16 janvier 2008
Cour de cassation
Pourvoi n° 06-43.768

Chambre sociale

ECLI:FR:CCASS:2008:SO00078

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :




Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société France média international (FMI), créée par décret du 23 avril 1983, était chargée de commercialiser à l'étranger des oeuvres et documents audiovisuels dont les sociétés ou établissements publics du service public de la radiodiffusion et de la télévision lui avaient confié ou cédé les droits d'exploitation ; qu'en vertu de son cahier des charges, approuvé par décret, ainsi que des contrats passés par elle avec les sociétés de production et des protocoles d'accord conclus avec la société Intermédia pour la rediffusion à l'étranger des programmes audiovisuels, la société FMI avait la charge de la liquidation des droits des réalisateurs et du versement des suppléments de rémunération correspondants ; qu'elle a été déclarée, les 7 février et 4 avril 1991, en redressement, puis en liquidation judiciaires ; que le dépôt de l'état des créances a été publié au BODACC le 6 décembre 1993 ; que le 7 août 1997, MM. X... et Y..., réalisateurs d'émissions télévisées, ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de fixation de leur créance au passif de la société FMI au titre des compléments de rémunération dus pour la rediffusion à l'étranger d'oeuvres auxquelles ils avaient participé entre 1984 et 1991 ; que les organisations syndicales SNAPAC CFDT et SFR CGT sont intervenues à l'instance pour solliciter des dommages-intérêts ; que d'autres réalisateurs ou ayants droit de réalisateurs sont également intervenus aux mêmes fins que MM. X... et Y... ; que le liquidateur judiciaire de la société FMI leur a opposé les fins de non-recevoir tirées de la prescription quinquennale des articles 2277 du code civil et L. 143-14 du code du travail et de la forclusion en application des articles L. 621-125 du code du commerce et 78 du décret du 27 décembre 1985 ;


Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche, qui est préalable :


Vu l'article 123 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-125 du code de commerce, et l'article L. 143-11-7 du code du travail, ensemble l'article 58 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et le décret du 3 mai 1984 relatif au cahier des charges de la société chargée de la commercialisation des oeuvres et des documents audiovisuels, alors applicables ;


Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que le représentant des créanciers doit établir les relevés des créances résultant du contrat de travail dans les délais prévus par l'article L. 143-11-7 du code du travail ; qu'en vertu du deuxième, les relevés des créances sont établis par le représentant des créanciers dans les dix jours du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure collective de l'employeur, notamment pour les rémunérations dues au titre des soixante derniers jours de travail, dans les trois mois suivant le prononcé de ce jugement pour les autres créances exigibles à la date d'ouverture de la procédure collective, dans les dix jours suivant l'expiration des périodes de garantie pour les sommes dues postérieurement à l'ouverture de la procédure et dans les trois mois suivant l'expiration de la période de garantie, pour les autres créances exigibles après la date d'ouverture de la procédure ; qu'en outre, le représentant des créanciers est tenu de payer lesdites créances en tout ou partie ; qu'il s'ensuit que le salarié dont les relevés résultant du contrat de travail n'ont pas été établis dans les délais légaux est recevable à demander le paiement desdites créances directement devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes ;


Attendu que pour dire les demandes irrecevables, la cour d'appel retient qu'il appartenait aux réalisateurs de déclarer leur créances éventuelles après la publication de l'état des créances le 6 décembre 2003 ;


Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les réalisateurs n'avaient pas été payés dans les délais légaux par la société FMI laquelle, tenue aux termes de l'article 6 de son cahier des charges de comptabiliser leurs droits et de les rémunérer, était substituée à l'employeur par l'effet des dispositions réglementaires, et qu'ils demandaient le paiement de rémunérations exigibles à la date d'ouverture de la procédure collective, d'autre part, qu'il résultait de ses constatations et énonciations que les relevés de ces créances, qui auraient dû être établis au plus tard le 7 mai 1991, ne l'avaient pas été, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Et sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Vu l'article 2277 du code civil et l'article L. 143-14 du code du travail ;


Attendu, selon le premier de ces textes, que se prescrivent par cinq ans les actions en paiement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que cette disposition ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, en particulier, doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire ;


Attendu que pour déclarer irrecevable l'action des réalisateurs et de leurs ayants droit, l'arrêt retient, par motifs propres, que la prescription quinquennale instituée par l'article L. 143-14 du code du travail s'applique à toute action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail et donc aux demandes tendant au versement de compléments de salaire, peu important leur périodicité ; et, par motifs adoptés, que le principe de la créance était connu lors de l'ouverture de la procédure collective, car résultant tant des contrats de travail que de l'application de la convention collective ; que seule subsistait alors l'évaluation du montant exact des salaires dus, cette évaluation dépendant de l'exploitation des divers contrats de cession d'émissions ; qu'il appartenait aux demandeurs d'introduire une demande interruptive de prescription, et de faire fixer postérieurement les montants des salaires réclamés ; que l'instance a été engagée plus de six ans après les deux jugements de procédure collective ;


Qu'en statuant ainsi, alors que les rémunérations au titre de la rediffusion à l'étranger de programmes auxquels les réalisateurs avaient participé dépendaient de leur commercialisation, dépourvue de tout caractère systématique, et que la société FMI n'en avait pas tenu informé les intéressés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;


Condamne la société Selafa MJA, ès qualités, aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Selafa MJA, ès qualités, à payer aux demandeurs la somme globale de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille huit.

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