12 décembre 2001
Cour de cassation
Pourvoi n° 01-84.126

Chambre criminelle

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze décembre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;


Statuant sur le pourvoi formé par :


- X... Lucienne,


contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 6 avril 2001, qui, pour violences ayant entraîné une infirmité permanente et administration de substances nuisibles, l'a condamnée à 4 ans d'emprisonnement dont 3 ans avec sursis et mise à l'épreuve et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;


Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 121-1, 121-4, 222-9 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque base légale ;


" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la personne mise en examen coupable de violence suivie d'infirmité permanente ;


" aux motifs propres que, par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont exactement retenu la culpabilité de la prévenue du chef de violences sur Adolphe Y... ayant entraîné une infirmité ou une incapacité permanente, les déclarations de la victime ayant toujours été constantes sur l'identité de son agresseur, et ses affirmations corroborées par les constatations effectuées au cours de l'enquête et de l'information, tant sur le fait qu'il ait changé de vêtements qu'en ce qui concerne les blessures qu'il présentait à la tête, et la bouteille de destop qu'il a ramenée à l'hôpital, et qui a été jetée par l'un des personnels de l'établissement ; qu'il ne peut être soutenu que la victime ait pu se faire ces blessures à elle-même, y compris par maladresse, eu égard à la nature dangereuse du produit que la victime, titulaire d'un brevet de secourisme, ne pouvait ignorer ; qu'aucun élément ne vient corroborer les allégations de la prévenue, concernant une agression commise à l'occasion d'un trafic auquel se livrerait son mari, alors que les déclarations téléphoniques de la prévenue à son mari, alors qu'il se trouvait à l'hôpital, concernant sa responsabilité et le fait qu "'elle lui donnerait ses yeux ", ont été rapportées par Mme Z... à une amie au cours d'une conversation téléphonique alors qu'elle ignorait être sur écoute ; qu'enfin les premiers juges ont relevé à juste titre la concomitance des faits reprochés par son mari sur sa personne à Lucienne Y..., et la décision de celle-ci de mettre fin à ses jours et à ceux de ses enfants, alors que la prévenue n'a pu faire valoir aucun grief sérieux à l'égard de son époux ; qu'ainsi le délit de violences ayant entraîné une infirmité ou une incapacité permanente à l'encontre de M. Y... est caractérisé dans tous ses éléments, la victime étant atteinte d'une cécité de l'oeil gauche ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;


" aux motifs adoptés, que si certaines déclarations et l'attitude de M. Y... peuvent étonner, notamment le fait de ne pas avoir parlé de ses relations avec Mme Z... et d'avoir retrouvé, 4 mois après les faits, la barre avec laquelle il avait été frappé, il est certain qu'il a été extrêmement grièvement blessé, ce que paraissent occulter complètement Mme Y... et ses enfants ; qu'il ressort également des investigations menées par le juge d'instruction qu'il a bien été frappé à la tête ; que, par ailleurs, le dossier établit nettement que le couple vivait depuis plusieurs mois dans une tension extrêmement forte, Mme Y... étant absolument persuadée que son mari la trompait et voulait la quitter pour vivre avec une autre femme ; qu'il est intéressant de noter que M. Y... rencontre Mme Z... en juillet 1994 et que c'est en août 1994 que Mme Y... est sûre, que son mari veut refaire sa vie ; que de même c'est dans la nuit du 6 au 7 octobre 1994 que M. Y... est agressé, alors que c'est à l'occasion de la fête qui a eu lieu cette nuit-là au travail de M. Y... que ce dernier s'est éclipsé pour aller voir Mme Z... ; que Mme Y... qui, selon les experts, traversait depuis plusieurs mois une phase de turbulence psycho-affective ayant provoqué chez elle un état d'exaltation passionnelle, passe à l'acte ce soir là dans un geste de désespoir destiné à détruire l'autre mais aussi elle-même, de la même façon que ne pouvant supporter les accusations de son mari et estimant que, puisqu'il voulait détruire sa famille, elle allait lui faciliter les choses, elle a mis le feu à la maison ; que, dans un premier temps, elle admet d'ailleurs la réalité de ses actes, autant qu'elle peut, en faisant à son mari la déclaration d'amour-haine contenue dans la lettre retrouvée dans la boîte aux lettres de la voisine, lettre dans laquelle elle dit à son mari qu'il a peut-être raison ; qu'elle l'admet aussi dans le propos qu'elle tient au téléphone le samedi, en offrant à son mari de lui donner ses yeux ; que ces propos sont établis par le témoignage de Mme Z... qui, sur ce point, peut être tenu pour véridique, quelle qu'ait été la nature de se relations avec M. Y... ; qu'en effet elle les rapporte avec conviction et convergence avec ses autres déclarations dans une conversation téléphonique avec un tiers étranger à l'affaire, et à un moment où elle ignorait qu'elle était sur écoute ; que, par la suite, Mme Y..., ne se souvenant plus que de sa haine, va accuser son mari de tous les vices et tenter de détourner les soupçons d'agression sur des co-- malfaiteurs, accusation que Carl reprendra d'ailleurs à son compte ;




que ces dernières accusations, dénuées de tout fondement et associées au déni de l'état physique grave de M. Y... ne font que conforter les éléments de culpabilité à l'encontre de Mme Y... ;


" alors, d'une part, qu'est auteur de l'infraction la personne qui commet personnellement les faits incriminés ; qu'en décidant, par simples présomptions et par des motifs imprécis et insuffisants, que la personne mise en examen, qui a constamment dénié avoir commis les faits poursuivis, est l'auteur de violences ayant entraîné une infirmité ou une incapacité permanente à l'encontre de son conjoint, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;


" alors, d'autre part, que l'article 222-9 du Code pénal punit les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ; qu'en déclarant la personne mise en examen coupable de violences ayant entraîné une infirmité ou une incapacité permanente, assimilant ainsi une incapacité permanente à une infirmité permanente, la cour d'appel a méconnu les dispositions du texte susvisé ;


" alors que la cour d'appel déclare que le délit de violences ayant entraîné une infirmité ou une incapacité permanente est caractérisé, la victime étant atteinte d'une cécité de l'oeil droit et ne conservant que 2/ 10 de vision de l'oeil gauche ; qu'en prononçant ainsi tout en énonçant que la Cour adopte les motifs des premiers juges qui ont déclaré la personne mise en cause coupable de violences sur la personne de son conjoint, ayant entraîné la cécité quasiment complète de l'oeil droit et une perte d'acuité visuelle importante de l'oeil gauche, les juges d'appel se sont contredits et ont méconnu les textes susvisés ;


" alors, subsidiairement, qu'en s'abstenant de caractériser l'élément intentionnel du délit de violences poursuivi, eu égard notamment à l'état de santé de la personne mise en examen, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;


Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 122-1, 222-13, 222-14 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;


" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la personne mise en examen coupable d'administration de substance nuisible à un mineur de 15 ans suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours ;


" aux motifs que cette infraction est établie, et d'ailleurs reconnue par la prévenue, qui a acheté l'après-midi des faits des somnifères et des tranquillisants (rohypnol et lexomil) qu'elle a mélangés à forte dose aux aliments qu'elle a servis à ses enfants au repas du soir, entraînant une torpeur quasi immédiate et une atonie musculaire, selon l'expertise réalisée ; qu'elle a, par ailleurs, fait l'acquisition d'essence, dont elle a répandu une partie dans le sous-sol de la maison et dans la chambre d'Oriane, qu'elle a mis le feu au sous-sol et a enfermé ses trois enfants dans sa chambre en cachant la clé et en refusant de la remettre à ses enfants, qui ont dû faire appel à une voisine qui a remis la clé qu'elle avait en sa possession aux pompiers, que le fils aîné, Carl avait réussi à alerter par téléphone, malgré l'opposition de sa mère, ce qui a permis la sortie des enfants et de la mère ; qu'ainsi le jugement sera confirmé sur la culpabilité ;


" alors que, comme le constate l'arrêt attaqué, la personne mise en examen avait sollicité l'indulgence de la Cour en faisant valoir que son état de santé dépressif et sa souffrance à la suite de l'accusation, par son mari, de violences qu'elle aurait exercées à son encontre l'avaient conduite à envisager de se suicider avec ses enfants ; qu'en s'abstenant de toute explication sur ce point essentiel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;


Les moyens étant réunis ;


Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;


D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;


Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;


Avocat général : Mme Commaret ;


Greffier de chambre : Mme Lambert ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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