26 novembre 2003
Cour de cassation
Pourvoi n° 01-11.784

Chambre commerciale financière et économique

Texte de la décision

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mars 2001), que la société V4, aux droits de laquelle est la société ICE, qui exploitait un site de messagerie accessible par le code télématique 3615 Tara, a déposé, le 16 janvier 1996, la marque dénominative "Tara", enregistrée sous le n° 96.606.326 pour désigner notamment des produits et services de communication par terminaux d'ordinateurs et de programmation par ordinateurs ; qu'elle a été poursuivie en contrefaçon de marque par la société Altitec, titulaire de la marque "Tara" déposée le 30 juillet 1992, enregistrée sous le n° 92.428.941 afin de désigner des équipements pour le traitement de l'information et des ordinateurs et la programmation pour ordinateur ; que la cour d'appel a accueilli la demande, et écarté les demandes reconventionnelles tirées de l'usage antérieur du signe "Tara" par la société V4 ;


Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :


Attendu que la société ICE fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en nullité de la marque "Tara" enregistrée par la société Altitec, d'avoir dit que cette marque avait été contrefaite, d'avoir annulé le dépôt de la marque "Tara" par la société V4, et de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :


1 / que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment à un nom commercial ou à une enseigne ; que la constitution d'un droit antérieur ne suppose pas un usage constant ; qu'en jugeant que la dénomination Tara n'était pas indisponible au 30 juillet 1992, parce que la société ICE ne justifiait pas de son usage en 1991 et 1992, la cour d'appel a ajouté à l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle une condition qu'il ne comporte pas et violé ce texte ;


2 / qu'un code d'accès télématique, qui permet d'accéder à un service minitel, mais sert également à l'identifier et à le désigner aux yeux du public, en constitue l'enseigne ; qu'en jugeant qu'il s'agissait d'une marque d'usage, qui n'entrerait pas dans les prévisions de l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a violé les dispositions de ce texte ;


Mais attendu, d'une part, que la société ICE ayant soutenu dans ses conclusions d'appel que le rejet de la demande adverse devait résulter de ce que le code 3615 Tara avait bien été exploité de façon continue, à partir de 1990, par GTS puis par Femisport, aux droits desquelles elle se trouvait, elle n'est pas recevable à défendre devant la Cour de Cassation une thèse contraire à ces écritures ;


Et attendu, d'autre part, que l'arrêt se fonde, non sur les motifs prétendument adoptés, qualifiant le sigle 3615 Tara de marque d'usage, mais sur des motifs, contraires, qualifiant ce sigle de dénomination indisponible en raison de son usage antérieur ;


D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, manque en fait en la seconde ;


Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :


Attendu que la société ICE fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait commis, ainsi que la société V4, des actes de contrefaçon de la marque Tara, enregistrée sous le n° 92.428.941, d'avoir annulé le dépôt de la marque Tara enregistrée sous le n° 96.606.326, de l'avoir condamnée à des dommages-intérêts, tant en son nom personnel qu'à raison de l'absorption de la société V4, et d'avoir ordonné la publication de la décision, alors, selon le moyen :


1 / que la contrefaçon est une atteinte portée au monopole d'exploitation du titulaire d'une marque ; que la reproduction, sans usage ni apposition d'une marque préexistante, suppose la volonté d'imiter cette marque ; que le seul dépôt d'une marque identique, qui n'est suivi d'aucun usage, ne constitue donc pas une reproduction contrefaisante ; qu'en jugeant que la société V4 avait commis un acte de contrefaçon de la marque Tara enregistrée sous le n° 92.428.941, en faisant enregistrer une marque Tara sous le n° 96.606.326, la cour d'appel a violé les articles L. 716-1 et L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle ;


2 / qu'en tout état de cause, un tel dépôt ne cause aucun préjudice au titulaire de la marque première ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors condamner la société V4 à payer des dommages et intérêts à la société Altitec pour avoir déposé la marque Tara ; qu'en jugeant le contraire, elle a violé l'article 1382 du Code civil ;


3 / que l'usage d'une marque n'est contrefaisant qu'à la condition d'être fait pour des produits identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; que le code télématique 3615 Tara n'avait été utilisé par les sociétés ICE et V4 que pour désigner une messagerie conviviale ; que la cour d'appel, qui a considéré que l'identité des signes pouvait entraîner un confusion dans l'esprit du public, sans rechercher si ce produit était identique ou similaire à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque Tara, a privé sa décision de toute base légale au regard des article L. 716-1, L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;


Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient à bon droit que le dépôt de la marque seconde constitue un acte d'usage non autorisé de la marque première, et par là-même un acte de contrefaçon par usage non autorisé, portant préjudice au premier déposant ;


Et attendu, en second lieu, qu'en retenant que les services télématiques, et de télécommunications, et la communication par terminaux d'ordinateurs, visés dans l'enregistrement de la marque seconde, mettent en oeuvre des équipements pour le traitement de l'information, pour en déduire qu'il s'agit de services similaires, la cour d'appel s'est livrée à la recherche prétendument omise ;


D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société ICE aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à la société Altitec la somme de 1 800 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille trois.

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