7 mars 2001
Cour de cassation
Pourvoi n° 99-40.895

Chambre sociale

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par M. Franck Z..., demeurant ...,


en cassation d'un arrêt rendu le 16 décembre 1998 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), au profit :


1 / du Centre de gestion et d'étude AGS (CGEA) d'Amiens, délégation régionale AGS de la Champagne-Ardenne, dont le siège est ...,


2 / de l'AGS, dont le siège est ...,


3 / de M. X..., mandataire liquidateur de la société Etablissements Maurice Z..., société anonyme, domicilié ...,


défendeurs à la cassation ;


LA COUR, en l'audience publique du 17 janvier 2001, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Chagny, conseiller rapporteur, MM. Ransac, Bailly, conseillers, MM. Frouin, Richard de la Tour, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. Chagny, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens réunis :


Attendu que M. Héliot est entré au service de la société des Etablissements Maurice A... en 1979 ; qu'il a été nommé membre du directoire de la société le 22 avril 1981 et président du directoire le 1er avril 1988 ; que le redressement judiciaire de la société a été ouvert le 12 octobre 1992 et que sa liquidation judiciaire a été prononcée le 3 avril 1995 ; que M. Héliot a été licencié le 25 avril 1995 par le mandataire-liquidateur ; que l'AGS a refusé de régler ses créances ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;


Attendu que M. Héliot fait grief à l'arrêt attaqué (Reims, 16 décembre 1998) de l'avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :


1 / qu'il appartient à celui qui conteste le lien de subordination d'un mandataire social d'en rapporter la preuve ; qu'ayant relevé qu'était produit le contrat de travail signé avec la société A... pour l'exercice des fonctions de directeur commercial et administratif, puis que les membres du conseil de surveillance, lors de la nomination de l'intéressé en tant que membre du directoire, étaient tous de la famille Héliot, que lorsqu'il a été nommé président du directoire le conseil de surveillance était composé de membres de la famille Héliot, que cette famille détenait 42 076 actions sur 80 263, que M. Héliot disposait au sein du directoire d'une position privilégiée par le lien familial qui l'unissait à tous les membres du conseil de surveillance qui l'avaient nommé à sa fonction de président du directoire et qui étaient chargés de contrôler la gestion que le directoire faisait de la société, et par le fait que sa voix était prépondérante en cas de partage, la cour d'appel qui décide que le lien de subordination doit être démontré entre M. Héliot, directeur commercial et administratif, et le directoire de la société que lui-même présidait et qui retient que les éléments versés par l'intéressé n'établissent pas la réalité d'un lien de subordination entre M. Héliot, directeur commercial et administratif de la société A..., et le directoire de la société A..., qu'il présidait, cependant qu'il n'appartenait pas à l'intéressé de rapporter de telle preuve qui incombait aux ASSEDIC-AGS, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;


2 / qu'en retenant, pour dénier l'existence d'un lien de subordination, que l'intéressé, dont le contrat de travail était produit aux débats, avait été nommé membre du directoire par le conseil de surveillance, lequel était composé de Claudine Héliot, président, de Denise Héliot et Monique A... épouse G..., que le 1er avril 1988, lorsque M. Héliot avait été nommé président du directoire, le conseil de surveillance était composé de Daniel Héliot, président, qui occupait précédemment la fonction de président du directoire, de Claudine Héliot, de Monique A... épouse G... et de Florence A... épouse C..., que les membres de la famille Héliot détenaient la majorité (42 076) des 80 263 actions de la société A..., que le conseil de surveillance était composé uniquement de membres de la famille Héliot, qu'ainsi M. Héliot disposait, au sein du directoire d'une position privilégiée par le lien qui l'unissait à tous les membres du conseil de surveillance qui l'avaient nommé à sa fonction de président du directoire et qui étaient chargés de contrôler la gestion que le directoire faisait de la société, et par le fait que sa voix était prépondérante en cas de partage, la cour d'appel, qui se fonde sur les liens de famille unissant le salarié aux dirigeants et associés et les actions qu'il possédait, s'est prononcée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 93 de la loi du 24 juillet 1966 ;


3 / qu'il appartient à celui qui conteste l'existence d'un contrat de travail de rapporter la preuve de l'absence de lien de subordination ; qu'en affirmant que les seules dispositions du contrat de travail énonçant les tâches attribuées au directeur commercial et administratif et précisant qu'elles sont indépendantes et distinctes des fonctions de membre du directoire, ne suffisent pas à établir l'effectivité d'une activité salariée distincte de l'exercice du mandat social, lequel concernant l'ensemble de l'activité de la société englobait nécessairement l'activité spécifique de directeur commercial et administratif, que la perception de rémunérations distinctes n'est pas plus déterminante dans le rapport de cette preuve, que certes, Catherine E..., ancienne secrétaire de direction de l'entreprise, attestait que M. Héliot prenait régulièrement des instructions auprès des membres du directoire en matière de politique financière et technique mais que, citant l'exemple de la réalisation de plaquettes commerciales, elle emploie aussi les termes de l'absence de lien de subordination, sans préciser en quoi la prise régulière d'instructions ne caractérisait pas un lien de subordination, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 121 de la loi du 24 juillet 1966 ;


4 / qu'ayant constaté que le contrat de travail énumérait les tâches attribuées à M. Héliot en sa qualité de directeur commercial et administratif, qu'elles étaient indépendantes et distinctes des fonctions de membre du directoire, qu'il percevait des rémunérations distinctes au titre de son mandat social et de son activité salariée, que Catherine E..., ancienne secrétaire de direction de l'entreprise, attestait que M. Héliot prenait régulièrement des instructions auprès des membres du directoire en matière de politique financière et technique, la cour d'appel, qui, cependant, ajoute que cette dernière, citant l'exemple de la réalisation de plaquettes commerciales emploie aussi le terme de "commentaires" qui est étranger à tout lien hiérarchique, pour en déduire l'absence de lien de subordination sans préciser en quoi ce fait était de nature à remettre en cause l'attestation en ce qu'elle indiquait que M. Héliot prenait régulièrement des instructions auprès des membres du directoire, lesquels signaient les documents avant leur exploitation, ce qui caractérisait l'existence d'un lien de subordination, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121 de la loi du 24 juillet 1966 ;


5 / qu'ayant relevé que le contrat de travail énonçait les tâches attribuées à M. Héliot, précisant qu'elles étaient indépendantes et distinctes de ses fonctions de membre du directoire, qu'il percevait des rémunérations distinctes au titre de son activité de salarié et de son mandat social, qu'il résultait de l'attestation de Catherine E..., ancienne secrétaire de direction de l'entreprise, que M. Héliot prenait régulièrement des instructions auprès des membres du directoire en matière de politique financière et technique, qu'il ressortait enfin du courrier de M. D..., directeur des ventes, que M. Héliot soumettait pour approbation aux autres membres de la direction les contrats de vente qui ont été "finalisés" dans le cadre d'instructions reçues, tous éléments caractérisant l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel, qui affirme cependant que ces éléments n'établissent pas la réalité d'un lien de subordination, sans préciser en quoi de tels éléments ne permettaient pas de caractériser un lien de subordination, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et privé sa décision de base légale au regard de l'article 93 de la loi du 24 juillet 1966 ;


6 / que M. Héliot faisait valoir qu'aux termes de l'article 20 des statuts, les décisions étaient prises à la majorité des voix des membres du directoire en exercice, chacun d'eux disposant d'une voix, invitant la cour d'appel à constater que le directoire exerçait collégialement, par décision majoritaire, la direction générale de la société et avait la possibilité de lui donner des instructions et même de mettre fin à son contrat de travail ; qu'en affirmant que des quatre membres du directoire M. Héliot possédait 1 913 actions, Gilbert B... 100 et les deux autres membres, Gérard F... et Bernard Y..., aucune, que les membres du directoire sont, aux termes des statuts de la société, nommés par le conseil de surveillance qui désigne en outre le président du directoire, pour en déduire que M. Héliot disposait, au sein du directoire, d'une position privilégiée par un lien familial qui l'unissait à tous les membres du conseil de surveillance qui l'avaient nommé à sa fonction de président du directoire et qui étaient chargés de contrôler la gestion que le directoire faisait de la société, et par le fait que sa voix était prépondérante en cas de partage, la cour d'appel, qui retient notamment ces faits pour affirmer l'absence de rapport de subordination avec la société, s'est prononcée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 de la loi du 24 juillet 1966 ;


7 / qu'il résulte de l'article 20 des statuts que les décisions du directoire "sont prises à la majorité des voix des membres en exercice, chacun d'eux disposant d'une voix... en cas de partage la voix du président du directoire est prépondérante" ; qu'en retenant que le conseil de surveillance était composé uniquement des membres de la famille Héliot, laquelle détenait la majorité des actions de la société A... (42 076 sur 80 263 actions), des quatre membres du directoire M. Héliot possédait 1 913 actions, M. B... 100 et les deux autres aucune, pour en déduire qu'ainsi M. Héliot disposait au sein du directoire d'une position privilégiée par le lien familial qui l'unissait à tous les membres du conseil de surveillance qui l'avaient nommé à sa fonction de président du directoire, qui étaient chargés de contrôler la gestion que le directoire faisait de la société et par le fait que l'exposant avait 1 913 actions, cependant que les autres membres du directoire avaient, pour M. B..., 100 actions et les deux autres aucune, était de nature à caractériser l'absence de lien de subordination, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 121 de la loi du 24 juillet 1966 ;


Mais attendu qu'en vertu de l'article 604 du nouveau Code de procédure civile, le pourvoi en cassation tend à faire censurer la non-conformité de l'arrêt qu'il attaque aux règles de droit ;


Et attendu que, sous le couvert des griefs non fondés d'inversion de la charge de la preuve, défaut de motif, violation de la loi et manque de base légale, les moyens ne tendent qu'à remettre en discussion, devant la Cour de Cassation, les éléments de fait et de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond, qui, ayant estimé qu'aucun lien de subordination n'existait plus entre la société et l'intéréssé pendant l'exercice de son mandat social, ont pu en déduire que les créances fixées au passif de l'entreprise ne résultaient pas d'un contrat de travail et que l'AGS n'avait pas à les garantir ; qu'ils ne sauraient être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne M. Héliot aux dépens ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille un.

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