10 avril 1995
Cour de cassation
Pourvoi n° 94-82.535

Chambre criminelle

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix avril mil neuf cent quatre vingt quinze, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de Me DEVOLVE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;


Statuant sur le pourvoi formé par :


- DUFORT Bertrand contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 29 mars 1994, qui, pour imposition d'un prix de revente minimal, l'a condamné à 30 000 francs d'amende ;

Vu le mémoire produit ;


Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963 et de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bertrand Dufort, président de la société anonyme des fermiers réunis (SAFR), coupable d'imposition d'un prix de revente minimum du produit "Brie Roitelet" par la société Auchan ;


"aux motifs que, abstraction étant faite par la Cour de l'argumentation portant sur la nature même de la rémunération supplémentaire de 12 francs accordée à la société Auchan, qui est sans incidence sur l'infraction poursuivie qui ne vise pas un défaut de facturation ou de revente à perte, force était de constater qu'il avait pris soin, à l'occasion de l'accord commercial passé entre les sociétés SAFR et Auchan, de quantifier vis-à -vis de cette dernière et d'arrêter à hauteur de 27,15 francs le prix minimal de revente, que les indications données impérativement en ce sens par la SAFR dans son télex du 13 octobre 1989, en des termes dépourvus de toute ambiguïté, signaient la volonté arrêtée de la direction de la SAFR d'imposer en l'occurrence, et en prenant le biais d'une définition du seuil de revente à perte, le prix minimal de revente de son produit par Auchan ;


"alors que, dans son télex du 13 octobre 1989, qui exposait les remises et les ristournes différées accordées à la société Auchan, la SAFR écrivait que le prix de vente au consommateur (PVC) "sera supérieur ou égal à 27,15 francs" ;


que, dans ses conclusions, cette société avait démontré que, si on déduisait du prix du tarif le montant des remises et ristournes différées, le seuil de revente à perte (ou prix d'achat effectif), au dessous duquel Auchan s'exposait à la prohibition édictée par l'article 32 de l'ordonnance précitée (article 1er de la loi du 2 juillet 1963), était précisément de 27,15 francs le kg ;


que la Cour ne pouvait répondre à ce moyen en se contentant d'affirmer que la SAFR avait imposé un prix minimal de revente par le biais d'une définition du seuil de revente à perte ;


et qu'elle aurait au contraire dû rechercher si les remises et les ristournes accordées n'avaient eu pour effet de ramener le prix d'achat effectif du produit par la société Auchan au montant de 27,15 francs le kg, indiqué dans le télex, auquel cas l'infraction poursuivie, consistant en l'imposition d'un prix minimal de revente, n'était pas constituée" ;


Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société dont Bertrand Dufort est le président du conseil d'administration a offert à une chaîne d'hypermarchés, dans le cadre d'une opération publicitaire d'une durée limitée, une réduction de prix promotionnelle de 8,23 francs par kilogramme sur le prix d'un produit, ainsi qu'un "avantage différé" de 12 francs par colis pour toute commande supérieure à 60 colis par magasin à titre de participation à la publicité du produit, en spécifiant que cet avantage financier supplémentaire ne pourrait en aucun cas être réintégré dans le calcul du prix de vente au consommateur, qui devait être supérieur ou égal à 27,15 francs ;


Attendu que, pour déclarer le demandeur coupable du délit d'imposition d'un caractère minimal au prix de revente d'un produit, prévu par l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la cour d'appel énonce que "les indications données impérativement en ce sens par la société, en des termes dépourvus de toute ambiguïté et ne comportant aucune réserve, ne serait-ce que pour respecter l'autonomie du distributeur, signent, nonobstant les protestations de bonne foi de X..., la volonté de la direction de la société d'imposer, en prenant le biais d'une définition du seuil de revente à perte, le prix minimal de revente de son produit" ;


Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, il appartient au seul distributeur de déterminer, sous sa propre responsabilité, le prix minimal de revente du produit au consommateur, et que, d'autre part, l'avantage accordé par le fournisseur à titre de participation publicitaire n'est exclu du calcul de ce prix que dans la mesure où il correspond effectivement à des services spécifiques, conformément à l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les juges du second degré ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ;


D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;


Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;


Où étaient présents : M. Gondre conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Roman conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Pibouleau, Grapinet conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme Mouillard, MM. Poisot, de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Dintilhac avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; 1 1

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