13 février 2001
Cour de cassation
Pourvoi n° 98-16.397

Chambre commerciale financière et économique

Titres et sommaires

REGLEMENTATION ECONOMIQUE - prix - prix minimum imposé - prohibition exclusive - contrats et obligations - résolution et résiliation - résolution - contrat de franchise - révocation par consentement mutuel - possibilité qu'elle soit tacite

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par :


1 / M. Didier A...,


2 / Mme Martine Y..., épouse A..., demeurant ensemble ...,


3 / M. Richard X..., demeurant ..., ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire des époux A...,


4 / M. Michel Z..., demeurant ..., 80200 Peronne, ès qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire des époux A...,


en cassation d'un arrêt rendu le 19 mars 1998 par la cour d'appel de Douai (2ème chambre), au profit de la société en nom collectif Prodim, dont le siège est ...,


défenderesse à la cassation ;


Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;


LA COUR, en l'audience publique du 19 décembre 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Champalaune, conseiller référendaire rapporteur, MM. Leclercq, Poullain, Métivet, Mmes Garnier, Collomp, Favre, M. Cahart, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Boinot, Mme Gueguen, conseillers référendaires, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;


Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des époux A..., de MM. X... et Z..., ès qualités, de Me Odent, avocat de la société Prodim, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Douai, 19 mars 1998) que les époux A... ont signé le 31 mars 1987 avec la société Promodès, aux droits de laquelle vient la société Prodim, un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin d'alimentation; que le 30 octobre 1989, les époux A... ont signé un nouveau contrat de franchise avec la société Prodim pour l'exploitation d'un autre magasin, que par acte du 4 août 1992, la société Prodim a assigné les époux A... en paiement de factures, les époux A... formant des demandes reconventionnelles en nullité des contrats, résiliation aux torts exclusifs de la société Prodim, en répétition de sommes versées au titre desdits contrats et en dommages-intérêts ;


Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :


Attendu que les époux A..., M. X... en qualité d'administrateur au redressement judiciaire des époux A... et M. Z... en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire des époux A... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à voir dire nuls les contrats de franchise conclus les 31 mars 1987 et 30 octobre 1989, pour prix imposés, alors, selon le moyen :


1 ) que sont nulles les conventions qui ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché lorsqu'elles tendant à faire obstacle à la fixation du prix par le libre jeu du marché ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les époux A... étaient tenus de suivre la politique de vente tarifaire édifiée par la société Prodim même s'ils demeuraient libres de l'adapter dans le respect de l'image de l'enseigne ; qu'en rejetant néanmoins leur franchise tendant à voir prononcer la nullité des contrats de franchise, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 7 et 9 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;


2 ) que la cour d'appel a expressément constaté que, durant les campagnes publicitaires organisées par le franchiseur, les franchisés de la région concernée étaient tenus de suivre les prix annoncés ; qu'en déboutant les franchisés de leur demande au motif inopérant que, lors de ces campagnes, ils bénéficiaient eux-mêmes d'un tarif promotionnel, la cour d'appel a encore violé les dispositions de l'ordonnance susvisée ;


3 ) que la cour d'appel a expressément constaté que les franchisés, "tenus de suivre la politique commerciale de la société Prodim et de concourir à la bonne image de l'enseigne", se voyaient remettre, avec les produits commandés, des étiquettes préétablies par le franchiseur et comportant le prix "conseillé" par ce dernier ; qu'en déboutant les époux A... de leur demande au motif insuffisant qu'ils pouvaient modifier le prix de tel ou tel produit en confectionnant des étiquettes spécifiques, la cour d'appel a encore violé les dispositions susvisées de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;


4 ) que dans leurs conclusions devant la cour d'appel, les époux A... faisaient valoir que le système de prise de commande MSI, mis en place par la société Prodim, ne leur permettait pas de modifier les prix "conseillés" par le franchiseur ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande formée par les franchisés, à énoncer que selon le document produit par la société Prodim dont la véracité n'est pas contestée, le système MSCI comporterait une rubrique "changement de prix", sans rechercher si, en fait, les franchisés avaient effectivement accès à cette rubrique et s'ils en avaient été informés, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 7 et 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;


Mais attendu qu'en l'état du moyen des époux A... tel que soutenu en instance d'appel se prévalant de la prohibition des prix imposés résultant de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 442-5 du Code de commerce, la cour d'appel, qui relève qu'il n'est pas démontré par les pièces versées aux débats que la société Prodim imposait un prix de revente minimum qui seul est prohibé par l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, a pu statuer comme elle a fait et a par ce seul motif légalement justifié sa décision ;


Qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;


Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :


Attendu que les époux A..., M. X... en qualité d'administrateur au redressement judiciaire des époux A... et M. Z... en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire des époux A... font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à voir prononcer la résiliation des contrats de franchise aux torts exclusifs de la société Prodim et en conséquence, d'avoir rejeté leur demande en dommages-intérêts et répétition des cotisations indûment versées et de les avoir condamnés à payer diverses sommes au titre des cotisations et de la clause pénale, alors selon le moyen :


1 ) que dans leurs conclusions devant la cour d'appel, les franchisés faisaient valoir que le seul taux dont ils avaient eu explicitement connaissance était celui de 0,4 % du chiffre d'affaires prévu au contrat;


qu'ils


indiquaient encore que le procédé de la société Prodim consistant, d'une part à indiquer expressément un taux faible de cotisations et, d'autre part, à prélever sur le fondement d'"annexes" au contrat des sommes dont le montant, bien plus important, n'était pas mentionné, révélait la mauvaise foi et l'absence de loyauté du franchiseur dans l'exécution du contrat ;


qu'en se bornant, pour dire les franchisés malvenus à invoquer la mauvaise foi du franchiseur, à relever que les services proposés dans les "annexes" au contrat ne recoupaient pas ceux prévus au contrat de franchise et que le montant des cotisations leur a été communiqué mensuellement à compter de juin 1991, sans rechercher si la présentation du coût des cotisations n'était pas déloyale, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ;


2 ) que dans leurs conclusions devant la cour d'appel, les époux A... faisaient valoir que le franchiseur qui assurait la comptabilité et le paiement des factures et disposait d'une signature bancaire, était parfaitement informé de ce que le chiffre d'affaires généré ne permettait pas de payer le franchiseur, les marchandises et de laisser une marge suffisante aux franchisés ; qu'ils indiquaient encore que le franchiseur avait laissé perdurer cette situation dans le seul but de continuer à prélever des redevances, écouler des marchandises et maintenir une unité à son enseigne ; qu'en déclarant les époux A... seuls responsables de la résiliation du contrat de franchise, sans rechercher si le franchiseur, informé de la situation, n'avait pas, en laissant perdurer une activité déficitaire, commis une faute dans l'exécution du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ;


Mais attendu que l'arrêt constate que pour chacun des deux contrats de franchise, les époux A... avaient rédigé trois lettres manuscrites pour demander différents services commerciaux et comptables et ont reconnu avoir pris note du tarif afférent à ces services ;


que l'arrêt énonce qu'il résulte des comptes de gestion mensuels que les cotisations prélevées par le franchiseur n'ont jamais excédé et le pourcentage annoncé dans le compte d'exploitation prévisionnel pour les deux magasins, et le taux du barème dont les époux A... ont eu connaissance au moment de la signature des contrats en 1987 et 1989 ou qu'ils auraient dû réclamer au franchiseur, et qu'il n'est pas établi que le franchiseur ait abusé du système de gestion administrative, financière et commerciale accepté par les franchisés ; que l'arrêt relève encore que les époux A... au vu des comptes de gestion, avaient souvent dépassé les objectifs du franchiseur à


le Nouvin et ont été reconnus comme meilleurs franchisés 1991 dans le secteur alimentaire; qu'ayant ainsi décidé que les époux A..., avaient consenti au taux de rémunération de leur franchiseur, écarté la mauvaise foi de celui-ci dans l'exécution du contrat, et procédé à la recherche prétendûment omise de laquelle il résultait que la faute du franchiseur n'était pas établie, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;


Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :


Attendu que les époux A..., M. X... en qualité d'administrateur au redressement judiciaire des époux A... et M. Z... en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire des époux A... font encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande des franchisés tendant à voir prononcer la résiliation du contrat de franchise conclu le 30 octobre 1989, aux torts exclusifs de la société Prodim et de les avoir, en conséquence, déboutés de leur demande en dommages-intérêts, alors selon le moyen ;


1 ) que l'absence de mise en demeure du co-contractant d'exécuter ses obligations ne saurait caractériser la volonté des parties de mettre fin, par accord mutuel, au contrat ; qu'en déduisant la volonté commune des parties de mettre un terme au contrat, de la circonstance inopérante de ce que les franchisés n'avaient pas mis en demeure la société Prodim de reprendre ses livraisons, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;


2 ) que les juges doivent indiquer les pièces et écritures sur lesquelles ils fondent leur décision ; qu'en se bornant, pour dire que les parties ont entendu mettre un terme au contrat, à viser "l'ensemble du dossier", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


3 ) qu'en tout état de cause, la cour d'appel a constaté que la société Prodim avait, sans aucun motif, cessé unilatéralement et sans mise en demeure préalable, d'approvisionner le magasin d'Haussy ; qu'en déboutant les franchisés de leur demande de dommages-intérêts fondée sur le préjudice économique qui était résulté de cette faute, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1147 du Code civil ;


Mais attendu que la révocation d'un contrat par consentement mutuel peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges du fond ; qu'ayant estimé qu'à la suite de la rupture du premier contrat, les parties avaient entendu mettre un terme au second contrat, ce dont il résultait que cette résiliation d'un commun accord mettait fin à leurs obligations réciproques, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision qu'elle a motivée ; que le moyen, n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne les époux A..., MM. X... et Z..., ès qualités, aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Prodim ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille un.

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