2 septembre 2005
Cour de cassation
Pourvoi n° 05-83.554

Chambre criminelle

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;


Statuant sur les pourvois formés par :


- X... Denis,


- Y... Bernard,


- Z... Nourredine,


- A... Samia,


contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 20 mai 2005, qui les renvoyés devant la cour d'assises du Rhône, les deux premiers, pour vols en bande organisée avec arme, recel de vol en bande organisée avec arme, recel de vol avec arme, arrestations et séquestrations arbitraires, en récidive légale, le troisième pour vol en bande organisée avec arme en récidive légale, arrestations et séquestrations arbitraires, détention d'arme prohibée, et la dernière pour recel de vol en bande organisée avec arme ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;


Vu les mémoires produits ;


Sur le premier moyen de cassation proposé pour Denis X... et Bernard Y..., pris de la violation des articles 311-1, 311-9, et 132-71 du Code pénal, 211, 214, 215 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la mise en accusation de Denis X... du chef de vol avec arme en bande organisée commis le 28 mai 2002 à Oyonnax, en récidive légale ;


"aux motifs que, sur les faits de vol à main armée au préjudice de la Société Générale d'Oyonnax du 28 mai 2002, la forte ressemblance d'un des auteurs du vol à main armée avec Denis X... apparaît à l'examen comparé des photos tirées de l'enregistrement de la caméra de vidéo surveillance et les photos anthropométriques du mis en examen ; que l'ADN de Denis X... a été mis en évidence à partir du prélèvement effectué sur la cagoule abandonnée par les malfaiteurs dans leur fuite ; que ce vol à main armée supposait, pour sa réalisation avec deux autres comparses non identifiés, des repérages préalables et précis des lieux en vue de la détermination des possibilités d'accès dans l'agence, la recherche des armes et la distribution des rôles de chacun, circonstances caractérisant la bande organisée ;


"alors, d'une part, que nul ne peut être mis en accusation et renvoyé devant une Cour d'assises s'il n'existe pas à son encontre des charges suffisantes d'avoir commis une infraction qualifiée crime ; qu'en s'abstenant de préciser en quoi le vol aurait été commis soit avec usage ou menace d'une arme, soit par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé, la chambre de l'instruction n'a pas caractérisé des charges de crime de vol avec arme, et n'a pas légalement justifié sa décision de mise en accusation ;


"alors, d'autre part, qu'en se bornant à énoncer que le vol " supposait pour sa réalisation avec deux autres comparses non identifiés des repérages préalables et précis des lieux en vue de la détermination des possibilités d'accès dans l'agence, la recherche des armes et la distribution des rôles de chacun ", c'est-à-dire en se bornant à relever des actes préparatoires, la chambre de l'instruction n'a pas caractérisé le crime de vol avec arme aggravé par la commission en bande organisée, et n'a pas légalement justifié sa décision" ;


Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Denis X... et Bernard Y..., pris de la violation des articles 311-1, 311-9, 224-1, 224-4 et 132-71 du Code pénal, 211, 214, 215 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la mise en accusation de Denis X... et Bernard Y... du chef du crime de vol avec arme commis en bande organisée, ainsi que des chefs des délits connexes d'arrestation de personnes, et de séquestration de personnes avec libération avant le septième jour, pour faciliter la commission du crime de vol avec arme commis en bande organisée ;


"aux motifs que, sur les faits commis en Suisse les 7 et 8 janvier 2003, les surveillances téléphoniques ont établi de nombreux contacts téléphoniques entre Denis X..., Nourredine B..., Bernard Y... et Nourredine Z... antérieurs à ces faits ; que Denis X... et Bernard Y... étaient absents de leur domicile dans cette période ; que les chaussures de Denis X... et de Bernard Y... ont été reconnues par des témoins ;


que, sur les photographies, plusieurs témoins ont noté la ressemblance avec Bernard Y... ; que Denis X... a été trouvé en possession de devises provenant du Crédit Suisse ;


"alors que la chambre de l'instruction ne peut prononcer une mise en accusation devant la cour d'assises que si elle relève des charges suffisantes, c'est-à-dire si elle caractérise tous les éléments constitutifs du crime reproché et des délits connexes ; que, concernant les faits de vol à main armée, d'arrestation et de séquestration commis les 7 et 8 janvier 2003 en Suisse, ni les contacts téléphoniques de Denis X... et Bernard Y... avec les auteurs présumés de ces faits, ni l'absence à leurs domiciles, à l'époque des faits, de Denis X... et de Bernard Y..., ni la prétendue reconnaissance par des témoins des chaussures des intéressés, ni la prétendue ressemblance de Bernard Y... avec l'un des malfaiteurs relevée par certains témoins, ni même la détention par Denis X... de devises présumées provenir du vol litigieux ne constituent des éléments suffisants de participation effective des deux intéressés à ces faits ;


qu'il s'ensuit que la chambre de l'instruction n'a pas caractérisé des charges de culpabilité suffisantes, justifiant la mise en accusation, de sorte que son arrêt encourt la cassation" ;


Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Denis X... et Bernard Y..., pris de la violation des articles 321-1, 311-1, 311-9 et 132-71 du Code pénal, 211, 214, 215 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la mise en accusation de Denis X... et Bernard Y... des chefs du crime de recel de vol avec arme commis en bande organisée à Chassieu, concernant le véhicule Alfa Roméo de Bernard C..., ainsi que du crime de recel de vol avec arme commis à Lyon, concernant le véhicule Audi S3 de Jean-Michel D... ;


"aux motifs que le véhicule Audi S3 volé le 7 juillet 2002 à Lyon sous la menace d'une arme a été découvert dans un box loué par Nourredine B... ; que dans ce véhicule a été saisi un pull-over en laine moucheté vert et noir aux manches coupées ayant ainsi pu servir à la confection de cagoules de tissu identique selon le témoignage de Valérie E..., portées par deux des auteurs des faits commis en Suisse dont celui qui portait des lunettes ; que ces éléments permettent de renvoyer Denis X... et Bernard Y... du chef de recel de véhicule volé avec arme ; que le véhicule Alfa Roméo a été volé à Chassieu le 6 janvier 2003 par deux hommes cagoulés dont l'un était porteur d'une arme ; que, le 6 janvier 2003, Nourredine B... a été observé à Chassieu à bord du véhicule Audi S3 ; que, selon le propriétaire du véhicule Alfa Roméo, le vol a été opéré par les occupants d'un véhicule Audi S3 ;


que, lors de la perquisition au domicile de Cyrille F..., ont été découverts divers objets reconnus par Bernard C... comme se trouvant dans son véhicule Alfa Roméo au moment du vol ; que le témoin Marc de G... a déclaré avoir perçu depuis le coffre de la voiture où il était séquestré le bruit caractéristique d'un moteur six cylindres du véhicule de fuite des malfaiteurs, particularité également présentée par la voiture Alfa Roméo volée à Bernard C... ; qu'il s'en déduit que cette voiture a servi à la commission des infractions en Suisse ; que, compte tenu de ces éléments, la mise en accusation de Denis X... et de Bernard Y... sera ordonnée du chef du crime de recel de vol avec arme commis en bande organisée ;


"alors, d'une part, que nul ne peut être mis en accusation et renvoyé devant une cour d'assises s'il n'existe pas à son encontre des charges suffisantes d'avoir commis une infraction qualifiée crime ; que le seul fait que le pull-over qui se trouvait dans le véhicule Audi S3 " avait pu " servir à la confection des cagoules portées par des auteurs du vol commis en Suisse est radicalement insuffisant pour caractériser à l'encontre de Denis X... et de Bernard Y... des faits de recel concernant ce véhicule ;


"alors, d'autre part, que le seul témoignage de Marc de G..., selon lequel il avait " perçu depuis le coffre de la voiture où il était séquestré le bruit caractéristique d'un moteur six cylindres du véhicule de fuite des malfaiteurs ", est radicalement insuffisant pour déduire, au motif qu'il s'agissait d'une " particularité également présentée par la voiture Alfa Roméo de Bernard C... ", que cette voiture avait servi à la commission des infractions en Suisse, et, a fortiori, pour caractériser, à l'encontre de Denis X... et de Bernard Y..., des faits de recel concernant ce véhicule ; qu'il s'ensuit que la mise en accusation n'est pas légalement justifiée" ;


Sur le premier moyen de cassation proposé pour Nourredine Z... et Samia A..., pris de la violation des articles 311-1, 311-9, 224-1, 224-4 et 132-71 du Code pénal, 211, 214, 215 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la mise en accusation de Nourredine Z..., du chef du crime de vol avec arme commis en bande organisée, ainsi que des chefs des délits connexes d'arrestation de personnes, et de séquestration de personnes avec libération avant le septième jour, pour faciliter la commission du crime de vol avec arme commis en bande organisée ;


"aux motifs que, sur les faits commis en Suisse, les surveillances téléphoniques ont établi les nombreux contacts téléphoniques entre Denis X..., Nourredine B..., Bernard Y..., et Nourredine Z..., antérieurs à ces faits ; qu'en particulier, le 6 janvier 2003, veille des faits d'arrestation et de séquestration, Denis X... a appelé Nourredine Z... ; que ce dernier n'a avancé aucun élément tangible quant à son emploi du temps durant les deux jours des 7 et 8 janvier 2003 ; que dans le local occupé par Nourredine Z... a été découvert un pistolet automatique dont plusieurs témoins et victimes de la séquestration et du vol à main armée ont relevé la ressemblance avec une des armes brandies par l'un des agresseurs ; que la concubine de Nourredine Z..., Samia A..., a été en possession de francs suisses dans les mois suivant les faits ;


"alors que la chambre de l'instruction ne peut prononcer une mise en accusation devant la cour d'assises que si elle relève des charges suffisantes, c'est-à-dire si elle caractérise tous les éléments constitutifs du crime reproché ; que ni les contacts téléphoniques de Nourredine Z... avec l'un des auteurs présumés du vol à main armée et des faits d'arrestation et de séquestration, ni l'absence de justification de son emploi du temps les jours des faits, ni la détention par Nourredine Z... d'un pistolet automatique, ni enfin la possession par sa concubine de devises suisses ne constituent des éléments suffisants pour démontrer une participation effective de Nourredine Z... au crime de vol avec arme en bande organisée, et aux délits connexes d'arrestation de personnes en vue de faciliter la commission de ce crime ; qu'il s'ensuit que la chambre de l'instruction n'a pas caractérisé des charges de culpabilité justifiant la mise en accusation, de sorte que son arrêt encourt la cassation" ;


Sur le second moyen de cassation proposé pour Nourredine Z... et Samia A..., pris de la violation des articles 321-1, 321-2, 311-1 et 311-9 du Code pénal, 6-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 214, 215 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la mise en accusation de Samia A..., du chef de crime de recel de vol avec arme commis en bande organisée ;


"aux motifs que Samia A... a effectué à Cannes, de mai à juillet 2003, des opérations de change de francs suisses ; que ces opérations portant sur des sommes importantes de devises suisses, sans rapport avec les revenus de l'intéressée, ne peuvent avoir pour origine que les fonds volés au préjudice du Crédit Suisse, ses prétendues activités de prostitution n'étant établies par aucun élément tangible ;


"alors, d'une part, que nul ne peut être mis en accusation et renvoyé devant une cour d'assises s'il n'existe pas à son encontre des charges suffisantes d'avoir commis une infraction qualifiée crime ; qu'en déduisant, du seul fait que Samia A..., concubine de Nourredine Z..., avait, de mai à juillet 2003, effectué des opérations de change concernant d'importantes sommes de devises suisses, des charges suffisantes à son encontre d'avoir commis le crime de recel de vol avec arme commis en bande organisée, au seul motif que ces sommes ne pouvaient avoir pour origine que les fonds volés le 8 janvier 2003 au préjudice du Crédit Suisse, la chambre de l'instruction a statué par un motif hypothétique et n'a pas légalement justifié sa décision ;


"alors, d'autre part, qu'en fondant la mise en accusation de Samia A... non sur des charges réelles de culpabilité, mais sur le fait que l'intéressée ne démontrait pas que ces sommes provenaient de son activité alléguée de prostitution, la chambre de l'instruction a méconnu le principe de la présomption d'innocence et a violé les textes visés au moyen" ;


Les moyens étant réunis ;


Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes pour ordonner le renvoi devant la cour d'assises du Rhône de Denis X... sous l'accusation de vols en bande organisée avec arme, recel de vol en bande organisée avec arme, recel de vol avec arme, arrestations et séquestrations arbitraires, le tout en récidive, de Bernard Y... sous l'accusation de vol en bande organisée avec arme, arrestations et séquestrations arbitraires, recel de vol en bande organisée avec arme, recel de vol avec arme, le tout en récidive, de Nourredine Z... sous l'accusation de vol en bande organisée avec arme en récidive, arrestations et séquestrations arbitraires, détention d'arme prohibée, de Samia A... sous l'accusation de recel de vol en bande organisée avec arme ;


Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;


Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;


Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE les pourvois ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;


Greffier de chambre : Mme Daudé ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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