3 juillet 2001
Cour de cassation
Pourvoi n° 98-17.016

Chambre commerciale financière et économique

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :


I - Sur le pourvoi n° V 98-17.016 formé par :


1 / la société Boisseau, société anonyme, dont le siège est ...,


2 / la société Deschamps, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,


3 / la société Desplace et Rollet, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,


4 / la société Entreprise Joseph Charpente, société anonyme, dont le siège est 71570 La Chapelle de Guinchay,


5 / la société Jacques X..., société à responsabilité limitée, dont le siège est 71960 Bussières,


6 / la société Martin Z..., société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,


en cassation d'un arrêt rendu le 3 avril 1998 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre civile), au profit :


1 / du Crédit mutuel, dont le siège est ...,


2 / de la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Sud-Est, dont le siège est ... de Lays, 69410 Champagne au Mont d'Or,


3 / de la Banque populaire Franche-Comté maçonnais et Ain, venant aux droits de la Banque populaire de Saône-et-Loire et de l'Ain, dont le siège est 1, place de la 1re Armée française, 25001 Besançon Cedex,


4 / de la société Fontenat, société anonyme, dont le siège est ...,


5 / de la société Maillard-Duclos, société anonyme, dont le siège est ...,


6 / de M. Maurice Y..., demeurant ..., pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Maillard-Duclos,


7 / de M. Bruno B..., demeurant ..., pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Maillard-Duclos,


8 / de M. Bernard A..., demeurant ..., pris en sa qualité de représentant des créanciers de la société Maillard-Duclos,


9 / de la société Garçon, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,


10 / de la société Tanton, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,


11 / de la société Ribaut, société anonyme, dont le siège est 01400 Chatillon-sur-Chalaronne,


12 / de la société Cuny, société anonyme, dont le siège est ...,


13 / de la société Pira, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,


defendeurs à la cassation ;


II - Sur le pourvoi n° U 98-17.176 formé par :


1 / la société Maillard Duclos,


2 / M. Y...,


3 / M. B...,


agissant tous deux en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Maillard-Duclos,


4 / M. A..., ès qualité de représentant des créanciers de la société Maillard-Duclos,


5 / la société Fontenat,


6 / la société Garçon,


7 / la société Tanton,


8 / la société Cuny,


EN PRESENCE :


1 / de la société Ribaut,


2 / de la société Pira,


en cassation du même arrêt rendu au profit :


1 / de la Banque populaire de Saône-et-Loire et de l'Ain, prise en la personne de son agence la Banque populaire Franche-Comté maçonnais et Ain,


2 / de la société Boisseau,


3 / de la société Deschamps,


4 / de la société Desplace et Rollet,


5 / de la société Entreprise Joseph Charpente,


6 / de la société Jacques X...,


7 / de la société Martin-Rebeuf,


8 / du Crédit mutuel,


9 / la Caisse régionale du crédit agricole mutuel (CRCAM) du Sud-Est,


defendeurs à la cassation ;


Les demandeurs aux pourvois n° V 98-17.016 et n° U 98-17.176 invoquent chacun, à l'appui de leurs recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;


LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 mai 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Viricelle, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la société Maillard Duclos, de MM. Y..., B..., A..., ès qualités et des sociétés Fontenat, Garçon et Cuny, de Me Odent, avocat des sociétés Boisseau, Deschamps, Desplace et Rollet, Entreprise Joseph Charpente, Jacques X... et Martin Z..., de la SCP Defrenois et Levis, avocat du Crédit mutuel, de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de la CRCAM du Sud-Est, de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la Banque populaire de Franche-Comté, du maçonnais et de l'Ain, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu leur connexité, joint les pourvois n° V 98-17.016 et n° U 98-17.176 qui attaquent le même arrêt ;


Donne acte à la SA Boisseau, à la SARL Deschamps, à la SARL Desplace et Rollet, à la SA Entreprise Joseph Charpente, à la SARL Jacques X... et à la SARL Martin Z... de ce qu'elles se sont désistées de leur pourvoi en tant que dirigé contre la SA Fontenat, la SA Maillard-Duclos, M. Y..., ès qualités, M. B..., ès qualités, M. A..., ès qualités, la SARL Garçon, la SARL Tanton, la SA Ribaut, la SA Cuny et la SARL Pira ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 avril 1998), que la SARL Résidence de l'Aubier a envisagé la construction d'un bâtiment et a constitué avec diverses personnes la SCI Condorcet afin de réaliser cette opération ; que, sur la base d'une étude prévoyant un financement des travaux à hauteur de 2 500 000 francs par les apports des associés et, pour le surplus, par le recours à des emprunts, la SCI Condorcet a contracté, par actes des 21 et 22 août 1990, trois prêts de 3 000 000 francs chacun auprès de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Sud-Est, de la Banque populaire de Saône-et-Loire et de l'Ain, et du Crédit mutuel de Bourg-en-Bresse, qui, en l'absence de pool bancaire ou de chef de file, ont débloqué les fonds entre les mains du maître d'ouvrage au fur et à mesure de l'avancement des travaux ; que la libération de la quasi-totalité des prêts ne suffisant pas, à partir du dernier trimestre 1991, à désintéresser l'ensemble des entreprises intervenues dans l'opération de construction, la SCI Condorcet, faute d'avoir pu obtenir des concours bancaires supplémentaires, a été mise en redressement judiciaire le 24 janvier 1992 ; qu'après avoir déclaré leur créance respective, un premier groupe de locateurs d'ouvrage, les sociétés ACPZ, Boisseau, Deschamps, Desplaces & Rollet, Joseph, Martin-Rebeuf et Merle, a demandé judiciairement aux trois banques l'indemnisation de leur préjudice

résultant de cette situation ; qu'un second groupe, les sociétés Fontenat, Maillard & Duclos, Garçon, Tanton, Ribaut, Ara, Cuny et Pira a présenté la même demande contre les mêmes établissements bancaires ; que ces diverses sociétés ont fait valoir que les banques avaient manqué de discernement, de prudence et de vigilance au niveau de l'octroi des prêts et du déblocage des fonds et qu'en relation directe de causalité avec le préjudice né pour chacune d'elles du défaut de paiement de leur créance résiduelle, ces fautes, constitutives de soutien abusif, engageaient la responsabilité des banques ;


Sur le premier moyen du pourvoi n° V 98-17.016, pris en sa première branche :


Attendu que la SA Boisseau, la SARL Deschamps, la SARL Desplace et Rollet, la SA Entreprise Joseph Charpente, la SARL Jacques X... et la SARL Martin Z... font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leur demande en paiement dirigée contre la Banque populaire de Saône-et-Loire et de l'Ain, la CRCAM du Sud-Est et le Crédit mutuel, alors, selon le moyen, que les banques ont l'obligation, préalablement à l'octroi de crédits, de vérifier sérieusement la situation financière de leur client et d'examiner la viabilité du projet qu'elles entendent financer ; qu'à défaut, leur responsabilité est susceptible d'être engagée à l'égard des tiers qui ont contracté avec la société emprunteuse, au vu de sa solvabilité apparente, surtout si cette société a fait ultérieurement l'objet d'une procédure collective ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a décidé que les banques n'avaient commis aucune faute en octroyant des prêts très importants à la SCI Condorcet, sans rechercher si elles n'avaient fait preuve d'une légèreté blâmable en négligeant de s'informer sérieusement sur la situation financière de leur cliente et sur la viabilité de l'opération immobilière envisagée, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;


Mais attendu qu'en retenant que le financement en cause avait été accordé au vu d'une étude de faisabilité approfondie de l'opération établie sur la base d'un devis descriptif et estimatif des travaux et prenant en compte la situation financière de l'associé majoritaire telle que résultant du bilan au 31 décembre 1990 et d'une situation provisoire au 30 avril 1991, révélant l'existence d'une trésorerie suffisante pour assurer l'apport en compte courant prévu et dont la libération ne constituait pas aux termes du contrat de prêt consenti par la Caisse de Crédit agricole et par la Banque populaire une condition préalable à l'octroi du crédit, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a pu décider que les établissements bancaires n'avaient pas commis de faute en octroyant les financements ; que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le premier moyen du pourvoi n° V 98-17.016, pris en sa seconde branche, et sur le second moyen du pourvoi n° U 98-17.176, pris en sa première branche :


Attendu que la SA Boisseau, la SARL Deschamps, la SARL Desplace et Rollet, la SA Entreprise Joseph Charpente, la SARL Jacques X... et la SARL Martin Z..., la SA Maillard-Duclos, M. Y..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA Maillard-Duclos, M. B..., ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA Maillard-Duclos, M. A..., ès-qualité de représentant des créanciers de la SA Maillard-Duclos, la SA Fontenat, la SARL Garçon et la SA Cuny font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leur demande en paiement dirigée contre la Banque populaire de Saône-et-Loire et de l'Ain, la CRCAM du Sud-Est et le Crédit mutuel, alors, selon les moyens :


1 ) que les banques ont l'obligation de vérifier que les fonds prêtés sont utilisés aux fins auxquelles ils avaient été destinés ; qu'à défaut, leur responsabilité peut être engagée à l'égard des tiers, qui ont contracté avec la société emprunteuse, au vu de sa solvabilité apparente, surtout si cette société a fait ultérieurement l'objet d'une procédure collective ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a décidé que les banques n'avaient commis aucune faute en négligeant de surveiller l'utilisation des fonds prêtés et destinés à financer progressivement les travaux effectués, a violé les dispositions de l'article 1382 du Code civil ;


2 ) que les banques, en leur qualité de professionnelles du crédit, ont l'obligation de vérifier l'affectation des fonds, objet du crédit, et de s'assurer que ces fonds ont bien été versés aux entrepreneurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a débouté les entrepreneurs de leur demande formée à l'encontre des banques, motifs pris de ce que les organismes bancaires ne se seraient pas engagés à contrôler l'utilisation et la destination effective des fonds ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1799-1 du Code civil ;


Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que les établissements bancaires ne s'étaient pas engagés à opérer un contrôle a posteriori de l'utilisation effective des fonds, a pu décider que les entreprises ne pouvaient leur imputer la responsabilité des détournements allégués ; que les moyens ne sont pas fondés ;


Sur le second moyen du pourvoi n° V 98-17.016, pris en ses deux branches :


Attendu que la SA Boisseau, la SARL Deschamps, la SARL Desplace et Rollet, la SA Entreprise Joseph Charpente, la SARL Jacques X... et la SARL Martin Z... font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leur demande en paiement dirigée contre le Crédit mutuel, alors, selon le moyen :


1 ) que, si les créanciers d'une société civile ne peuvent poursuivre le paiement de la dette qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale, cette prescription légale ne concerne que les actions intentées à l'encontre des associés de la société civile, et non les tiers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a décidé que le préjudice imputé au Crédit mutuel n'était qu'éventuel, dans la mesure où les locateurs d'ouvrage, dont l'action était pourtant dirigée à l'encontre des banques ayant octroyé abusivement des prêts à la société Condorcet, ne justifiaient pas avoir satisfait à la condition de vaine poursuite préalable posée par l'article 1858 du Code civil, a violé les dispositions de ce texte ;


2 ) que la condition de vaine poursuite préalable est satisfaite, dès lors que la procédure collective à laquelle se trouve soumise une société civile a laissé apparaître que la créance en cause ne serait pas payée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a décidé que le préjudice imputé au Crédit mutuel n'était qu'éventuel, les locateurs d'ouvrage ne justifiant pas avoir satisfait à la condition de vaine poursuite préalable posée par l'article 1858 du Code civil, alors qu'elle avait par ailleurs constaté que la SCI Condorcet avait été soumise à une procédure collective, à l'issue de laquelle les locateurs d'ouvrage, qui avaient régulièrement déclaré leurs créances, n'avaient pu voir leurs créances réglées, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations à l'égard de l'article 1858 du Code civil ;


Mais attendu que la cour d'appel a également retenu qu'en toute hypothèse, à supposer même que les banques aient commis une négligence en accordant les concours sollicités sans s'assurer de la libération totale des apports, elles étaient bien fondées à contester l'existence d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice invoqué par les demanderesses dont le montant, supérieur à 6 000 000 francs, excède très largement la part non libérée de la participation de la SCI au financement de l'opération, de l'ordre de 1 000 000 francs, et accrédite donc l'existence d'importants dépassements de prix et de devis de la part des entreprises qui ont ainsi pris le risque d'exposer des dépenses qu'elles savaient ne pas avoir été prévues dans le plan de financement ; qu'ainsi, l'arrêt se trouve justifié, abstraction faite du motif surabondant dont fait état le moyen ; que celui-ci ne peut donc être accueilli ;


Sur le premier moyen du pourvoi n° U 98-17.176, pris en ses deux branches :


Attendu que la SA Maillard-Duclos, M. Y..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA Maillard-Duclos, M. B..., ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA Maillard-Duclos, M. A..., ès-qualités de représentant des créanciers de la SA Maillard-Duclos, la SA Fontenat, la SARL Garçon et la SA Cuny font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leur demande en paiement dirigée contre la Banque populaire de Saône-et-Loire et de l'Ain, la CRCAM du Sud-Est et le Crédit mutuel, alors, selon le moyen :


1 ) que les banques, en leur qualité de professionnelles du crédit, sont tenues d'un devoir de contrôle et de diligence dans l'octroi d'un crédit important ; que les banques ont ainsi l'obligation de s'assurer que toutes les conditions de réalisation du chantier sont réunies ; qu'il est constant, et la cour d'appel le relève, que l'opération de construction litigieuse requérait, entre autres, un important apport financier des associés ; que, dans leurs conclusions d'appel, les entrepreneurs faisaient valoir que, si les banques s'étaient assurées, avant de débloquer les fonds, que les associés avaient eux-mêmes fourni leurs apports, elles auraient constaté que les associés n'avaient pas exécuté leurs obligations relatives aux apports en raison de l'état financier obéré des sociétés emprunteuses ; qu'ainsi, les banques n'auraient pas débloqué les fonds et augmenté le passif ; qu'en s'abstenant de

répondre à ce moyen déterminant, en ce qu'il rendait inopérants les motifs de la cour d'appel tirés de la supériorité du montant du passif sur celui des apports des associés, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


2 ) que les entrepreneurs ne commettent pas une faute dans la continuation et le dépassement des travaux que lorsqu'ils sont dans le cadre d'un marché à forfait ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a imputé aux entrepreneurs l'acceptation des risques inhérents au dépassement des travaux sans rechercher si l'on se trouvait dans le cadre d'un marché à forfait ; qu'ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil ;


Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que la libération ne constituait pas aux termes du contrat de prêt consenti par la Caisse de Crédit agricole et par la Banque populaire une condition préalable à l'octroi du crédit et qu'en ce qui concerne le Crédit mutuel, si les dispositions du contrat de prêt prévoyaient une vérification de sa part, les locateurs d'ouvrage n'étaient pas fondés à s'en prévaloir comme d'un fait générateur du préjudice sans justifier d'une mise en demeure préalable et vaine des associés ; que la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions invoquées ;


Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'avait pas à rechercher si l'on se trouvait dans le cadre d'un marché à forfait, dès lors qu'elle n'a pas retenu la faute des entrepreneurs mais a dit qu'en acceptant d'importants dépassements de prix et de devis, ils avaient ainsi pris le risque d'exposer des dépenses qu'ils savaient ne pas avoir été prévues dans le plan de financement ;


D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;


Sur le second moyen du pourvoi n° U 98-17.176, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :


Attendu que la SA Maillard-Duclos, M. Y..., ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA Maillard-Duclos, M. B..., ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SA Maillard-Duclos, M. A..., ès qualités de représentant des créanciers de la SA Maillard-Duclos, la SA Fontenat, la SARL Garçon et la SA Cuny font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leur demande en paiement dirigée contre la Banque populaire de Saône-et-Loire et de l'Ain, la CRCAM du Sud-Est et le Crédit mutuel, alors, selon le moyen :


1 ) qu'il résulte de l'article 202 du contrat souscrit auprès de la Caisse régionale du Crédit agricole et de la Banque populaire, ainsi que de l'article 10 souscrit auprès du Crédit mutuel que l'emprunteur devait justifier que l'emploi des fonds prêtés était fait conformément à la destination prévue aux contrats de prêt ; qu'ainsi, les banques avaient l'obligation de s'assurer de la destination des fonds et de leur affectation au chantier ; qu'en énonçant que les banques n'avaient pas l'obligation de contrôler la destination des fonds, la cour d'appel a dénaturé les termes des contrats susvisés, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;


2 ) que c'est à celui qui se prétend libéré d'une obligation de justifier du fait attestant sa libération ; qu'il incombe aux banques, professionnelles du crédit, de vérifier que les fonds, objets du crédit, ont bien été versés aux entrepreneurs ; qu'en faisant supporter aux entrepreneurs la preuve qu'il n'y aurait pas eu double paiement, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du Code civil ;


3 ) que, dans leurs conclusions d'appel, les entrepreneurs faisaient valoir que seule la somme de 7 millions leur avait été versée sur un prêt s'élevant à 9 millions de francs ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas dénaturé les contrats souscrits en constatant que les établissements bancaires ne s'étaient pas engagés à opérer un contrôle a posteriori de l'utilisation effective des fonds ;


Attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas inversé la charge de la preuve en décidant que les entreprises requérantes ne démontraient pas que les modalités de mise à disposition des fonds aient donné lieu à des doubles paiements ;


Et attendu, enfin, que les entrepreneurs n'ont tiré aucune conséquence précise du fait, indiqué dans leurs conclusions, que seule la somme de sept millions de francs leur aurait été versée sur un prêt de neuf millions de francs, en sorte que cette énonciation n'appelait pas de réponse de la part de la cour d'appel ;


D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE les pourvois ;


Condamne les demandeurs aux pourvois aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes du Crédit mutuel, de la CRCAM du Sud-Est et de la Banque populaire de Franche-Comté du maçonnais et de l'Ain ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille un.

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