6 octobre 1993
Cour de cassation
Pourvoi n° 90-18.359

Troisième chambre civile

Titres et sommaires

(SUR LE 1ER MOYEN DU POURVOI PRINCIPAL) COPROPRIETE - syndic - pouvoirs - action en justice - autorisation du syndicat - autorisation spéciale pour interjeter appel - nécessité (non) - (sur le 3e moyen du pourvoi principal) architecte entrepreneur - responsabilité - responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - garantie décennale - gros ouvrages - définition - terrasse couverte présentant des infiltrations

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par :


1 / M. Raymond X...,


2 / Mme Renée B..., épouse X..., demeurant ensemble à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), lieudit Saint-Marc-sur- Mer, ..., Le Logis du Soleil,


3 / M. Bernard A..., demeurant à La Baule (Loire-Atlantique), ..., agissant en sa qualité de syndic du règlement judiciaire commun des époux X..., en cassation d'un arrêt rendu le 3 mai 1990 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), au profit de :


1 / la société anonyme Gaschinard, dont le siège social est à Nantes (Loire- Atlantique), ..., représentée par ses président-directeur général et administrateurs en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, prise en sa qualité d'ancien syndic du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Pierre Loti, dont le siège est à Nantes (Loire- Atlantique), ...,


2 / le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Pierre Loti, dont le siège est à Nantes (Loire-Atlantique), ..., représenté par son syndic en exercice, M. Y..., domicilié en cette qualité audit siège,


3 / la société Sis assurances, venant aux droits de la Compagnie française d'assurances européennes (CFAE), dont le siège social est à Paris (2e), ..., défendeurs à la cassation ;


La société Sis assurance a formé, par un mémoire déposé au greffe le 27 mars 1991, un pourvoi incident contre le même arrêt ;


Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;


La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;


LA COUR, en l'audience publique du 22 juin 1993, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Capoulade, conseiller rapporteur, MM. Cathala, Valdès, Deville, Darbon, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, conseillers, M. Chapron, conseiller référendaire, M. Vernette, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. le conseiller Capoulade, les observations de Me Blondel, avocat des époux X... et de M. A..., ès qualités, de la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Pierre Loti à Nantes, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Sis assurances, les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Donne acte aux époux X... et à M. A..., en sa qualité de syndic au règlement judiciaire commun des époux X..., de leur désistement de pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre la société Gaschinard, en sa qualité d'ancien syndic du syndicat des copropriétaires de l'immeuble "Le Pierre Loti" ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 mai 1990), que M. et Mme X..., déclarés par la suite en règlement judiciaire, assurés en police "dommage-ouvrage" et "responsabilité décennale" par la compagnie française d'assurances européennes, aux droits de laquelle vient la société Sis assurances, ont fait édifier un immeuble pour le vendre, par lots, en l'état de futur achèvement ;

que les travaux ont été reçus le 19 juillet 1983, avec réserves, en présence du syndic de la copropriété, et que, par acte du 9 août 1985, le syndicat des copropriétaires a assigné les vendeurs, M. A..., syndic à leur règlement judiciaire, et leur assureur, en réparation de non-conformités, de non-finitions et de malfaçons ;


Attendu que les époux X... et M. A... font grief à l'arrêt de déclarer M. Y..., en sa qualité de syndic de la copropriété, recevable en son appel et de l'autoriser à produire, à titre définitif, au règlement judiciaire pour une somme représentative du coût des réparations de la totalité des non-conformités, non façons et malfaçons et au titre des frais non taxables, alors, selon le moyen, "que, dans leurs écritures d'appel, (spécialement celles signifiées et déposées le 9 mars 1990), les consorts X... et M. A..., ès qualités, avaient fait valoir que "M. Y..., ès qualités de syndic de l'immeuble "Le Pierre Loti", interjetait appel du jugement... sans cependant à aucun moment avoir justifié être mandaté à cet effet par l'assemblée générale de la copropriété de l'immeuble... aux fins de poursuivre ladite procédure" ; qu'en ne répondant pas à ce moyen essentiel, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

qu'en ne s'expliquant pas sur cette contestation de nature à avoir une incidence directe sur la solution du litige, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 55 du décret du 17 mars 1967" ;


Mais attendu que l'article 55 du décret du 17 mars 1967 n'exigeant pas que le syndic qui a reçu, de l'assemblée générale des copropriétaires, le pouvoir d'agir en justice, en sa qualité de représentant du syndicat, soit spécialement autorisé à interjeter appel au nom du syndicat des copropriétaires, la cour d'appel, qui a déclaré recevable l'appel formé par M. Y..., ès qualités, n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :


Attendu que les époux X... et M. A... font grief à l'arrêt d'autoriser le syndic de la copropriété à produire, à titre définitif, à ce règlement pour une somme représentative du coût de réparation de la totalité des non- conformités, non façons et malfaçons et au titre des frais non taxables, alors, selon le moyen, "que la stipulation litigieuse indiquait clairement que "l'acquéreur demande au syndic, assisté du conseil syndical, aux fins de procéder en son nom à la constatation du parachèvement des ouvrages des parties communes. Cette constatation sera faite ainsi qu'il est prévu ci-dessus pour les locaux de l'acquéreur" ; qu'en l'absence de sanctions prévues s'agissant des modalités de constatation, telles que rappelées par la cour d'appel, celle-ci ne pouvait écarter le moyen avancé par les constructeurs sans à tout le moins rechercher si le non respect de la procédure mise en place avait causé un grief au syndic, obligation qui s'imposait d'autant plus que c'était ce même syndic ou son ayant cause qui agissait en justice ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard des articles 1134, 1135, 1642-1 et 1648 du Code civil" ;


Mais attendu que les articles 1642-1 et 1648, alinéa 2, du Code civil retenant comme point de départ du délai de l'action qu'ils prévoient, la date la plus tardive, soit de la réception, soit de l'expiration du mois suivant la prise de possession, et non celle de la constatation du parachèvement des parties communes, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision en relevant que le délai d'un mois après la prise de possession n'avait pas couru ;


Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, pris en leur seconde branche :


Attendu que les époux X..., le syndic à leur règlement judiciaire et la société Sis assurances font grief à l'arrêt d'autoriser le syndic de la copropriété à produire, à titre définitif, à ce règlement pour le coût de la réparation de la terrasse de M. Z..., copropriétaire, alors, selon le moyen, "que la cour d'appel se devait de spécifier l'origine dudit désordre et ce d'autant plus que dans leurs écritures d'appel les constructeurs insistaient sur la nécessité de déterminer l'origine de l'infiltration puisque celle-ci était susceptible de provenir des descentes d'eaux pluviales constituant un élément d'équipement ne formant pas indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert, d'où une garantie de bon fonctionnement et non une garantie décennale ; que, dès lors, l'arrêt se trouve encore privé de base légale au regard des dispositions de l'article 1792 du Code civil" ;


Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la terrasse couverte de l'appartement de M. Z... était rendue impropre à sa destination par l'eau s'égouttant du plafond qui, lui-même, se décollait, la cour d'appel a caractérisé un dommage donnant lieu à garantie décennale sans avoir à en rechercher la cause ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, pris en leur première branche :


Vu l'article 1792 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1978 ;


Attendu que, pour retenir la responsabilité des vendeurs en l'état futur d'achèvement et la garantie de leur assureur, l'arrêt relève que, selon l'expert, si la solidité et la destination de l'ouvrage n'étaient pas compromises, le mur extérieur du sas d'accès est dégradé et les désordres ne peuvent qu'aller en s'aggravant et qu'en raison de ce que l'eau passe sous le mur et gêne l'utilisation du parking, ainsi que du risque futur mais certain d'aggravation, la garantie décennale est engagée ;


Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la solidité et la destination de l'ouvrage n'étaient pas compromises, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a retenu la responsabilité des époux X..., autorisé la production, à titre définitif, du syndicat à leur règlement judiciaire, accordé la garantie de Sis assurances pour les dommages affectant la rampe d'accès au parking, l'arrêt rendu le 3 mai 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;


Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Pierre Loti à Nantes aux dépens des pourvois et aux frais d'exécution du présent arrêt ;


Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Rennes, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du six octobre mil neuf cent quatre vingt treize.

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