7 juillet 1998
Cour de cassation
Pourvoi n° 96-15.730

Chambre commerciale financière et économique

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par la société Cordat, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 24 janvier 1996 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section A), au profit :


1°/ de la société Allianz Via IARDT, dont le siège est 2, ...,


2°/ de la société Navigation et transports, compagnie d'assurances et de réassurances de risques de transports de toutes natures, dont le siège est ... V, 76067 Le Havre,


3°/ de la compagnie d'assurances Alpina, société anonyme, dont le siège est ... V, 76067 Le Havre,


4°/ de la compagnie Assurances générales de France (AGF) incendie, accidents, réassurances, transports, dont le siège est ...,


5°/ de la compagnie Rhône-Méditerranée, compagnie française d'assurances et de réassurances, dont le siège est ... de Suffren, 13002 Marseille Cedex 01,


6°/ de la société Imperial Chemicals Insurance LTD, dont le siège est C/O SC Lanoire et Chevillet, ...,


7°/ de la compagnie GAN incendie accidents, compagnie française d'assurances et de réassurances, dont le siège est ...,


8°/ de la société Guardian Risques, dont le siège est ...,


9°/ de la société La Réunion européenne, Union maritime d'assurances transports, dont le siège est ...,


10°/ de la société Assucom NV, dont le siège est Graanmarkt 2 B, 2000 Antwerpen (Belgique),


11°/ de la Compagnie européenne d'assurances industrielles (CEAI), société anonyme, dont le siège est ...,


12°/ de la société Fondiaria Assicurazioni SPA, dont le siège est ...,


13°/ du Groupe Concorde, dont le siège est ...,


14°/ de la société Norwich Union, Fire insurance sociéty LTD, dont le siège est ... V, 76067 Le Havre,


15°/ de la société Zurich internationale France, dont le siège est ... V, 76067 Le Havre,


16°/ de la compagnie Camat, compagnie d'assurances maritimes aériennes et terrestres, dont le siège est ... Paris Cedex 02, défendeurs à la cassation ;


La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;


LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 mai 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. Rémery, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Cordat, de Me Le Prado, avocat de la société Allianz Via IARDT, des compagnies d'assurances Navigation et transports, Alpina, Assurances générales de France, Rhône-Méditerranée, de la société Imperial Chemicals Insurance LTD, de la compagnie GAN incendie accidents, de la société Guardian Risques, des sociétés La Réunion européenne, Assucom NV, de la Compagnie européenne d'assurances industrielles (CEAI), de la société Fondiaria Assicurazioni (SPA), du Groupe Concorde, de la société Norwich Union, de la société Zurich internationale France et de la compagnie Camat, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens, le second pris en ses quatre branches, réunis :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 1996), que la société Cordat a fait transporter sur le navire "Codan" des taureaux du port de Trieste (Italie) à celui de Djedda (Arabie Soudite) dont le déchargement a été refusé par les autorités sanitaires saoudiennes qui auraient décelé une maladie du bétail;


qu'après avoir appareillé à destination de Port-Saïd (Egypte), le navire a finalement pu débarquer sa cargaison à Beyrouth (Liban);


qu'ayant souscrit auprès de 16 compagnies d'assurance, dont les sociétés Allianz Via IARDT et Navigation et transports étaient apéritrices (les assureurs), une police d'assurance maritime sur facultés la garantissant contre certains risques du transport d'animaux vivants, la société Cordat leur a réclamé l'indemnisation de la perte de plusieurs bovins et du manque à gagner qu'elle a essuyés ;


Attendu que la société Cordat reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 17 des conditions générales de la police d'assurance, "lorsque l'un des événements énumérés à l'article 4 s'est réalisé ou est réputé s'être réalisé", l'assuré doit, sous peine de déchéance du droit à indemnité, "requérir l'intervention du commissaire d'avaries du Comité central des assureurs maritimes de France ou, à défaut, de tout organisme indiqué à la rubrique "commissaire d'avaries" des conditions particulières", ceci, "lors de l'arrivée des facultés au lieu de destination du voyage assuré";


qu'en reprochant à la société Cordat de n'avoir pas procédé à cette réquisition lors de l'arrivée du navire "Codan" au port de Djedda, lieu initial de destination du voyage assuré, sans rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, si, au terme de l'échange de télex et télécopie survenu entre le 29 août et le 4 septembre 1991, les parties au contrat d'assurance n'étaient pas convenues de proroger la couverture des risques garantis en substituant, moyennant le paiement d'une surprime par l'assuré, le port de Beyrouth au port de Djedda comme "lieu de destination du voyage assuré", d'où il résultait nécessairement que l'absence de réquisition d'un commissaire d'avaries au port de Djedda devait être tenue comme une circonstance totalement inopérante eu égard à l'application de l'article 17 de la police d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil;


alors, d'autre part, qu'aux termes du télex daté du "11 septembre 1991", les énonciations selon lesquelles "les animaux ont subi une inspection vétérinaire, ils ne présentent pas de maladie. Par contre, ils présentent un état de stress et de fatigue" émanaient, non pas des autorités sanitaires libanaises, mais de M. Abdel X...
Y..." acquéreur libanais de la marchandise;


qu'en énonçant que le télex du "4 novembre 1991" émanaient des "autorités sanitaires libanaises", la cour d'appel a dénaturé celui-ci et violé, par conséquent, l'article 1134 du Code civil;


alors, en outre, qu'en énonçant que, par courrier du 14 mai 1992, le conseil de la société Cordat aurait "approuvé" le diagnostic des "autorités sanitaires libanaises" contredisant le diagnostic initial des autorités sanitaires saoudiennes ayant constaté la survenance d'une maladie mortelle susceptible d'affecter à très court terme l'ensemble de la cargaison, et en déduisant que la preuve de la réalisation du risque ne se trouvait pas rapportée, la cour d'appel a soulevé d'office un moyen de droit sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations;


qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile;


alors, au surplus, qu'en énonçant que "la société Cordat ne démontre pas que le risque assuré est réel", sans rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, si, en adressant le 4 septembre 1991 une télécopie à la société Cordat, par l'intermédiaire de leur mandataire, la société LCA, aux termes de laquelle les assureurs, informés de la décision de rejet des autorités sanitaires saoudiennes, autorisaient la société Cordat "à vendre la cargaison en sauvetage à Beyrouth au prix de 520 USD la tonne", d'où il résultait nécessairement qu'à cette date, les assureurs avaient expressément reconnu la réalisation du risque garanti et avait, de plus, anticipé sur le règlement à venir de l'indemnité d'assurance en admettant déjà une valeur de sauvetage de la marchandise endommagée correspondant à la somme de 520 USD la tonne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 172-11 et suivants du Code des assurances;


et alors, enfin, qu'il ressort des constatations mêmes de l'arrêt que la société Cordat avait dû déplorer la mort de 17 des 577 taureaux dès avant l'arrivée du navire au port de Beyrouth et la maladie mortelle de 15 autres d'entre eux, ce préjudice étant évalué à lui seul à la somme de 29 933,44 USD;


qu'en énonçant que la société Cordat ne rapportait pas la preuve de la réalisation du risque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 172-11 et suivants du Code civil ;


Mais attendu, en premier lieu, que, pour retenir que la preuve de la réalisation du risque assuré n'était pas rapportée à l'issue du voyage à Beyrouth, l'arrêt ne s'est pas fondé exclusivement sur le telex mentionné à la deuxième branche, qu'il a, à tort, attribué directement aux autorités sanitaires libanaises, mais a aussi relevé, rendant ainsi sans incidence cette erreur, que, dans une lettre adressée aux assureurs, la société Cordat, sous la signature de l'un de ses conseils approuvait elle-même le diagnostic prêté à ces autorités sur l'absence de maladie du bétail;


que, ce faisant, la cour d'appel, contrairement à l'allégation de la troisième branche, n'a pas, non plus, soulevé d'office un moyen, dès lors que les assureurs faisaient état dans leurs conclusions de cette lettre, en en reproduisant le passage indiquant que les analyses du laboratoire central des autorités libanaises lors de l'arrivée du navire à Beyrouth confirmaient l'absence de trace de maladie ;


Attendu, en second lieu, que, loin d'encourir le grief de la quatrième branche, l'arrêt, effectuant la recherche prétendument omise, retient que le telex invoqué, qui se bornait à donner son accord sur "la vente en sauvetage de la cargaison au prix de 520 dollars la tonne", suivant la proposition faite par l'assuré lui-même, ne valait pas, conformément aux stipulations de la police sur les mesures de sauvetage, reconnaissance de garantie par les assureurs ;


Attendu, enfin, que la cour d'appel, après avoir estimé que la maladie de 15 bovins n'était pas établie, contrairement à l'une des allégations de la cinquième branche, a retenu, pour rejeter "le surplus de la demande d'indemnisation", c'est-à-dire celle concernant la mort de 17 autres, que la somme réclamée était couverte par le montant de la franchise, rendant ainsi la critique du moyen inopérante ;


D'où il résulte que, abstraction faite des motifs justement critiqués par la première branche, mais qui sont surabondants, le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société Cordat aux dépens ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.