnaud (95)
- employé d'accueil et de communication en contrat à durée déterminée à temps plein au centre Daniel Douady
- employé d'accueil et de communication en contrat à durée déterminée à temps partiel au centre Daniel Douady
- employé d'accueil et de communication en contrat à durée indéterminée à temps plein pour l'accueil des services de psychiatrie au centre Jacques Arnaud ;
Qu'alors que les lettres adressées à Madame X... mentionnent "lettre recommandée avec accusé de réception", la Fédération ne justifie pas de leur réception par la salariée ; que la Fédération ne justifie d'aucune autre proposition faite à la salariée dans les termes de l'article L. 1233-4 du Code du travail ; que la Fondation ne produit aucun élément relatif à ses structures ; qu'elle ne produit pas de description de ses différents établissements (implantation géographique notamment) et ne fournit aucune précision quant à la nature de son personnel, par catégorie professionnelle et par importance numérique à l'intérieur de chacune des catégories professionnelles ; qu'au regard de l'importance du personnel salarié de la Fondation, personnel qui, eu égard à la nature des activités exercées, comporte nécessairement de nombreux emplois d'exécution, comme celui occupé par l'intimée, il ne paraît pas compréhensible que la Fondation n'ait pu proposer des postes de reclassement à la salariée dans les conditions légales ; que la Fondation ayant failli à son obligation de reclassement, le licenciement de Madame X... est dénué de cause réelle et sérieuse ;


1. ALORS QUE la proposition faite à un salarié d'occuper, au sein d'une société ne faisant pas partie du même groupe que l'employeur, un poste en tous points semblable à celui supprimé constitue une proposition de reclassement que le juge doit prendre en compte pour apprécier le respect de l'obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, la Fondation SEF avait proposé à la salariée d'occuper au sein de la société SODEXHO, qui reprenait la gestion du service restauration de ses deux établissements grenoblois, un poste identique à celui qu'elle occupait au sein de l'exposante, avec la même rémunération et les mêmes avantages acquis, et cette proposition était en outre assortie d'un certain nombre d'engagements du repreneur en termes notamment de maintien des conditions de travail, de reprise d'ancienneté, et de non-mutation en dehors du bassin grenoblois ; qu'en refusant de prendre en compte la proposition de transfert du contrat de travail à la société Sodexho comme proposition de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-1 et L. 1233-4 du Code du travail ;


2. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, la salariée ne contestait pas avoir reçu les propositions de postes adressées par l'employeur, se contentant de prétendre qu'elles auraient été inacceptables compte tenu de leur éloignement géographique (conclusions d'appel, p. 6) ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que la Fédération ne justifiait pas de la réception par la salariée des lettres des 26 janvier et 12 février 2007 lui proposant des postes de reclassement, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;


3. ALORS QUE dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur n'est tenu de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé que les emplois disponibles ; qu'en l'espèce, l'exposante produisait les lettres par laquelle elle avait invité ses établissements à lui communiquer l'ensemble des postes disponibles ou le devenant, ainsi que le courrier récapitulant les postes disponibles au 8 janvier 2007, le plan de sauvegarde de l'emploi qu'elle avait établi et qui recensait les mêmes postes disponibles, et les fiches de vacances de poste postérieures ; qu'elle expliquait que parmi ces postes, certains avaient été refusés par la salariée, et les autres ne pouvaient, compte tenu des compétences qu'ils requéraient, lui être proposés (conclusions, p. 14 à 16) ; qu'en énonçant qu'au regard de l'importance du personnel salarié de la Fondation, comportant nécessairement de nombreux emplois d'exécution, il ne paraissait pas compréhensible que la Fondation n'ait pu proposer des postes de reclassement à la salariée dans les conditions légales, la cour d'appel, qui a statué par un postulat de principe, au lieu d'examiner les pièces produites par l'employeur pour établir le sérieux de sa recherche, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-1 et L. 1233-4 du Code du travail.

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