23 juin 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-18.540

Deuxième chambre civile

ECLI:FR:CCASS:2011:C201273

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :






Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2010), qu'alléguant des actes constitutifs d'une concurrence déloyale qu'elle imputait à la société Bela solutions, la société Highco Marketing House, auparavant Valassis Média solutions, dite VMS, (la société HMH) a obtenu, le 10 février 2009, du président d'un tribunal de commerce, statuant sur requête, la désignation de Mme X..., huissier-audiencier, en qualité de mandataire de justice, aux fins notamment de remises, copie et séquestre de différents documents y compris sur supports informatiques ; que, par une ordonnance du 5 mai 2009, ce juge a refusé de rétracter l'ordonnance sur requête ; que, par une ordonnance du 22 juin 2009, le président du même tribunal, statuant en référé, a débouté la société Bela solutions de sa demande en nullité des opérations de constat ; que la société Bela solutions a interjeté appel des deux ordonnances ;


Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :


Attendu que la société Bela solutions fait grief à l'arrêt de confirmer les deux ordonnances, puis, y ajoutant, de dire que le juge des requêtes était territorialement compétent, et de la condamner à payer à la société HMH la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


Mais attendu qu'en vertu de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ;


Que la société Bela solutions ayant contesté la légitimité de la mesure ordonnée sur requête, elle était irrecevable à soulever postérieurement une exception d'incompétence ; que par ce motif de pur droit, invoqué en défense et substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef ;


Sur le deuxième moyen, tel que reproduit en annexe :


Attendu que la société Bela solutions fait encore le même grief à l'arrêt ;


Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de toute dénaturation, des dispositions de l'ordonnance du 10 février 2009, que la cour d'appel a retenu que Mme X... avait été désignée non pas en sa qualité d'officier ministériel mais comme constatant au sens de l'article 249 du code de procédure civile ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le troisième moyen, tel que reproduit en annexe :


Attendu que la société Bela solutions fait encore le même grief à l'arrêt ;


Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la mesure portait non sur l'ensemble de l'activité de la société Bela solutions mais sur des documents précis à propos desquels il existait de fortes suspicions de concurrence déloyale et que le juge l'ayant ordonnée, pour s'assurer que les pièces réclamées ne portaient que sur le litige invoqué, avait pris le soin de mettre en place des mesures tendant à garantir que seules les copies des pièces utiles à la solution du litige et directement liées à lui puissent être communiquées, de sorte que l'objet de la mesure était clairement circonscrit par l'ordonnance sur requête, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société Bela solutions aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bela solutions ; la condamne à payer à la société HMH la somme de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Bela solutions




PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé les deux ordonnances du Président du Tribunal de commerce de Paris en date des 5 mai 2009 et 22 juin 2009, puis, y ajoutant, d'AVOIR dit que le juge des requêtes était territorialement compétent, et d'AVOIR condamné la société BELA SOLUTIONS à payer à la société HIGHCO MARKETING HOUSE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.


AU MOTIF PROPRE QUE le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête tendant à obtenir une mesure d'instruction in futurum est le juge du lieu où la mesure doit être prise ou celui de la juridiction appelée à connaître du litige éventuel ; que le juge de Paris était donc territorialement compétent ;


ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article 42 du Code de procédure civile dispose que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ; que BELA SOLUTIONS a son siège social à Paris, que les deux sociétés en litige ont leur siège social dans le ressort du Tribunal de Paris, qu'en tout état de cause le juge territorialement compétent pour rendre une ordonnance sur requête est le Président de la juridiction appelée à connaître d'un litige éventuel sur le fond ou celui du tribunal du lieu où la mesure doit être exécutée ;


1. ALORS QUE le juge territorialement compétent pour rendre une ordonnance sur requête est le président de la juridiction saisie au fond ou celui du tribunal du lieu où la mesure demandée doit être exécutée ; qu'en l'absence d'instance engagée au fond entre les parties, seul le juge du lieu d'exécution de la mesure sollicitée est compétent ; qu'en l'espèce, il ressortait des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué qu'aucune instance au fond n'avait été engagée entre les parties à la date de l'ordonnance sur requête du 10 février 2009, ce dont il résultait que le Président du Tribunal de commerce de Paris était territorialement incompétent pour ordonner sur requête une mesure d'instruction devant s'exécuter à Saint-Cloud ; qu'en jugeant le contraire, au motif erroné que le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête tendant à obtenir une mesure d'instruction in futurum serait le juge du lieu où la mesure doit être prise ou celui de la juridiction appelée à connaître du litige éventuel, la Cour d'appel a violé les articles 145, 493, 874 et 875 du Code de procédure civile.


2. ALORS, de surcroît, QUE l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ; qu'en justifiant encore la compétence territoriale du Président du Tribunal de commerce de Paris pour ordonner sur requête la mesure d'instruction sollicitée par ce motif adopté que la société Bela Solutions avait son siège social à Paris, la Cour d'appel a violé les articles 42 et 493 du Code de procédure civile.




DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé les deux ordonnances du Président du Tribunal de commerce de Paris en date des 5 mai 2009 et 22 juin 2009, puis, y ajoutant, d'AVOIR dit que le juge des requêtes était territorialement compétent, et d'AVOIR condamné la société BELA SOLUTIONS à payer à la société HIGHCO MARKETING HOUSE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.


AU MOTIF PROPRE QUE dans le cas d'espèce, Maître X... n'a pas été désigné en sa qualité d'officier ministériel, mais a été choisi comme «constatant» au sens de l'article 249 du Code de procédure civile (et non pas pour réaliser des «saisies» comme allégué par les parties) ; que sa compétence territoriale n'était donc pas celle, limitée, des huissiers de justice ;


ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la demande de nullité est fondée en second lieu sur l'absence de pouvoir de l'huissier audiencier près le Tribunal de commerce de Paris désigné par l'ordonnance du 10 février 2009 pour exécuter des actes de constats et saisies hors du ressort de Paris ; mais attendu que les règles relatives au statut des huissiers et à leur exclusivité territoriale ne s'appliquent pas en l'espèce, s'agissant d'un constat qui peut être exécuté par un mandataire de justice ou sous sa responsabilité et non d'une signification ou d'une notification, que Maître X... n'a pas été désignée en qualité d'huissier de justice aux fins de procéder à l'exécution de la mesure de constat, mais en qualité de mandataire de justice de ce tribunal, que pour la signification de l'ordonnance du 10 février 2009 où le recours au ministère d'huissier est obligatoire, l'huissier désigné a fait appel à Maître Caroline Y..., huissier de justice compétent, qu'en conséquence, l'huissier désigné disposait des pouvoirs nécessaires pour réaliser des saisies en dehors de Paris ;


1. ALORS QU'IL résulte de la combinaison de l'article 5 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 et de l'article 1 er, alinéa 2, de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 que la compétence territoriale des huissiers de justice pour effectuer des constatations matérielles sur commission d'un juge est limitée au ressort du tribunal de grande instance de leur résidence ; que si le juge peut commettre toute personne de son choix à l'effet de procéder à des constatations matérielles, il n'en est pas moins tenu, lorsque son choix se porte sur un huissier de justice, dont la qualité d'officier ministériel persiste quels que soient les actes qu'il est chargé d'accomplir, de se conformer aux limitations territoriales qui découlent de son statut ; qu'en refusant néanmoins de prononcer la nullité des mesures de constat et de copie de documents effectuées par Maître X..., huissier audiencier établi à Paris, en dehors de son ressort territorial, au motif erroné que le Président du Tribunal de commerce de Paris n'aurait pas été tenu de respecter les limitations qui gouvernent la compétence territoriale des huissiers de justice dès lors qu'il commettait l'un d'eux comme «constatant» au sens de l'article 249 du Code de procédure civile et non en qualité d'officier ministériel, la Cour d'appel a violé l'article 5 du décret du 29 février 1956 et l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par refus d'application ;


2. ALORS, en toute hypothèse, QU'IL résultait des termes mêmes de l'ordonnance du février 2009 que le Président du tribunal de commerce de Paris avait commis «Maître X..., Huissier Audiencier auprès de ce tribunal, en qualité de Mandataire de Justice de ce Tribunal» à l'effet de réaliser diverses constatations matérielles impliquant de se rendre à Saint-Cloud en un lieu privé, de se faire communiquer tout code confidentiel d'accès aux ordinateurs de la société Bela Solutions et de prendre copie de divers documents informatiques et qu'il avait autorisé cet huissier «à se faire assister si nécessaire, de la Force Publique et de tout professionnel, Expert Judiciaire de son choix» ; qu'en affirmant néanmoins que Maître X... n'avait pas été désigné en sa qualité d'officier ministériel, quand il s'évinçait des termes clairs et précis de l'ordonnance susvisée et de la nature de la mission qui y était précisée, que cet huissier de justice avait été choisi, non pour ses qualités de technicien, mais bien pour sa qualité d'officier ministériel, la Cour d'appel l'a dénaturée, en violation de l'article 1134 du Code civil.




TROISIEME MOYEN DE CASSATION (Infiniment subsidiaire)


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé les deux ordonnances du Président du Tribunal de commerce de Paris en date des 5 mai 2009 et 22 juin 2009, puis, y ajoutant, d'AVOIR dit que le juge des requêtes était territorialement compétent, et d'AVOIR condamné la société BELA SOLUTIONS à payer à la société HIGHCO MARKETING HOUSE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.


AUX MOTIFS QUE l'ordonnance sur requête a confié au constatant une mesure légalement admissible et non pas une mission «imprécise» ou/et «discrétionnaire», alors au contraire que le premier juge, pour s'assurer que les pièces réclamées ne concernaient que le seul litige invoqué, et pour protéger les droits de la personne contre laquelle la mesure était réclamée, a pris la sage précaution :
- dans la requête, de prévoir que les pièces copiées seraient conservées au secret jusqu'à débat contradictoire ;
- lors de l'audience ayant abouti à l'ordonnance du 22 juin 2009, d'examiner contradictoirement les pièces séquestrées en prenant les précautions nécessaires pour qu'au cours de l'examen, le secret des pièces non communiquées soit conservées,
- dans l'ordonnance du 22 juin 2009, de ne faire communiquer que les pièces utiles au litige, et liées directement à celui-ci ;


1. ALORS QU'excède les prévisions de l'article 145 du Code de procédure civile une mesure d'instruction qui s'analyse en une mesure générale d'investigation portant sur l'ensemble de l'activité et de la clientèle de la société visée ; qu'en l'espèce, il résultait des termes mêmes de l'ordonnance sur requête du 10 février 2009 que le Président du Tribunal de commerce de Paris avait commis un huissier aux fins de «se rendre à l'établissement de la société Bela Solutions» pour, d'une part, «prendre copie des fichiers clients et prospects, et de tout document de quelque nature qu'il soit susceptibles d'être la propriété de la société VMS» et, d'autre part, «prendre copie de tout document de quelque nature qu'il soit concernant les produits "Chéquier Pouvoir d'achat" et stop-rayon en linéaire avec coupons de réduction de Bela Solutions» ; que la société Bela Solutions faisait valoir dans ses conclusions d'appel (pp. 20-21) qu'à la date de la requête, l'intégralité de son activité était dédiée à la commercialisation du carnet de bons de réduction dénommé «Chéquier Pouvoir d'Achat» et du «stop-rayon»
en linéaire avec coupons de réduction dénommé «Affishelf», si bien que la mesure d'investigation ordonnée portait sur l'intégralité de son activité commerciale et de sa clientèle et excédait ainsi, par sa généralité, les prévisions de l'article 145 du Code de procédure civile ; qu'en se bornant, pour écarter ce grief, à relever que le juge des requêtes avait pris la précaution d'ordonner le placement sous séquestre des copies effectuées par l'huissier dans l'attente d'un débat contradictoire sur leur communication éventuelle au requérant et avait ultérieurement, dans son ordonnance du 22 juin 2009, limité cette communication aux seules pièces liées au litige, cependant que de telles précautions n'étaient pas de nature à retirer à la mesure d'investigation ordonnée son caractère de généralité, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé.


2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' en ce qu'elle avait donné à l'huissier mission de «prendre copie des fichiers clients et prospects, et de tout document de quelque nature qu'il soit susceptibles d'être la propriété de la société VMS», l'ordonnance sur requête du 10 février 2009 était, à tout le moins, entachée d'une ambiguïté sur l'étendue des investigations prescrites, de nature à conférer un pouvoir discrétionnaire au constatant, dès lors que ses termes mêmes ne permettaient pas de déterminer avec certitude si la mission de l'huissier était de prendre copie de l'intégralité des fichiers de clientèle et des documents de prospection de clientèle de la société Bela Solutions ou s'il s'agissait de ne prendre copie de ces documents qu'à la condition qu'ils aient été «susceptibles d'être la propriété de la société VMS» ; qu'en affirmant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 145 du Code de procédure civile.

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