3 mai 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-11.001

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2011:CO00433

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :






Sur le premier et le second moyen, réunis :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2009), que M. X..., qui détenait deux comptes titres et espèces auprès de la société Bourse direct, dont l'un ..., a ouvert, par l'intermédiaire de cette société, agissant comme transmetteur d'ordres, auprès de la société Xeod bourse, successivement devenue la société Natexis capital, la société Natexis banques populaires puis la société Natixis (société Natixis), négociateur et teneur de titres, deux comptes titres et espèces n° ...et n° ... ; que la société Natixis a commis des erreurs lors du transfert des positions du compte ...sur le nouveau compte n° ...; que par la suite, elle a régularisé la situation en débitant ce compte de la somme de 421 277, 07 euros, qui avait été créditée par erreur ; que les deux comptes présentant un solde débiteur, la société Natixis a, après l'avoir mis en demeure, assigné M. X...en paiement ; que devant la cour d'appel, ce dernier a, notamment, invoqué la responsabilité contractuelle de la banque pour s'opposer à la demande et solliciter des dommages-intérêts ;


Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à la société Natixis les sommes de 396 865, 03 euros et de 35 841, 82 euros correspondant aux soldes débiteurs des deux comptes qu'il avait ouverts dans les livres de cette société et condamné celle-ci à lui payer la somme de 50 000 euros seulement à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :


1°/ que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en rejetant la demande de M. X...tendant à la production par la société Natixis des enregistrements de ses communications téléphoniques relatives aux informations qui lui avaient été données à la suite de la constatation des erreurs commises lors du transfert de ses comptes titres au motif qu'il lui appartenait de les demander directement à la société Bourse direct qui est une entité juridique distincte de la société Natixis, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;


2°/ qu'à la demande du client, le prestataire de services doit produire les enregistrements téléphoniques des conversations avec le donneur d'ordre ; qu'en rejetant la demande de M. X...tendant à la production par la société Natixis des enregistrements de ses communications téléphoniques relatives aux informations qui lui avaient été données à la suite de la constatation des erreurs commises lors du transfert de ses comptes titres, la cour d'appel a violé les articles 3-3-1 et 3-4-3 du règlement général du Conseil des marchés financiers, l'article 5 de la décision n° 99-05 du Conseil des marchés financiers du 31 mars 1999 et les articles 1 et 2 de la décision n° 99-06 du 31 mars 1999 du Conseil des marchés financiers ;


3°/ que selon le rapport d'expertise, d'après les relevés du compte 81 500 124, le solde d'origine d'un montant de 59 086, 67 euros tel qu'il résultait du transfert de compte le 21 février est passé à la somme de 390 226, 37 euros le 31 mars 2000, alors qu'aucune opération, autre que les plus ou moins values sur la liquidation du mois de mars et les ordres de virement de M. X...vers d'autres comptes pour un montant de 118 147, 98 euros, n'était enregistrée sur le compte, ce qui constitue une anomalie majeure ; qu'en déclarant qu'il n'est pas contesté que le solde créditeur du compte de M. X...est passé de 59 086, 67 euros à 493 542, 52 euros sans qu'aucune opération n'ait été réalisée et qu'il n'ait passé aucun ordre à cette période, la cour d'appel a dénaturé les énonciations du rapport d'expertise et par suite a violé l'article 1134 du code civil ;


4°/ dans ses conclusions d'appel, M. X...avait soutenu que l'article 7 de la convention d'ouverture de compte stipule que le niveau de couverture sur le marché du règlement mensuel n'est que de 20 % en ce qui concerne les espèces, les bons de trésor, les organismes de placement collectif monétaires et de 40 % en ce qui concerne les valeurs mobilières ; que dès lors, eu égard au montant des espèces et des valeurs mobilières dont il était propriétaire au moment du transfert, la valorisation de son portefeuille pouvait tout a fait correspondre aux sommes créditées sur son compte, d'autant qu'il réalisait régulièrement des opérations boursières ; qu'en déclarant que M. X...n'explique pas comment le solde créditeur de son compte aurait pu passer de 59 086, 67 euros à 493 542, 52 euros sans qu'aucune opération n'ait été réalisée et qu'il n'ait passé aucun ordre à cette période, ce qui n'est pas contesté, la cour d'appel a dénaturé les énonciations claires et précises de ses conclusions et par suite a violé l'article 4 du code de procédure civile ;


5°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. X...qui soutenait que la société Natixis avait commis des négligences ayant causé son propre dommage dès lors qu'elle a, en premier lieu, omis de lui interdire d'effectuer des opérations boursières et bancaires alors qu'elle savait dès l'époque du transfert des comptes qu'elle avait crédité à tort son compte-titres, omis de refuser d'exécuter les ordres irréguliers d'acquisition de titres au moment du changement de régime boursier, c'est-à-dire en septembre 2000, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;


6°/ qu'en s'abstenant de rechercher le délai raisonnable auquel la banque aurait dû corriger ses erreurs et, compte tenu des difficultés que connaissaient les marchés boursiers, l'incidence du non-respect de ce délai sur les opérations réalisées par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;


Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé qu'il est constant que M. X...a été informé de l'évolution brutalement créditrice de son compte espèces par la réception du relevé d'opération en date du 31 mars 2000, suite à laquelle il a prélevé la somme totale de 118 148 euros et viré celle de 208 559 euros, et qu'il indiquait par courrier du 12 septembre 2001 : " je pensais que vous étiez intéressé à la gestion du capital que vous avez placé par erreur sur mon compte (...) Votre silence m'a laissé croire que vous ne vous intéressiez finalement pas au devenir de ce capital ", l'arrêt retient que M. X...n'ignorait pas que ces sommes figurant au crédit de son compte ne lui appartenaient pas, du moins pour partie ; que ces constatations et appréciations rendent inopérantes les demandes de production des communications téléphoniques, visant à établir que M. X...n'avait pas été informé du caractère indu du versement sur son compte, visées par les deux premières branches ainsi que le grief de dénaturation des conclusions relatives à des éléments différents de ceux sur lesquels s'est fondée la cour d'appel, visé par la quatrième branche ;


Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel ne peut avoir dénaturé un rapport d'expertise qui n'est pas mentionné comme ayant été utilisé par elle à l'appui de sa décision ;


Attendu, en troisième lieu, que la société Natixis ne prétendait pas avoir subi un préjudice, mais réclamait le remboursement d'un paiement indu ; que la cour d'appel n'était donc pas tenue de répondre au grief évoqué par la cinquième branche du moyen ;


Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions de M. X...devant la cour d'appel, qu'il ait soutenu que devait être recherché le délai raisonnable pendant lequel la banque aurait dû corriger ses erreurs et l'incidence du non-respect de ce délai sur les opérations réalisées par M. X...; que le grief est donc nouveau et mélangé de fait et de droit ;


D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses première, deuxième et quatrième branches et est irrecevable en sa sixième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne M. X...aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille onze.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X....


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Guy X...à payer à la Société Natixis les sommes de 396. 865, 03 € et de 35. 841, 82 € correspondant aux soldes débiteurs des deux comptes qu'il avait ouverts dans les livres de cette société et condamné celle-ci à lui payer la somme de 50. 000 € seulement à titre de dommages-intérêts ;


Aux motifs " que Monsieur X...expose qu'il serait utile que la Société Natixis verse aux débats les enregistrements des communications téléphoniques que Monsieur X...expose qu'il serait utile que la société Natixis verse aux débats les enregistrements des communications téléphoniques qu'il a eues avec la société Bourse Direct ; mais que la société Bourse Direct est une entité juridique distincte de la société Natixis ; qu'il appartenait à Monsieur X...de les demander directement à la société Bourse Direct, s'il estimait que ces enregistrements étaient utiles aux débats ;


Alors que, d'une part, celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en rejetant la demande de Monsieur X...tendant à la production par la Société Natixis des enregistrements de ses communications téléphoniques relatives aux informations qui lui avaient été données à la suite de la constatation des erreurs commises lors du transfert de ses comptes titres au motif qu'il lui appartenait de les demander directement à la Société Bourse Direct qui est une entité juridique distincte de la Société Natixis, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;


Alors que, d'autre part, à la demande du client, le prestataire de services doit produire les enregistrements téléphoniques des conversations avec le donneur d'ordre ; qu'en rejetant la demande de Monsieur X...tendant à la production par la Société Natixis des enregistrements de ses communications téléphoniques relatives aux informations qui lui avaient été données à la suite de la constatation des erreurs commises lors du transfert de ses comptes titres, la Cour d'appel a violé les articles 3-3-1 et 3-4-3 du règlement général du Conseil des marchés financiers, l'article 5 de la décision n° 99-05 du Conseil des marchés financiers du 31 mars 1999 et les articles 1 et 2 de la décision n° 99-06 du 31 mars 1999 du Conseil des marchés financiers.




SECOND MOYEN DE CASSATION


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Guy X...à payer à la Société Natixis les sommes de 396. 865, 03 € et de 35. 841, 82 € correspondant aux soldes débiteurs des deux comptes qu'il avait ouverts dans les livres de cette société et condamné celle-ci à lui payer la somme de 50. 000 € seulement à titre de dommages-intérêts ;


Aux motifs que Monsieur X...soutient que la société Natixis aurait dû l'empêcher d'effectuer toutes opérations sur les sommes portées par erreur au crédit de ses comptes dès le mois de mars 2000 et n'aurait pas dû le laisser " dans l'illusion que ces fonds lui appartenaient ; qu'il est constant que Monsieur X...a été informé de l'évolution brutalement créditrice de son compte espèces par la réception du relevé d'opération en date du 31 mars 2000 ; qu'il est établi qu'à la réception de ce relevé, Monsieur X...a prélevé la somme totale de 118 148 € à destination du compte d'un certain Monsieur Y...et de divers comptes ouverts à son propre nom au Crédit du Nord et à la Banque Populaire ; qu'il a viré également la somme de 208 559 € vers son compte n° 295 ; que toutes ces opérations ne sont pas contestées par Monsieur X...; que Monsieur X...indique par courrier du 12 septembre 2001 : " je pensais que vous étiez intéressé à la gestion du capital que vous avez placé par erreur sur mon compte (...) Votre silence m'a laissé croire que vous ne vous intéressiez finalement pas au devenir de ce capital " ; qu'il résulte de tous ces éléments que Monsieur X...n'ignorait pas que ces sommes figurant au crédit de son compte ne lui appartenaient pas, du moins pour partie ; qu'il n'explique pas d'ailleurs comment le solde créditeur de son compte aurait pu passer de 59 086, 67 € à 493 542, 52 € sans qu'aucune opération n'ait été réalisée et qu'il n'ait passé aucun ordre à cette période, ce qui n'est pas contesté ; par contre que la double faute de la société prestataire de service d'investissement qui a perduré pendant plusieurs mois a causé un préjudice certain à Monsieur X...qui ne pouvait plus savoir exactement quelle était la position de ses comptes, alors que la période était au surplus celle au cours de laquelle les marchés boursiers connaissaient des difficultés ; que la cour dispose des éléments suffisants pour apprécier ce préjudice à la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts ; que la société Natixis n'a par contre pas commis de faute en vendant les titres de son client en septembre 2001 alors que le compte était débiteur ; que les demandes de remboursement présentées par M. X...doivent être rejetées ;


Alors que d'une part, selon le rapport d'expertise, d'après les relevés du compte 81 500 124, le solde d'origine d'un montant de 59. 086, 67 € tel qu'il résultait du transfert de compte le 21 février est passé à la somme de 390. 226, 37 € le 31 mars 2000, alors qu'aucune opération, autre que les plus ou moins values sur la liquidation du mois de mars et les ordres de virement de Monsieur X...vers d'autres comptes pour un montant de 118. 147, 98 €, n'était enregistrée sur le compte, ce qui constitue une anomalie majeure ; qu'en déclarant qu'il n'est pas contesté que le solde créditeur du compte de Monsieur X...est passé de 59 086, 67 € à 493 542, 52 € sans qu'aucune opération n'ait été réalisée et qu'il n'ait passé aucun ordre à cette période, la Cour d'appel a dénaturé les énonciations du rapport d'expertise et par suite a violé l'article 1134 du Code civil ;


Alors que, d'autre part, dans ses conclusions d'appel, Monsieur X...avait soutenu que l'article 7 de la convention d'ouverture de compte stipule que le niveau de couverture sur le marche RM n'est que de 20 % en ce qui concerne les espèces, les bons de trésor, les OPC Monétaires et de 40 % en ce qui concerne les valeurs mobilières ; que dès lors, eu égard au montant des espèces et des valeurs mobilières dont il était propriétaire au moment du transfert, la valorisation de son portefeuille pouvait tout a fait correspondre aux sommes créditées sur son compte, d'autant qu'il réalisait régulièrement des opérations boursières ; qu'en déclarant que Monsieur X...n'explique pas comment le solde créditeur de son compte aurait pu passer de 59 086, 67 € à 493 542, 52 € sans qu'aucune opération n'ait été réalisée et qu'il n'ait passé aucun ordre à cette période, ce qui n'est pas contesté, la Cour d'appel a dénaturé les énonciations claires et précises de ses conclusions et par suite a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;


Alors encore qu'en ne répondant pas aux conclusions de Monsieur X...qui soutenait que la Société Natixis avait commis des négligences ayant causé son propre dommage dès lors qu'elle a, en premier lieu, omis de lui interdire d'effectuer des opérations boursières et bancaires alors qu'elle savait dès l'époque du transfert des comptes qu'elle elle avait crédité à tort son compte-titres, omis de refuser d'exécuter les ordres irréguliers d'acquisition de titres au moment du changement de régime boursier, c'est-à-dire en septembre 2000, la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


Alors enfin et en tout état de cause, qu'en s'abstenant de rechercher le délai raisonnable auquel la Banque aurait dû corriger ses erreurs et, compte tenu des difficultés que connaissaient les marchés boursiers, l'incidence du non-respect de ce délai sur les opérations réalisées par Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale.

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