18 mai 1998
Cour de cassation
Pourvoi n° 94-81.576

Chambre criminelle

Titres et sommaires

(SUR LE DEUXIèME MOYEN CONTRE LES ARRêTS DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION) CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - article 6.3 d - droit de l'accusé d'interroger ou de faire interroger des témoins - domaine d'application - instruction (non)

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;


Statuant sur les pourvois formés par :


1°) Jean E... et Jacqueline D... contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AMIENS, n° 108, en date du 18 février 1994, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef d'abus de biens sociaux et escroqueries, a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes de la procédure,


2°) Jean E... contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AMIENS, n° 109, en date du 18 février 1994, qui, dans la même procédure, a rejeté sa demande d'actes d'instruction,


3°) Jacqueline D... contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AMIENS, n° 110, du 18 février 1994, qui, dans la même procédure, a rejeté sa demande d'actes d'instruction,


4°) Jean E..., Jacqueline D... et la société MAUSER EMBALLAGES, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 29 février 1996, qui a condamné le premier, pour faux et usage, abus de biens sociaux et escroquerie, à 5 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis, à 10 ans d'interdiction de diriger toute entreprise commerciale ou personne morale et à 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, la deuxième, pour complicité d'abus de biens sociaux et d'escroquerie, à 3 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis, à 10 ans d'interdiction de diriger toute entreprise commerciale ou personne morale et à 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, a relaxé Raymond BAUMANN-HERRMANN des chefs de complicité d'abus de biens sociaux, d'escroquerie, de faux et d'usage de faux et de non-révélation de faits délictueux, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;


Vu les mémoires produits en demande et en défense ;


I - Sur les pourvois formés par Jean E... et Jacqueline D... contre les arrêts de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens, n° 108, 109 et 110, du 18 février 1994 :


Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jean E... et pris de la violation des articles 32 et 593 du Code de procédure pénale ;


"en ce que les arrêts de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens (n° 108 et 109) du 18 février 1994 ne mentionnent pas la présence du ministère public lors du prononcé de la décision ;


"alors que le ministère public, partie intégrante et nécessaire des juridictions pénales, doit assister au prononcé de la décision et qu'il n'est pas dérogé à cette règle devant la chambre d'accusation" ;


Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jacqueline D... et pris de la violation des articles 486, 512 et 592 du Code de procédure pénale, violation de la loi et manque de base légale ;


"en ce qu'aucun des deux arrêts rendus le 18 février 1994 par la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens, disant pour le premier n'y avoir lieu à annulation de la procédure et pour le second, confirmant une ordonnance de refus d'investigations, ne mentionne qu'il ait été prononcé en présence d'un représentant du ministère public, alors que celui-ci, partie intégrante et nécessaire des juridictions pénales, doit assister au prononcé de la décision, qui doit, à peine de nullité, constater le respect de cette règle d'ordre public" ;


Les moyens étant réunis ;


Attendu que les arrêts attaqués constatent la présence et l'audition du représentant du ministère public à l'audience des débats, sans préciser qu'il assistait à leur lecture ;


Qu'en cet état, le grief n'est pas fondé ;


Qu'en effet, l'article 216 du Code de procédure pénale, propre à la chambre d'accusation, n'impose pas que soit mentionnée la présence du ministère public à l'audience du prononcé de l'arrêt ;


D'où il suit que le moyen doit être écarté ;


Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Jean E... et pris de la violation des articles 6.1, 6.3.d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;


"en ce que la chambre d'accusation, dans son arrêt du 18 février 1994, faisant l'objet du pourvoi n° N 94-81.577, a rejeté la demande de confrontation de Jean E... avec Jean-Paul Y... ;


"au motif que Jean E... demande une confrontation avec Jean-Paul Y..., directeur des ventes de la SA Mauser, au motif que ce dernier aurait affirmé dans son audition du 23 septembre 1992 (D 64-2), que Jean E... possédait le pseudonyme de Jean F..., ce que conteste Jean E...;


qu'il n'apparaît pas nécessaire de procéder à une telle confrontation au seul motif qu'un témoin a fait une déclaration contestée par le mis en examen;


que la demande de confrontation sur ce point précis, relativement étranger à l'enquête, n'apparaît pas de nature à éclairer davantage la justice sur le délit d'abus de biens sociaux reproché à Jean E... par le biais de sociétés écrans individualisées ;


"alors qu'il résulte de l'article 6.3.d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel tout accusé a droit, notamment, à interroger ou faire interroger le témoin à charge que, sauf impossibilité dont il leur appartient de préciser les causes, les juridictions d'instruction sont tenues, lorsqu'elles en sont légalement requises à la suite de l'avis notifié en application de l'article 175 du Code de procédure pénale, d'ordonner l'audition des témoins à charge qui n'ont pas été confrontés avec le prévenu et que, dès lors, la circonstance que le témoin Jean-Paul Y... ait fait une déclaration contestée par le mis en examen n'était pas de nature - bien au contraire - à faire obstacle à l'exercice de ce droit ;


"alors qu'il résulte des énonciations de la cour d'appel d'Amiens en date du 29 février 1996 statuant sur le fond (pourvoi n° F 96-83.902) que, contrairement à ce qu'a suggéré la chambre d'accusation dans l'arrêt attaqué, l'audition du témoin Jean-Paul Y... était nécessaire à la manifestation de la vérité;


qu'à cet égard, dans sa requête régulièrement déposée devant la chambre d'accusation, Jean E... faisait valoir qu'entendu comme témoin "Jean-Paul Y... avait affirmé que Jean E... ne serait autre que Jean F..." et que, dans la mesure où cette accusation a été retenue à charge dans l'arrêt de la condamnation en ce qui concerne la culpabilité de Jean E... du chef d'abus de biens sociaux, il s'avère de manière certaine que ce dernier a été privé par la chambre d'accusation du droit du procès équitable au sens des articles 6.1 et 6.3.d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;


Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief des motifs par lesquels la chambre d'accusation a refusé d'ordonner la confrontation de Jean E... avec un témoin, dès lors que le défaut de cette mesure, à ce stade de la procédure, n'a, pour autre conséquence, au regard des articles 427 et suivants du Code de procédure pénale et de l'article 6.3.d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que d'ouvrir la faculté au prévenu qui comparaît devant la juridiction de jugement, de citer lui-même ou de faire citer ledit témoin, pour permettre qu'il soit contradictoirement discuté de cet élément de preuve ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Jean E... et pris de la violation des articles 105, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;


"en ce que la chambre d'accusation, dans son arrêt du 18 février 1994, faisant l'objet du pourvoi n° F 96-83.902 a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure ;


"aux motifs que l'application de l'article 105 implique la double condition de l'existence d'indices graves et concordants de culpabilité et de l'existence d'un dessein de faire échec aux droits de la défense;


qu'il résulte des pièces de la procédure d'information ouverte contre X... le 19 novembre 1991, qu'une commission rogatoire a été délivrée le 21 novembre 1991;


que, dans le cadre de cette dernière, Jean E... n'a été entendu qu'à deux reprises, le 18 mars 1992, la journée du 19 mars 1992 ayant été consacrée à la perquisition d'une propriété située dans la Sarthe;


qu'il résulte des procès-verbaux de l'audition du 18 mars 1992 dressé par le SRPJ que Jean E... n'a pas passé d'aveux;


que sa mise en examen pour abus de biens et escroqueries a été prononcée dès le 20 mars 1992 au vu des procès-verbaux dressés en exécution de la commission rogatoire;


qu'ainsi, dans les plus courts délais, la procédure a été transmise et Jean E... déféré au juge d'instruction;


que, dès lors, il n'apparaît pas que les auditions critiquées, qui ont permis de recueillir les renseignements indispensables, aient eu pour dessein de faire échec aux droits de la défense ;


"alors qu'aux termes de l'article 105 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993 applicable au jour où la chambre d'accusation a statué "les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits (...) ne peuvent être entendues comme témoins";


que, dans sa décision, la chambre d'accusation reconnaît implicitement mais nécessairement qu'il existait le 18 mars 1992, date à laquelle Jean E... a été entendu dans les locaux du SRPJ, des indices graves et concordants de culpabilité à son encontre et que, dès lors, la chambre d'accusation aurait dû annuler la procédure pour violation des dispositions susvisées qui sont substantielles sans pouvoir se réfugier derrière la circonstance, inopérante, qu'il n'avait pas passé d'aveux ;


"alors qu'en tout état de cause, la chambre d'accusation ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'expliquer, constater "que les auditions critiquées avaient permis de recueillir des renseignements indispensables" et affirmer qu'il n'apparaissait pas que lesdites auditions aient eu pour dessein de faire échec aux droits de la défense" ;


Sur le second moyen de cassation, proposé pour Jacqueline D... et pris de la violation des articles 105, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de réponse à l'articulation essentielle du mémoire, manque de base légale ;


"en ce que la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure ;


"aux motifs que l'application de l'article 105 implique la double condition de l'existence d'indices graves et concordants de culpabilité et de l'existence d'un dessein de faire échec aux droits de la défense;


qu'il résulte des pièces de la procédure d'information ouverte contre X le 19 novembre 1991 qu'une commission rogatoire a été délivrée le 21 novembre suivant;


que, dans le cadre de cette dernière, Jacqueline D... a d'abord été entendue le 19 mars 1992 au cours d'une brève audition en qualité de témoin et où il n'apparaissait pas de charges à son encontre, avant d'être de nouveau réentendue une seconde fois le 20 mai 1992, audition au cours de laquelle elle n'a pas passé d'aveux;


que sa garde à vue a été, à ce moment, de courte durée (moins de 15 heures) et qu'elle a été mise en examen dès le 21 mai 1992 pour complicité d'abus de biens sociaux ;


qu'ainsi, les policiers ont arrêté leur audition dès que des charges à son encontre ont pu paraître suffisantes et en l'absence de toute reconnaissance d'infraction;


qu'il n'apparaît pas que les deux courtes auditions de Jacqueline D... recueillies dans des conditions normales et contenant les stricts renseignements nécessaires pour éclairer le magistrat instructeur devant lequel lui a été offerte la possibilité de s'expliquer aient eu pour dessein de faire échec aux droits de la défense ;


"alors que, d'une part, les lois de forme étant d'application immédiate et la loi du 24 août 1993 ayant modifié les dispositions de l'article 105 du Code de procédure pénale en supprimant l'exigence d'un dessein de porter atteinte aux droits de la défense à laquelle se trouvait anciennement subordonné le prononcé d'une nullité pour inculpation tardive, la chambre d'accusation qui, statuant après l'intervention de cette modification, a rejeté l'exception de nullité soulevée par Jacqueline D... pour avoir été entendue en qualité de témoin alors qu'existaient à son encontre des indices graves et concordants, en retenant l'absence de tenter de faire échec aux droits de la défense a, de ce chef, privé sa décision de toute base légale ;


"et alors que, d'autre part, la chambre d'accusation qui, nonobstant les arguments développés par Jacqueline D... dans son mémoire faisant valoir qu'avant son audition du 19 mars 1992 trois personnes l'avaient mise en cause et qu'avant la seconde audition du 20 suivant, diverses investigations avaient été effectuées dont des auditions et des saisies de pièces, a rejeté l'exception de nullité pour mise en examen tardive, en s'abstenant totalement de se prononcer sur la question de savoir si les résultats obtenus par les enquêteurs à travers cette audition et ces saisies faisaient ou non apparaître des indices graves et concordants à l'encontre de Jacqueline D..., a, en l'état de cette insuffisance de motifs flagrante, privé sa décision de toute base légale" ;


Les moyens étant réunis ;


Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à annulation des actes de la procédure sur le fondement de l'article 105 du Code de procédure pénale, les juges énoncent que, dans le cadre d'une commission rogatoire, Jean E... a été entendu, en qualité de témoin, à deux reprises le 18 mars 1992, que ces auditions, au cours desquelles il n'a fait aucun aveu, ont seulement permis de recueillir des renseignements indispensables, qu'une perquisition a été effectuée le 19 mars 1992 dans une de ses propriétés et que l'intéressé a été mis en examen le 20 mars 1992, date à laquelle les conditions de son inculpation ont été réunies ;


Qu'ils relèvent, par ailleurs, que Jacqueline D... a été entendue, en qualité de témoin, le 19 mars 1992 et le 20 mai 1992 et que les enquêteurs ont mis un terme à son audition lorsque, en l'absence d'aveu, les charges à son encontre ont, cependant, paru suffisantes ;


Qu'ils concluent qu'il n'apparaît pas que les auditions des intéressés, qui ne contiennent que les renseignements nécessaires pour éclairer le magistrat instructeur, aient eu pour dessein de faire échec aux droits de la défense ;


Attendu qu'en cet état et dès lors que l'article 105 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 août 1993, était seul applicable, le moyen ne peut être admis ;


II - Sur les pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 29 février 1996 :


Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean E... a été, jusqu'au 30 mars 1990, le président du directoire et le directeur administratif de la société Mauser Emballages, spécialisée dans la fabrication de fûts industriels;


qu'il est apparu à cette date qu'il avait, avec son amie, Jacqueline D..., secrétaire générale de la société, réglé, au cours des années précédentes, diverses sommes aux sociétés Remp, RMFI et Jival Industries;


que ces sociétés écrans, dirigées en droit par des prête-noms mais en fait par Jean E... et Jacqueline D..., n'avaient pour rôle que de servir d'intermédiaires pour les commandes de pièces aux fabricants;


que ceux-ci livraient directement les produits à la société Mauser Emballages mais les facturaient à ces sociétés interposées, lesquelles "refacturaient au prix fort" les pièces à la société Mauser Emballages;


que, selon les enquêteurs, les paiements abusifs auraient été au moins de 32 950 000 francs ;


En cet état ;


Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour Jean E... et pris de la violation des articles 485, dernier alinéa, et 592 du Code de procédure pénale ;


"en ce qu'il résulte des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel du 29 février 1996 que la composition de la Cour n'était pas identique lors des débats et du prononcé de l'arrêt sans qu'il y ait eu reprise des débats, le nom du magistrat qui a donné lecture de l'arrêt n'étant pas, de surcroît, mentionné en sorte que la décision attaquée est nulle en application des dispositions combinées des articles 485, dernier alinéa, et 592 du Code de procédure pénale" ;


Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Jacqueline D... et pris de la violation des articles 485, 510, 512, 591 et 592 du Code de procédure pénale, violation de la loi ;


"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir mentionné que, lors des débats, la Cour était composée de M. Velly, président, et de MM. Gillet et Delculry, conseillers, indique qu'après plusieurs prorogations de délibéré, l'arrêt a été rendu par la Cour composée de M. Velly, président, et de MM. Gillet et Dessagne, conseillers, de sorte que :


- d'une part, en l'état de ses énonciations, il n'est pas permis à la chambre criminelle de s'assurer que ce sont bien les magistrats présents lors des débats qui en ont délibéré,


- et que, d'autre part, en tout état de cause, il n'est pas davantage établi que ce soit l'un des magistrats ayant tout à la fois été présent aux débats et au délibéré qui ait donné lecture de l'arrêt, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 485 du Code de procédure pénale" ;


Les moyens étant réunis ;


Attendu, d'une part, qu'il résulte des mentions de l'arrêt que la cour d'appel, composée lors des débats, de M. Velly, président, et de MM. Gillet et Delculry, conseillers, s'est retirée et a délibéré conformément à la loi ;


Que, d'autre, part, il se déduit des mentions de l'arrêt, signé par M. Velly, président, que ce magistrat a donné lecture de la décision à une audience ultérieure tenue dans une autre composition ;


Qu'en cet état, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que les mêmes magistrats ont participé aux débats et au délibéré et que la décision a été lue par l'un d'eux en application de l'article 485 du Code de procédure pénale ;


Que, dès lors, le moyen, doit être écarté ;


Sur le cinquième moyen de cassation, proposé pour Jean E... et pris de la violation des articles 427 et 520 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;


"en ce que la cour d'appel d'Amiens, statuant au fond par arrêt en date du 29 février 1996, a omis d'annuler la décision des premiers juges "écartant des débats la lettre du 9 décembre 1986 que Jean E... aurait adressée aux membres du conseil de surveillance de Mauser SA, motif pris du défaut de sa communication préalable aux parties, donc de l'impossibilité pour celles-ci d'en discuter contradictoirement" ;


"alors que le respect du principe du contradictoire interdit aux juges correctionnels d'écarter des documents du débat contradictoire sous prétexte qu'ils auraient dû être communiqués à la partie adverse avant l'audience;


que la violation du contradictoire a, en pratique, privé le demandeur du droit effectif au double degré de juridiction et que, dès lors, en s'abstenant d'annuler d'office le jugement déféré puis d'évoquer et de statuer au fond comme l'article 520 du Code de procédure pénale lui en faisait l'obligation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et a méconnu le principe du procès équitable au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;


Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni de conclusions régulièrement déposées que Jean E... ait soulevé devant la cour d'appel l'exception de nullité prise de la décision du tribunal correctionnel d'écarter un document versé par lui au moment de la clôture des débats ;


Que, dès lors, le moyen est nouveau en application de l'article 599 du Code de procédure pénale et, comme tel, irrecevable ;


Sur le septième moyen de cassation, proposé pour Jean E... et pris de la violation des articles 437, 3°, et 464 de la loi du 24 juillet 1966, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;


"en ce que la cour d'appel, statuant sur le fond par arrêt du 29 février 1996, a fait remonter la prescription au 30 mars 1987 pour le délit d'abus de biens sociaux ;


"au motif qu'il est de jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de Cassation que le délai de 3 ans de la prescription de l'action publique, pour les délits, est retardé pour les abus de biens sociaux jusqu'à ce que puisse apparaître, aux yeux des victimes, la réalité du délit;


que ce n'est qu'après le départ, le 30 mars 1990, de Jean E..., que ses successeurs ont mis en oeuvre des procédures approfondies pour établir leur préjudice à la suite, d'ailleurs, des révélations de M. B... ;


"alors qu'en matière d'abus de biens sociaux, le point de départ de la prescription triennale doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique;


que ce principe jurisprudentiel dérogatoire du droit commun doit être interprété strictement et que l'arrêt qui, pour retarder le point de départ de la prescription, s'est fondé sur des considérations de fait manifestement étrangères à ce principe, n'a pas légalement justifié sa décision ;


"alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la Cour, Jean E... faisait valoir que la note du 9 décembre 1986 (qu'il avait adressée aux membre du conseil de surveillance de Mauser SA comme l'ont constaté les premiers juges) démontrait que les dirigeants, c'est-à-dire les membres du directoire et du conseil de surveillance de la société Mauser connaissaient l'existence de Remp, RMFI et Jival (société prétendument interposée) et que, par conséquent, les dirigeants de la société Mauser connaissaient les éléments constitutifs du délit d'abus de biens sociaux dès cette date et qu'en ne répondant pas, fût-ce pour l'écarter, à ce chef péremptoire des conclusions du demandeur, la cour d'appel a méconnu les dispositions impératives de l'article 593 du Code de procédure pénale" ;


Attendu qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation du prévenu et qui a pu fixer le point de départ de la prescription au jour qu'elle a retenu, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, lequel doit être écarté ;


Sur le sixième moyen de cassation, proposé pour Jean E... et pris de la violation des articles 147 et 150 de l'ancien Code pénal, 111-3 et 441-1 du nouveau Code pénal, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;


"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean E... coupable de faux et usage de faux ;


"aux motifs que, dans son interrogatoire du 24 juin 1992, Jean E..., qui a été mis en examen le 20 mars précédent, a reconnu avoir établi les documents sociaux annuels des sociétés Jival et RMFI : documents comptables de synthèse, rapports annuels de gestion et procès-verbaux d'assemblées générales, tout en précisant que les assemblées générales ne se tenaient pas et qu'il demandait aux associés le droit de signer les documents qu'il leur présentait;


que ce jour-là, il n'a pas méconnu non plus avoir fait signer à M. C..., a posteriori, des documents en septembre et octobre 1991, concernant les procès-verbaux d'assemblées générales de Jival, de 1985 à 1991 ;


que ce procédé délictueux concernait également la SARL Zedamat, devenue Jitair et il précisait également que les associés et gérants de droit de toutes les sociétés RMFI, Repim, Jival, Zedamat et Jitair, qui intervenaient bénévolement, ignoraient qu'il était derrière ces sociétés ;


qu'en faisant croire que les documents sociaux obligatoires de ces sociétés concernaient les dirigeants de droit et que les assemblées régulières avaient été tenues par les responsables légaux, alors que ceux-ci ne s'occupaient absolument pas de ces sociétés respectives, Jean E... a donc commis des faux qu'il a utilisés ;


"alors que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui;


que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la Cour, Jean E... faisait valoir que les mentions de l'ordonnance de renvoi méconnaissaient les droits de la défense dans la mesure où cette ordonnance n'indiquait absolument pas quels seraient les documents sociaux frappés de faux et que l'arrêt attaqué, qui ne s'est pas expliqué sur ce chef péremptoire de défense, n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe susvisé ;


"alors que toute condamnation en matière de faux et usage de faux doit comporter les précisions nécessaires à l'identification de la pièce falsifiée et que l'arrêt, qui s'est référé de manière vague et imprécise à des documents sociaux sans les identifier précisément, ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision ;


"alors que le fait de préparer des documents sociaux pour les faire signer par les associés compétents pour ce faire ne caractérise aucunement l'infraction de faux dès lors que les documents en cause - qui sont de simples projets - ne peuvent légalement servir de preuve et valoir titres" ;


Sur le moyen pris en sa première branche :


Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir omis de répondre à ses conclusions soutenant que l'ordonnance de renvoi était irrégulière, faute de précisions sur les actes qualifiés de faux, dès lors que cette exception était irrecevable pour n'avoir pas été soulevée devant les premiers juges ;


Attendu que, pour déclarer Jean E... coupable de faux et usage, les juges retiennent qu'il a reconnu avoir établi les documents sociaux annuels des sociétés fictives Jival et RMFI, qu'il faisait signer par les gérants de droit, notamment les documents comptables et les procès-verbaux d'assemblées générales, alors que celles-ci n'avaient pas été tenues ;


Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les documents précités constituaient des titres, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;


D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;


Sur le huitième moyen de cassation, proposé pour Jean E... et pris de la violation des articles 405 de l'ancien Code pénal, 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;


"en ce que la cour d'appel a déclaré Jean E... coupable d'escroquerie ;


"aux motifs que, lors de son audition, le 29 mai 1992, M. H..., gérant de droit de Jival, né en 1922, explique que Jean E... lui a demandé de venir le voir chez Mauser car il souhaitait le présenter au successeur et il a été dit à M. G... qu'il s'occupait de Jival et qu'il était gérant de Jival, mais il a laissé croire à M. G... ce mensonge, sans lui préciser qu'il ne s'occupait de rien chez Jival;


que c'est ainsi que Jean E... a cru bon de persévérer dans cette fausse entreprise de sous-traitance, au-delà du 30 mars 1990, date à laquelle il cessait ses fonctions de président du directoire, en présentant faussement à M. G..., M. H... comme le gérant de Jival, alors qu'il n'était qu'un prête-nom, si bien que la nouvelle direction de Mauser continuera à s'approvisionner auprès de Jival, jusqu'en septembre 1991, date de la découverte du stratagème justifiant le dépôt d'une plainte;


que ce comportement s'analyse comme des manoeuvres frauduleuses destinées à établir la réalité et l'utilité de la société Jival, si bien que les sociétés Hochard et Plastherm continuaient de facturer leurs livraisons, non à Mauser mais aux sociétés écrans, qui n'avaient d'autre activité que d'émettre des factures à Mauser pour des produits que ces entreprises n'avaient ni réceptionnés, ni fabriqués, ni livrés :


comme Jean E... était le véritable "patron" de ces sociétés, il s'est incontestablement fait délivrer des fonds et, par ce moyen, a escroqué l'argent de la société Mauser ;


"alors que le fait de présenter le gérant de droit d'une société, sans préciser qu'il s'agit d'un prête-nom constitue un simple mensonge par réticence insusceptible en tant que tel à lui seul de caractériser la manoeuvre frauduleuse constitutive de délit d'escroquerie ;


"alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées, Jean E... faisait valoir "qu'il n'y a pas de fausse entreprise puisque Jival a reçu une nouvelle commande de la société Mauser correspondant à une activité réelle durant la même période et qu'il est ainsi largement prouvé que la société avait une activité et qu'elle ne se contentait pas d'émettre des factures" et qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions du demandeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;


Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour Jacqueline D... et pris de la violation des articles 59, 60 et 405 du Code pénal ancien, 121-7 et 313-1 du nouveau Code pénal, 437 et 464 de la loi du 24 juillet 1966, 591 et 593 du nouveau Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Jacqueline D... coupable de complicité d'abus de biens sociaux et d'escroquerie reprochés à Jean E... ;


"aux motifs qu'il convient de rappeler qu'elle a été la compagne de Jean E... et sa secrétaire;


qu'elle occupait en dernier lieu, avant sa mise à la retraite, les fonctions de secrétaire générale de la société Mauser;


que sa complicité est manifeste :


qu'elle a assisté Jean E... tant dans la mise en place de la sous-traitance et le fonctionnement des sociétés écrans que dans la participation aux bénéfices détournés;


qu'elle était ainsi à même de connaître l'importance du préjudice financier qu'elle contribuait à générer et dont elle tirait directement profit par l'attribution de parts de sociétés;


qu'elle a participé à la création de la société RMFI en y associant dans un premier temps sa mère et un ami pour en devenir personnellement associée dans le capital...;


qu'elle employait les mêmes personnes pour créer la société Zerdamat, dont elle est devenue ensuite la gérante;


que, pour mettre au point la société Jival, elle a fait appel à son neveu ainsi qu'à un ami commun à Jean E...;


qu'au cours de la procédure, elle a reconnu qu'elle vérifiait tous les paiements, qu'elle soumettait l'ensemble des documents sociaux établis par Jean E... aux associés et dirigeants fictifs et qu'elle avait procuration sur les comptes RMFI et Jival et ainsi qu'elle émettait des chèques au profit des sociétés Plasthermes et Hochart;


que ses comportements dénotent une complicité particulièrement active et les proches collaborateurs de Jean E... précisent qu'ils travaillaient tous deux la main dans la main;


qu'elle a, d'ailleurs, déclaré lors de son interrogatoire le 18 mai 1992 : "J'ai toujours agi consciemment" ;


"alors que, pour être constitutifs de complicité, les actes d'aide ou d'assistance doivent avoir été commis sciemment, autrement dit en connaissance de l'infraction projetée par l'auteur principal, ce qui ne se trouve nullement caractérisé en l'espèce où :


- d'une part, la Cour, en l'état de ses énonciations, ne relève aucun élément de fait permettant de déduire que Jacqueline D..., en participant à la création des diverses sociétés intermédiaires, ait eu connaissance de ce que celles-ci n'avaient d'autre finalité que d'émettre des factures à la société Mauser en réalisant des marges bénéficiaires pour des produits qu'elles n'avaient ni fabriqués, ni réceptionnés, ni livrés, leur permettant ainsi de réaliser des profits au détriment de la société Mauser et n'a donc pas, en l'état de cette totale insuffisance de motifs, légalement justifié sa déclaration de culpabilité ;


- et où, d'autre part, la Cour a laissé sans réponse les arguments péremptoires des conclusions de Jacqueline D... faisant valoir que ses attributions en matière de comptabilité consistaient en une vérification des paiements et aucunement en un contrôle des prix et que, par ailleurs, ignorant que les moules n'étaient pas la propriété des sociétés RMFI puis Jival, les relations avec ces dernières ne révélaient pas d'anomalies apparentes puisque conformes aux décisions prises par le conseil de surveillance de la société Mauser Emballages confirmant les instructions données par la maison mère qui recherchait à s'approvisionner sur le marché national et le fait que les prix pratiqués par les sociétés susvisées étaient inférieurs à ceux de la concurrence, ensemble de circonstances de nature à exclure la mauvaise foi de Jacqueline D..." ;


Les moyens étant réunis ;


Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les infractions dont elle a déclaré les prévenus coupables ;


D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoire débattus, ne sauraient être admis ;


Sur le second moyen de cassation, proposé pour la société Mauser Emballages et pris de la violation des articles 59, 60 et 4054 du Code pénal, 121-6, 121-7 et 313-1 du nouveau Code pénal, 437 et 457 de la loi du 24 juillet 1966, 591 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Raymond Baumann-Herrmann, commissaire aux comptes, des chefs de complicité d'abus de biens sociaux et d'escroquerie et de non-révélation de faits délictueux ;


"aux motifs que Raymond X... ne passait que quelques heures par an dans la société Mauser, pour accomplir sa mission de commissaire aux comptes;


qu'il reconnaît ses torts d'avoir cru sur parole Jean E..., Jacqueline D... et M. A..., expert-comptable de la société;


que ce dernier avait pourtant attiré son attention sur le compte Jival, mais il n'y avait pas cru et n'avait pas vérifié, en raison des liens anciens de travail en commun qui l'unissaient à Jean E..., puisque tous deux avaient longtemps auparavant travaillé dans le même cabinet comptable;


qu'il reconnaît sa responsabilité civile, mais manquent au dossier l'acte positif qui caractérise l'élément matériel de complicité du délit d'abus de biens sociaux et d'escroquerie et l'élément intellectuel qui est la volonté de participer à leur commission;


qu'en aucun cas et à aucun moment, il ne peut être considéré, au sens pénal du terme, comme le complice d'agissements dont il a tout ignoré;


que, de même, le délit de non-révélation au procureur de la République de faits délictueux, aucune mauvaise foi ni aucune dissimulation ne peuvent lui être imputées ;


"alors, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait pas sans contradiction retenir d'un côté que Raymond X... avait cru sur parole M. A..., l'expert-comptable, et avait tout ignoré des agissements délictueux, et, de l'autre côté, que M. A... avait attiré l'attention du commissaire aux comptes sur le compte d'une société écran et que ce dernier ne l'avait pas cru ;


"alors, d'autre part, que se rend complice des abus de biens sociaux et de l'escroquerie commis par un dirigeant social, le commissaire aux comptes qui, averti par l'expert-comptable des irrégularités du compte d'un des fournisseurs de la société - l'une des sociétés écrans créées par le dirigeant - persiste à certifier les comptes sociaux sans les vérifier et sans pratiquer le moindre contrôle ;


"alors, enfin, que se rend coupable du délit de non-révélation de faits délictueux, le commissaire aux comptes qui, averti d'irrégularités susceptibles de constituer des délits, ne se livre à aucun contrôle et ne saisit pas le parquet" ;


Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du second degré ont, sans insuffisance ni contradiction, exposé les motifs pour lesquels ils ont estimé que la preuve des délits reprochés n'était pas rapportée à la charge de Raymond Baumann-Herrmann, commissaire aux comptes de la société Mauser Emballages, en l'état des éléments soumis à leur examen ;


Que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;


Mais sur le dixième moyen de cassation, proposé pour Jean E... et pris de la violation des articles 112-1, alinéa 3, et 131-27 du Code pénal ;


"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de Jean E... une peine complémentaire d'interdiction de gérer pendant 10 ans ;


"alors que, par application des dispositions de l'article 112-1, alinéa 3, du Code pénal "les dispositions pénales nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes";


que, selon l'article 131-27 du Code pénal, l'interdiction d'exercer une activité professionnelle, lorsqu'elle est prononcée à titre temporaire, ne peut excéder une durée de 5 ans et que, dès lors, en prononçant la peine de 10 ans d'interdiction de gérer telle que prévue par l'article 405-3 de l'ancien Code pénal, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé en sorte que la cassation est encourue" ;


Et sur le cinquième moyen de cassation, proposé pour Jacqueline D... et pris de la violation des articles 111-2, 111-3, 131-6, 131-27, 131-28 et 313-7 du nouveau Code pénal, 464 de la loi du 24 juillet 1966, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a prononcé à l'encontre de Jacqueline D..., déclarée coupable de complicité d'abus de biens sociaux et d'escroquerie, une peine complémentaire d'interdiction de gérer pendant 10 ans ;


"alors qu'aux termes de l'article 131-27 nouveau du Code pénal, une telle interdiction, lorsqu'elle est prononcée à titre temporaire, ne saurait excéder une durée de 5 ans, de sorte que la condamnation ainsi prononcée à l'encontre de Jacqueline D..., qui excède le maximum légal autorisé, est par là même totalement privée de base légale" ;


Les moyens étant réunis ;


Vu les articles 313-7 et 131-27 nouveaux du Code pénal ;


Attendu que, selon ces textes, l'interdiction d'exercer une activité professionnelle, lorsqu'elle est prononcée à titre temporaire ne peut excéder une durée de 5 ans;


que ces dispositions, plus douces que la loi ancienne, sont applicables aux procédures en cours ;


Attendu qu'après avoir déclaré Jean E... et Jacqueline D... coupables d'escroquerie et de complicité de ce délit, l'arrêt attaqué a prononcé à leur égard, pour une durée de 10 ans, l'interdiction de gérer une société ;


Mais attendu que si, en cas de condamnation pour les infractions qu'il énumère, l'article 6 du décret-loi du 8 août 1935 entraîne, de plein droit, une interdiction de gérer une société, laquelle est d'une durée illimitée, les juges, lorsqu'ils prononcent cette peine, en application de l'article 313-7 du Code pénal, ne peuvent excéder le maximum fixé par l'article 131-27 du même Code ;


D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;


Et sur le neuvième moyen de cassation, proposé pour Jean E... et pris de la violation de l'article 112-1 du Code pénal, ensemble violation des principes généraux du droit ;


"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre du demandeur la privation des droits civils et civiques pendant 3 ans prévue à l'article 131-26, 1°, 2°, 3° et 4° du Code pénal ;


"alors qu'aux termes de l'article 112-1, alinéa 2, du Code pénal, peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis;


qu'à la date des faits poursuivis, l'article 131-26 du Code pénal relatif à l'interdiction des droits civiques, civils et de famille n'était pas en vigueur;


que ces dispositions comprises au 3° sont plus larges que les dispositions de l'article 42 de l'ancien Code pénal qu'elles remplacent et que, dès lors, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans méconnaître les dispositions impératives de l'article 112-1 du Code pénal prononcer à l'encontre de Jean E... l'interdiction "d'exercer une fonction juridictionnelle ou d'être expert devant une juridiction, de représenter ou d'assister une partie devant la justice"" ;


Et sur le même moyen relevé d'office en faveur de Jacqueline D... ;


Vu l'article 112-1 du Code pénal ;


Attendu que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont été commis;


qu'une loi édictant une peine complémentaire nouvelle ne peut s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur ;


Attendu que les juges du second degré, après avoir déclaré Jean E... et Jacqueline D... coupables, le premier, pour faux et usage, abus de biens sociaux et escroquerie, et la seconde, pour complicité d'abus de biens sociaux et d'escroquerie, commis de 1987 à 1990, les ont condamnés notamment, pour une durée de 3 ans, à la peine complémentaire de "l'interdiction des droits visés aux 1°, 2°, 3° et 4°, de l'article 131-26 du Code pénal" ;


Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que cette dernière disposition, qui porte notamment sur le droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, n'est entrée en vigueur que le 1er mars 1994 et que ce droit n'était pas compris dans ceux énumérés par l'article 42 du Code pénal alors applicable, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;


Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;


Et sur le premier moyen de cassation, proposé pour la société Mauser Emballages et pris de la violation des articles 2, 3, 8 et 591 du Code de procédure pénale, 437 de la loi du 24 juillet 1966, défaut de motifs et manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Jean E... et Jacqueline D... pour les abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Mauser de 1981 au 30 mars 1987 et a, en conséquence, limité la responsabilité civile des prévenus aux abus de biens sociaux commis après le 30 mars 1987 et restreint la mission de l'expert, chargé de déterminer le préjudice subi par la partie civile, aux abus de biens sociaux commis entre le 30 mars 1987 et le 30 mars 1990 ;


"aux motifs qu'aucun problème de prescription ne se pose pour les faux et usage de faux et pour l'escroquerie, qui concerne les trois années précédant le dépôt de plainte du nouveau président du directoire, M. Z..., le 18 octobre 1991;


qu'en revanche, c'est à juste titre que Jean E... invoque la prescription, à son profit, pour le délit d'abus de biens sociaux;


qu'en effet, il est de jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de Cassation que le délai de 3 ans de la prescription de l'action publique, pour les délits, est retardé pour les abus de biens sociaux jusqu'à ce que puisse apparaître, aux yeux des victimes, la réalité du délit;


que ce n'est qu'après le départ, le 30 mars 1990, de Jean E..., que ses successeurs ont mis en oeuvre des procédures approfondies pour établir leur préjudice, à la suite, d'ailleurs, des révélations de M. B... ;


que, dans ces conditions, la prescription de l'action publique remontera 3 ans avant le 30 mars 1990, soit au 30 mars 1987;


que toute la période antérieure à cette date étant considérée comme prescrite et Jean E... sera relaxé pour les faits qui lui sont reprochés de 1971 au 30 mars 1987, pour le délit d'abus de biens sociaux" ;


Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;


Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision;


que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;


Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;


Que, dès lors, la cassation est de nouveau encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le onzième moyen de cassation proposé pour Jean E... et portant sur l'action civile,


I - Sur les pourvois formés par Jean E... et Jacqueline D... contre les arrêts de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens du 18 février 1994 :


Les REJETTE ;


II - Sur les pourvois formés par Jean E... et Jacqueline D... contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 29 février 1996 :


CASSE et ANNULE ledit arrêt, par voie de retranchement, en ses dispositions ayant prononcé contre Jean E... et Jacqueline D... la privation du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice ;


CASSE et ANNULE ledit arrêt, en ce qu'il a prononcé à l'égard de Jean E... et Jacqueline D... l'interdiction de gérer une société pour une durée de 10 ans ;


III - Sur le pourvoi de la société Mauser Emballages contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 29 février 1996 :


CASSE et ANNULE ledit arrêt, en ses dispositions civiles, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;


RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;


ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;


Avocat général : M. Amiel ;


Greffier de chambre : Mme Nicolas ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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