4 novembre 2009
Cour de cassation
Pourvoi n° 07-44.690

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2009:SO02163

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Meaux, 13 septembre 2007), que Mme X... et vingt neuf autres salariés de la société Eurodisney associés (Eurodisney) dans ses parcs de loisirs de Marne la Vallée, sont tenus de porter un costume de travail, dit panoplie, inspiré des thèmes de leur lieu d'affectation, ainsi qu'un badge qui les identifie ; que l'habillage et le déshabillage se font dans un local unique, dit " costuming ", situé dans le bâtiment " Imagination " entre les deux parcs ; que les appareils de pointage sont installés au lieu d'affectation de chaque salarié ; que les trente salariés ont saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir notamment des rappels de salaire et de congés payés pour les temps de trajet entre le vestiaire et l'appareil de pointage ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit les salariés recevables et bien fondés en leurs demandes concernant le temps de trajet supplémentaire imposé par l'organisation de l'employeur, dit que le déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage entraînait un temps de trajet supplémentaire par rapport au trajet domicile / lieu de travail qui doit être rémunéré conformément à l'article 69 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 et de l'avoir condamné à payer à chacun des salariés un rappel de salaire pour la période de 2001 à mars 2007, les congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1° / que le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il résulte des prétentions des parties ; qu'en l'espèce, les salariés se bornaient à prétendre que le temps de trajet entre le vestiaire et la badgeuse constituait un temps de travail effectif et sollicitaient un rappel de salaire y correspondant ; qu'en retenant que le temps de déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage est la conséquence de l'organisation imposée par l'employeur qui entraîne un temps de trajet supplémentaire par rapport au trajet domicile / lieu de travail et qu'il ouvrait en conséquence droit à une contrepartie financière en application de l'article L. 212-4, alinéa 4, du code du travail issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, le conseil de prud'hommes a modifié les termes du litige, et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2° / que l'article L. 212-4, alinéa 4, du code du travail issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 prévoit que lorsque le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière ; qu'il en résulte donc seulement qu'une contrepartie est due au salarié qui va travailler en un autre lieu que son lieu de travail habituel, lorsque son temps de trajet est supérieur à celui qu'il effectue normalement pour se rendre à son lieu de travail habituel ; qu'en faisant application de ce texte au temps de déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage au prétexte qu'il est la conséquence de l'organisation imposée par l'employeur qui entraîne un temps de trajet supplémentaire par rapport au trajet domicile / lieu de travail, le conseil a violé le texte susvisé par fausse application ;

3° / que l'article L. 212-4, alinéa 4, du code du travail issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 n'est pas applicable aux déplacements professionnels antérieurs au 20 janvier 2005, date d'entrée en vigueur de cette loi, ; qu'en faisant application de ce texte à des déplacements effectués depuis 2001, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1er du code civil ;

4° / que l'article L. 212-4, alinéa 4, du code du travail issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 prévoit seulement que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière mais non qu'il doit être rémunéré comme un temps de travail effectif ; qu'en accordant aux salariés, sur le fondement de ce texte, un rappel de salaire correspondant à la durée du trajet entre le vestiaire et le lieu de pointage, le conseil de prud'hommes a derechef violé le texte susvisé ;

5° / que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié se tient à la disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que la circonstance que le salarié soit astreint au port d'une tenue de travail ne permet pas de considérer qu'un temps de déplacement au sein de l'entreprise constitue un temps de travail effectif ; qu'en retenant, pour accorder un rappel de salaire aux salariés pour le temps du trajet entre le vestiaire et le lieu de pointage, que les salariés ne rapportent pas la preuve qu'ils aient répondu à des directives de leur employeur pendant ce déplacement mais " qu'ils auraient pu éventuellement en recevoir ", et que le temps de déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage est la conséquence de l'organisation imposée par l'employeur qui entraîne un temps de trajet supplémentaire par rapport au trajet domicile / lieu de travail, le conseil de prud'hommes a statué par des motifs impropres à caractériser que les salariés se trouvaient à la disposition de leur employeur et devaient se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-4 du code du travail ;

Attendu cependant que le temps du trajet effectué par le salarié dans les locaux de l'entreprise entre le vestiaire et le lieu de pointage n'est pas un temps de déplacement professionnel au sens de l'article L. 212-4, alinéa 4, issu de la loi du 18 janvier 2005, devenu L. 3121-4 du code du travail ;

Et attendu que les juges du fond ont constaté que le temps de déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage était la conséquence de l'organisation imposée par l'employeur et que durant ce trajet, les salariés pouvaient recevoir des directives de ce dernier ce dont il se déduit qu'ils ne pouvaient librement vaquer à des occupations personnelles et que ce temps de trajet devait être considéré comme du temps de travail effectif au regard de l'article L. 212-4, alinéa 1er, devenu L. 3121-1 du code du travail ;

Que par ce seul motif, la décision se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eurodisney associés aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Eurodisney associés à payer, d'une part, aux salariés, à l'exception de MM. Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et F..., bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, la somme globale de 1 500 euros, d'autre part, à Me Haas, la somme de 1 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille neuf.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour société Eurodisney associés.

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR dit les salariés visés en tête des présentes recevables et bien fondés en leurs demandes concernant le temps de trajet supplémentaire imposé par l'organisation de l'employeur, dit que le déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage entraînait un temps de trajet supplémentaire par rapport au trajet domicile / lieu de travail qui doit être rémunéré conformément à l'article 69 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 et condamné la société EURODISNEY à payer à chacun des salariés un rappel de salaire pour la période de 2001 à mars 2007, les congés payés afférents, ainsi qu'une somme de 200 au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

AUX MOTIFS QU'il est demandé au Conseil de céans de dire et juger que le temps de travail entre le vestiaire et le lieu de localisation de la badgeuse constitue du temps de travail effectif entrant dans l'assiette du calcul des salaires ; que les salariés ont déclaré qu'ils doivent effectuer un déplacement depuis le lieu de localisation du vestiaire (Bâtiment Imagination situé a l'extérieur du parc) jusqu'au lieu de localisation des badgeuses situées à proximité immédiate du lieu de travail effectif et que la durée de ce déplacement n'est pas prise en compte par la SCA EURODISNEY ASSOCIES dans le décompte du temps de travail effectif et, de fait, dans la détermination des salaires ; qu'au vu des pièces du dossier, les salariés ne rapportent pas la preuve qu'ils aient répondu à des directives de leur employeur mais que par contre, ils auraient pu éventuellement en recevoir au cours du trajet allant des vestiaires à leur lieu de travail ; que l'accord collectif du 15 avril 1999, validé par la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi, conclu par les quatre organisations syndicales, constate que le temps de trajet du costuming à la localisation du travail, n'est pas du travail effectif ; que l'article 3 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 a ajouté à ce texte la disposition suivante : « Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière, déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'ils existent. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire » ; qu'il résulte des pièces du dossier et des débats que le temps de déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage est la conséquence de l'organisation imposée par l'employeur et qu'elle entraîne un temps de trajet supplémentaire par rapport au trajet domicile / lieu de travail ; que les salariés costumés bénéficient d'une indemnité d'habillage ; que cette prime indemnise le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage et n'inclut pas le temps de déplacement entre le vestiaire et le lieu de pointage ; que l'exclusion par la direction de la SCA EURODISNEY ASSOCIES du temps de trajet entre les vestiaires et le lieu de pointage n'est pas conforme à l'article 69 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 et que les salariés sont recevables et bien fondés à solliciter la prise en compte et le paiement de la contrepartie financière due pour la période non prescrite ;

1. ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il résulte des prétentions des parties ; qu'en l'espèce, les salariés se bornaient à prétendre que le temps de trajet entre le vestiaire et la badgeuse constituait un temps de travail effectif et sollicitaient un rappel de salaire y correspondant ; qu'en retenant que le temps de déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage est la conséquence de l'organisation imposée par l'employeur qui entraîne un temps de trajet supplémentaire par rapport au trajet domicile / lieu de travail et qu'il ouvrait en conséquence droit à une contrepartie financière en application de l'article L. 212-4, alinéa 4, du Code du travail issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, le conseil de prud'hommes a modifié les termes du litige, et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

2. ALORS en outre QUE l'article L. 212-4, alinéa 4, du Code du travail issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 prévoit que lorsque le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière ; qu'il en résulte donc seulement qu'une contrepartie est due au salarié qui va travailler en un autre lieu que son lieu de travail habituel, lorsque son temps de trajet est supérieur à celui qu'il effectue normalement pour se rendre à son lieu de travail habituel ; qu'en faisant application de ce texte au temps de déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage au prétexte qu'il est la conséquence de l'organisation imposée par l'employeur qui entraîne un temps de trajet supplémentaire par rapport au trajet domicile / lieu de travail, le conseil a violé le texte susvisé par fausse application ;

3. ALORS par ailleurs QUE l'article L. 212-4, alinéa 4, du Code du travail issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 n'est pas applicable aux déplacements professionnels antérieurs au 20 janvier 2005, date d'entrée en vigueur de cette loi, ; qu'en faisant application de ce texte à des déplacements effectués depuis 2001, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1er du Code civil ;

4. ALORS au demeurant QUE l'article L. 212-4, alinéa 4, du Code du travail issu de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 prévoit seulement que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail doit faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière mais non qu'il doit être rémunéré comme un temps de travail effectif ; qu'en accordant aux salariés, sur le fondement de ce texte, un rappel de salaire correspondant à la durée du trajet entre le vestiaire et le lieu de pointage, le conseil de prud'hommes a derechef violé le texte susvisé ;

5. ALORS en tout état de cause QUE la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié se tient à la disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que la circonstance que le salarié soit astreint au port d'une tenue de travail ne permet pas de considérer qu'un temps de déplacement au sein de l'entreprise constitue un temps de travail effectif ; qu'en retenant, pour accorder un rappel de salaire aux salariés pour le temps du trajet entre le vestiaire et le lieu de pointage, que les salariés ne rapportent pas la preuve qu'ils aient répondu à des directives de leur employeur pendant ce déplacement mais « qu'ils auraient pu éventuellement en recevoir », et que le temps de déplacement en costume entre le vestiaire et le lieu de pointage est la conséquence de l'organisation imposée par l'employeur qui entraîne un temps de trajet supplémentaire par rapport au trajet domicile / lieu de travail, le conseil de prud'hommes a statué par des motifs impropres à caractériser que les salariés se trouvaient à la disposition de leur employeur et devaient se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-4 du Code du travail.

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