13 janvier 2004
Cour de cassation
Pourvoi n° 03-83.204

Chambre criminelle

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire SALMERON, les observations de Me BERTRAND, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE ET HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;


Statuant sur les pourvois formés par :


- X... Jean,


- X... Marinette, épouse Y...,


- Z... Marcel,


- A... Suzanne, épouse B...,


- A... Marie, épouse C...,


- A... Denise, épouse D...,


parties civiles,


contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 27 mars 2003, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe d'Albert E..., du chef d'abus de faiblesse ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;


Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;


Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-4 devenu l'article 223-15-2, 313-7 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ; défaut de motifs ; manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir relaxé Albert E... des fins de la poursuite pour abus frauduleux de l'état d'ignorance et de la situation de faiblesse des époux F..., a rejeté la constitution de partie civile des ayants droit de Marguerite G..., épouse F... ;


"aux motifs que "les premiers juges pour renvoyer Albert E... des fins de la poursuite ont relevé que malgré l'âge avancé des plaignants, aucun élément du dossier ne permettait de considérer que ceux-ci étaient atteints d'une déficience physique ou psychique générant un état de vulnérabilité ; qu'il convient de rappeler qu'il est en effet de jurisprudence constante que le grand âge ne constitue pas à lui seul un élément constitutif du délit reproché à Albert E... ; que pour être pris en considération, le grand âge doit s'accompagner d'un affaiblissement des facultés physiques ou psychiques ; qu'en l'espèce, aucun élément ne permet de retenir que les époux F... ne jouissaient plus de toutes leurs facultés physiques ou mentales, alors même que, propriétaires de nombreux biens immobiliers, ils ont décidé à la même période de procéder à la vente de plusieurs d'entre eux ; que la circonstance que l'un et l'autre soit depuis lors décédé, et ce courant 1996 en ce qui concerne Zdenek Joseph F..., ne peut laisser présumer d'un état de santé les rendant particulièrement vulnérables à la date de la signature du compromis ; qu'enfin, on ne peut tirer aucune conséquence du fait que ce compromis n'ait pas été signé chez leur notaire, la présence de celui-ci n'étant nullement indispensable pour la signature d'un tel acte ; qu'en conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'état de vulnérabilité des époux F... lors de la signature du compromis litigieux n'était nullement établi ; qu'à titre surabondant, il convient également de retenir qu'il n'est pas plus établi que la signature de ce compromis, au prix de 425 000 francs, alors même que les époux F... réclamaient initialement la somme de 450 000 francs, ait été susceptible d'avoir des conséquences gravement préjudiciables pour ceux-ci ; qu'ainsi tant par des motifs propres que par les motifs exacts et fondés en droit adoptés des premiers juges, la Cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a renvoyé Albert E... des fins de la poursuite" (arrêt attaqué, p. 3, dernier alinéa, et p. 4, alinéa 1 à 5) ;




"et, aux motifs adoptés, que "la responsabilité pénale ne présume pas ; que malgré leur âge avancé, aucun élément du dossier ne permet de considérer que les époux F... étaient tous deux atteints d'une déficience physique ou psychique générant un état de vulnérabilité ; que l'établissement du second compromis est intervenu dans le cadre d'une négociation de gré à gré portant sur une vente immobilière ; qu'il existe pour le moins un doute quant à l'obligation de signature du compromis litigieux qui aurait été imposé par Albert E... aux époux F..." (jugement p. 5, alinéa 4 à 7) ;


"alors, d'une part, que l'article 313-4 du Code pénal incrimine l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne dont la particulière vulnérabilité, notamment en raison de son âge, est apparente ou connue de son auteur ; que l'affaiblissement des facultés physiques ou psychiques accompagnant le grand âge de la victime n'est pas un élément constitutif du délit, la loi ne visant que la particulière vulnérabilité en raison de l'âge ; qu'en énonçant au contraire que, pour être pris en considération, le grand âge doit s'accompagner d'un tel affaiblissement des facultés physiques ou psychiques et en décidant que, en l'absence de preuve d'un tel affaiblissement, le délit n'était pas constitué, la cour d'appel a violé les textes susvisés au moyen ;


"alors, d'autre part, que pour décider qu'il n'était pas établi que le compromis de vente critiqué comportait pour les consorts F... des conséquences gravement préjudiciables, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'acte avait été signé pour la somme de 425 000 francs quand les vendeurs demandaient initialement la somme de 450 000 francs ; qu'en statuant de la sorte sans s'expliquer sur les conclusions du rapport d'expertise demandé par Marguerite G... évaluant à la somme d'1 327 000 francs le bien vendu pour la somme de 425 000 francs et sans rechercher, comme elle y était invitée par ses propres énonciations, si, en raison des droits consentis à l'acheteur sur le premier niveau de l'immeuble et sur le sous-sol, les autres niveaux de l'immeuble n'étaient pas rendus totalement indisponibles, causant ainsi un grave préjudice aux vendeurs, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale, en violation des textes visés au moyen" ;


Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs prétentions ;


D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;


Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Salmeron conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;


Greffier de chambre : M. Souchon ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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