18 février 2004
Cour de cassation
Pourvoi n° 00-10.512

Chambre commerciale financière et économique

Texte de la décision

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Paris, 28 juin 1999), que M. et Mme X... de Y... et les associés de la société Lasaygues et de Y... ont, le 12 avril 1991, cédé aux sociétés Grison et Risk factoring international (les cessionnaires) la totalité des parts qu'ils détenaient dans ces sociétés au prix tenant compte de la valeur de la clientèle calculée sur la base des commissions de l'année civile 1990, affectées de coefficients de valorisation ; que les sociétés cessionnaires, condamnées en référé à payer une provision sur le prix de cession, ont assigné M. X... de Y... aux fins d'obtenir l'annulation de la cession de parts pour dol et la mise en jeu de la garantie d'éviction ; que Mme X... de Y... et la société civile immobilière JHML La Fayette, caution hypothécaire d'un prêt consenti par la banque Monod à la société Laysagues et de Y..., sont intervenues volontairement en cause d'appel ; que la cour d'appel, après avoir constaté que les cessionnaires soutenaient souffrir d'une éviction, au motif que la clientèle et le chiffre d'affaires de la société Lasaygues et de Y... n'auraient pas été conformes aux éléments chiffrés retenus lors de la détermination du prix de cession, a rejeté leurs demandes au titre de la garantie d'éviction, ainsi que celles de Mme X... de Y... et de la société JHML La Fayette ;


Sur le moyen unique du pourvoi principal pris en ses trois branches :


Attendu que les sociétés cessionnaires font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :


1 ) qu'est tenu à garantie d'éviction le vendeur des parts d'une société de courtage en assurances qui a dissimulé à son acquéreur la valeur réelle de la clientèle de cette société ; que sa garantie joue dès lors que l'acquéreur ne peut jouir que d'une partie du portefeuille promis par le vendeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1626 et 1628 du Code civil ;


2 ) que dans leurs conclusions d'appel récapitulatives, elles se prévalaient explicitement, à l'appui de leurs demandes, d'une "tromperie sur le prix" de la part du vendeur, et concluaient qu'elles avaient été volontairement trompées sur la valeur des parts sociales ;


qu'en énonçant qu'elles invoquent "uniquement" la garantie d'éviction due par le vendeur, la cour d'appel a méconnu le cadre des débats et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;


3 ) qu'en tout état de cause, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en aurait proposé ; qu'il peut relever d'office les moyens de pur droit quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties ; qu'en ne recherchant pas si la tromperie du vendeur sur la valeur réelle de la clientèle, qui avait été retenue par le jugement infirmé sur la foi d'un rapport d'expertise, n'était pas constitutive d'un dol, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1116 du Code civil et de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;


Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel qui n'était plus saisie d'une demande de nullité de cession parts, n'a pas méconnu les termes du litige, peu important que les cessionnaires aient exposé dans leurs conclusions d'appel des faits de tromperie et de falsifications ;


Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel n'était pas tenue de rechercher si la demande aurait pû être fondée en application de dispositions de l'article 1116 du Code civil invoqué devant les premiers juges et non devant elle ;


Attendu, en troisième lieu, que, dès lors que la garantie d'éviction ne peut jouer que dans les cas où l'éviction trouble l'objet même de la vente rendant impossible la poursuite de l'activité sociale ou la réalisation de l'objet social et qu'il n'était établi par aucune pièce produite que la réalisation de l'objet social s'avérait impossible, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le fait que la valeur de la clientèle cédée serait inférieure à celle portée à l'acte de cession était inopérant sous l'angle de la garantie d'éviction ;


D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;


Sur le premier moyen du pourvoi incident :


Attendu que M. X... de Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation des cessionnaires au paiement de la somme de 45 224 francs, au titre de son compte-courant d'associé alors, selon le moyen qu'il avait fait valoir que les cessionnaires s'étaient engagées à rembourser le compte-courant d'associé, en vertu des stipulations de l'article 4 de la convention du 12 avril 1991, et que les deux bilans communiqués par les parties ne présentaient aucune divergence sur le montant comptabilisé au titre du compte courant, dont le remboursement n'avait jamais été contesté par les sociétés cessionnaires ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de remboursement de compte-courant d'associé, s'est bornée à retenir que la somme réclamée était incluse dans le montant des dettes venu en diminution du prix de cession, sans s'expliquer sur l'absence de contestation des parties sur le principe et sur le montant de la créance de remboursement du compte-courant, n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;


Mais attendu, qu'ayant relevé que l'article 4 de l'acte de cession de parts sociales prévoyait que le prix de cession était diminué de 2 940 000 francs, représentant les dettes figurant dans l'extrait de compte provisoire au 31 décembre 1990 annexé y compris les comptes courants des associés, la cour d'appel a, à bon droit, décidé, en application de cette clause, que la somme réclamée au titre du compte courant était incluse dans le montant des dettes venu en diminution du prix de cession ; que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le deuxième moyen du pourvoi incident :


Attendu que Mme X... de Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation des cessionnaires au paiement d'une somme de 55 721 francs, au titre des frais de caution bancaire, alors selon le moyen que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la cour d'appel, qui l'a débouté de sa demande, en retenant qu'aucune pièce ne venait étayer ses prétentions, sans s'expliquer sur le bilan de la SARL Lasaygues & de Y... au 31 décembre 1990, la caution bancaire n 258 de la banque Oppenheim Pierson en date du 2 octobre 1989, et la note de débit de la banque Oppenheim Pierson, invoquées par elle, a violé les articles 455 du nouveau Code de procédure civile et 1353 du Code civil ;


Mais attendu qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, qu'aucune pièce n'étayait les prétentions de Mme X... de Y..., l'arrêt n'encourt pas ces griefs du moyen ;


Sur le troisième moyen du pourvoi incident :


Attendu que M. et Mme X... de Y... et la SCI JHML La Fayette font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en paiement de dommages-intérêts, alors selon le moyen, que les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci lorsqu'elle leur a causé un dommage ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la SCI JHML La Fayette, s'est fondée sur l'absence de preuve de la mauvaise foi ou de la témérité des sociétés Grison et Boiry et Risk factoring international, cessionnaires de parts sociales s'étant engagées à rembourser un prêt affecté d'une garantie hypothécaire sur un bien appartenant à la société civile immobilière, sans rechercher si l'inexécution par les sociétés cessionnaires de leurs obligations n'avait pas causé un préjudice à la SCI JHML La Fayette, tiers à la cession, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;


Mais attendu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de leurs conclusions qu'ils aient soutenu devant la cour d'appel les prétentions fondées sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, qu'ils font valoir au soutien de ce moyen ; que celui-ci est donc nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable ;


Sur le quatrième moyen du pourvoi incident :


Attendu que M. X... de Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejet sa demande de paiement d'une somme de 80 724 francs au titre du résultat bénéficiaire de l'exercice 1990 due en vertu de l'acte de cession, alors, selon le moyen que l'existence de ce résultat bénéficiaire de 80 724 francs n'était pas contesté et que la cour d'appel ne pouvait se contenter de vérifier quelle était l'incidence de l'impôt sur les sociétés ;


qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc violé l'article 1134 du Code civil ;


Mais attendu, que l'arrêt retient que si l'article 10 de l'acte de cession prévoyait que le solde positif du compte d'exploitation serait reversé aux cédants par virement à leur compte courant, après avoir provisionné le compte "impôts sur les sociétés" correspondant, M. X... de Y... n'établit pas l'existence d'un solde disponible ;


qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;


Et sur les cinquième et sixième moyens du pourvoi incident, réunis :


Attendu que les époux X... de Y... et la SCI La Fayette font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes de dommages-intérêts dirigées contre les sociétés cessionnaires, alors selon le moyen :


1 ) que la cour d'appel a considéré que les demandes de ces sociétés, tendant à la restitution du prix de cession des parts de la société Lasaygues et de Y... étaient injustifiées et qu'elle aurait donc dû rechercher si le refus des sociétés cessionnaires de payer le prix de cession n'avait pas causé un préjudice aux cédants ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc violé l'article 1147 du Code civil ;


2 ) que la cour d'appel a considéré que la demande de ces sociétés tendant à la restitution du prix de cession des parts de la société Lasaygues et de Y... étaient injustifiée et qu'elle aurait donc dû rechercher si le refus des sociétés cessionnaires de payer le prix de cession n'avait pas causé de préjudice à la société JHLM La Fayette, qui avait consenti un hypothèque en garantie du prêt accordé à la société Lasaygues et de Y..., que les cessionnaires s'étaient engagés à rembourser et qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc violé l'article 1147 du Code civil ;


Mais attendu, que dès lors que les cessionnaires ont été condamnés à payer aux cédants une somme provisionnelle assortie des intérêts sur le prix de cession, la cour d'appel qui relève que les sociétés cessionnaires n'ont pas agi de mauvaise foi ou témérairement en sollicitant la restitution du prix de cession, a légalement justifié sa décision ; que le moyen nest pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident ;


Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quatre.

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