8 octobre 1996
Cour de cassation
Pourvoi n° 92-44.302

Chambre sociale

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - définition - connaissance par le salarié du caractère déterminé - joueur sportif professionnel - travail reglementation - travailleurs étrangers - situation administrative - nationalité

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par l'association Club de basket-ball ESPE Chalons, dont le siège est ...,


en cassation d'un arrêt rendu le 1er juillet 1992 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), au profit de M. Mark X..., demeurant ...,


défendeur à la cassation ;


LA COUR, en l'audience publique du 18 juin 1996, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Merlin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Ferrieu, Monboisse, Mme Ridé, MM. Desjardins, Finance, conseillers, MM. Frouin, Boinot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, MM. Richard de la Tour, Soury, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre;


Sur le rapport de M. le conseiller Merlin, les observations de Me Guinard, avocat de l'association Club de basket-ball ESPE Chalons, de Me Ricard, avocat de M. X..., les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Attendu que M.Johnson, né à l'étranger, a été engagé le 15 mai 1990, en qualité de joueur professionnel français, par l'association Club de basket-ball ESPE Châlons-sur-Marne, pour la durée de la saison 1990-1991 débutant le 1er août 1990 et se terminant le 31 mai 1991; que, par lettre du 31 mai 1990 adressée au joueur, l'association a rompu le contrat;


Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :


Attendu que l'association fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer au salarié des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'il résulte de la réglementation de la Fédération française de basket-ball, à laquelle le Club Espe est impérativement lié, qu'il est réclamé aux joueurs français une fiche individuelle d'état-civil et aux joueurs "nés à l'étranger et ayant acquis la nationalité française", un certificat de nationalité délivré par le tribunal d'instance; que, pour dire que le salarié, né aux USA, n'était pas tenu de délivrer ce certificat, la cour d'appel a considéré qu'au sens de la loi française, le salarié n'avait pas "acquis" la nationalité française puisque celle-ci lui était "attribuée" par filiation maternelle; qu'en statuant ainsi, alors que la qualité de joueur français devait être interprétée non au sens de la loi française, mais par référence à la réglementation imposée par la fédération, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, l'article L.122-3-8, L. 124-4-4 et D. 124-1 du Code du travail; alors, encore, que, pour dire que la dénonciation du contrat intervenue en mai 1990 était prématurée, la cour d'appel a retenu qu'aux termes de la réglementation fédérale, la nationalité du licencié se constate au 1er septembre de la saison en cours; qu'en se déterminant de la sorte alors qu'elle constatait que le salarié n'avait justifié de sa qualité de français par filiation

maternelle que par la production d'un certificat de nationalité française, ce dont il résultait qu'à la date du 1er septembre 1990, le joueur n'avait toujours pas satisfait à son obligation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 122-3-8, L. 124-4-4 et D. 124-1 du Code du travail; alors, en outre, que, pour dire que le Club Espe ne pouvait se prévaloir d'aucune incertitude sur la nationalité du salarié, né aux USA, l'arrêt a énoncé que dès l'origine, le club avait connaissance du passeport français délivré deux ans plus tôt par le consulat de France à Los Angelès; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si compte tenu de la qualité de Français dont il se prévalait, le salarié ne devait pas fournir la fiche individuelle d'état civil alors exigée par la réglementation de la Fédération française de basket-ball, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.122-3-8, L. 124-4-4 et D. 124-1 du Code du travail;


Mais attendu que la cour d'appel a relevé que, dans la lettre de rupture, l'association n'avait pas fait allusion à une difficulté liée à la nationalité du joueur, que ce dernier n'a jamais été mis en demeure de justifier de sa nationalité avant la rupture du contrat intervenue dès le 30 mai 1990 et qu'aux termes de la réglementation de la Fédération française de basket-ball, la nationalité, pour l'attribution de la licence de joueur, ne se constate qu'au 1er septembre de la saison en cours; qu'en l'état de ces constatations, elle a, en décidant que l'employeur avait rompu prématurément et abusivement le contrat de travail du salarié, légalement justifié sa décision;


Mais sur le moyen relevé d'office :


Vu les articles L. 122-1-1, L. 122-3-4, L.122-3-8 et D. 121-2 du Code du travail alors en vigueur;


Attendu que, pour accorder au salarié une indemnité de précarité, la cour d'appel, après avoir retenu que le contrat était à durée déterminée dans un secteur d'activité, le sport professionnel, où il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, énonce que ce contrat a été rompu prématurément et abusivement et qu'il est dû au salarié le montant des rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat;


Qu'en statuant ainsi, alors qu'en vertu de l'article L. 122-3-4 du Code du travail, l'indemnité de fin de contrat n'est pas due, notamment pour les emplois pour lesquels dans certains secteurs d'activité, comme le sport professionnel, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de l'emploi, la cour d'appel a violé les textes susvisés;


Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile et de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions allouant au salarié une indemnité de fin de contrat qualifiée d'indemnité de précarité, l'arrêt rendu le 1er juillet 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Reims;


Dit n'y avoir lieu à renvoi ;


Déboute le salarié de sa demande en paiement de la somme de 8 500 francs à titre d'indemnité de fin de contrat;


Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X...;


Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Reims, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale , et prononcé par M. le président en son audience publique du huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-seize.

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