2 juillet 2008
Cour de cassation
Pourvoi n° 06-44.896

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2008:SO01274

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :




Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 12 mars 2001 par la société Natexis Bleichroeder en qualité de trader au sein de l'équipe "prêts emprunts titres" ; qu'à la suite d'un différend entre les parties à propos de la part variable de la rémunération, M. X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes le 16 décembre 2002 ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 16 janvier 2003 ;


Sur le pourvoi principal formé par M. X... :


Sur le premier moyen :


Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir dit que son licenciement reposait sur une faute grave et de l'avoir débouté de ses demandes afférentes, alors, selon le moyen :


1°/ qu'il résulte des articles L. 122-41 du code du travail et 47 de la convention collective nationale de la bourse que lorsqu'une convention collective fait obligation à l'employeur d'informer un représentant du personnel de l'engagement par lui d'une procédure de licenciement à l'encontre d'un salarié en même temps qu'il convoque ce dernier à l'entretien préalable, il s'agit pour le salarié d'une garantie de fond ; que, dès lors, le licenciement prononcé sans que l'employeur ait accompli cette formalité ne peut avoir de cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, en considérant que M. X... était mal fondé à invoquer cette règle conventionnelle pour soutenir que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur avait informé un représentant du personnel de l'engagement de la procédure de licenciement lors de la convocation à l'entretien préalable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;


2°/ qu'il résulte des articles L. 122-41 du code du travail et 47 et 66 de la convention nationale de la bourse que la consultation d'un organisme, chargé en vertu d'une disposition conventionnelle, de donner un avis sur la mesure disciplinaire prise par l'employeur conformément à l'article L. 122-41 du code du travail, constitue pour le salarié une garantie de fond, peu important que la saisine ne soit prévue que postérieurement au licenciement et que cet avis ne soit que consultatif ; qu'en conséquence, en considérant que "cette saisine, à l'initiative du salarié et postérieurement au licenciement, ne pouvait être une condition de validité du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Mais attendu, d'abord, que l'information d'un représentant du personnel constitue une garantie de procédure pouvant donner lieu à une indemnité en application de l'article L. 122-14-4, devenu l'article L. 1235-2 du code du travail mais qu'elle n'entache pas la validité du licenciement ;


Attendu, ensuite, qu'aux termes de l'article 47 de la convention collective, la possibilité de saisine de la commission paritaire prévue à l'article 66 de ladite convention est postérieure à la notification du licenciement et le rôle de la commission n'est pas de se prononcer sur le principe du licenciement ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le troisième moyen :


Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes de complément de bonus au titre du deuxième trimestre 2002, alors, selon le moyen :


1°/ que lorsque le droit à rémunération variable résulte du contrat de travail, il incombe au juge, à défaut d'un accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération de la déterminer en fonction des accords prévus les années précédentes ; que M. X... soutenait que le bonus qui lui était dû était en fonction de deux paramètres pris en compte les années précédentes, tenant, d'une part, aux résultats du deuxième semestre 2002 d'un montant de 217 millions d'euros et, d'autre part, aux avoirs fiscaux et crédits d'impôts pour un montant de 6 684 millions d'euros ; qu'en rejetant sa demande, au motif que l'exercice 2002 avait été déficitaire, de sorte que la société Natexis Bleichroeder n'avait pas été en mesure de tirer profit des avantages fiscaux de ses crédits d'impôts et avoirs fiscaux, sans examiner le premier paramètre, lequel n'était en outre pas contesté par l'employeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;


2°/ qu'à tout le moins, à cet égard, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;


3°/ que, s'agissant du second paramètre, M. X... avait soutenu que si seule la société mère avait bénéficié des avoirs fiscaux et crédits d'impôts générés par ses activités, ces avoirs fiscaux et crédits d'impôts avaient bénéficié en retour à la filiale, employeur du salarié, et se retrouvaient pour cette raison dans son produit net bancaire dans les comptes consolidés ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, d'où il résultait que l'activité du salarié, génératrice de crédit d'impôts et d'avoir fiscaux, avait des conséquences sur le résultat de la société qui l'employait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;


Mais attendu que la cour d'appel a relevé que l'exercice 2002 avait été déficitaire et que la société n'avait pu tirer profit des avantages fiscaux de ses crédits d'impôts et avoirs fiscaux ; qu'elle en a déduit à bon droit que le salarié ne pouvait prétendre à un complément de bonus, peu important qu'il existe une convention d'intégration fiscale avec la société mère, qui n'est pas l'employeur de M. X... ; que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par la société :


Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. X... des sommes à titre de retenues abusives sur salaires et congés payés afférents, alors, selon le moyen :


1°/ qu'une prime de résultat est fonction des résultats financiers de l'entreprise, de sorte que si ce résultat vient à être comptablement modifié, le montant de la prime s'en trouve nécessairement modifié lui aussi, sauf au salarié à établir une rectification des comptes délibérée et abusive ; qu'en l'espèce, le bonus auquel avait droit M. X... au titre de sa rémunération variable était calculé en fonction du produit net bancaire, autrement dit des résultats financiers de l'entreprise ; que par conséquent, la rectification des résultats du premier semestre 2002 devait nécessairement entraîner la modification du bonus accordé à M. X... ; qu'en affirmant que les sommes servant au calcul de la rémunération variable avaient été modifiées "à la suite d'une opération comptable sans rapport avec le contrat de travail du salarié" et sur laquelle l'employeur ne donnait aucune explication, de sorte que le bonus ne pouvait être recalculé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;


2°/ que l'erreur de celui qui a payé une somme qui n'était pas due n'est pas une condition de la répétition de l'indu ; que la cour d'appel a relevé que "la société Natexis Bleichroeder ne fournit aucune explication sur l'origine de cette erreur" et que "M. X... soutient que c'est "de façon délibérée" que la direction de Natexis a exclu des charges relatives aux produits comptabilisés le 30 juin" ; qu'en jugeant que l'employeur ne pouvait récupérer les sommes indûment versées au salarié, dans la mesure où il n'établissait pas qu'elles l'avaient été par erreur, la cour d'appel a violé les articles 1235 et 1376 du code civil ;


Mais attendu que la cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve versés aux débats, a relevé que la société avait modifié la base de calcul de la rémunération variable de M. X... en raison d'une opération comptable sans rapport avec le contrat de travail et non d'une erreur justifiée par l'employeur ; qu'elle en a déduit à bon droit que le salarié était fondé à demander une somme à ce titre ; que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal :


Vu les articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 122-14-3 devenus les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1232-1 du code du travail ;


Attendu que, pour dire que le licenciement de M. X... reposait sur une faute grave et, en conséquence, l'avoir débouté de ses demandes, l'arrêt retient qu'il importe peu de savoir quand et dans quelles circonstances la direction a été informée d'un litige avec la SGAM, un des clients importants de la société ; que la seule circonstance qu'une de ses équipes ait retenu une information qui avait une incidence sur les comptes de la société constitue une faute grave ;


Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le faisait valoir, si le salarié n'avait pas immédiatement informé sa responsable de service, Mme Y..., pour lui permettre de procéder à des vérifications, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi incident ;


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. X... reposait sur une faute grave, l'arrêt rendu le 7 juillet 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;


Condamne la société Natexis Bleichroeder aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Natexis Bleichroeder à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille huit.

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