13 juin 2007
Cour de cassation
Pourvoi n° 04-44.551

Chambre sociale

Texte de la décision

Vu la connexité, joint les pourvois n° G 44.44-551 et N 04-45.360 ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 avril 2004), que M. X... a été engagé verbalement le 4 août 1997 en qualité de coursier par la société Défense 2000 ; qu'il percevait une rémunération composée d'une partie fixe égale au salaire minimum garanti et d'une partie variable intitulée "prime d'efficacité et prime d'activité" calculée en fonction du nombre de bons ou unités accumulés au cours du mois par le salarié ; que M. X... a démissionné le 21 mars 2000 ; qu'estimant que ce système de prime par bons portait atteinte à la sécurité des coursiers et était illégal comme contraire à l'article 14 de l'annexe I de la convention collective nationale des transports routiers portant dispositions particulières aux ouvriers et prohibant les clauses contractuelles de rémunération principale ou accessoire de nature à compromettre la sécurité, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes salariales ; que le syndicat CGT des coursiers et personnel des sociétés de transport léger du 17e arrondissement de Paris est intervenu volontairement à ses côtés à l'instance ;


Sur le premier moyen :


Attendu que la société Défense 2000 fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... des sommes à titre de rappel de salaires, au titre des congés payés afférents, ainsi qu'à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles et d'avoir débouté l'employeur de ses demandes en remboursement des primes perçues par le salarié, alors, selon le moyen :


1 / que l'article 14 de l'annexe 1 de la convention collective des transports routiers portant dispositions particulières aux ouvriers dispose que "Dans un but de sécurité, les contrats de travail ne pourront contenir de clause de rémunération principale ou accessoire de nature à compromettre la sécurité, notamment par incitation directe ou indirecte au dépassement de la durée du travail ou des temps de conduite autorisés, tel que l'octroi de primes ou de majorations de salaire en fonction des distances parcourues et/ou du volume de marchandises transportées" ;


que seules les clauses contractuelles de rémunération peuvent être censurées au visa de l'article conventionnel ; qu'il n'était pas contesté que la prime variable d'activité litigieuse trouvait sa source dans un usage collectif ; qu'en la censurant au visa de l'article 14 de la convention collective susvisée, la cour d'appel a violé par fausse application l'article précité, ensemble l'article 1134 du code civil ;


2 / qu'à supposer que la prime litigieuse puisse se voir opposer le principe posé par l'article 14 de l'annexe 1 de la convention collective des transports routiers portant dispositions particulières aux ouvriers et prohibant les clauses contractuelles de rémunération principale ou accessoire de nature à compromettre la sécurité, la société Défense 2000 avait fait valoir dans ses écritures que tel n'était pas le cas de la prime variable d'activité versée à M. X... dès lors que d'une part, elle ne dépendait pas avant tout de l'activité du coursier mais de l'organisation générale de l'acheminement des plis en fonction des demandes des clients et de la localisation géographique des différents coursiers et que d'autre part, elle n'incitait pas au dépassement de la durée du travail ; que la cour d'appel qui n'a pas répondu aux écritures de la société Défense 2000, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;


3 / que la constatation de l'illicéité d'une prime qui trouve sa source dans un usage ne peut entraîner sa réintégration rétroactive dans le contrat de travail et plus spécifiquement dans le salaire fixe déterminé entre les parties ; qu'une telle intégration emporte modification du contrat de travail, et notamment de la structure de la rémunération dès lors qu'elle modifie le taux horaire, et est subordonnée à l'accord exprès des parties au contrat ; que les juges du fond ne peuvent modifier rétroactivement les dispositions d'un contrat de travail ; que la cour d'appel, qui a procédé à l'intégration de la prime dans le salaire fixe de M. X... a méconnu son office et violé les articles 1134 du code civil, L. 121-1 et L. 122-4 du code du travail ;


Mais attendu qu'aux termes de l'article 14 du chapitre II de la convention collective des transports routiers, dans sa rédaction résultant d'un avenant du 22 juillet 1992, dans un but de sécurité, les contrats de travail ne pourront contenir de clause de rémunération de nature à compromettre la sécurité, notamment par incitation directe ou indirecte au dépassement de la durée du travail ou des temps de conduite autorisés, tel que l'octroi de primes ou de majorations de salaire en fonction des distances parcourues et/ou du volume des marchandises transportées ;


Et attendu, d'abord, qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que l'attribution d'une course à tel coursier de l'entreprise dépendant notamment de sa disponibilité et de la rapidité du service donné au client, le principe d'une rémunération variable en fonction du nombre d'unités de course obtenues incitait l'intéressé à réaliser les livraisons qui lui étaient confiées en un minimum de temps aux fins d'en effectuer le plus grand nombre possible pour augmenter le montant de ses primes, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, en a déduit à bon droit qu'un tel mode de rémunération, de nature à compromettre la sécurité, était prohibé par l'article 14 de l'annexe 1 de la convention collective nationale des transports routiers ;


Attendu, ensuite, qu'elle a exactement décidé, sans encourir les griefs de la dernière branche du moyen et tirant les conséquences de l'illicéité du mode de rémunération appliqué au salarié, que sa rémunération devait être recalculée par intégration des primes litigieuses dans la partie fixe du salaire et application du taux horaire le plus élevé ;


Sur le deuxième moyen :


Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;


Sur le troisième moyen :


Attendu que la société Défense 2000 fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une certaine somme à titre de rappel d'indemnité de repas, alors, selon le moyen, que l'article 3 du protocole d'accord du 31 avril 1974 conclu en application de l'article 10 de l'annexe 1 de la convention collective des transports routiers portant dispositions particulières aux ouvriers subordonne le versement d'une indemnité unique de repas à la condition que le personnel, en raison d'un déplacement professionnel, soit obligé de prendre un ou plusieurs repas hors de son lieu de travail lorsque l'amplitude de service couvre entièrement les périodes comprises soit entre 11 heures 45 et 14 heures 15, soit entre 18 heures 45 et 21 heures 15 ; que la société Défense 2000 avait fait valoir dans ses écritures que M. X... n'avait jamais travaillé de façon continue entre 11 heures 45 et 14 heures 15 et bénéficiait d'ailleurs d'une pause déjeuner obligatoire d'au minimum 30 minutes comprise dans cette tranche horaire ; que la cour d'appel qui n'a pas recherché si la pause obligatoire comprise dans la tranche horaire litigieuse n'excluait pas de facto que l'amplitude du service du salarié puisse couvrir entièrement la période comprise entre 11 heures 45 et 14 heures 15, a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 4 du protocole d'accord du 31 avril 1974 conclu en application de l'article 10 de l'annexe 1 de la convention collective des transports routiers portant dispositions particulières aux ouvriers ;


Mais attendu que selon les articles 3, alinéa 1er, et 4 du protocole d'accord du 30 avril 1974 annexé à la convention collective nationale des transports routiers, le personnel ouvrier qui est appelé à faire des déplacements dans la zone de camionnage autour de Paris et qui se trouve obligé de prendre un ou plusieurs repas hors de son lieu de travail, perçoit une indemnité de repas unique ;


Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le salarié effectuait une activité de "course à course" dans la zone de camionnage autour de Paris et qu'il ne pouvait prendre ses repas sur son lieu de travail, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE les pourvois ;


Condamne la société Défense 2000 aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille sept.

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