17 janvier 2007
Cour de cassation
Pourvoi n° 05-84.857

Chambre criminelle

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept janvier deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;


Statuant sur le pourvoi formé par :


- X...
Y... Antoine,


contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 21 juin 2005 qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à six mois d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;


Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;


"en ce que la cour d'appel a omis de se prononcer sur la demande subsidiaire d'Antoine X...
Y... sollicitant l'autorisation de produire un certain nombre de pièces contenues dans l'instruction diligentée à son encontre par M. Z... du chef d'abus de bien social ;


"alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées le 10 mai 2005, si Antoine X...
Y... sollicitait à titre principal le sursis à statuer dans l'attente de l'ordonnance de règlement concernant l'instruction diligentée à son encontre pour des faits d'abus de bien social par M. Z..., juge d'instruction près du tribunal de grande instance de Dunkerque, il demandait également à titre subsidiaire l'autorisation de produire les pièces cotées D.216, D.217, D.215, D.220, D.228 et D.229 à D.336 contenues dans ladite instruction ; que la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur cette demande subsidiaire" ;


Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs, violation des droits de la défense ;


"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'ordonnance de règlement concernant l'instruction diligentée à l'encontre d'Antoine X...
Y... pour des faits d'abus de bien social ;


"aux motifs que les faits qui lui sont reprochés dans la présente procédure sont d'une qualification différente, au préjudice d'intérêts distincts, et donc sans lien de connexité avec ceux que connaît le juge d'instruction de Dunkerque ; que le mandat d'arrêt a été délivré, par l'application de l'article 131 du code de procédure pénale, en raison de son lieu de résidence hors du territoire national ; qu'il ne conteste pas en avoir eu connaissance ; qu'il n'a toutefois pas manifesté son intention de s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés ;


"alors qu'Antoine X...
Y... n'a jamais été entendu dans le cadre de l'instruction relative à la qualification de fraude fiscale, fondée sur les seules pièces de la procédure de redressement fiscal ; qu'il a, au contraire été entendu dans le cadre de l'instruction menée sur les mêmes faits sous la qualification d'abus de bien social, tout comme son expert comptable et l'inspecteur fiscal chargé du redressement ; que, dans ces conditions, le prononcé du sursis à statuer dans l'attente de l'ordonnance de règlement concernant l'instruction diligentée à l'encontre d'Antoine X...
Y... pour les faits d'abus de bien social, qui aurait permis de joindre à la présente procédure les compte-rendus d'audition actuellement couverts par le secret de l'instruction, était seul à même d'assurer le respect effectif des droits de la défense du prévenu" ;


Les moyens étant réunis ;


Attendu que, pour rejeter la demande de sursis à statuer, et la demande subsidiaire de production de pièces extraites d'une autre procédure en cours d'instruction, l'arrêt prononce par les motifs reproduits aux moyens ;


Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'opportunité de faire droit aux demandes de sursis à statuer et de production de pièces relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, la cour d'appel, qui a répondu aux articulations essentielles des conclusions déposées devant elle, a justifié sa décision ;


D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;


Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales, 121-1 et 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;


"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Antoine X...
Y... coupable de fraude fiscale et de tenue d'une comptabilité incomplète ;


"aux motifs propres que "il incombait au prévenu, en tant que gérant, de déposer les déclarations et qu'il ne saurait rejeter la responsabilité sur son comptable qui n'a pas à se substituer à lui dans les fonctions de la gérance ; qu'il n'a d'ailleurs pas contesté la procédure fiscale, contresignant même le procès-verbal pour défaut de présentation de comptabilité, sans formuler d'observation ; que les dissimulations sont d'importance puisqu'elles représentent en droits éludés, pour la TVA, 1 819 866 francs soit 93,80 % de fraude sur l'exercice 1997, et pour l'impôt sur les sociétés 344 383 francs et 628 833 francs pour les exercices 1996 et 1997 avec un pourcentage de fraude de 93 % et de 100 % ;


"et aux motifs adoptés que la vérification fiscale a révélé qu'un montant important d'acquisitions opérées auprès de plusieurs entreprises situées en Grande Bretagne et en Belgique n'avaient été ni comptabilisées ni déclarées (pour 4 573 219 francs), que des acquisitions effectuées auprès de la société belge Zeus Shipstores, dont Antoine X...
Y... était également le gérant, n'ont été ni comptabilisées ni déclarées (pour 2 038 601 francs), l'ensemble de ces acquisitions n'ayant pas été portées sur les déclarations d'échanges de biens nécessaires dans les échanges intracommunautaires ; que l'administration des douanes a constaté par ailleurs que des boissons avaient été introduites irrégulièrement sur le territoire français ; que ces éléments démontrent qu'Antoine X...
Y... a délibérément éludé une partie de la TVA et de l'impôt sur les sociétés pour l'exercice clos au 31 décembre 1996 et la totalité de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 1998 ;


qu'Antoine X...
Y... a continué, postérieurement au contrôle, à ne pas déclarer les acquisitions communautaires réalisées ; qu'il doit être constaté par ailleurs qu'Antoine X...
Y... a contresigné, le 24 septembre 1998, un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité pour absence de présentation de registre des assemblées, d'inventaires cotés et paraphés, de justificatifs de recettes sur l'ensemble de la période vérifiée et de justificatifs des stocks ;


"alors, d'une part, que les juridictions répressives doivent caractériser dans tous leurs éléments, sans insuffisance ni contradiction de motifs, les infractions qu'elles retiennent ; que l'existence d'impositions éludées figurent au nombre des éléments constitutifs des délits réprimés par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts ; qu'en déduisant qu'Antoine X...
Y... a délibérément éludé une partie de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur les sociétés dus au titre de l'année 1996, ainsi que la totalité de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année 1997, de constatations se rapportant uniquement à des omissions non datées de frais d'acquisitions, qui auraient dû venir en déduction du résultat et de la taxe sur la valeur ajoutée de la société dont le prévenu était gérant, et réduire par conséquent ses impositions, la cour n'a pas légalement justifié sa décision ;


"alors, d'autre part, que l'article 1743, 1 , du code général des impôts réprime uniquement les écritures inexactes ou fictives au livre-journal et au livre d'inventaire, qui permettent de présumer leur caractère frauduleux au regard des impôts, et non l'absence totale de ces documents comptables ; que les constatations de l'arrêt relatives à l'absence de registre des assemblées, d'inventaires cotés et paraphés, de justificatifs de recettes sur l'ensemble de la période vérifiée et de justificatifs des stocks, ne peuvent donc caractériser ce délit ;


"alors, enfin, qu'en retenant qu'il appartenait à Antoine X...
Y... de déposer les déclarations, et qu'il ne pouvait substituer son comptable dans les fonctions de la gérance, la cour d'appel s'est bornée à se référer à la qualité de gérant du prévenu, sans établir qu'il aurait personnellement, et dans une intention frauduleuse, commis les actes qui lui sont reprochés ; qu'ainsi, elle n'a pas caractérisé l'imputabilité et l'élément intentionnel du délit" ;


Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité dont elle a déclaré le prévenu coupable ;


D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;


Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1745 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale ;


"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a, sur l'action civile de l'administration fiscale, dit Antoine X...
Y... solidairement tenu avec la société Super Beer, non seulement au paiement des impôts fraudés et des pénalités fiscales y afférentes, mais encore des majorations qui les grevaient ;


"alors que l'article 1745 du code général des impôts autorise seulement à déclarer le coupable d'une fraude fiscale solidairement tenu, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement du principal de cet impôt et des pénalités fiscales y afférentes, et non des majorations" ;


Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, les pénalités fiscales visées à l'article 1745 du code général des impôts, au paiement desquelles la personne reconnue coupable, notamment, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, peut être déclarée solidairement tenue, incluent les majorations visées aux articles 1728 et 1729 dudit code ;


D'où il suit que le moyen doit être écarté ;


Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 et 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;


"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Antoine X...
Y... à la peine de six mois d'emprisonnement ferme ;


"aux motifs que seule une peine d'emprisonnement ferme est de nature à être une sanction dissuasive en rapport avec l'importance des dissimulations commises qui révèlent une volonté manifeste de fraude ;


"alors qu'il ressort de la combinaison des textes visés ci-dessus qu'en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'en motivant spécialement ce choix en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; qu'en l'espèce, en fondant le choix de la peine sur des considérations tenant uniquement à l'importance des infractions commises et à l'élément intentionnel de celles-ci, sans consacrer le moindre motif à la personnalité du prévenu, la cour d'appel n'a pas satisfait à cette exigence" ;


Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du code pénal ;


D'où il suit que le moyen doit être écarté ;


Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Thin conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;


Greffier de chambre : Mme Krawiec ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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