8 avril 2009
Cour de cassation
Pourvoi n° 04-18.764

Troisième chambre civile

ECLI:FR:CCASS:2009:C300470

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :






Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 mai 2004), que la société civile immobilière l'Orée du Cap (la SCI), se plaignant d'un empiétement de son voisin M. X... sur sa propriété, a assigné ce dernier en revendication ; que M. X..., se prévalant d'une acquisition par prescription trentenaire, a formé une demande reconventionnelle pour obtenir, sous astreinte, le déplacement d'un mur de soutènement et la démolition d'un barbecue appartenant à la SCI, ainsi que le paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ; que M. X... étant décédé en cours d'instance, celle-ci a été reprise par ses héritiers, qui ont procédé à la vente de l'immeuble ;


Sur le premier moyen :


Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de son action en revendication de propriété, alors, selon le moyen :


1°/ qu'en retenant que M. X... avait acquis par prescription la propriété de l'emprise revendiquée par la SCI l'Orée du Cap, le premier juge n'a assurément pas fixé les limites des deux propriétés au point BDEFC figurant sur le plan figurant en annexe 5 du rapport Y... ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé le jugement de première instance qu'elle a confirmé, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;


2°/ qu'en décidant que M. X... avait acquis par prescription la propriété de l'emprise de 36,8 m2 revendiquée par la SCI l'Orée du Cap, tout en constatant que la limite séparative des deux fonds devait être fixée conformément à celle figurant sur le plan aux points BDEFC annexé au rapport d'expertise Y..., bien que ce tracé retenu par l'expert attribuait expressément la propriété de l'emprise litigieuse à la SCI l'Orée du Cap et non à M. X..., la cour d'appel a violé l'article 2229 du code civil ;


3°/ qu'une possession fondée sur des titres équivoques est entachée du même vice ; qu'en décidant que M. X... avait acquis par prescription la propriété de l'emprise de 36, 8 m2 revendiquée par la SCI l'Orée du Cap après avoir constaté que chacune des deux propriétés arpentées présente par rapport à ses titres mentionnant les superficies cadastrées un surplus de superficie, ce dont il résulte que les titres de propriété étaient manifestement équivoques, la cour d'appel a violé l'article 2229 du code civil ;


Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'après avoir proposé sur son plan une délimitation D-D2-E de la propriété en raison d'un décalage vers le Sud Ouest par rapport à la situation existant en 1973, l'expert M. Y... avait admis ultérieurement, en réponse à un dire de M. X..., qu'aucune modification des lieux n'était établie, la cour d'appel qui, sans dénaturer les termes du jugement, a souverainement retenu que l'emprise existante était plus que trentenaire et que sa possession avait été reconnue dans un courrier du 15 janvier 1974 par l'auteur de la SCI, exercée à titre de propriétaire et revêtant toutes les caractéristiques requises pour prescrire, a déduit à bon droit de ce seul motif
que M. X... avait acquis la propriété de cette emprise par prescription ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le deuxième moyen :


Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande d'acquisition de la mitoyenneté du mur irrecevable, alors, selon le moyen, que les prétentions nouvelles tendant à faire écarter les prétentions adverses sont recevables en cause d'appel ; qu'en décidant que la demande nouvelle d'acquisition de la mitoyenneté du mur était irrecevable bien que cette demande tendait à faire écarter les prétentions de M. X... accueillies en première instance visant notamment à obtenir la condamnation sous astreinte de la SCI l'Orée du Cap à déplacer son mur de soutènement implanté sur la moitié du muret appartenant à M. X... et à l'implanter sur son propre fonds, ainsi qu'à démolir le barbecue et à remettre les lieux en l'état, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ;


Mais attendu qu'ayant constaté que la SCI avait précisé qu'elle avait signifié à son voisin une demande de cession de mitoyenneté devant la juridiction compétente, la cour d'appel, qui n'en était pas saisie, s'est prononcée sur des choses non demandées, ce qui ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation mais une irrégularité qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue aux articles 463 et 464 du code de procédure civile ;


D'où il suit que le moyen est irrecevable ;


Mais sur le troisième moyen :


Vu l'article 1382 du code civil ;


Attendu que pour condamner la SCI à payer à M. X... des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la contestation subsistante de la SCI, nonobstant deux rapports d'expertise contraires, sur les limites de propriété inchangées depuis plus de trente ans, revêt un caractère manifestement abusif et occasionne à M. X... un trouble certain et qu'en cause d'appel la SCI produit encore une nouvelle étude destinée à combattre l'expertise judiciaire, faisant montre ainsi d'un acharnement dépassant les limites du droit d'ester ;


Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser une faute faisant dégénérer en abus le droit d'ester en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la SCI à payer des dommages-intérêts à M. X..., l'arrêt rendu le 18 mai 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;


Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille neuf.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la SCI l'Orée du Cap


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la SCI L'OREE DU CAP de son action en revendication de propriété exercée à la suite de l'empiétement exercée par son voisin, Monsieur X... et d'avoir, en conséquence, condamné celle-ci au paiement d'une somme de 7622,45 pour procédure abusive ;


AUX MOTIFS QU'il ressort de l'ensemble des documents versés au dossier : rapports d'expertises, attestations, plan de lotissement… que : la propriété X... est, depuis 1904, clôturée de murs ou de grilles ainsi que cela ressort de l'acte du 16 juillet 1904 ; qu'à l'époque le terrain de la SCI, alors terrain communal, était en friche ; que seule la propriété de la SCI L'OREE DU CAP est dans le lotissement LA PLAINE dont le cahier des charges stipule que les murs séparatifs entre lots contigus sont mitoyens, ce qui ne concerne pas les limites avec le fonds X... ; que chacune des deux propriétés arpentées présente par rapport à ses titres mentionnant les superficies cadastrées un surplus de superficie ; que l'expert Z..., premier expert judiciaire désigné à la demande de la SCI intervenu en 1973 sur les lieux à la demande de Monsieur A..., vendeur de la SCI, pour dresser un plan périmétrique de la propriété vendue, a précisé que l'état des lieux n'avait pas été modifié depuis 1973 ; que divers témoins, dont l'entrepreneur MAURO ayant construit la villa de la SCI attestent de ce que les limites séparatives des deux fonds sont les mêmes depuis 1960, Monsieur B..., architecte paysager ayant aménagé le jardin GIREAUX en 1960, affirmant que la configuration des lieux n'avait pas changé et que les escaliers rustiques existaient déjà ; que l'étude établie unilatéralement à la demande de la SCI PAR Monsieur C..., quatrième expert géomètre saisi de ce litige, ne contredit pas utilement les conclusions qu'elle conteste du rapport de l'expert judiciaire Y... devant lequel elle était assistée du géomètre « expert D... et a produit un dire, le rapport C... comportant essentiellement des appréciations juridiques et personnelles de la valeur des attestations, de la nature du mur sis en limite BD et des conditions de construction du mur litigieux décidées par le maçon ; que le mur en limite BD, simple mur de clôture existant antérieurement à l'aménagement du fonds de la SCI, ne constitue pas un mur de soutènement alors qu'il est constant que si la SCI a appuyé contre celui-ci des terres, cet ouvrage construit par les auteurs de Monsieur X... n'a pas été conçu pour soutenir les terres de la propriété voisine ;


que la SCI ne peut, en conséquence valablement en revendiquer la propriété ; que le premier juge, par des motifs détaillés, circonstanciés et pertinents, répondant parfaitement aux conclusions de la SCI, a justement dit, au vu de l'ensemble de ces éléments, après avoir relevé que les attestations produites par Monsieur X... contredisaient l'attestation FRESIA versée aux débats par la SCI, sans faire d'erreur d'appréciation que le mur en limite BD sur le plan de l'expert annexe 5 de son rapport appartient à Monsieur X..., le mur cité dans le rapport Z... correspond au pied de l'enrochement relevé en 1973 par ses soins, l'emprise existante entre la clôture et les points D , D2, E, plus que trentenaire permet à Monsieur X... d'invoquer le bénéfice de la prescription acquisitive ; que cette emprise marquée par l'élément matériel que constitue la clôture litigieuse établissant une possession reconnue dans un courrier du 15 janvier 1974 par l'auteur de la SCI, exercée à titre de propriétaire et revêtant toutes les caractéristiques requises, c'est à bon droit que le premier juge a reconnu à Monsieur X... la propriété de cette emprise de 36,8 m² par prescription ; que le mur en limite EF, pour les motifs exposés par le premier juge non utilement critiqués, appartient à Monsieur X... ; qu'au final, il convient de confirmer le jugement qui a dit que la limite entre les deux fonds était celle figurant aux points BDEFC tels que figurés au plan annexe 5 du rapport Y... et a condamné en conséquence, la SCI L'OREE DU CAP à déplacer son mur de soutènement actuellement implanté sur la moitié du muret appartenant à Monsieur X... situé entre les points EF du plan annexe 5 du rapport Y..., à l'implanter sur son propres fonds, à remettre les lieux dans leur état antérieur dans un délai de 4 mois de la signification du (jugement) et à démolir le barbecue implanté sur le fonds voisin et à remettre les lieux en leur état antérieur sous astreinte de 152,45
par jour de retard passé ce délai ;


ALORS D'UNE PART QU'en retenant que Monsieur X... avait acquis par prescription la propriété de l'emprise revendiquée par la SCI L'OREE DU CAP, le premier juge n'a assurément pas fixé les limites des deux propriétés au points BDEFC figurant sur le plan figurant en annexe 5 du rapport Y... ; qu'en affirmant le contraire, la Cour d'appel a dénaturé le jugement de première instance qu'elle a confirmé, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;


ALORS D'AUTRE PART QU'en décidant que Monsieur X... avait acquis par prescription la propriété de l‘emprise de 36,8 m² revendiquée par la SCI l'OREE DU CAP, tout en constatant que la limite séparative des deux fonds devait être fixée conformément à celle figurant sur le plan aux points BDEFC annexé au rapport d'expertise Y..., bien que ce tracé retenu par l'expert attribuait expressément la propriété de l'emprise litigieuse à la SCI l'OREE DU CAP et non à Monsieur X... , la Cour d'appel a violé l'article 2229 du Code civil ;


ALORS ENFIN QU'une possession fondée sur des titres équivoques est entachée du même vice ; qu'en décidant que Monsieur X... avait acquis par prescription la propriété de l ‘emprise de 36,8 m² revendiquée par la SCI l'OREE DU CAP après avoir constaté que « chacune des deux propriétés arpentées présente par rapport à ses titres mentionnant les superficies cadastrées un surplus de superficie, ce dont il résulte que les titres de propriétés étaient manifestement équivoques, la Cour d'appel a violé l'article 2229 du Code civil.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir « rejeté la demande de cession de mitoyenneté du mur présentée par la SCI l'OREE DU CAP comme étant irrecevable », après avoir fixé les limites des propriétés et accueilli les demandes reconventionnelles de Monsieur X..., en condamnant la SCI L'OREE DU CAP à déplacer son mur de soutènement actuellement implanté sur la moitié du muret appartenant à Monsieur X... situé entre les points EF du plan annexe 5 du rapport Y..., à l'implanter sur son propres fonds, à remettre les lieux dans leur état antérieur dans un délai de 4 mois de la signification du (jugement) et à démolir le barbecue implanté sur le fonds voisin et à remettre les lieux en leur état antérieur, le tout sous astreinte passé ce délai, ainsi qu'au paiement d'une somme de 7622,45 pour procédure abusive ;


AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne la demande d'acquisition de la mitoyenneté du mur, (cette demande n'étant) ni accessoire ni connexe à celles présentées dans le présent litige et donc constituant une demande nouvelle (…) sera écartée comme irrecevable (arrêt p. 7, alinéa 8) ;


ALORS QUE les prétentions nouvelles tendant à faire écarter les prétentions adverses sont recevables en cause d'appel ; qu'en décidant que la demande nouvelle d'acquisition de la mitoyenneté du mur était irrecevable bien que cette demande tendait à faire écarter les prétentions de Monsieur X... accueillies en première instance visant notamment à obtenir la condamnation sous astreinte de la SCI l'OREE DU CAP à déplacer son mur de soutènement implanté sur la moitié du muret appartenant à Monsieur X... et à l'implanter sur son propre fonds, ainsi qu'à démolir le barbecue et à remettre les lieux en l'état, la Cour d'appel a violé l'article 564 du nouveau Code de procédure civile.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant condamné la SCI L'OREE DU CAP à payer à Monsieur X... la somme de 50.000 francs (7622,45 euros) à titre de dommages et intérêts ;


AUX MOTIFS PROPRES QUE le premier juge a justement relevé que le litige initié entre les parties par la SCI persiste malgré deux rapports d'expertise contraires aux positions de la SCI ; que celle-ci a en cause d'appel produit encore une nouvelle étude destinée à combattre l'expertise Y..., faisant montre ainsi d'un acharnement judiciaire dépassant les limites du droit d'ester ; que son action revêtant un caractère abusif, c'est à bon droit que le premier juge a évalué le préjudice en résultant pour Monsieur X..., âgé de 96 ans à la somme de 7622,45 euros qui n'a pas (à) être réévaluée ;


ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la contestation persistante nonobstant deux rapports d'expertise contraires de la SCI sur les limites de propriétés inchangées depuis plus de 30 ans revêt un caractère manifestement abusif et a occasionné au demandeur un trouble certain qu'il convient de réparer en lui allouant une somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts (jugement, p.3, avant dernier alinéa) ;


ALORS D'UNE PART QU'en reconnaissant l'existence d'un empiétement de la propriété X... sur celle de la SCI l'OREE DU CAP, puis en proposant, en conséquence, de fixer les limites de propriété selon le tracé BDEFC figurant sur le plan annexé à son rapport, Monsieur Y... a établi que l'une des demandes au moins de la SCI tendant à voir cesser l'emprise de Monsieur X... sur sa propriété était sérieuse ; qu'en reprochant à la SCI l'OREE DU CAP d'avoir maintenu son action en justice, malgré deux rapports d'expertise contraires à ses positions, la Cour d'appel qui a dénaturé les termes clairs et précis du rapport Y... dont les constatations étaient de nature à justifier au moins partiellement les demandes de la SCI, a violé l'article 1134 du code civil ;


ALORS D'AUTRE PART QUE la défense d'un droit de propriété contre un empiétement ne saurait dégénérer en abus ; qu'un expert judiciaire qui ne peut émettre qu'un avis sur des questions purement techniques ne peut statuer sur la légitimité d'une demande et que seul le juge est habilité à se prononcer sur la valeur des documents de preuve ou le bien fondé des conclusions expertales, et à trancher une difficulté juridique comme l'existence d'un empiétement ou encore l'acquisition d'un droit de propriété par prescription trentenaire ; qu'en retenant pour dire que la SCI L'OREE DU CAP avait fait montre d'un acharnement judiciaire dépassant les limites du droit d'ester, que le litige avait persisté nonobstant deux rapports d'expertise contraires aux positions de la SCI dont les conclusions ont été à nouveau combattues en cause d'appel, bien que la solution du litige impliquait notamment que le juge se prononce sur les limites de propriétés immobilières et spécialement sur l'existence d'une prescription acquisitive, la Cour d'appel a violé l‘article 1382 du Code civil, ensemble les articles 32-1 et 232 du nouveau Code de procédure civile.

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