25 novembre 1998
Cour de cassation
Pourvoi n° 94-19.350

Troisième chambre civile

Titres et sommaires

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - responsabilité - responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - désordres suivis d'une indemnisation - aggravation - infiltrations d'eau dans le gros oeuvre provoquant la désagrégation des ferraillages, aboutissement d'une évolution lente - réparation

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par M. C... Peigne, demeurant ...,


en cassation d'un arrêt rendu le 7 juillet 1994 par la cour d'appel de Rennes (4ème chambre), au profit :


1 / de la SCI ..., dont le siège est 23, boulevard Guist'Hau, 44000 Nantes, prise en la personne de son liquidateur Mme A...,


2 / de la société Zurich France, dont le siège est ...,


3 / de M. Y..., demeurant ..., pris en sa qualité de syndic de la copropriété de l'immeuble sis ...,


4 / des Assurances générales de France, dont le siège est ...



5 / des établissements Claude D..., dont le siège est : 44170 Marsac-sur-Don,


6 / de M. Alain Z..., demeurant ..., pris en sa qualité de syndic à la liquidation de biens de la S.A. établissements Grossin, dont le siège est...,


7 / de M. Bernard B..., demeurant ..., pris en qualité de mandataire liquidateur des établissements D...,


8 / de la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (S.M.A.B.T.P.), dont le siège est ...,


défendeurs à la cassation ;


Le Groupe Zurich France a formé, par un mémoire déposé au greffe le 10 janvier 1995 un pourvoi incident contre le même arrêt ;


Le demandeur au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;


Le demandeur au pourvoi incident invoque à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;


LA COUR, en l'audience publique du 20 octobre 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Nivôse, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Villien, Cachelot, Martin, conseillers, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. E..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Y..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la SCI ..., de Me Parmentier, avocat du groupe Zurich France, les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Donne acte à M. E... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Les Assurances générales de France, les établissements D..., M. B..., ès qualités et la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 juillet 1994), que la société civile immobilière du ... (SCI), maître de l'ouvrage, a, en 1970, sous la maitrise d'oeuvre de M. E..., architecte, chargé la société Grossin, depuis en liquidation des biens, assurée par la société Le Groupe Zurich France (groupe Zurich) de l'édification du gros oeuvre d'un immeuble vendu en l'état futur d'achèvement ; qu'après la réception prononcée le 24 juin 1972, des désordres sont apparus et ont fait après expertise l'objet d'une condamnation à réparation ; qu'une aggravation des désordres étant alléguée, le syndicat des copropriétaires a assigné le maître de l'ouvrage qui a formé divers recours en garantie ;


Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de le condamner in solidum avec la société Groupe Zurich à payer diverses sommes au syndicat des copropriétaires, alors, selon le moyen, "1 / que l'interruption de la prescription est, selon l'article 2247 du Code civil, qui a été violé, regardée comme non avenue si la demande est rejetée ; qu'il résultait du jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 8 décembre 1978, confirmé par l'arrêt définitif du 12 mars 1981, que l'action intentée pour défaut d'étanchéité des façades était irrecevable en raison de l'absence de dommage ; 2 / que, s'agissant de l'étanchéité des balcons, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 12 mars 1981, devenu définitif, a décidé que ce défaut, qui concernait le gros oeuvre, était un vice d'exécution imputable à la seule entreprise de maçonnerie qui garantirait la SCI de ce chef ; qu'ayant porté condamnation uniquement de cette dernière à garantir la SCI, la cour d'appel a décidé que n'était pas fondée sa demande contre l'architecte et qu'ainsi, l'interruption de la prescription devait être regardée comme non avenue ; 3 / que le désordre concernant l'étanchéité des façades n'ayant pas présenté la gravité décennale dans le délai décennal, l'aggravation postérieure de ce désordre n'était pas de nature à mettre en jeu les dispositions des articles 1792 et 2270 du Code civil, qui ont été violés, ensemble l'article 1351 du même Code ; 4 / également, qu'en prenant motif de ce que l'arrêt du 12 mars 1981 aurait écarté la demande en ce qu'elle était dirigée contre M. E... sur le terrain de la faute, ne mettant pas obstacle à ce que sa garantie puisse être recherchée sur le fondement de la présomption, la cour d'appel a dénaturé ledit arrêt motivé par le défaut d'imputabilité à l'architecte et a ainsi violé les articles 1134 et 1351 du Code civil ;


Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que les responsabilités invoquées contre les constructeurs étaient régies par les dispositions des articles 1646-1, 1792 et 2270 du Code civil en leur rédaction du 3 janvier 1967, que les décisions intervenues les 8 décembre 1978 et 12 mars 1981 constatant la présence d'infiltrations d'eau dans le gros-oeuvre au niveau des joints verticaux entre panneaux de balcons ou par des joints transversaux se traduisant inévitablement par des désordres visibles que la désagrégation des ferraillages à la jonction des sols de balcon et de panneaux de façade n'avait été que l'aboutissement d'une évolution lente mais évidente pour l'expert X... aggravant le désordre précédent, que de ces instances découlait la garantie définitivement accordée au syndicat des copropriétaires et relevé que le litige actuel ne concernait que l'extension du vice et qu'il incombait à l'architecte, dans ce contexte nouveau, en fait comme en droit, dans la mesure où il lui était opposé la présomption de responsabilité, de démontrer une cause étrangère exonératoire qu'il n'établissait pas, la cour d'appel a, sans dénaturation ni violation du principe de l'autorité de la chose jugée, légalement justifié sa décision de ce chef ;


Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis, ci-après annexés :


Attendu qu'ayant constaté que la dette des responsables était mal définie par l'arrêt de 1981, que le traitement des joints pouvait être tenu pour acquis et suffisant et que la SCI avait une difficulté évidente à préciser le montant de son obligation, la cour d'appel, qui n'a pas relevé que le comportement de la SCI était à l'origine de l'aggravation des désordres et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE les pourvois ;


Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. E... à payer à la SCI ... la somme de 9 000 francs ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et signé par Mlle Fossereau, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code civile prononcé en l'audience publique du vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

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