25 novembre 1998
Cour de cassation
Pourvoi n° 93-46.195

Chambre sociale

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par M. Eric Y..., demeurant ...,


en cassation d'un arrêt rendu le 12 octobre 1993 par la cour d'appel de Paris (22e chambre), au profit de la société Proxima, société anonyme, dont le siège est ...,


défenderesse à la cassation ;


LA COUR, en l'audience publique du 14 octobre 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Finance, Lanquetin, conseillers, MM. Boinot, Soury, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de M. Y..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Proxima, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :


Attendu que M. X... a été engagé, le 10 décembre 1986, en qualité de directeur de marketing, par la société gérance d'eau et immobilière devenue société Proxima ; qu'à la suite de son licenciement, intervenu le 4 juillet 1990, les parties ont conclu, le 12 octobre 1990, un protocole d'accord aux termes duquel le salarié s'est engagé "à un devoir de réserve sur tous les éléments dont il a eu connaissance dans le cadre de ses fonctions. En conséquence, il s'interdit de garder en sa possession, d'utiliser ou de divulguer hors de l'entreprise toutes informations sur la stratégie de l'entreprise (exemples : documents, fichiers, contrats, prix, etc..." ; qu'en soutenant que M. X..., qui était entré au service de la société Guerra Tarcy, avait manqué à ses obligations, la société Proxima l'a attrait devant la juridiction prud'homale en demandant sa condamnation à des dommages-intérêts ;


Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 1993) de l'avoir condamné au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la clause litigieuse, qui mettait à la charge du salarié une obligation de réserve quant aux éléments dont il avait eu connaissance au sein de la société Proxima ne pouvait être enfreinte du seul fait que le salarié avait conservé par devers lui certains documents sans divulgation de ceux-ci auprès de tiers ; qu'ainsi, la cour d'appel en reprochant au salarié d'avoir détenu un plan triennal établi pour une réunion du 23 avril 1990 sans répondre aux conclusions de celui-ci qui soutenait qu'il n'avait pas divulgué ce plan auprès de la société Guerra Tarcy, son nouvel employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que la clause de réserve interdisait au salarié d'utiliser des informations sur la stratégie de l'entreprise ; qu'en assimilant à de telles informations les qualités professionnelles des salariés qu'il aurait tenté de débaucher, la cour d'appel a dénaturé la clause et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, encore, que seul le débauchage massif de salariés constitue un acte de concurrence déloyale ; qu'ainsi en se bornant à retenir à la charge du salarié une tentative de débauchage de plusieurs cadres de la société Proxima, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; alors, enfin, qu'en allouant à la société Proxima une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts sans caractériser le préjudice qu'aurait causé à celle-ci la conservation par le salarié du plan triennal et la tentative de débauchage par celui-ci de cadres de l'entreprise, seuls éléments retenus à sa charge, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1147 et 1144 du Code civil ;


Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a constaté que le salarié avait conservé par devers lui divers documents émanant de son employeur dont un de nature confidentielle révélait des éléments sur la stratégie économique de l'entreprise ; que, par ce seul motif, elle a pu en déduire qu'il avait manqué à son obligation contractuelle lui faisant interdiction de garder un tel document obtenu dans le cadre de ses fonctions ;


Attendu, ensuite, que la cour d'appel a souverainement apprécié, par l'évaluation qu'elle en a faite, l'existence et l'étendue du préjudice qui en est résulté pour l'employeur ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne M. Y... aux dépens ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

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