18 mai 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-30.421

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2011:SO01111

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 1er septembre 2001 par la société Michelet en qualité de comptable, coefficient 315, niveau 5, échelon 1 ; qu'invoquant un harcèlement moral, le refus d'aménagement de ses conditions de travail et le refus de régler les heures supplémentaires, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 18 décembre 2006 et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;


Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal :


Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;


Mais, sur le premier moyen du pourvoi principal :


Vu les articles 16 et 135 du code de procédure civile ;


Attendu que l'arrêt rejette la demande de l'employeur tendant à ce que les pièces n° 97 à 116 produites par la salariée soient écartées des débats et condamne l'employeur à payer diverses sommes à titre d'heures supplémentaires, congés payés afférents, indemnités de préavis et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;


Qu'en statuant ainsi, sans préciser si les pièces en cause avaient été communiquées en temps utile, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ;


Et, sur le moyen unique du pourvoi incident :


Vu l'article L. 1152-1 du code du travail ;


Attendu qu'il résulte de ce texte que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ;


Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral éprouvé du fait d'un harcèlement, l'arrêt retient que le harcèlement exige la conjugaison et la répétition de faits de nature à révéler la volonté de l'auteur dudit harcèlement à altérer la santé physique et psychique d'un salarié voire à détruire une personnalité ;


Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral pour harcèlement moral et en ce qu'il condamne l'employeur à payer à la salariée un rappel d'heures supplémentaires, des congés payés afférents, une indemnité de préavis, une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 17 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;


Condamne la société Michelet aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Michelet à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Michelet, demanderesse au pourvoi principal


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la société MICHELET tendant à ce que les pièces n° 97 à 116 produites par la salariée appelante soient rejetées des débats et de l'AVOIR condamnée à payer à Madame X... diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, congés payés afférents, indemnités de préavis et de licenciement et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;


ALORS, D'UNE PART QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en ne s'expliquant pas sur les raisons pour lesquelles elle rejetait la demande de la société MICHELET tendant à ce que les pièces précitées soit rejetées des débats pour n'avoir pas été communiquées en temps utile, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;


ALORS, D'AUTRE PART QU'en ne recherchant pas, ainsi que la société MICHELET le lui avait expressément demandé dans ses conclusions écrites auxquelles la cour d'appel s'est référée, si les pièces n° 97 à 116 produites par la salariée avaient été produites en temps utile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16, 132 et 135 du Code de procédure civile.


DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée était justifiée, et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société MICHELET à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et de licenciement ainsi que de dommages et intérêts pour licenciement injustifié ;


AUX MOTIFS QUE « Sur la prise d'acte de la rupture : Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail, en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission ; qu'il incombe au salarié d'établir la réalité des manquements graves et fautifs qu'il reproche à son employeur à l'origine de la prise d'acte de la rupture ; que dans la lettre de la prise d'acte de la rupture du 18 Décembre 2006, Madame X... fait état de trois griefs principaux :- le harcèlement,- le refus d'aménagement de ses conditions de travail,- le refus de régler les heures supplémentaires ; qu'en ce qui a trait au harcèlement allégué, le code du travail précise en son article L. 1152-1, qu'aucun salarié ne doit subir les agissements de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel ; que Madame X... soutient que le harcèlement qu'elle dénonce a pour origine le ressentiment de Monsieur Y..., gérant de la SAS Michelet et à son encontre, consécutif aux objections et réserves qu'elle lui a exprimées à deux reprises et tient essentiellement à la surcharge de travail à laquelle elle a dû faire face tout au long de l'année 2006 ainsi qu'aux mauvaises conditions de travail qui lui ont été réservées ; qu'à cet égard, Madame Z..., sa belle-soeur atteste en Novembre 2009 que le souvenir de cette année 2006 reste éprouvant pour Madame X... qui lorsqu'elle l'évoque en a encore « des larmes aux yeux » ; que la SAS Michelet conteste l'existence de divergences avec Madame X... et soutient que la charge d travail résultant de son affectation dans un poste au sein de la SAS Guillaume n'était pas excessive, que les renforts ponctuels envoyés à certains moments sur les sites ont évité tout retard et ont permis de constater que la charge était supportable ; qu'elle fait aussi valoir que Madame X... n'a jamais soulevé l'existence d'une difficulté avant fin novembre 2006, qu'elle avait toute latitude pour organiser ses congés, qu'il lui a été demandé d'organiser l'apurement des jours dont elle disposait encore début novembre 2006, soit avant même qu'elle évoque ses revendications ; Sur les divergences : Madame X... fait état de ce qu'une première divergence est apparue entre elle et Monsieur Y... à propos d'un salarié dont le contrat a été repris deux fois par des sociétés du groupe sans que son ancienneté ne soit retenue lors du deuxième transfert, ni prise en compte lors de son licenciement ; Madame X... produit la lettre adressée par la fille de ce salarié décédé depuis lors qui interpellait l'employeur à cet égard ; que la SAS Michelet soutient que les contrats de travail ont été conclus en accord avec le salarié en cause et que la réponse faite à son héritière a été jugée satisfaisante, aucune suite n'ayant été donnée à cette affaire ; qu'il n'appartient pas à la cour de porter une quelconque appréciation sur cette question portant sur la situation d'un tiers, dans ses rapports avec la société Michelet ; qu'il sera simplement constaté qu'une divergence de point de vue a été exprimée par Madame X... qui considérait en tant que comptable que l'ancienneté devait être reprise et entrer dans le calcul du solde de tout compte lors du licenciement, cette position n'étant pas partagée par le gérant de la SAS Michelet ; que Madame X... fait aussi état de ce qu'elle a entravé par son opposition la mise en place d'une caisse noire et évoque la demande de son employeur de faire apparaître sur un bulletin de salaire d'un salarié le paiement de dix jours de contés payés en espèces à la suite de la vente d'une épave ; que ce salarié témoigne du fait que cet argent lui avait été versé pour assurer le remboursement de frais dont il ne pouvait justifier pour avoir perdu les documents nécessaires. Il indique qu'il a fini par procéder au remboursement de la somme qu'il avait ainsi reçue du fait de l'insistance de Madame X... ; que plusieurs autres salariés attestent n'avoir jamais reçu un quelconque paiement en espèces, pour quelque raison que ce soit ; que si les témoignages produits démontrent que la pratique évoquée par Madame X..., soit pour rémunérer des jours de congés ainsi que cela résulte d'une mention figurant sur le verso d'un bulletin de salaire suivie de la signature du salarié concerné, soit pour assurer le remboursement de frais dont le salarié ne pouvait pas justifier n'a pas été renouvelée, force est de relever qu'elle a été ponctuellement dénoncée par la comptable. Ce faisant, Madame X... a exprimé une opinion divergente de celle de son employeur ; que la réalité de ces divergences est établie ; Sur la charge de travail : Avant de procéder au constat et à l'examen de la charge de travail qui lui a été assignée à compter du 17 janvier 2006, Madame X... soutient qu'elle a subi une pression caractérisée par l'annonce d'un licenciement économique injustifié et qu'elle a accepté une forme de rétrogradation dans la mesure où elle a assumé en définitive le remplacement d'une personne qui n'avait pas sa qualité de cadre ; que la SAS Michelet confirme que le licenciement économique envisagé était justifié par les difficultés rencontrées, caractérisées par la fermeture de deux sites, par une baisse de 30 % des capitaux propres, en 2005 et par un résultat déficitaire de 13. 550 € fin 2006 ; que Madame X... fait remarquer avec pertinence que la fermeture des deux sites remonte à Décembre 2002 et à Octobre 2004, et ne peut justifier le licenciement annoncé fin 2005 ; qu'il est avéré aussi que le résultat déficitaire pour 2006 ne peut justifier a posteriori le licenciement envisagé fin 2005, alors que le résultat pour cet exercice 2005 était bénéficiaire à concurrence de la somme de 59. 953 € ; qu'en toute hypothèse, il sera fait remarquer que de l'aveu même de Madame X..., il lui a été demandé avec insistance d'accepter le reclassement proposé au sein de la société Guillaume, qu'il lui a été concédé l'attribution d'un véhicule de fonction pour faciliter les déplacements rendus nécessaires par cette modification et la limitation de la pause à midi à une heure pour lui permettre de partir à 17h30 au lieu de 18h ; que par cette insistance, la SAS Michelet a exprimé son souhait de conserver Madame X... étant observé qu'aucun avenant n'ayant été signé, elle était toujours salariée de ladite société aux mêmes conditions de rémunération ; que par ailleurs, pour combattre l'affirmation selon laquelle, la charge de travail donnée à Madame X... était excessive, la SAS Michelet verse aux débats deux attestations de Madame A..., chef de comptabilité de la société Jardins Loisirs, rédigées les 8 octobre 2007 et 29 Octobre 2009 qui expose que « Madame X... avait le temps de gérer les deux sociétés Michelet et Guillaume durant son temps de travail et que bien sûr, elle se retrouvait comme elle en surcroît de travail durant une courte « période ». Elle précise, qu'elle a mis à la disposition de Madame X... à sa demande en urgence, « une des aides comptables de Collégien pour rattraper un retard qui paraissait plus important … car en une journée ou une demi journée ma collègue avait tout fait ce qu'elle lui avait donné le matin même » ; que Madame A... indique gérer depuis Janvier 2007, les dossiers Michelet et Guillaume à Collégien. Elle estime à trois jours par mois son intervention sur le dossier Michelet auxquels il faut ajouter 8 jours par an pour le bilan, les situations quadrimestrielles, le budget. Madame B... et Monsieur C... sont toujours sur le site et assurent leurs tâches respectives ; que la société Michelet verse aussi l'attestation de Madame B... qui rapporte que Madame X... suivant les cours de bourse pendant son temps de travail et téléphonait à son conjoint pour l'en informer ; que ce témoignage émane d'une salariée de l'entreprise et la valeur probante s'en trouve limitée au regard du lien de subordination existant avec la SAS Michelet. Au surplus, aucune indication ne permet d'évaluer la date de ces constatations, la surcharge évoquée portant sur l'exercice 2006, ni l'importance du temps ainsi passé à des fins personnelles ; que l'examen des divers documents produits par les parties montre que, courant 2005, Madame X... était affectée essentiellement à la SAS Michelet à Lisses et travaillait avec Monsieur C... qui gérait la caisse et facturait les ventes, et Madame B..., secrétaire aide comptable qui tenait la comptabilité fournisseurs, relançait les clients, remplissait les remises de chèques, et établissait les rapprochements bancaires ; que lorsque Madame X... a été affectée pour partie du temps de travail au sein de la SAS Guillaume, Madame B... s'est vue confiée toutes les tâches dont Madame X... pouvait se délester sur elle et sous son contrôle ; que Madame X... n'est pas contredite quand elle soutient qu'elle assumait toujours pour la SAS Michelet la passation des opérations complexes de la comptabilité générale, de l'établissement des salaires, (22 personnes), de la gestion administrative du personnel, de la production des déclarations sociales et fiscales mensuelles, et du reporting mensuel des courriers et autres, l'élaboration des déclarations trimestrielles, l'établissement des situations de groupe, tous les quatre mois, la construction du compte de résultat et le bilan annuel au 30 Septembre, la fourniture des déclarations sociales et fiscales annuelles ; qu'il sera fait remarquer qu'aux termes de son attestation d'octobre 2009, Madame A... précise que Madame B... assure désormais le reporting et effectue les déclarations TVA, ce qui tend à la décharger de ces missions qu'assumait Madame X... ; qu'il est par ailleurs acquis que Madame E... qui travaillait sur le site de la SAS Guillaume a reçu une lettre de convocation à un entretien préalable dès le 18 janvier 2006 soit le lendemain de l'arrivée de Madame X... au sein de l'entreprise. Son état de grossesse a en toute hypothèse impose son absence ; que Madame X... n'est pas contredite quand elle fait le constat qu'elle devait assumer en trois jours non seulement les tâches effectuées par Madame E... en 35 heures mais encore réaliser en sus l'établissement des salaires, les déclarations sociales Urssaf et Assedic, les missions trimestrielles, quadrimestrielles, annuelles ; que la SAS Michelet soutient que Madame X... exagérait la situation, que les quelques retards qu'elle a invoqués étaient très limités qu'il y a été remédié très aisément grâce à l'intervention de deux agents pendant une ou deux journées ; qu'aux termes de la lettre de convocation de Madame E... à l'entretien préalable produites aux débats, l'employeur faisait grief à celle-ci des importants retards pris et des conséquences sévères en résultant pour l'entreprise ; qu'il apparaît donc qu'à son arrivée, Madame X... a trouvé une situation obérée à laquelle elle a fait face avec peu de soutien extérieur, qu'elle a assumé des tâches en qualité et en quantité supérieures à celles qui étaient confiées à la personne à qui elle a succédé, qu'elle faisait des trajets importants tout au long de la semaine, ne serait-ce que parce qu'elle partageait son temps de travail entre deux sites éloignés géographiquement l'un de l'autre d'une distance de l'ordre de 45 à 48 kms ; que c'est en vain que la SAS Michelet estime que la charge de travail était normale puisque dans le courant de l'année 2006, Madame X... n'a pas réussi à apurer ses congés, qu'elle cumulait ainsi 43 jours de congés non pris lors de son départ en décembre 2006 ; que la SAS Michelet n'a évoqué la question desdits congés que début Novembre 2006 en invitant sa salariée à lui proposer un calendrier pour les apurer ; que force est de relever que c'est donc au prix d'un travail soutenu en différant ses congés que Madame X... a assuré sa mission tout au long de l'année 2006 et n'a laissé aucun retard ainsi que le constate d'ailleurs son employeur ; que la fatigue et le surmenage de Madame X... sont à l'origine des arrêts maladie qui lui ont été prescrits en décembre 2006 ; que dans ce contexte, la volonté de restructurer l'organisation des tâches entre les diverses entreprises du groupe et l'exigence de performance sous jacente à cette réorganisation sont dans la présente espèce, à tout le moins à l'origine d'une dégradation sévère des conditions de travail de Madame X... ; que le stress, le surmenage en résultant ne permettent pas toutefois, y compris dans un contexte de divergences de vue, de conclure à la réalité d'un harcèlement moral au sens de la loi lequel harcèlement exige la conjugaison et la répétition de faits de nature à révéler la volonté de l'auteur dudit harcèlement à altérer la santé physique et psychique d'un salarié voire à détruire une personnalité ; que l'attestation de Madame F... qui soutient avoir été victime de pression de la part de Monsieur Y... ne démontre pas la réalité d'une pression de même nature sur la personne de Madame X... ni a fortiori l'existence de faits de harcèlement sur elle de la part du gérant de la SAS Michelet ; que par ailleurs, dans la lettre de réponse aux observations formulées par Madame X... avant qu'elle n'adresse la lettre de prise d'acte de la rupture, la SAS Michelet par son représentant légal admettait la surcharge liée à l'introduction d'un nouveau logiciel et du temps dévolu à la formation. Monsieur Y... évoquait l'éventuelle embauche d'un intérimaire si la situation l'exigeait. Ce faisant, Monsieur Y... ne tirait pas les conséquences de la charge dénoncée et dont il reconnaissait pour partie la réalité ; que dans ces conditions, la prise d'acte de la rupture est imputable à l'employeur. Dans le cadre de son pourvoi de direction, il lui incombe de fixer à sa salariée un périmètre de missions en mettant en oeuvre les moyens nécessaires en termes de temps, de logistique et de personnel pour lui permettre de les mener à bien. Dans la présente espèce, les moyens mis en oeuvre ont été sous estimés et des efforts inconsidérés ont été demandés à la salariée à tel point qu'elle n'a fait face pendant quelques mois qu'en prenant le risque de son intégrité physique et psychique ; qu'il sera fait observer qu'une salariée Madame G... a été embauchée à temps plein sur le site de la SAS Guillaume après le départ de Madame X... et Madame A... atteste avoir pris en charge le dossier Guillaume à partir du site où elle travaille sans déplacement régulier ; que la prise d'acte de la rupture aura les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement déféré sera en conséquence infirmé » ;


ALORS QUE le salarié ne peut faire grief à l'employeur de ne pas avoir pris ses congés payés, à l'appui d'une prise d'acte de la rupture comme à l'appui d'une demande de dommages et intérêts pour le préjudice causé par la privation des congés, que s'il est démontré que c'est l'employeur qui s'est opposé à la prise des congés payés ; qu'en retenant, pour dire que Madame X... avait une charge de travail excessive qu'elle cumulait 43 jours de congés payés non pris cependant qu'il lui incombait à l'inverse de rechercher si la charge de travail était excessive et si ce fait ou tout autre fait imputable à l'employeur était à l'origine du retard dans la prise de ses congés par la salariée, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1184 du Code civil.


TROISIÈME MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que Madame X... avait effectué des heures supplémentaires impayées et d'AVOIR condamné la société MICHELET à lui payer les sommes de 3. 871, 10 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et 387, 11 € au titre des congés payés y afférents ;


AUX MOTIFS QUE « Sur la demande formulée au titre des heures supplémentaires : En application des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. L'employeur a quant à lui l'obligation de verser aux débats des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; que les documents produits ne doivent pas être dépourvus d'exactitude et de sincérité ; qu'au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, Madame X... verse aux débats des impressions d'écran qui montrent qu'elle dépassait les horaires affichés (envois postérieurs à 18 heures ou 17 heures 30, voire à 7 heures 30 le matin), qu'elle travaillait de son domicile certains samedis. L'attestation de Madame A... absente sur les sites ne combat pas utilement ces constatations ; qu'il sera fait observer que l'entreprise rémunérait 13, 33 heures supplémentaires chaque mois et s'est par le passé acquittée du paiement d'heures supplémentaires par l'octroi de primes, affirmation souvent reprise par Madame X... et jamais contredite par la SAS Michelet ; que dans ces conditions, Madame X... produit les éléments de nature à étayer la réalité des heures supplémentaires qu'elle allègue sans que l'employeur ne fournisse aux débats des documents pertinents de nature à établir les horaires véritablement effectués ; que Madame X... demande en conséquence une somme de 3 871, 10 € qui lui sera allouée » ;


ALORS, D'UNE PART QUE la société MICHELET avait expressément contesté, dans ses conclusions d'appel auxquelles les juges du fond se sont expressément référés (page 36), avoir jamais rémunéré des heures supplémentaires au moyen de primes ; qu'en retenant, pour dire que la demande était étayée, que l'employeur n'avait jamais contredit la salariée en ce qu'elle affirmait que l'employeur avait par le passé rémunéré des heures supplémentaires au moyen de primes, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a ainsi violé les articles 4 et 7 du Code de procédure civile ;


ALORS, D'AUTRE PART QU'en retenant, pour dire que la demande de rappel d'heures supplémentaires était étayée, que l'employeur rémunérait déjà 13, 33 heures supplémentaires par mois, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants qui ne sont pas susceptibles d'étayer une demande tendant à voir juger que la salariée avait effectué des heures supplémentaires au-delà de ce volume déjà pris en compte, et a donc violé l'article L. 3171-4 du Code du travail.
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X..., demanderesse au pourvoi incident


Le moyen fait grief au attaqué d'avoir débouté Madame Karine X... de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant des agissements fautifs de son employeur et du harcèlement dont elle a été victime.


AUX MOTIFS QUE il apparaît donc qu'à son arrivée, Madame X... a trouvé une situation obérée à laquelle elle a fait face avec peu de soutien extérieur, qu'elle a assumé des tâches en qualité et en quantité supérieures à celles qui étaient confiées à la personne à qui elle a succédé, qu'elle faisait des trajets importants tout au long de la semaine, ne serait ce que parce qu'elle partageait son temps de travail entre deux sites éloignés géographiquement l'un de l'autre d'une distance de l'ordre de 45 à 48 kms ;
que c'est en vain que la SAS MICHELET estime que la charge de travail était normale puisque dans le courant de l'année 2006, Madame X... n'a pas réussi à apurer ses congés, qu'elle cumulait ainsi 43 jours de congés non pris lors de son départ en décembre 2006 ; que la SAS MICHELET n'a évoqué la question desdits congés que début novembre 2006 en invitant la salariée à lui proposer un calendrier pour les apurer ; que force est de relever que c'est donc au prix d'un travail soutenu en différant ses congés que Madame X... a assuré sa mission tout au long de l'année 2006 et n'a laissé aucun retard ainsi que le constate d'ailleurs son employeur ; que la fatigue et le surmenage de Madame X... sont à l'origine des arrêts maladie qui lui ont été prescrits en décembre 2006 ; que dans ce contexte, la volonté de restructurer l'organisation des tâches entre les diverses entreprises du groupe et l'exigence de performance sous jacente à cette réorganisation sont dans la présente espèce, à tout le moins à l'origine d'une dégradation sévère des conditions de travail de Madame X... ; que le stress, le surmenage en résultant ne permettent pas toutefois, y compris dans un contexte de divergences de vue, de conclure à la réalité d'un harcèlement moral au sens de la loi lequel exige la conjugaison et la répétition de faits de nature à révéler la volonté de l'auteur dudit harcèlement à altérer la santé physique et psychique d'un salarié voire à détruire une personnalité ; que l'attestation de Madame F... qui soutient avoir été victime de pression de la part de Monsieur Y... ne démontre pas la réalité d'une pression de même nature sur la personne de Madame X... ni a fortiori l'existence de faits de harcèlement sur elle de la part de gérant de la SAS MICHELET ; que par ailleurs, dans la lettre de réponse aux observations formulées par Madame X... avant qu'elle n'adresse la lettre de prise d'acte de la rupture, la SAS MICHELET par son représentant légal admettait la surcharge de travail liée à l'introduction d'un nouveau logiciel et du temps dévolu à la formation ; que Monsieur Y... évoquait l'éventuelle embauche d'un intérimaire si la situation l'exigeait ; que ce faisant, Monsieur Y... ne tirait pas les conséquences de la charge dénoncée et dont il reconnaissait pour partie la réalité ; que dans ces conditions la prise d'acte de la rupture est imputable à l'employeur ; que dans le cadre de son pouvoir de direction, il lui incombe de fixer à la salariée un périmètre de missions en mettant en oeuvre les moyens nécessaires en termes de temps, de logistique et de personnel pour lui permettre de les mener à bien ; que dans la présente espèce, les moyens mis en oeuvre ont été sous estimés et des efforts inconsidérés ont été demandés à la salariée à tel point qu'elle n'a fait face pendant quelques mois qu'en prenant le risque de son intégrité physique et psychique.


ALORS QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il résulte des énonciations de l'a rrêt attaqué que « des efforts inconsidérés ont été demandés à la salariée à tel point qu'elle n'a fait face pendant quelques mois qu'en prenant le risque de son intégrité physique et psychique » et que « la fatigue et le surmenage de Madame X... sont à l'origine des arrêts maladie qui lui ont été prescrits en décembre 2006 » ; qu'en retenant, pour exclure le harcèlement, que le harcèlement exige la « volonté de l'auteur du harcèlement d'altérer la santé physique et psychique d'un salarié voire à détruire une personnalité », la Cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du Code du travail.


ET ALORS QUE la Cour d'appel qui a constaté que la volonté de restructurer l'organisation des tâches entre les diverses entreprises du groupe et l'exigence de performance sous jacente à cette réorganisation sont dans la présente espèce, à tout le moins à l'origine d'une dégradation sévère des conditions de travail de Madame X..., et le stress, le surmenage en résultant, que les moyens mis en oeuvre ont été sous estimés et des efforts inconsidérés ont été demandés à la salariée à tel point qu'elle n'a fait face pendant quelques mois qu'en prenant le risque de son intégrité physique et psychique et que la fatigue et le surmenage de Madame X... sont à l'origine des arrêts maladie qui lui ont été prescrits en décembre 2006 mais a exclu l'existence d'un harcèlement n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard de l'article L. 1152-1 du Code du travail, ainsi violé.

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